QUELLE DIPLOMATIE DE L’UNION EUROPÉENNE POUR LA PALESTINE ?

Le Conseil scientifique de l’Académie de Géopolitique de Paris a organisé un colloque sur la diplomatie de l’Union européenne vis-à-vis de la question palestinienne, mardi 18 mars 2025 à Paris, au 5 rue Conté. Ce colloque entreprend de passer en revue l’ensemble des thématiques géopolitiques et diplomatiques concernant le positionnement de l’Union européenne sur la guerre en Palestine.

La diplomatie européenne a alterné entre une certaine retenue dans son engagement pour la cessation des combats à Gaza puis l’organisation du retour et du maintien plus durable de la paix en Palestine, avec le rappel des principes du Droit international public exprimés notamment dans les résolutions des Nations Unies. Cette ambivalence s’explique par plusieurs facteurs, dont la division dans le positionnement des États membres de l’UE, la force de l’opinion internationale sur ces mêmes gouvernements et le caractère exceptionnellement tragique des destructions et des crimes commis depuis un an. 

Principale donneuse d’aide humanitaire dans la zone, l’Union européenne ne compte cependant pas parmi les puissances décidant du règlement pacifique du conflit et est négligée par les grandes puissances. C’est à l’aune de sa capacité à faire respecter le Droit international et les principes de souveraineté et de justice, pour imposer un règlement de maintien durable de la paix et d’application équilibrée des notions de libre détermination des peuples à choisir ses représentants et à accéder à la souveraineté et à l’indépendance, que l’Union européenne pourra retrouver une cohérence entre son action diplomatique et l’application de ses principes concernant l’objectif de la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967 et respecté par tous les membres des Nations Unies, la confirmation d’une solution à deux États reprenant l’expression « La terre contre la paix », d’un travail d’unification, d’une politique de sanctions internationales contre l’expansion des colonies, la captation des terres arabes et la progression juive dans les quartiers de l’Est, etc.  

Dr. Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris

« La politique européenne face au conflit israélo-palestinien »

La politique européenne désigne l’ensemble des décisions, stratégies et actions mises en œuvre par l’Union européenne (UE) et ses États membres dans divers domaines. Elle repose sur un équilibre entre la souveraineté des États membres et les décisions prises en commun à l’échelle de l’UE, et évolue en fonction des défis contemporains tels que la crise migratoire, les tensions géopolitiques ou la transition écologique.

La politique européenne se divise en plusieurs grands axes :

La politique institutionnelle , la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la politique économique et monétaire, la politique commerciale

Les politiques sectorielles : Politique agricole commune (PAC), politique régionale et de cohésion, politique environnementale, politique énergétique, la politique migratoire et d’asile, la politique sociale et des droits fondamentaux

L’Union européenne entretient des relations complexes avec la Palestine, marquées par des engagements diplomatiques, économiques et humanitaires de longue date.

La Palestine : Contexte et situation actuelle

La Palestine est une région historique du Moyen-Orient, au cœur d’un conflit géopolitique majeur entre Israéliens et Palestiniens.

La Palestine aujourd’hui :

  • Elle est représentée par l’Autorité palestinienne (en Cisjordanie) et le Hamas (à Gaza).
  • L’État de Palestine est reconnu par plus de 130 pays et est membre observateur de l’ONU, mais n’a pas encore de pleine souveraineté.
  • Le territoire est divisé en deux principales zones :
    • La Cisjordanie, partiellement administrée par l’Autorité palestinienne mais occupée en grande partie par Israël.
    • La bande de Gaza, contrôlée par le Hamas et soumise à un blocus israélien.

Le conflit israélo-palestinien :

  • Il trouve ses origines à la fin du 19ᵉ siècle avec le sionisme et l’opposition arabe à l’établissement d’un État juif en Palestine.
  • En 1948, après le retrait britannique et la création d’Israël, une guerre éclate, entraînant le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens (la Nakba).
  • Depuis, de nombreuses guerres et soulèvements (Intifadas) ont eu lieu, sans qu’une solution définitive ne soit trouvée.

La Palestine est donc une entité politique et territoriale au cœur d’un conflit complexe, avec un statut international toujours débattu.

Les relations entre l’Union européenne et la Palestine

Les relations entre l’Union européenne et la Palestine sont établies depuis 1975, date à laquelle l’UE a entamé un dialogue avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). L’UE est un membre actif du Quartet pour le Moyen-Orient et figure parmi les principaux donateurs d’aide étrangère à l’Autorité palestinienne.

Reconnaissance de l’État de Palestine : Onze des vingt-sept États membres de l’Union européenne reconnaissent officiellement l’État de Palestine. En 2014, la Suède a été le premier pays à le faire en tant que membre de l’UE. En mai 2024, l’Irlande et l’Espagne ont également reconnu l’État de Palestine, suivies par la Slovénie en juin 2024.

Engagement diplomatique et soutien à la solution à deux États : Depuis la déclaration de Venise en 1980, l’Union européenne reconnaît le droit à l’autonomie des Palestiniens et soutient la participation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) aux initiatives de paix. L’UE est favorable à une solution à deux États, avec un État d’Israël et un État palestinien coexistant en paix et en sécurité. Cette approche a été réaffirmée récemment, notamment lors de discussions avec des représentants israéliens.

L’Union européenne maintient un bureau de représentation à Ramallah, accrédité auprès de l’Autorité palestinienne. De son côté, l’OLP dispose d’une délégation générale à Bruxelles, accréditée auprès de l’Union européenne.

Aide financière et humanitaire : L’Union européenne est l’un des principaux donateurs de l’Autorité palestinienne, fournissant une aide financière substantielle pour soutenir le développement économique, les infrastructures et les services sociaux dans les territoires palestiniens. Cette assistance vise à améliorer les conditions de vie des Palestiniens et à renforcer les institutions locales. Depuis le début du processus de paix en 1994, l’UE, y compris les contributions individuelles de ses membres, a fourni environ 10 milliards d’euros aux Palestiniens. Cette assistance économique représente le programme d’aide étrangère par habitant le plus élevé de l’Union européenne. En réponse aux crises humanitaires, l’UE a annoncé une aide de 120 millions d’euros pour Gaza, destinée à améliorer les conditions de vie des Palestiniens.

Position sur les colonies israéliennes : L’Union européenne considère les colonies israéliennes dans les territoires occupés comme illégales au regard du droit international et comme un obstacle majeur à la paix. Elle maintient que les colonies israéliennes situées au-delà des frontières de 1967 sont illégales selon le droit international et a exprimé des préoccupations concernant les activités de colonisation israélienne, insistant sur le fait qu’elle ne reconnaîtra aucune modification des frontières de 1967 non convenue entre les parties.

En réponse, l’UE a adopté des mesures telles que l’étiquetage obligatoire des produits originaires des colonies afin d’informer les consommateurs européens. En 2024, l’Union européenne a également imposé des sanctions ciblées contre des colons israéliens impliqués dans des violences contre les Palestiniens, incluant des interdictions de visa et le gel d’avoirs.

