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Jean Dufourcq
Stratégiste, Jean Dufourcq est Contre-amiral en deuxième section, chercheur en affaires stratégiques, associé à l’Institut de stratégie comparée de l’École militaire à Paris (programme « Méditerranée occidentale ») et membre honoraire de l’Académie de marine. Il a été rédacteur en chef et secrétaire général de la Revue Défense Nationale et il est Directeur de la lettre bimensuelle d’analyse stratégique La Vigie (https://www.lettrevigie.com) dont il est le fondateur. Il a rédigé de nombreux articles dans les revues spécialisées et a notamment publié Paroles d’officiers (Paris, Fayard, 2011) et Engagez-vous, la relance stratégique de la France (Beychac-et-Caillau, Lavauzelle, 2015).
Résumé : L’ignorance de l’histoire russe et la suffisance politique des responsables stratégiques occidentaux actuels ont mené au piège de l’absurde guerre en Ukraine, comme une séquence obligée de l’histoire européenne et imposée par des puissances extra-européennes. Quelques pistes de perspectives pacifiées essaient in fine de s’insérer dans ce travail.
Mots clefs : Atlantisme, Conflictualité, Engrenage, Espace, États-Unis, Europe, Histoire, Russie, Sécurité collective, Ukraine, URSS.
Abstract: Ignorance of Russian history and the political pretentiousness of current Western strategic leaders have led to the trap of the absurd war in Ukraine, as an obligatory sequence in European history, imposed by non-European powers. A few avenues for a more peaceful future will be explored in this work.
Keywords: Atlantism, Conflictuality, Entanglement, Space, United States, Europe, History, Russia, Collective Security, Ukraine, USSR.
Alors qu’on se demande encore comment on a pu en arriver à cette opération spéciale de la Fédération de Russie en Ukraine fin février 2022, une agression militaire inacceptable d’un vieux pays du continent européen sur son voisin, il est utile d’enquêter sur l’âme russe.
Ordre et liberté, une enquête sur les éléments de l’âme russe
Pour ce faire, on a choisi de mettre en lumière une réflexion de Zygmunt Lubicz Zaleski dans le Mercure de France du 15 juin 1920, il y a un siècle. Voilà ce que l’on publiait à Paris sur la Russie pour inventorier la psychologie de ce grand pays qui avait vu les soviets triompher à Moscou en octobre 1917. Au passage, on relèvera le net soutien apporté alors par les vainqueurs franco-britanniques du IIe Reich de Guillaume II à la IIe République polonaise qui tente de récupérer par les armes les espaces perdus lors des partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle sur la future URSS qui veut réinvestir celui de la Russie impériale de 1914.
Un siècle après, l’Ukraine soutenue par des pays voisins d’Europe cherche à son tour à dégager son territoire de l’emprise de Moscou dans le Donbass. Comment a-t-on pu perdre en 2022 la mémoire de 1920 ? Comment a-t-on pu négliger à ce point ce que l’on devrait encore savoir de l’âme russe et de ses ressorts violents ? Pourquoi avoir négligé les avertissements de sécurité de Moscou à l’Otan depuis 15 ans ? Pourquoi Moscou s’est-il senti acculé à l’impasse stratégique de devoir soit céder soit défendre à mort les populations russes sous sa protection implicite ? À moins que cette guerre ne soit pas le choix des peuples d’Europe couturés de cicatrices d’une cohabitation belliqueuse séculaire, régulée depuis, mais celui de puissances extra européennes qui ont pris ce risque insensé pour des raisons idéologiques, stratégiques et mercantiles. C’est le thème d’une réflexion à paraître sur l’épreuve ukrainienne de l’Europe.
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