Mr. Karim IFRAK, Islamologue, historien des Textes et de la vie de la pensée dans les mondes musulmans. C.N.R.S, Paris,Qui a traité le sujet du wahhabisme et ses ramifications régionales et internationales.
Partie 6; Actes du colloque : Où va l’Arabie saoudite?
Le 10 mars 2016
Assemblée nationale :
Académie de géopolitique de Paris
Mr. Ifrak a dit : La disparition du Califat en 1924, la reconquête du pouvoir avec le soutien de « l’Ordre des Frères » en 1927, l’exploitation des gisements pétrolifères en 1938, permirent au royaume d’Arabie saoudite de s’imposer sur l’échiquier régional puis mondial grâce au pacte « pétrole contre protection » conclu en 1945. Mais la conquête du pouvoir, dans un contexte arabo-musulman, ne peut se pérenniser, sans une légitimité et un rayonnement religieux. Une légitimité que va se forger le royaume d’Arabie saoudite en s’appuyant sur l’idéologie wahhabite, celle-là même qui a soutenu la genèse du royaume, deux siècles auparavant.
Portée par le rayonnement de la monarchie dans la région, cette nouvelle idéologie musulmane toute saoudienne, ne manquera pas de se propager au sein des pays voisins, lentement mais inexorablement. Soutenue par un apport financier de plusieurs milliards de dollars, elle s’attela à contaminer, le plus possible, le reste du monde musulman et pas seulement. Une ambition qui passera d’une orientation locale à une orientation régionale, avant de muter vers un plan international, le tout par une simple advertance.
Dans son combat à mort contre le communisme, particulièrement, celui soutenu par Gamal Abd Nasser, au nom du panarabisme, le royaume d’Arabie saoudite, aidé de certains pays amis, se tourna vers « La Société des Frères Musulmans », fondée par Hassan al-Banna. Le choc avec la mécanique nassérienne, soutenue par le bloc communiste, fut brutal, anéantissant, dans son raz de marée, une bonne partie de la « Confrérie ». Complice des actions fréristes contre l’Égypte Nassérienne, l’Arabie saoudite, accueilli, en contrepartie, des milliers de « Frères » venus d’Égypte, mais également de Syrie et de Palestine. Aussitôt installés, les « Frères » se remirent au travail en faisant ce qu’ils savent faire le mieux : répandre leur idéologie islamiste qui appel à la renaissance du califat. Craignant le pire, les Al-Saoud décidèrent de réinvestir le terrain, en propageant, avec force, leur idéologie maison : le « salafisme wahhabite ». Grâce à l’apport des pétrodollars et en se reposant sur des infrastructures telles que les universités islamiques, la Ligue Islamique Mondiale et autres O.N.G à partir des années 60, les Al-Saoud disputèrent, à l’aide de cette nouvelle arme, chaque mètre carré conquis ou à conquérir par la « Confrérie ». Toutefois, l’idéologie wahhabite originelle, loin de savoir que le combat sera à la mesure des enjeux, allait faire face à trois opposants « maison » qui manqua la faire déraciner. Le wahhabisme de la « Jamaâ al-salafia al-mohtasiba », le wahhabisme « sourourite » et enfin le wahhabisme « sahawite ».
Quelle est donc cette arme idéologique qui n’a pas fini de noyauter une grande partie du monde musulman, mais également d’Europe et d’Afrique ? Quels sont les mécanismes qui ont permis sa propagation et les moyens humains et financiers investis par le royaume pour la développer et la pérenniser ? Mais surtout, victime de son propre succès, comment procède le royaume, aujourd’hui, à contrer ses effets indésirables et à soigner, autant que faire se peut, son image de marque ô combien ternie.