Position sur le processus de paix : L’Union européenne soutient fermement la solution à deux États comme moyen de parvenir à une paix durable entre Israéliens et Palestiniens. En février 2025, un porte-parole de l’UE a réaffirmé que Gaza devait faire partie intégrante de tout futur État palestinien. Par ailleurs, l’UE a exprimé ses préoccupations concernant l’escalade des tensions en Cisjordanie et insiste sur le respect des droits des Palestiniens, y compris leur droit de retour à Gaza.

Défis récents et rôle de l’UE dans le processus de paix : Les conflits récents, notamment la guerre à Gaza déclenchée en octobre 2023, ont mis en évidence les limites de l’influence de l’Union européenne dans la région. Malgré ses efforts diplomatiques, l’UE peine à jouer un rôle décisif dans la résolution du conflit israélo-palestinien, en partie à cause de divisions internes entre les États membres et de l’évolution des dynamiques géopolitiques mondiales. En février 2025, Israël a refusé l’entrée à deux députées européennes, dont Lynn Boylan, présidente de la délégation du Parlement européen pour les relations avec la Palestine, invoquant des accusations de promotion de boycotts contre Israël.

La solution à deux États reste privilégiée par la communauté internationale, mais sa mise en œuvre est incertaine. La paix dépendra des négociations, des compromis et de la volonté politique des parties impliquées.

Conclusion : En somme, la politique de l’Union européenne envers la Palestine est caractérisée par un soutien continu à une solution pacifique et durable au conflit israélo-palestinien, tout en faisant face à des défis significatifs liés aux réalités politiques et aux dynamiques du conflit sur le terrain. L’UE maintient une position constante concernant le conflit israélo-palestinien, en soutenant la solution à deux États, c’est-à-dire la coexistence pacifique d’un État d’Israël et d’un État palestinien. Cependant, des divergences internes au sein de l’UE et des défis géopolitiques ont limité son influence dans la région, remettant en question sa capacité à jouer un rôle décisif dans le processus de paix. Le dénouement du conflit israélo-palestinien dépendra des évolutions régionales, des pressions internationales et des décisions des dirigeants des deux camps. Une solution durable nécessitera un compromis difficile et une volonté politique forte.

M. Jacques CHEMINADE, Président de Solidarité et Progrès

« Europe et Palestine : un Plan Oasis par le développement mutuel de l’Asie du Sud-Ouest »

Merci Ali Rastbeen, et merci à tous qui sont ici parce que nous devons ensemble aider à relever un défi qui est fondamental pour l’humanité.

La Paix ne consiste pas seulement à rejeter la guerre. Elle exige un projet d’accord, pour réunir les conditions d’un pouvoir, ou plutôt d’une puissance de vivre en commun. C’est à partir de cette conviction humaine, qui fut celle des auteurs du traité de Westphalie en Europe en 1648, que peut apparaitre une solution. Une solution difficile, mais réelle, non seulement au conflit israélo-palestinien, mais pour éviter l’embrasement de toute l’Asie du Sud-Ouest. C’est sur cela que se fonde la Plan Oasis, que propose notre coalition internationale pour la Paix et notre Institut Schiller. C’est une organisation de développement et de croissance mutuels, un projet de développement économique basé sur trois facteurs interdépendants, essentiels dans cette région du monde : l’eau, l’énergie, l’alimentation.

Pas de belles paroles, mais l’eau, l’énergie et l’alimentation ! Ce n’est pas mettre entre parenthèses les conditions politiques pour y parvenir, mais de créer les conditions économiques, l’environnement, pour pouvoir parvenir à une solution politique. Ce devrait être le plan de l’Europe, et tout d’abord de la France.

L’oasis n’est pas seulement un lieu où l’on passe, mais, lorsque les oasis se multiplient, des sources qui réunissent les caravanes. C’est l’économiste américain Lyndon LaRouche qui conçut ce projet à partir de l’année 1975, à la suite d’entretiens avec les dirigeants du parti Baas irakien et syrien, et de la tendance anticoloniale du parti travailliste israélien représentée alors par Abba Eban. J’ai moi-même rencontré à plusieurs reprises (…), qui animait à Paris la publication Israël et Palestine condamnant les excès coloniaux israéliens, et interlocuteur de Yasser Arafat et de ses amis.

Je vais ici décrire ce plan, socle d’un développement, d’une sécurité mutuelle qui doit bénéficier donc à toute la région, comme l’était d’ailleurs l’intention du plan des cinq mers de Bachar el-Assad. Je tenais à vous montrer que ce n’est pas un projet chimérique, venant de nulle part, mais le fruit d’un dialogue entre adversaires à la recherche d’un bien commun.

Après en avoir décrit les fondements, je vous montrerai les divers essais qui l’ont précédé, et comment les trois guerres fomentées par les oligarchies extérieures à la région – la guerre de Suez en 1956, la guerre des Six Jours en 1967, la guerre du Kippour en 1973 – toutes ces guerres ont été des opérations lancées pour saboter les plans de paix par le développement mutuel, et ensuite bien entendu vient l’assassinat de Yitzhak Rabin, la répression par Israël des intifada et l’ascension au pouvoir de Benyamin Netanyahou, son alliance avec les colons israéliens de Cisjordanie et les racistes Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, qui ont organisé le génocide de Gaza et les crimes des occupants en Cisjordanie.

Le Plan Oasis a pour fondement la réparation de ces crimes, des offenses infligées à l’autre, et la mise en œuvre de grands travaux pour le bénéfice mutuel, amorçant et étendant une dynamique. Il prévoit donc : eau, énergie et alimentation.

Eau : c’est l’abandon par Israël de son contrôle exclusif des ressources en eau, au profit d’un accord de partage équitable des ressources entre tous les pays de la région ; c’est l’installation immédiate d’une usine de dessalement flottante, sous-marine ou offshore sur la côte de Gaza. Actuellement il y en a une, et vous savez qu’actuellement en coupant l’électricité à Gaza, Israël condamne Gaza à ne pas avoir d’eau potable ; c’est la réalisation d’un système d’adduction d’eau, de galeries d’eau Méditerranée-Mer Morte, et Mer Morte-Mer Rouge, composé de tunnels, de pipelines, de stations de pompage et d’énergie hydro-électrique.

C’est aussi l’énergie. Avant d’être dessalée, l’eau de mer arrivant à la Mer Morte chutera dans un puits de 400 mètres – vous savez, la Mer Morte est 400 mètres en-dessous – donc l’eau arrive par un pipeline, elle chute de 400 mètres et il y a un lac à partir duquel – qui peut être créé par un barrage – qui permet la création d’énergie hydroélectrique. Après un dessalement, l’eau ira en Jordanie, en Palestine, en Israël. La saumure servira à sauver la Mer Morte, et ça c’est essentiel, il faut sauver cette étendue d’eau dans cette région. Une partie d’eau transitant par le système d’adduction Méditerranée-Mer Morte pourrait être dessalée à Beer-Shev’a, capitale du Néguev, dont la population, grâce aux nouvelles réserves d’eau douce, pourraient doubler.

Ensuite, c’est l’alimentation, la vie et les transports. De nouvelles villes, des corridors de développement devront être organisés autour du nouveau système d’adduction d’eau. C’est la maîtrise de l’eau dans des corridors de développement, pour des êtres humains, pour des industries, pour des services. Cette maîtrise de l’eau, c’est la récupération des eaux de surface et des eaux de pluie, c’est l’irrigation au goutte-à-goutte, c’est aussi le dessalement bien entendu, et cela entrainera un développement rapide de l’agriculture. Israël aujourd’hui a des eaux supérieures à ses besoins : elle doit les partager.

