Ukraine : l’examen pour l’indépendance

Vadym OMELCHENKO

Président de l’Institut Gorshenin qui a quant à lui parlé de l’Ukraine

Décembre 2014

Cet article est une proclamation engagée d’un habitant de l’Ukraine sur la capacité de Kiev à surmonter les défis des domaines économique, politique, d’organisation de la décentralisation des pouvoirs et d’aménagement des territoires. Cela suppose une normalisation de ses relations avec la Russie et une grande confiance dans l’Union européenne.

AUJOURD’HUI L’UKRAINE EST DANS UN PROCESSUS fondamental de trans­formation. Le peuple ukrainien est en train de faire un choix civilisationnel entre les valeurs européennes et l’héritage post-soviétique. De la façon dont l’Ukraine pourra répondre aux défis d’aujourd’hui dépend sa préservation en tant qu’État. C’est pourquoi nous disons aujourd’hui que l’Ukraine passe de nouveau son exa­men pour l’indépendance.

En tant qu’ukrainien, nous voulons partager brièvement notre vue depuis l’in­térieur sur la situation en Ukraine.

En sept mois, l’Ukraine a fait son chemin depuis le Sommet de Vilnius, à travers le coup d’État, la Révolution dite de Maïdan, la chute du gouvernement, la forma­tion du pouvoir populaire, l’annexion de la Crimée, l’élection du Président de la République et la crise actuelle à l’Est du pays.

Pour l’Ukraine dans ces circonstances, il était surtout important d’obtenir un pouvoir légitime. Le nouveau Président a été élu au premier tour, sans participation ni de la Crimée ni des régions de l’Est, avec 54 % des votes. Aujourd’hui, il forme une nouvelle équipe pour réaliser des réformes. Quels sont les défis principaux aux­quels le nouveau pouvoir ukrainien fait face ?

  • Mettre la fin à la guerre à l’Est de l’Ukraine et normaliser ses relations avec la Russie
  • Stabiliser l’économie
  • Débarrasser le pays de la corruption
  • Mettre en place la réélection du parlement et des autorités locales
  • Réaliser la réforme de l’administration locale
  • Minimiser l’impact des oligarques sur la politique et l’économie en Ukraine

Quelques mots sur la situation à l’Est

14 % de la population de l’Ukraine sont concentrés à l’Est ainsi que 44 % de la métallurgie et 77 % de l’industrie minière. Les régions de Donetsk et de Lougansk, c’est la Vendée ukrainienne aujourd’hui, région la plus conservatrice traditionnel­lement la plus proche de la Russie en termes d’organisation sociale. Des oligarques et des monopolistes qui ne veulent pas de reformes et qui souhaitent garder des conditions préférencielles y sont basés aussi.

À notre avis, la situation est destabilisée et dirigée depuis la Russie. Le nombre des séparatistes armés s’approche aujourd’hui de 10 000 personnes. En plus des spécia­listes des services spéciaux russes, des mercenaires qui ont passé par la Transdenstrie, la Yougoslavie, l’Abchasie et la Chechenie y font la guerre. Ils conduisent la mobi­lisation des personnes pour la plupart criminelles mais aussi une grande partie des habitants locaux convaincus par la propagande russe.

La propagande sans précédent assurée par les médias russes est un facteur très important dans cette guerre. La propagande se propage sur l’ensemble du territoire ukrainien, mais paradoxalement, elle n’affecte que les gens dans des régions écon-miquement déprimées où les gens cherchent des réponses simples et des solutions simples. Les études sociologiques témoignent le changement dans les humeurs dans cette région. Si à l’étape initiale de l’agression une partie considérable de la popu­lation soutenait les séparatistes, aujourd’hui le soutien pour les séparatistes a baissé considérablement. En tout, 78 % en Ukraine soutiennent le pouvoir ukrainien, et ce n’est que 10 % qui soutiennent des forces pro-russes.

Il est connu que le Président Poroshenko a proposé son plan de paix, mais au­jourd’hui ce plan a capoté lors de la suspension d’armes unilatérale, quand les gué­rillas ont continué de tuer les gens. L’opération anti-terroriste continue aujourd’hui contre les populations rebelles de l’Est.

Un défi important est la conduite des élections parlementaires et locales. La composition actuelle du parlement ne correspond pas aux préférences de la société. Selon les sondages, si l’élection législative avait lieu aujourd’hui, certains partis qui ont été présents depuis des années dans la vie politique ukrainienne ne s’y retrou­veraient pas : le Parti des Régions, le Parti Communiste, le parti de l’extrème droite Svoboda. Néanmoins, ces partis sont représentés aujourd’hui au Parlement par des fractions nombreuses.

La mise en place rapide de la reforme de l’administration locale est aussi un défi très important. Le manque de pouvoir des provinces, y compris le manque de pouvoir financier, c’est une des raisons de la crise d’aujourd’hui.

Un défi très important pour le pays est aussi la minimisation de l’impact des oligarques ukrainiens sur la société et sur l’Etat.

Nous n’allons pas nous arrêter en détail sur le rôle du président Poutine dans la crise ukrainienne. Nous évoquerons seulement quelques clés qui sont importantes pour comprendre ses motivations. La plus simple, c’est la restitution de l’impire. Brzesinski a dit que l’impire russe n’est pas possible sans l’Ukraine. Mais à part l’influence politique et le maintien des États post-soviétiques dans son orbite, il y a aussi des raisons purement stratégiques. Le complexe militaro-industriel russe ne peut pas exister sans partenaires ukrainiens. Il y a une très belle analyse sur le complexe militaro-industriel à ce sujet, et la géographie des lieux d’instabilité en Ukraine coincide avec l’emplacement du complexe militaro-industriel ukrainien dont dépend le complexe militaro-industriel russe et la reforme militaire russe pour durer jusqu’à l’an 2020, n’est pas possible sans les entreprises du complexe militaro-industriel ukrainien. De même, le contrôle sur l’Ukraine est important du point de vue de la monopolisation du marché européen de l’énergie, notament le controle du gazoduc ukrainien et le blocage de l’extraction du gaz de schiste dont les dépôts se trouvent à l’Est, précisément là où la population est la plus favorable à la Russie qui y est active aujourd’hui.

Le 27 juin, L’Ukraine a signé l’accord de l’association avec l’Union européenne (UE). Ce même jour, les accords ont été signés avec la Géorgie et la Moldavie. Remarquez bien que tous ces trois États ont fait l’objet depuis ces dernières années de l’agression de la part de la Russie, et une partie de leurs territoures a été annexée. Si l’on cite encore un auteur d’une révolution, Vladimir Lenine, il disait que seule une révolution vaut quelquechose qui sait se défendre. Les citoyens de l’Ukraine ont démontré qu’ils sont prêts à sacrifier beqaucoup pour leur indépendence, y compris, sacrifier leurs vies. Nous sommes convaincus que l’Ukraine preservera son indépendance et sera en mesure de devenir un partenaire à part entière de la com­munauté des peuples européens.

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