Les Nations Unies défendent comme valeurs les principes universels fondamentaux tels que la démocratie, les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales, lesquelles se retrouvent dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (1948). Les atteintes à ces principes fondamentaux sont de plus en plus nombreuses, qu’il s’agisse de conflits, lors desquels on observe une suspension de ces règles (particulièrement à l’encontre de populations spécifiques, réfugiés, minorités, prisonniers, femmes, enfants…) mais cela concerne aussi le droits des conflits et les conventions de Genève.
Nombreux sont les conflits (Palestine au Proche-Orient, Haut-Karabakh dans le Caucase, Yémen dans la péninsule arabique) qui bafouent les droits élémentaires pourtant dus et garantis aux populations selon le Droit international public, ou le minimum de droits civiques reconnus en démocratie. C’est ce constat dramatique qui a poussé l’Académie de Géopolitique de Paris et son Conseil scientifique, fidèles à leur vocation d’animer librement des débats sur des thématiques qu’ils veulent analyser de façon originale, à organiser mardi 12 décembre dans leurs locaux le colloque « Les droits humains, la démocratie et la paix », afin d’interroger le droit applicable en la matière, les institutions comme l’ONU, de recenser les conflits concernés et de proposer des pistes de recouvrement de l’état de droit, de la démocratie et de l’application des principes des Droits de l’Homme.
L’Académie a donc choisi de faire appel aux intervenants et experts les plus pertinents et ouverts possibles sur la question. Ils ont pu s’exprimer, débattre et confronter leurs divers points de vue, ouvrant la voie à de nouvelles pistes de recherche qui enrichiront certainement la connaissance scientifique. Échanger autour de ce sujet, autant sensible qu’actuel, fut un moment unique pour tous les participants
Monsieur le Président de l’Académie de Géopolitique de Paris Ali RASTBEEN a pris la parole en ouverture du colloque, après avoir accueilli les intervenants, les invités et l’audience. Il s’est exprimé sur le sujet : « Droits humains et architecture internationale de paix ».
Les « Droits de l’Homme » ont longtemps servi de principe structurant et indépassable du discours européen et sont issus de la philosophie des Lumières, apparue en Europe occidentale autour de 1750. Ils sont consacrés pour les premières fois dans la Constitution des États-Unis (1783) et de la France (1791). L’Histoire des Droits de l’Homme connaît quatre périodes : la période de lente mais constante progression jusqu’au début du 20ème siècle ; la période des grandes conférences internationales pour la paix et des tentatives de règlement des conflits par l’arbitrage international qui s’ouvre au début du 20ème siècle ; la période du rêve onusien, gelé par la Guerre froide à partir de 1949 et pendant quarante ans ; la période post-Guerre froide depuis 1990, qui présente le paradoxe d’un effacement relatif des Droits de l’Homme, les territoires gagnés par la violence n’ayant cessé d’augmenter, et en même temps l’affirmation toujours plus vive de nouveaux droits (droits humains, droits des minorités, de l’environnement…). C’est dans ce contexte d’instabilité et d’incertitude croissantes qu’est apparu dans les années 2000 le concept de « Sécurité humaine », qui élargit et approfondit le concept classique de sécurité tout en constituant une approche de la politique étrangère « axée sur les personnes ». Il s’agit de dépasser une vision strictement « nationale » de la sécurité, en ne concevant plus la sécurité comme uniquement celle de l’État vis-à-vis de l’extérieur mais aussi celle de l’individu à l’intérieur de ses frontières, ce qui implique la satisfaction de ses besoins primaires de sécurité. Les théoriciens de la « Sécurité humaine » mettent en évidence les liens complexes et souvent ignorés entre Droits de l’Homme, désarmement et développement. Ce concept soulève toutefois des critiques ainsi que des difficultés analytiques, qui divisent les chercheurs de ce domaine.