La fin de la politique de colonisation en Cisjordanie : les colons devront être incités fiscalement, ou par des méthodes nécessairement plus directes, à se réorienter vers le Néguev, où ils pourront occuper, en bonne entente avec les bédouins, des Palestiniens et d’autres, des emplois productif et faire fleurir le désert. Il y a de la place pour tous dans la région.

Enfin, c’est la reconstruction et le développement économique de la bande de gaza, y compris l’aéroport international Yasser Arafat, qui a été inauguré en 1998, détruit au bulldozer par les Israéliens en 2002, et qui devra être reconstruit, et un grand port maritime, desservant un hinterland équipé d’infrastructures de transport, industriel et agricole.

Alors, est-ce idéaliste ? Est-ce impossible ? D’abord, il n’y a pas d’autres choix que celui d’un accord gagnant-gagnant, pour les peuples, si l’on veut réellement parvenir à la Paix. Seule une dynamique de développement mutuel permet d’échapper à une dynamique de guerre. C’est la méthode du Plan Oasis. Disons-le franchement, elle a des caractéristiques propres à cette région du monde, mais pour assurer son succès durable elle doit se situer dans le contexte d’une architecture internationale de Paix et de sécurité mutuelles, par-delà cette région. La seule guerre qui mérite d’être gagnée, est la guerre au désert. Aujourd’hui, le système gagnant-gagnant des BRICS, de l’Organisation de Coopération de Shanghai, appuyé par ce qui devient la majorité mondiale, dessine l’assise de cette nouvelle architecture de Paix à une échelle qui est, elle, globale.

Restent deux conditions politiques adjointes au Plan Oasis. Reconnaître immédiatement l’État palestinien, par tous, pour qu’il puisse y avoir deux interlocuteurs officiels. L’accord d’Oslo a échoué parce qu’il ne l’a pas prévu dès le départ. Faire libérer Marwan Barghouti, qui est reconnu comme le leader qui est capable de rassembler toutes les tendances palestiniennes, et un engagement pour chaque partie à œuvrer au bénéfice de l’autre, sans y voir un ennemi existentiel, comme l’a voulu Carl Schmitt, non seulement à l’échelle de l’Europe, mais aussi à l’échelle du Moyen-Orient, comme il avait été rappelé la dernière fois. Alors, encore une fois, utopie ? Non, c’est le résultat de la mise en œuvre d’effets multiples.

Alors, je voulais vous montrer d’abord rapidement le relief. Vous avez la première image du relief de la région. On peut voir qu’il y a le lac de Tibériade – 200 mètres en-dessous du niveau de la mer –, la Mer Morte – 420 mètres en-dessous du niveau de la mer – et les côtes. La salinité de la Mer Morte c’est 27 %, la salinité en Méditerranée 2 à 4 %. Donc on peut créer les conditions où on revivifie l’intérieur : on a des ressources en eau et on développe la région. C’est un axe qui serait d’abord Méditerranée-Mer Morte, et Mer-Morte-Mer Rouge. C’est un défi énorme en raison de ce relief, mais aussi une occasion à saisir pour toute la région.

Ensuite l’inégalité de ressources en eau dans la région. Donc on voit là qu’il y a des régions favorisées – c’est la Turquie par exemple – et vous voyez la Jordanie qui est au bout, et la Palestine aussi, qui ont des ressources extrêmement limitées. Alors qu’en Israël et dans les colonies, 47 % des terres sont irriguées aujourd’hui, c’est seulement 6 % dans les terres palestiniennes.

Ensuite, les efforts qui ont été faits pour résoudre la question. Il y a d’abord le plan Johnston-Eisenhower, dès 1953. On voulait entreprendre un développement entre Israéliens et Palestiniens, en prenant les ressources en eau de la vallée du Jourdain, irrigation, hydroélectricité. Israël et la Ligue Arabe n’ont pas soutenu cet accord parce qu’il y avait des blessures de la colonisation israélienne qui n’étaient pas encore fermées.

Et puis il y a eu l’expédition franco-anglo-israélienne de Suez en 1956, qui a été due à l’eau. On dit que c’est Nasser qui voulait nationaliser le Canal de Suez, ce n’est pas tout à fait comme cela que ça s’est passé. C’est d’abord John Foster Dulles et Allan Dulles qui ont voulu empêcher qu’on bâtisse le barrage d’Assouan. Nasser a dit : si c’est comme ça, je nationalise le Canal de Suez. Et à ce moment-là il y a eu l’expédition anglo-franco-israélienne, qui a été arrêtée par les États-Unis, à l’époque d’Eisenhower, et évidemment à l’époque en URSS Malenkov et je crois aussi Kaganovitch, qui ont arrêté cela. Donc la guerre a laissé des traces, et la confiance déjà très fragile, totalement, disparait.

Il y a ensuite la guerre des Six Jours, 1967, il y a la guerre du Kippour, 1973. Et malgré cela, il y a en 1975 un plan d’ingénieurs allemands qui s’appellent Herbert Wendt et Wieland Kelm, c’est la suivante, pour tracer une route d’eau Méditerranée-Mer Morte. Prise de haut en mer avec un canal de 7 km, puis une galerie hydraulique de 55 km à travers le relief, on arrive à un lac de retenue de 3 km, et après il y a une chute de 400 mètres vers la Mer Morte, et on crée de l’hydroélectricité à partir de là. C’est de cette manière qu’on pourra en même temps sauver la Mer Morte. Ça ne marche pas, parce qu’évidemment ça a été fait de façon unilatérale par Israël, et de toute façon un projet élaboré de cette façon ne peut pas être accepté.

Le 16 décembre 1981, l’Assemblée générale des Nations Unies exige qu’Israël cesse l’exécution du canal reliant la Mer Méditerranée à la Mer Morte, et prie le Conseil de sécurité d’empêcher ce projet d’exister. C’est donc bien en raison du conflit entre les deux parties, fomenté de l’extérieur, et parce que le projet unilatéral est contraire au droit international, qu’il est alors arrêté. Le projet d’aqueduc Mer Morte-Mer Rouge, également envisagé, est bloqué pour la même raison. Les projets unilatéraux sont condamnés à l’échec.

Viennent alors les accords d’Oslo. Ils comprennent une annexe 3 dont on parle peu, prévoyant une coopération économique israélo-palestinienne basée sur l’eau et l’électricité, avec un comité permanent de coopération économique. C’est la raison pour laquelle il fut approuvé par l’Organisation pour la Libération de la Palestine, et en particulier par Marwan Barghouti, évidemment, mais il ne fut jamais mis en œuvre, il fut saboté.

Le 4 novembre 1995 c’est l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Malgré les efforts de Shimon Peres et de Yasser Arafat et du roi de Jordanie, il ne reste de cela que le canal le long du Jourdain qui est pour alimenter la Jordanie en eau, et qui est sur le territoire jordanien.

Netanyahou l’emporte : il est Premier ministre d’Israël de 1996 à 1999, puis de 2009 à 2021, puis maintenant à partir de 2022. Il faut bien voir qui est Benyamin Netanyahou. Son père, Bension Netanyahou était le principal collaborateur et secrétaire personnel de Vladimir Z.  Jabotinski, qui est – soyons poli – un néo-fasciste. Donc c’est de là que date le projet, qui est encore activé, du fameux canal Ben Gourion, jusqu’à maintenant, le génocide de Gaza et évidemment c’est le tournant politique d’Israël.

Voilà le Plan Oasis pour renverser cela. Vous voyez, vous avez une vision – je n’ai pas le temps de m’étendre mais nous avons ici tous les éléments sur le Plan Oasis – avec des projets qu’on peut voir figurer sur cette image.

Finissons par une note d’espoir. La seule option alternative au Plan Oasis c’est la guerre, la guerre permanente au Moyen-Orient. Donc il est un repère indispensable, sûr, économique, il doit être imposé par une volonté de Paix, donc une volonté qui doit venir de l’intérieur, une volonté de Paix intérieure, mais aussi de l’extérieur, elle doit être imposée par les États-Unis en particulier, le levier de la Russie et de la Chine, de la Turquie et de l’Iran devant jouer un rôle. Alors, rappelons que le gouvernement chinois est parvenu à apaiser les relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite, c’est un même type de défi mais bien plus profond que l’on doit relever ici. Ce que montre ce gouvernement chinois c’est que le monde peut changer si la manière de penser change, si l’obsession de domination géopolitique est remplacée par des projets gagnants-gagnants. Il ne s’agit pas d’un humanisme béat, mais d’une nécessité.

Aujourd’hui, il y a le plan du Caire. Au Caire se sont réunis dans un sommet extraordinaire les pays arabes – c’est la Ligue Arabe – qui ont dénoncé à l’unisson les tentatives odieuses de déplacer le peuple palestinien et ont adopté le plan élaboré par l’Égypte pour la reconstruction de Gaza en cinq ans. La première phase, c’est le déblaiement des débris, déminage. Deuxième phase, c’est la fourniture de logements temporaires à 1,5 million de personnes sur ces sites pendant la politique de réparation. Et la deuxième phase c’est la reconstruction, qui doit s’étaler jusqu’en 2030, il est prévu de rebâtir les routes, les réseaux, les services publics, et d’en venir à l’idée de ce développement mutuel qui était dans l’annexe 3 des accords d’Oslo, et qui a toujours été sabotée.

Donc c’est un premier pas, mais il reste le fondement à établir : l’eau, l’énergie et l’alimentation, que l’on trouve dans ce Plan Oasis, mais pas encore dans ce plan de l’Égypte. Il y a des gens en France qui y travaillent – évidemment avec un biais pro-israélien. Il y a Ofer Bronchtein qui est le chargé de mission d’Emmanuel Macron pour le rapprochement israélo-palestinien, et lui il dit qu’il faut penser en termes de générations, et surtout pas d’élections, surtout en Israël. Et évidemment, ayant ce biais il a une vision pessimiste d’u dialogue qui, dit-il, prendra des générations. Moi je ne suis pas d’accord avec cela, je dis qu’il faut faire beaucoup plus vite.

Enfin, à ceux qui répètent « ils ne pourront jamais se mettre d’accord », ou « trop de crimes ont été commis », je peux vous dire que l’ancienne ministre des Affaires étrangères d’Afrique du Sud – c’est en fait la ministre des Relations internationales et de la Coopération, et elle a été plusieurs fois ministre aussi – Naledi Pandor, elle a endossé le Plan Oasis que je viens de vous présenter. Elle souligne que l’approche de Nelson Mandela, qui a évité un bain de sang en Afrique du Sud en établissant la Commission de la vérité et de la réconciliation, serait une approche à explorer pour le Moyen-Orient.

Alors j’en viens au sujet que l’on discute toujours : deux États ? Un État ? Aujourd’hui, deux États car un État palestinien doit avoir tout de suite sa place pour que les négociations aient un sens, qu’elles puissent être entamées. Le Plan Oasis est consubstantiel donc avec une reconnaissance immédiate du droit des Palestiniens à un État. Demain, sans doute, un seul État, car il y a les dimensions trop limitées d’un territoire, et Gaza et la Cisjordanie ne peuvent restées géographiquement séparées. Un seul État, donc, dans l’esprit du Divan de Daniel Barenboin et d’Edward Saïd, composant un orchestre politique qui puisse réaliser par la dynamique de son jeu, une harmonie de ce qui sont encore des dissonances.

Vous constaterez que j’ai peu parlé de l’Union européenne : ce n’est pas une nation, elle n’a pas joué le rôle qu’elle aurait dû jouer sur le terrain. Elle a donné de l’argent, mais elle n’a pas donné les moyens, physiques, humains, d’établir la Paix. Aujourd’hui, je dois dire : la France non plus. Donc j’espère que ce Plan Oasis pourra être, pour elle, l’inspirateur, pour qu’elle contribue à établir un esprit de souveraineté nationale qui puisse conjuguer le patriotisme et le service de l’humanité.

Mme. Ninou GARABAGHI, Économiste et ancienne fonctionnaire internationale, « Conflit Israël-Palestine, la diplomatie européenne de ‘deux poids, deux mesures’ »

Depuis le 7 octobre 2023, des actes odieux ont été commis à Gaza par le Hamas d’abord et par le gouvernement israélien ensuite. Si le gouvernement de Benyamin Netanyahou a militairement gagné sa guerre contre le Hamas, il l’a en revanche perdu politiquement et médiatiquement. La communauté internationale est aujourd’hui confrontée à l’aporie suivante : Comment, compte dûment tenu de la guerre épistémique menée par Israël, empêcher qu’un nouvel 7 octobre n’advienne ?

1.     Quel a été le soutien de l’UE à la création de jure et de facto d’un État Palestinien ?

 

La résolution 181 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, le 29 novembre 1947, recommande le partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe. Nous avons eu droit à la création d’un État en 1948, en l’occurrence l’État d’Israël, mais qu’est-il advenu alors de l’État de la Palestine et du peuple palestinien ? Rien de très concluant.

Premier partenaire commercial d’Israël et premier fournisseur d’aide à la Palestine, la relation de l’Union européenne avec Israël et la Palestine est asymétrique. Pour ce qui concerne la solution au conflit israélo-palestinien, l’UE est en faveur de la solution à deux États.

Concrètement parlant, premier fournisseur d’aide à l’Autorité palestinienne, le soutien de l’UE au peuple palestinien est pour l’essentiel d’ordre financier. Aussi louable que puisse être ce soutien financier, il n’est pas certain que ce que les Palestiniens aient le plus besoin soit d’ordre financier. Ce que les Palestiniens souhaitent avant toute chose est la reconnaissance effective de leur droit à l’autodétermination afin que ceux-ci puissent disposer d’un État bénéficiant des mêmes droits qu’Israël. Ils veulent qu’un terme soit mis à l’occupation afin qu’ils puissent se prendre en charge eux-mêmes et accéder à l’image d’Israël au statut de partenaire commercial.