Après deux siècles de luttes souvent acharnées contre les conceptions philosophiques et politiques alternatives, l’idéologie des Droits de l’Homme semble s’être acquise une victoire décisive sur ces dernières et se trouve plus que jamais à la source de l’ordre juridique international actuel. Mais cette victoire serait-elle plus fragile et provisoire que ne l’avaient espéré ou pensé les pères fondateurs ou l’élite dirigeante des démocraties occidentales ? Les débat sur le périmètre et le bien-fondé des droits humains attestent en tout cas de la variété et la vigueur des visions alternatives du monde. À l’intérieur même des démocraties occidentales, les nouvelles réflexions autour des droits humains ou environnementaux, voire les droits de la nature et des êtres vivants, attestent du caractère insuffisant et sans doute parfois inadéquat d’une approche fondée exclusivement sur la considération de l’Homme et de sa dignité.
Enfin, le blocage du système onusien témoigne de l’inadéquation de ce système à la nouvelle donne géopolitique mondiale. De toute évidence, il faudra une volonté puissante de réforme et de refondation, adossée à une capacité imaginative supérieure et à une force d’entraînement hors norme, si l’on veut donner au système existant un nouvel élan et poser les bases d’une architecture de paix et de sécurité susceptible de relever les grands défis du XXIème siècle.
Monsieur Pierre JOXE, Magistrat honoraire, Membre honoraire du Conseil constitutionnel, ancien Ministre de l’industrie, de l’intérieur, de la Défense. Son intervention s’intitule : « Trois anniversaires : Bill of Rights, 1689, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1789, Convention internationale des droits de l’enfant, 1989 ».
Les Droits de l’Homme, fierté française, comportent une double restriction : oubli de la moitié féminine du genre humain, et oubli des esclaves, encore nombreux à l’époque. Les femmes entreront dans les Droits de l’Homme (1948) et l’esclavage sera définitivement aboli par la Seconde République (1848). En 1990, l’Assemblée générale de l’ONU élargit encore le champ en disant les « droits humains ». Moins connues sont la Convention internationale des droits de l’enfant (1959) et la Déclaration des droits de l’enfant (1974), qui marque « la profonde préoccupation (de l’assemblée générale) devant les souffrances des femmes et enfants de la population civile qui, en période d’urgence ou de conflits armés dans la lutte pour la paix, l’autodétermination, la libération nationale, l’indépendance, sont trop souvent les victimes d’actes inhumains et subissent ainsi de graves préjudices ». Dans le contexte des massacres en cours à Gaza, qui touchent particulièrement femmes et enfants (bombes, effondrements, destructions massives) il semblerait que cette déclaration date de la semaine dernière, alors qu’elle a un demi-siècle ! La politique de sanctions unilatérales des États-Unis touche avant tout les populations les plus vulnérables du pays sanctionné.
Monsieur Michel RAIMBAUD, Ancien ambassadeur de France, ancien Directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, est intervenu sur le sujet : « Les Droits de l’Homme vus de l’Occident ».
L’Occident se présente comme l’inventeur de la démocratie, le modèle en matière de libertés et Droits de l’Homme, rebaptisés « droits humains ». Depuis qu’en 1945 l’Amérique a pris le relais de la vieille Europe, cette conviction est devenue virale. Les dirigeants du nouveau « peuple élu », clone d’Israël, se sont imprégnés du mythe cher aux colonialistes : ils doivent « guider le monde », cette mission civilisatrice permettant d’imposer les « règles » de leur invention en faisant fi du droit onusien, au besoin par la force.
400 interventions armées ont été engagées à ce jour par les États-Unis de leur indépendance (1776), dont 250 depuis la Seconde Guerre mondiale, plus de 100 depuis la fin de la Guerre froide (en 1991) dans le seul Grand Moyen-Orient. Au nom de la démocratie, des libertés, des droits de l’homme, etc., les « Printemps arabes », fomentés de concert avec l’Union Européenne, Israël et autres proxies, auront été autant de guerres d’agression, crimes par excellence passibles de Nuremberg, autant de violations massives des Droits de l’Homme.