Israël a détruit à plusieurs reprises les infrastructures financés par l’UE. L’UE, à juste titre, a manifesté sa lassitude de devoir financer des infrastructures vouées à être détruites. Preuve s’il en fallait que ce dont le peuple palestinien a besoin et souhaite avant tout ce n’est pas le financement par l’UE de ses infrastructures. Mais qu’un terme soit mis à la destruction répétée de ses infrastructures. La diplomatie de l’UE doit miser sur l’arrêt de tout soutien à l’économie de guerre d’Israël et un soutien ferme et efficace à la création de jure et de facto d’un État palestinien. 

2.     Diplomatie de deux poids deux mesure : a-t-on jamais demandé l’avis du peuple palestinien quant à la création de l’État d’Israël ?

Dans un entretien diffusé sur les ondes de France culture le samedi 1er mars, Dominique Villepin, ancien premier ministre et peut-être futur président de la République de la France, a déclaré qu’il faut réparer l’injustice de 1948 qu’a été la création en terre de Palestine de l’État d’Israël. La réparation de cette injustice c’est la création de l’État de Palestine, a-t-il précisé avec insistance.

Chaque fois qu’il est question de la reconnaissance par les grandes puissances occidentales de l’État de Palestine celles-ci invoquent le refus d’Israël quant à l’existence d’un État palestinien donc la nécessité de négociations entre les Israéliens et les Palestiniens.

La question qui se pose à cet égard consiste à savoir : a-t-on jamais demandé l’avis du peuple palestinien quant à la création de l’État d’Israël comme ceci avait été prévu à la création de la Société des Nations ?

La réponse est non. Il est à noter à cet égard que, secrètes, les accords de Sykes-Picot (signé le 6 mai 1916) ont été officialisés via la Société des Nations. Or d’après le mandat accordé par cette dernière, le Royaume Uni et la France, pays mandataires — qui devaient « conduire à l’indépendance » les peuples du Moyen-Orient– étaient censés tenir dûment compte des vœux des peuples concernés, ce qui n’a pas été fait.

La nécessité pour l’UE de s’engager plus fermement dans la réparation de l’injustice de 1948 n’échappe à personne hormis à certaines grandes puissances de cette entité politique qui freinent des quatre fers en ne cessant d’user du faux-fuyant « oui mais au moment opportun au terme des négociations israélo-palestiniennes », argument cher aux autorités israéliennes.

Lors du colloque du 28 avril 2023 de l’Académie de géopolitique qui s’est tenu dans les enceintes du Sénat, faisant état de l’impasse actuelle rendue possible par la guerre épistémique menée par Israël, j’ai expliqué que si l’UE adoptait la même posture de fermeté active qu’elle a fait sienne dans le cas du conflit Ukraino-Russe pour le conflit israélo-palestinien, ce conflit aurait été résolu depuis longtemps. Le problème est que pour leur malheur les Palestiniens ayant d’ores et déjà été spoliés, contrairement à l’Ukraine, ils ne disposent, pour l’heure, ni terres rares ni autre ressource à offrir en échange d’un soutien ferme et inconditionnel pour une paix juste et durable avec Israël.

La réalité des faits dans le conflit israélo-palestinien est que les pays occidentaux permettent à Israël de bafouer en toute impunité les droits des Palestiniens. On arme les Israéliens et désarme les Palestiniens. Un exemple flagrant d’absence de politique commune de l’UE dans le conflit israélo-palestinien est la réponse en rang dispersé des États membres de l’UE au mandat d’arrêt émis contre Netanyahou et Gallant, l’ancien ministre de la Défense d’Israël par la CPI le 20 mai 2024. Ce en dépit du fait même que les pays de l’UE ont tous ratifié le statut de Rome. Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, a raison de s’indigner en ces termes : « Du point de vue moral et du respect du droit international nous nous sommes durablement disqualifiés aux yeux du monde, déclare-t-il, c’est cela que j’appelle ajouter l’infamie à l’horreur de ce qui s’est passé à Gaza ».

Autre temps autre posture, au cours de l’opération Bouclier défensif en 2002, le Parlement européen a adopté une résolution non contraignante appelant à des sanctions économiques contre Israël et à un embargo sur les armes pour les deux parties.

En octobre 2023, le chef de la politique étrangère de l’UE, Joseph Borrell a, comme il se doit, condamné « l’attaque barbare et terroriste » du Hamas. Et en conformité avec les valeurs de l’UE, il a accusé Israël d’avoir violé le droit international en imposant un blocus total de la bande de Gaza. En l’absence d’une politique étrangère commune de l’UE, les efforts déployés par Joseph Borrell pour faire adopter des résolutions et des sanctions contre Israël n’ont pu aboutir.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour sa part, a condamné vivement les attaques du Hamas en les qualifiant de « terrorisme dans sa forme la plus méprisable » et a affirmé que « Israël a le droit de se défendre contre des attaques aussi odieuses ». Compassion à géométrie variable, nous avons eu droit à l’absence de condamnations et de sanctions ferme de la part de l’UE concernant l’offensive israélienne qui, semaine après semaine, est passée du statut de riposte massive à celui d’opération de destruction systématique. De sorte que la ministre espagnole des droits sociaux, Ione Belarra, en est venu à accuser l’UE d’être, je cite, « complice des crimes de guerre d’Israël ». 

3.     Qu’en-est-il de la reconnaissance de l’État de Palestine par les États européens ?

Après les atrocités commis à Gaza par le gouvernement israélien, trois pays en l’occurrence la Norvège, l’Irlande et l’Espagne suivi par la Slovénie ont dans l’urgence manifesté leur souhait de reconnaître sans plus tarder l’État de Palestine. Souhait rendu effectif le 28 mai 2024 pour les trois premiers pays et le 4 juin 2024 pour la Slovénie. Ces États pensaient avoir initié une réponse politiquement et symboliquement fort pour écarter le risque de génocide du peuple palestinien et espéraient pour ce faire être suivi par les États historiquement responsables de l’injustice de 1948.

C’est trois pays qui cherchaient à enrôler un grand pays, sont rentrés en contact avec la France parce qu’ils estimaient que c’était le pays de l’UE le plus tenté d’accompagner ce mouvement pour lui donner du coup un poids politique encore plus grand. Vaine tentative, la France n’a pas suivi. Le ministre des Affaires étrangères aurait dit que « la France était d’accord sur le plan du principe et prête à reconnaître l’État de Palestine à condition que cela serve le processus de paix pour cela il devrait rentrer dans le cadre d’un règlement politique, de négociation entre Israël et les Palestiniens ».  

Nous sommes en présence de la même et éternelle rengaine mise au point par les autorités israéliennes et officialisée à l’occasion des pourparlers entre Ehud Barak, ancien Premier ministre israélien (1999-2001) et Margaret Ashton ancienne Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères de l’UE qui est reprise par les grandes puissances occidentales. La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont prêts, le moment venu, à reconnaître un État Palestinien, mais en attendant ils encouragent vivement le retour aux négociations entre l’État israélien et les Palestiniens.

4.     La stratégie d’empêchement par rétropédalage des gouvernements israéliens

Soit, admettons que les grandes puissances aient raison de croire dans la bonne foi des autorités israéliennes. Mais de facto qu’est-ce qui empêche les négociations israélo-palestiniennes d’aboutir ? Lequel des deux négociateurs à l’image de la belle Pénélope oblige à chaque fois de remettre l’ouvrage de la construction de la paix sur le métier ?

Lorsqu’on examine de près les négociations israélo-palestiniennes, on constate que, si l’on fait abstraction des accords d’Oslo, depuis l’occupation des terres palestiniennes, la stratégie de négociation d’Israël a été fondée sur le principe de rétropédalage pour empêcher la création de l’État de Palestine tout en imputant la responsabilité de l’échec des négociations aux Palestiniens. En effet, lorsqu’on examine de près les termes des processus de négociation on constate que les représentants de la partie israélienne avancent pour donner l’impression qu’ils négocient puis ils rétropédalent en exigeant que les Palestiniens acceptent l’inacceptable ce qui leur permet d’imputer aux Palestiniens la responsabilité de l’échec des négociations.

5.     L’impasse actuelle ou autrement dit comment la loi fondamentale de 2018 et les plans Trump Un et Deux ont rendu caduc la question de la reconnaissance de l’État de Palestine par Israël

Soyons réaliste. La triste vérité est que la communauté internationale est aujourd’hui confrontée à l’impasse de la situation absurde qui est celle d’absence totale de solution. Il fut un temps où celle-ci avait le choix entre deux alternatives : un État, en l’occurrence l’État d’Israël, pour plusieurs peuples (juifs, musulmans, druzes, chrétiens, etc.) ou bien deux États pour deux peuples : le peuple israélien et le peuple palestiniens.

Le problème est que :

Depuis la loi « Israël, État-nation du peuple juif » adoptée par la Knesset le 19 juillet 2018 et soutenu par le Plan Trump-Un, la solution « Un seul État » n’est plus possible. A moins d’accepter comme légitime qu’un pays démocratique puisse pratiquer l’apartheid.

Maintenant avec la politique de colonisation tous azimuts d’Israël qui est soutenue par le Plans Trump-Deux favorable à l’annexion de la Cisjordanie par Israël, et la prise de possession de Gaza par les États-Unis après l’expulsion vers l’Égypte et la Jordanie des rescapés palestiniens de Gaza, la solution de « Deux États » n’est plus possible. 

C’est ainsi que le gouvernement de Netanyahou a réussi à départir Israël des deux solutions garant de sa pérennité. Confronté à l’impasse de l’absence de solution, deux alternatives se présentent : Apartheid et/ou génocide et expulsion.

6.     Reste à savoir maintenant comment la communauté internationale dont l’Union européenne pourrait empêcher le risque de génocide et/ou d’expulsion de la Palestine des Palestiniens ?

Pour faire brève, après l’annonce par Donald Trump de son projet immobilier de construction d’une riviera dans la bande de Gaza, après l’avoir vidé de sa population palestinienne en engageant si nécessaire les forces militaires américaines, les pays arabes ont tenu deux sommets qui ont permis de présenter un contre-projet de reconstruction de Gaza tout en protégeant les 2,5 millions de Palestiniens de Gaza contre une migration forcée. L’Arabie saoudite envisage d’apporter un soutien financier conséquent et serait disposé à accepter l’idée de normalisation diplomatique avec Israël en échange de l’établissement d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale.

Pour ce qui concerne les pays européens, comme il fallait s’y attendre le plan égyptien de reconstruction de Gaza a reçu un soutien ferme et total de l’Espagne et de l’Irlande. L’UE devrait comme par le passé se satisfaire d’apporter son soutien financier à la reconstruction de Gaza. Mais ce soutien financier risque de ne pas être significatif compte tenu du fait qu’il est à craindre que les investissements massifs dans l’économie de guerre des pays européens ne se fassent au détriment de l’aide au développement comme ceci a été, d’ores et déjà, annoncé par le gouvernement du Royaume Uni.

À la suite du plan Trump-Deux, la question qui se pose maintenant consiste à savoir comment, l’Union européenne pourrait empêcher le risque de génocide et/ou d’expulsion de la Palestine des Palestiniens ? Pourquoi ne pas écouter la voix des Israéliens qui demandent à la communauté internationale de « sauver les Israéliens contre eux-mêmes ».

7.     Des voix s’élèvent en Israël pour demander à la communauté internationale de « sauver les israéliens contre eux-mêmes »

Il est difficile de choisir parmi les témoignages lucides et poignants de politiques, d’intellectuels, de journalistes, d’écrivains et d’activistes israéliens qui plaident en faveur de la solution à deux États et la création d’un État Palestinien, tant ils sont nombreux. Je me limiterai à trois exemples.

Il y a le cas Ehoud Olmert, Premier ministre israélien de 2006 à 2009. Très critique à l’égard de Netanyahou, dans un entretien accordé au quotidien Figaro début mars 2025, l’ancien premier ministre israélien plaide pour « la reconnaissance de l’État de Palestine, seule option selon lui pour arrêter le conflit ». Il déclare, je cite : « Il ne peut y avoir de victoire totale dans la bande Gaza », « Gaza est palestinienne, nous n’avons rien à y faire ». Après avoir dénoncé « le comportement des colons israéliens extrémistes » qu’il qualifie d’« ennemis de l’intérieur », il revient à la charge : la solution à deux États est le seul moyen de sauver l’État israélien.

Ehoud Olmet n’est pas le seul politique à chercher à « sauver les israéliens contre eux-mêmes », il y a aussi le contre-amiral israélien Ami Ayalon à qui nous empruntons cette formulation. Dans un article publié dans le quotidien Le Monde du 25 janvier 2024, le contre-amiral israélien Ami Ayalon, qui a dirigé le service du renseignement intérieur israélien a déclaré « Nous avons besoin que quelqu’un de l’extérieur nous éclaire sur nos erreurs », sur quoi il a demandé à la communauté internationale de « sauver les israéliens contre eux-mêmes ». Ami Ayalon a vu juste, le génocide de la population de Gaza n’a pas eu pour seule conséquence néfaste la montée de l’antisémitisme mais il a aussi fortement contribué à la montée de l’antisionisme. Nous nous devons de souligner avec force que toutes les résolutions du Conseil de sécurité et de l’ONU concernant la question de Palestine resteront lettre morte sans la reconnaissance préalable et inconditionnelle de l’État de Palestine par les grandes puissances occidentales.

J’ai cité deux hommes politiques, il est important d’entendre aussi la douleur sourde de Dror Mishani, écrivain israélien qui dans entretien accordé à Libération début mars 2025, declare, je cite : « un pays sans Palestiniens ne sera plus le mien ». Se référant à l’événement fatidique du 7 octobre, dans son livre « journal d’un écrivain en temps de guerre », il écrit « Peut-être faut-il reconnaître la puissance du coup qui nous a été porté et la profondeur de notre douleur, reconnaître la défaite, ne pas essayer de l’escamoter sous ce qui aura l’air, à court terme, d’une victoire, mais qui ne sera qu’un engrenage de souffrances. Transférer le malheur ailleurs, sur Gaza et ses habitants, ne fera que l’entretenir encore et encore – car il est évident que le mal causé dans cette enclave détruite ou affamée nous reviendra en pleine face, décuplé, dans un, deux, ou cinq ans ».