La ruine du Droit international se traduit aussi par celle des droits et libertés chez les agresseurs, où il est « conseillé » de justifier le crime : cacher que l’éruption du 7 octobre 2023 constitue un soulèvement (le troisième) des Palestiniens face à l’usurpation, l’oppression, la colonisation, le génocide permanent méthodiquement mené par les sionistes depuis 1948, soutenus par l’Occident, ne serait-il pas une participation au dit génocide ?
Monsieur Jacques MYARD, Maire de Maisons-Laffitte, Membre honoraire du Parlement, est intervenu sur le sujet « Les droits humains en France et dans le monde ».
Dans le village planétaire d’aujourd’hui, véritable jungle où les conflits succèdent aux conflits, évoquer les droits humains, leur protection, semble être un vain défi, un défi impossible. Sans tomber dans un chauvinisme juridique, la protection des droits humains, de la dignité humaine, relève – en France dans l’ordre constitutionnel – de l’application de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 24-26 Août 1789, qui est devenue un texte de valeur constitutionnelle. Elle fonde la conception universelle des droits de l’Homme, ou aujourd’hui des « droits humains ». La personne humaine a une dignité en raison de son existence même. Malheureusement, cette conception universelle n’est pas acceptée par toutes les cultures, voire toutes les civilisations, du village planétaire. C’est là le défi que le genre humain doit relever, et que j’aimerais que la France relève.
Monsieur Alain CORVEZ, Conseiller du général commandant la force des Nations-Unies au Sud-Liban (FINUL), Conseiller en relations internationales au Ministère de l’Intérieur et Conseiller en stratégie internationale, est intervenu sur le sujet « Les puissances et les droits humains ».
Dans sa lettre du 24 novembre 2023 sur l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », le prêtre syrien Elias Zahlaoui écrit cette phrase terrible : « Désormais, tout le monde se rend bel et bien compte, que ce qui s’appelle la Charte des Nations-Unies, n’était rien moins qu’un leurre ! Ainsi que ce qui s’appelait les Nations- Unies, le Conseil de Sécurité et toutes les organisations soi-disant internationales, ne sont en fait que des instruments au service des Puissants de ce Monde ! ».
Oui, ce colloque de l’AGP est d’une brutale actualité : les crimes perpétrés par Israël malgré les cris du monde entier, incapable de les faire cesser, prouvent que les Droits de l’homme et la démocratie ne sont que des terminologies creuses dénuées de tout contenu réel, et il est grand temps d’en faire le constat et de mettre un terme à cette mystification. C’est ce que les puissances montantes, pour la plupart réunies dans les BRICS, ont commencé à faire en rappelant, les principes fondamentaux qui doivent régir les relations entre les nations. Le monde nouveau va abattre les mondialistes du Nouvel Ordre Mondial (NOM), en s’appuyant sur les valeurs fondamentales de l’espèce humaine, que des conférences comme celles de Téhéran les 10 et 11 mai et du Cercle Valdaï les 4 et 5 octobre derniers à Sotchi ont rappelées.
L’ONU, « à moins de déchirer elle-même sa propre charte », comme le disait De Gaulle (le 27 novembre 1967 à l’Élysée), doit être capable de faire appliquer les lois internationales qui garantissent la paix entre les nations et les peuples. Le respect des souverainetés nationales doit s’appliquer conjointement avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les déchirements de pays réalisés par les stratégies destructrices de la puissance atlantique doivent être bannis (démantèlement de la Yougoslavie dans les années 1990, destruction de pays comme l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, tentative de destruction de la Syrie, du Yémen, ou encore embargos et sanctions unilatérales décrétées par la puissance dominante).