Dror Mishani a raison de s’inquiéter. Avec les avancées technologiques qui ont démocratisé les armes de destruction massive nulle entité n’est à l’abri du pire. Que fait l’UE, que fait Israël pour empêcher qu’un nouvel 7 octobre n’advienne ? Que fait la communauté internationale pour empêcher que le mythe de la vengeance désespérée de Samson ne devienne réalité comme des Israéliens lucides le craignent.

10. Pourquoi ne pas mettre un terme à cette posture de retrait au point mort de l’« accord de principe » dans la majorité des pays européens ?

Le traumatisme causé par le fardeau de l’histoire et les actes de résistances terroristes, empêche d’accepter la réalité du fait que le régime israélien est malencontreusement cause de son propre malheur. La peur rend aveugle, ce n’est pas avec des massacres collectifs et des assassinats ciblées qu’on peut venir à bout du mouvement de résistance du peuple palestinien. Des actes injustes génèrent du terrorisme. Israël doit choisir entre une guerre sans fin et une paix juste et durable. C’est dans l’esprit des hommes et des femmes israéliens et palestiniens que doivent être élevées les défenses de la paix.

L’actuel gouvernement israélien a choisi la voie de la guerre épistémique. L’adjectif « épistémique » désigne ce qui a trait à la représentation juste ou fidèle de la réalité. Or d’après les sionistes extrémistes, la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Une fois au pouvoir ils font tout pour que ce mythe devienne réalité. Étant donné que cette guerre épistémique est nécessairement sans fin, pourquoi nous les pays européens ne chercherions-nous pas à entendre la voix de la raison de ces Israéliens qui demandent de les sauver d’eux-mêmes. Pourquoi ne pas les aider à ce qu’ils puissent, à l’image du baron de Münchhausen, se hisser hors du bourbier de la guerre sans fin ? Pour les raisons exposées précédemment les gouvernements israéliens, quels qu’ils soient, ne sont plus en mesure de reconnaître l’État de Palestine.

Ainsi qu’Emmanuel Macron l’a reconnu en décembre 2024 à l’occasion de sa visite en Arabie Saoudite : « Tout le monde est lucide sur le fait qu’il y a une réalité politique aujourd’hui en Israël avec une coalition qui ne permet pas (la solution à deux États) mais qu’il y a aussi une réalité sur le terrain qui va s’imposer à tous ».  Le président de la République française dénonce je cite : « les violations gravissimes du droit international » en Cisjordanie, « la colonisation sans fin » qui va « casser la possibilité d’avoir deux États ». Mais interrogé sur une reconnaissance d’un État palestinien par la France, Emmanuel Macron réitère je cite : « la volonté (de la France) de le faire » mais « au moment utile (c’est-à-dire) là où ça déclenche des mouvements réciproques de reconnaissance ». « On souhaite entraîner plusieurs autres partenaires et alliés, européens et non européens, qui sont prêts à aller dans cette direction mais qui attendent la France », a-t-il ajouté.

Le Pape François a le courage de critiquer, je cite « l’hypocrisie de parler de la paix tout en jouant à la guerre ». Selon le Pape en Palestine comme en Ukraine, « l’arrogance de l’envahisseur l’emporte sur le dialogue ». Alors même où la Cisjordanie est sur le point d’être entièrement colonisée et annexée, la communauté internationale, et les grandes puissances en tête, attendent encore et toujours que le « moment utile » advienne !

Ne pas agir maintenant, attendre l’inexistant fameux « moment opportun » pour reconnaître l’État de Palestine, c’est se rendre complice des massacres perpétrés en vue de la suppression de l’entité « peuple palestinien » dans l’actuel guerre épistémique menée par le gouvernement de Netanyahou. Douze des 27 États membres de l’UE reconnaissent l’État de Palestine. Libérés de la sempiternelle attente de Godot de la fin des négociations israélo-palestiniennes, dans l’intérêt bien compris d’Israël et d’eux-mêmes, les quinze autres États de l’Union européenne, à commencer la France, devraient sans plus tarder reconnaître l’État de Palestine. Il y va de la dignité et de la sécurité de tout un chacun.

M. Jean-Michel VERNOCHET, Journaliste, écrivain et politologue,

« L’attitude ambiguë, attentiste, emprunte de passivité de l’UE à l’égard de la destruction de la bande de Gaza… sans excès polémique » 

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers Amis, à l’heure où se tient ici, à Paris, cette séance de l’Académie de Géopolitique, La Maison-Blanche et le Kremlin ont un échange téléphonique qui, en principe, devrait se révéler déterminant pour le retour de la paix en Ukraine. Au même moment à Gaza, l’État hébreu, ayant rompu la trêve a repris ses bombardements massifs sur des populations – on parle déjà d’un demi-millier de morts – condamnées à subir le pire, ceci dans le silence effrayant d’une communauté internationale apparemment passive sinon impuissante. Passivité en particulier de l’Union européenne si prompte par ailleurs à dégainer la menace d’une poursuite autonome des hostilités contre la Fédération de Russie, ceci en relais d’une Amérique par ailleurs occupée à défier l’Iran et éradiquer sous les bombes la menace que les Houthis du Yémen font peser sur la mer Rouge.

Et c’est là le sujet qui nous occupe à cet instant, que dire en effet à propos de l’attitude indéniablement ambiguë, attentiste, emprunte de passivité de l’UE à l’égard de la destruction de la bande de Gaza et en Cisjordanie des exactions de colons fanatisés?

L’attitude de l’Union européenne à l’égard de la destruction de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque du Hamas contre Israël suivie en réponse d’une offensive israélienne massive et dévastatrice, peut en effet être qualifiée d’ambiguë en raison de son mélange de déclarations humanitaires, de prudence diplomatique et d’inaction concrète. Une ambiguïté en partie explicable par des divergences internes à l’Union, par la dépendance stratégique européenne vis-à-vis des États-Unis et par la volonté de préserver un semblant d’équilibre entre soutien à Israël et un reliquat de préoccupations « humanitaires » – ou humanitariennes – à l’égard des populations civiles de Gaza. 

• Pour mieux comprendre les enjeux humanitaires auxquels l’Union se trouve confronté, ouvrons une brève parenthèse pour rappeler le dernier bilan officiel (NU) disponible des pertes palestiniennes au 14 mars 2025… À Gaza même : 48 524 tués (dont 17.492 sub-adultes) et quelque 111 955 blessés et 14 222 disparus. Ce à quoi vient s’ajouter le bilan annexe de la Cisjordanie : 1 004 tués et 7 370 blessés. Soit un total de 49 528 tués et 119 325 blessés.

Enfin si l’on applique à ce bilan catastrophique le coefficient multiplicateur de 4 utilisé par les statisticiens de « The Lancet », revue scientifique anglaise de notoriété mondiale, en tenant compte des pertes indirectes (disparus, disette, épidémies, défauts de soins, etc.), l’on parvient au chiffre de 246.600 morts. Données qui évidemment se passent de commentaires, mais peuvent contribuer à éclairer la politique de l’Union relative à la gestion de cette crise par Bruxelles.

Parce que si l’UE affiche son soutien politique à certaines initiatives visant à sortir de la crise comme par exemple, en se déclarant favorable au plan reconstruction de Gaza présenté par l’Égypte pour un montant évalué à 53 milliards de dollars sur cinq ans, cet appui est à ce jour encore purement verbal et relève d’une pure pétition d’intention.