La « guerre contre le terrorisme », qui a été le prétexte pour de nombreuses interventions illégales, cessera dans la nouvelle géométrie du monde, d’autant plus que cette menace barbare a été créée, financée et soutenue par les services américains et israéliens avec le soutien des monarchies arabes de la péninsule, comme de nombreux documents en attestent maintenant. L’échec des outils militaires de l’Amérique pour sa domination du monde, en Ukraine comme en Palestine, annonce l’effondrement de cette puissance qui voulait régir le monde selon ses règles. Comme l’avait proposé l’ex-président de l’Iran Hassan Rohani (à l’ONU en septembre 2013 en faisant adopter par l’AG sa résolution, « Un monde contre la violence et l’extrémisme » ou WAVE en anglais), le monde doit retrouver les valeurs fondamentales qui rassemblent l’espèce humaine dans sa diversité de races, de cultures et de religions.
Suite à l’intervention de Monsieur CORVEZ, un premier débat a eu lieu entre les intervenants et l’audience a pu leur poser des questions. La deuxième partie du colloque a ensuite été démarrée, avec l’intervention de Monsieur JAFARI.
Monsieur Reza JAFARI, Président du mouvement Afghan Peace Dialogue, est intervenu sur le sujet « Droits de l’Homme et démocratie en Afghanistan ».
Les questions liées aux Droits de l’Homme et à la démocratie en Afghanistan ne sont pas seulement une affaire nationale et intérieure, et sont internationales dans de nombreux cas. La violation des Droits de l’Homme dans l’Histoire de l’Afghanistan résulte de différends politiques ainsi que de la quête du pouvoir et du recours à des guerres armées par différentes factions. La continuation des tragédies humaines en Afghanistan s’étend sur plus d’un siècle et, par rapport au reste du monde, il semblerait être le seul pays et la seule géographie où la violation des Droits de l’Homme est enregistrée quotidiennement.
La persistance des tragédies pendant un siècle rend appropriée la mention des années 2001 à 2021. Après le renversement des Talibans et la fin des années de guerre civile, un processus a temporairement arrêté la commission et la survenue de tragédies humaines, avec l’intervention de la communauté internationale et un accord sur l’installation d’un gouvernement républicain dans le pays. À cette période le peuple afghan a pris connaissance pour la première fois des Droits de l’Homme et de la démocratie, de ses droits civiques, responsabilités et compétences, individuelles ou collectives, par l’adoption d’une constitution. Les deux décennies suivantes furent uniques pour le peuple afghan qui a pu durant cette période accéder aux fondements des valeurs humaines et civiques, collectives comme individuelles. Cependant, il fut aussi pendant cette période la cible d’attaques terroristes et de nombreux cas de violation des Droits de l’Homme se sont produits, allant du meurtre de personnalités aux tribunaux sommaires, en passant, pour les femmes, par les massacres systématiques.
La brièveté de l’expérience démocratique et des Droits de l’Homme en Afghanistan découle de politiques gouvernementales inadéquates et du fait que les investissements de la communauté internationale passaient par le gouvernement afghan. Une situation qui s’explique par l’absence d’efforts significatifs pour réformer les secteurs économiques et politiques, permettant ainsi aux autorités gouvernementales de contrôler pleinement toutes les ressources. Cette dynamique a conduit à une intégration incomplète et inefficace des principes issus des Droits de l’Homme et de la démocratie dans le tissu social et institutionnel du pays.
Couplée à l’insuffisance de la prise en compte par la communauté internationale, des perspectives et des besoins du peuple afghan pour l’avenir, cette faible intégration des Droits de l’Homme a malheureusement mené à une reprise du pouvoir par les Talibans et d’autres factions extrémistes. Cette situation, reconnue politiquement dans le cadre de l’ONU, marque une première dans l’Histoire contemporaine. Au cours de négociations directes, les droits de 30 millions de personnes ont été bafoués, comme en témoigne l’accord de Doha. Cette tentative de transformer les groupes talibans par des interventions internationales n’a fait que précipiter la chute du gouvernement républicain et l’établissement d’un régime taliban sous le nom d’ « Émirat islamique ». Sous ce régime, les valeurs humaines et collectives furent érodées, particulièrement les 16 millions de femmes, filles et enfants afghans, et des lois extrêmement rigides basées sur la Charia ont remplacé la constitution et les lois sur les Droits de l’Homme.
La perpétuation de l’Émirat islamique en Afghanistan peut être comprise dans le contexte plus large de mondialisation du terrorisme. L’implication des Talibans dans la politique mondiale et leur participation active aux conflits régionaux incarnent pleinement cette tendance mondiale. La situation actuelle souligne l’importance d’une approche politique plus stratégique et réfléchie pour l’avenir de l’Afghanistan. Il est essentiel que les organisations internationales des Droits de l’Homme et les entités gouvernementales internationales collaborent pour élaborer un plan d’action à long terme, suivi de mesures concrètes et efficaces.
Monsieur Louis BACHOUD, Président de Humaniv, est intervenu sur le sujet « Le droit des autres, les droits du vivant au service de l’humanité ».
La Déclaration universelle des Droits de l’Homme, plus les pactes des droits civils, économiques, sociaux et culturels ne peuvent rien contre la pauvreté. Or, tout commence par l’apport des droits primordiaux à l’Homme que sont l’eau potable, l’énergie, l’alimentaire, la santé et la mobilité. C’est quand ces besoins sont assouvis que la liberté et l’égalité peuvent être envisagées. Or aujourd’hui, 4 milliards de personnes, soit la moitié de l’humanité, sont pauvres avec moins de 6,85 dollars par jour. La gouvernance mondiale doit passer par cet axiome : « La liberté n’existe que lorsque je peux manger et boire pour devenir un homme ».
Monsieur Pierre DUTERTE, Écrivain, Médecin, Psychothérapeute et Superviseur, est intervenu sur « Les impacts psychologiques de la privation des Droits de l’Homme et les stratégies de résilience ».
Quand on maltraite quelqu’un, on abîme justement l’Homme dans ce qu’il a de plus profond. J’ai passé 30 ans à tenter de « réparer » des victimes de tortures et d’atteintes aux Droits de l’Homme. Il faut sortir de l’idée que les violences psychologiques seraient à séparer des violences physiques : pas d’atteinte physique sans choc ou effondrement (souvent) psychologique, et les neurosciences prouvent maintenant que toute atteinte psychologique entraine des dégâts physiques (cerveau, risques d’infarctus…). Si le stress post-traumatique n’est pas uniquement dû aux cas de torture, la particularité des atteintes aux Droits de l’Homme est surtout qu’elles se passent en tête-à-tête : quand on vous regarde en face et vous maltraite, quelque chose explose subitement dans la tête. La plupart des victimes, qui n’imaginaient pas possibles de faire subir de tels actes, deviennent ouvertes à rendre la pareille à leur tortionnaire si elles en avaient l’occasion… Les séquelles psychologiques ne s’effacent pas, contrairement aux cicatrices physiques (beaucoup d’entre elles) : elles peuvent durer longtemps, sembler encore toutes fraiches des décennies plus tard, et elles se transmettent, abîmant enfants et petits-enfants des victimes. Il n’y a pas de résilience possible sans un passage à une forme ou une autre de droit, et celle-ci nécessite de la thérapie (des thérapeutes et bénévoles formés au psycho-traumatisme) mais aussi un accueil convenable, un hébergement digne.
Monsieur Laurent LADOUCE, Chargé de recherches à la Fédération pour la Paix Universelle (FPU), Directeur de culture-et-paix, a pris la parole pour intervenir sur le sujet : « La dignité humaine, fondement des droits de la personne ».
Voilà 75 ans, le 10 décembre 1948, les Nations unies adoptaient la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Un comité de rédaction y avait travaillé pendant presque deux ans. Plusieurs rédacteurs eurent une influence décisive sur le texte : l’Américaine Eleanor Roosevelt, le Chinois Peng Chung Chang, le Libanais Charles Malik, le Canadien John Peter Humphrey et le Français René Cassin.
Avant la naissance de ce document, les États-Unis vécurent un élan culturel populaire porté par une idée élevée des droits de la personne humaine. Entré tardivement en guerre, le pays avait ensuite combattu sur deux fronts. Une effervescence collective (notion développée par le sociologue Émile Durkheim) galvanisa alors les élites américaines, de nombreux artistes, et la société civile. Trois slogans dominaient : la dignité humaine, les quatre libertés, le siècle de l’homme ordinaire.
Ces trois slogans imprègnent la Déclaration de 1948. Le conflit mondial avait certes aiguisé ce courant visionnaire mais il a ses racines dans l’histoire américaine. Ce courant inspira d’ailleurs largement la croisade de Martin Luther King pour les droits civiques. Son texte prophétique « Je fais un rêve » prolonger le Rêve Américain. Plus exactement, il oblige les Américains à faire aboutir un aspect de ce rêve. La Déclaration de 1948 a en effet ouvert les yeux des Américains sur certaines contradictions de leur contrat social, qui étaient restées gelées depuis la Guerre de Sécession.
Monsieur Ahsène ZEHRAOUI, Sociologue, Spécialiste des questions de migration, d’intégration, de diversité et de discriminations, Chercheur au CNRS, a axé son intervention sur « Les Droits de l’Homme au miroir des discriminations ».
Parler de discriminations est pertinent au vu de ce qu’il se passe en France et en Europe avec le développement des extrêmes et la désignation de l’autre comme bouc émissaire, ce qui n’est jamais bon pour une société. Les discriminations sont une atteinte manifeste aux Droits de l’Homme et touchent particulièrement les femmes, mais j’axerai mon intervention sur les droits des migrants issus des anciens d’Afrique anciennement colonisés, ou bien des « colonisés actuels » des DOM-TOM. Ces discriminations se sont développées, surtout à partir des années 1980 sous l’impulsion de l’extrême-droite, et prennent racine dans la crise multidimensionnelle (économique, sociale, identitaire, question de la mondialisation…) que vit la France. Au plan idéologique, la notion de Préférence nationale est contraire aux Droits de l’Homme, puisque l’égalité est un principe fondamental, et des discriminations institutionnelles (école, justice, police) existent d’après les sociologues. La situation rappelle les années 1930, la lepénisation des esprits est inquiétante, et le « Grand remplacement » est un fantasme zemmourien puisque la population étrangère totale en France ne dépasse pas les 12,5 %. Aujourd’hui la France est le pays de la Déclaration de 1789 mais pas celui de la pratique, et alors que l’immigration n’est pas un problème mais le révélateur des problèmes, leur miroir. Les Nations Unies ont engagé les luttes contre toutes les formes de discriminations dès 1963, et la France a à sa disposition tout un arsenal juridique et législatif (loi de 1972) national, européen et onusien, mais malgré cela les pratiques discriminatoires et le racisme ordinaire se sont développés. Les discriminations sont une atteinte aux Droits de l’Homme ainsi qu’à la cohésion nationale, sociale, au vivre-ensemble, à l’intégration, et ne permettent pas une cohabitation apaisée.
Après toutes ces riches et pertinentes interventions, les questions du public ont été prises. Un très intéressant débat s’en est suivi qui a permis aux intervenants de confronter leurs diverses opinions, en plus d’interagir avec l’audience. À l’issue de ce dernier débat, le Président de l’Académie de Géopolitique de Paris Monsieur RASTBEEN a mis fin au colloque, après avoir remercié tous les intervenants et l’audience pour leur active participation.