Ce plan, certes soutenu par la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, vise à rebâtir l’enclave sans déplacer les Palestiniens, contrairement aux propositions pour le moins surprenantes de Donald Trump – qui par ailleurs a entre-temps changé d’avis – celles-ci évoquaient au départ une évacuation totale de la bande Gaza afin d’y reconstruire une « Riviera du Proche-Orient ». 

À ce jour, la position européenne, au demeurant vaguement « consensuelle », commence à se préciser dans la déclaration commune des ministres des Affaires étrangères du 8 mars 2025 ; elle semble indiquer l’intention de s’aligner collectivement sur la recherche d’une solution humanitaire à la crise, ceci évidemment dans un cadre multilatéral, se démarquant de cette façon des positions intransigeantes adoptées par Israël et les États-Unis.

Néanmoins cette option est condamnée à demeurer parfaitement symbolique en l’absence de mesures concrètes permettant de faire évoluer positivement une situation de plus en plus désastreuse, non seulement en raison de l’actuelle privation d’électricité et de ravitaillement de la bande de Gaza que l’Union s’est pour le moment bien gardé de condamner formellement, mais maintenant de la reprise des bombardements meurtriers…

Au lieu d’un ferme appel au respect du droit international humanitaire, sans entreprendre d’actions diplomatiques fortes et sans décider de la moindre sanctions à l’encontre d’Israël,  l’UE s’est limitée à de vains appels à la paix et à la coopération internationale, lesquels sont bien entendu restés lettres mortes.

Pourtant il existerait des « motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant que des actes de génocide ont été commis contre les Palestiniens à Gaza a été atteint ». Selon les propres termes du rapport relatif à la situation des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens présenté lors de la 55ème session du Conseil des Nations Unies des Droits de l’homme (Genève 26 mars 2024[1]).

Car au moins trois des cinq paramètres caractérisant un génocide tel que défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide correspondent à la situation prévalant dans la Bande de Gaza. À savoir, en résumé : « La nature et l’ampleur écrasante de l’assaut israélien sur Gaza et les conditions de vie destructrices qu’il a causées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe ».

Le moment ne serait-il donc pas venu d’agir résolument pour l’UE, montrant ainsi la voie à suivre pour le reste de la Communauté internationale ?

Comment expliquer un tel attentisme et une telle ambiguïté ?

Attitude déplorablement attentiste qui décrédibilise une Union incapable de dénoncer des violations répétées du droit international, ceci a contrario des « valeurs » sur lesquelles elle prétend se fonder. Dans les faits, l’UE oscille entre un soutien de façade à des solutions qui ne l’engage pas sur le court terme, et une inaction coupable face à l’urgence humanitaire. Sans prises de position plus tranchée et des actions tangibles pour influer efficacement sur Israël et ses alliés, alors que les conséquences humaines s’avèrent être de jour en jour de plus insupportables, l’UE expose désormais dramatiquement son impuissance aux yeux de tous.

Excuses et divergences

Rapidement évoquons quelques-unes des divergences internes au sein de l’Union relative à crise palestinienne. Divergences entre les Vingt-Sept liés notamment à des intérêts géopolitiques ou des points de vue idéologiques contradictoires.

La France en soutenant le plan arabe pour la reconstruction de Gaza s’efforce vraisemblablement d’apparaître comme un médiateur. À l’occasion des discussions de Bruxelles, le 8 mars 2025, le ministre français des Affaires étrangères a insisté sur une solution « équilibrée », formule qui, pour être franc, ne veut strictement rien dire.

L’Allemagne pour sa part, marquée par son engagement envers la sécurité d’Israël, a adopté une ligne résolument prudente en se ralliant aux appels à la paix, mais se refusant à une critique ouverte des actions israéliennes aux conséquences réellement létales, telles le blocus humanitaire et énergétique, dans la crainte de fâcher l’allié américain.

Par contre, l’Irlande dénonce le blocus comme une violation flagrante du droit international, tandis que l’Espagne appelle à la suite du Tribunal pénal international de la Haye, à des sanctions contre les responsables israéliens impliqués dans la crise de Gaza. Deux positions tranchées qui contrastent fortement avec la tiédeur attentiste des prises de position de l’Allemagne et de la France.

En Europe de l’Est, la Pologne ou la Hongrie, étroitement alignés sur les États-Unis pour des raisons de sécurité face à la Fédération de Russie, évitent pour des raisons également bien compréhensibles de contrarier Washington, principal allié d’Israël. Quant aux États riverains de la mer Méditerranée, l’Italie et la Grèce toujours partisans d’un renforcement de la stabilité régionale et au contrôle des flux migratoires, ceux-ci soutiennent le plan de reconstruction arabe pour éviter un effondrement total de Gaza, mais d’autre part restent prudents à l’égard des excès sécuritaires d’Israël afin de ne pas compromettre l’avenir leurs relations commerciales régionales et surtout énergétiques alors que d’extraordinaires gisements gaziers seront prochainement mis en exploitation en Méditerranée orientale.

Depuis le 1er décembre 2024, l’Estonienne Kaja Kallas, Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la politique de Sécurité qui a succédé à ces fonctions à l’Espagnol Josep Borrell, assume en principe la responsabilité de la politique extérieure de l’Union. Depuis 2009 et la création du poste par le traité de Lisbonne, le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères est en effet considéré comme le « chef » de la diplomatie européenne… Une diplomatie qui peine jusqu’ici, comme nous venons de le voir, à s’affirmer et à passer aux actes.

Antérieurement, Josep Borrell avait en vain tenté de pousser les États de l’Union à une réellement ferme condamnation des manquements israéliens. Au reste ses propositions ont été systématiquement édulcorées ou écartées par la plupart des membres des Vingt-Sept lors des Conseils européens. Ainsi, par exemple, illustrant un veto informel paralysant de façon quasi permanente la prise de décision en un domaine pourtant crucial, cette proposition de sanctions contre des colons israéliens extrémistes bloquée par la Hongrie en février 2025.

M. Alain CORVEZ, Conseiller en Stratégie internationale,

« L’Europe des contradictions : entre Ukraine et ‘génocide’ »

Paradoxe révélateur des incohérences de l’Union Européenne qui a perdu militairement la guerre contre la Russie qu’elle menait hypocritement en faisant tuer des Ukrainiens tout en clamant qu’elle n’était pas en guerre contre notre grande et riche voisine, elle fait désormais de la surenchère guerrière contre la volonté de paix des États-Unis et traite la Russie d’ennemi prioritaire contre lequel elle veut se préparer à faire la guerre, renforçant la direction supranationale de Bruxelles outrageusement, trahissant les traités fondateurs, contre les volontés nationales. Cette folie guerrière la pousse à soutenir les sionistes israéliens dans leur œuvre génocidaire abjecte en Palestine et leurs exactions au Liban, en Syrie et au Yémen. Elle va jusqu’à menacer d’interdiction – voire de prison – les citoyens européens qui soutiennent la cause palestinienne au fallacieux prétexte de soutien au terrorisme. 

Comment une telle entité, qui s’est arrogée des pouvoirs que les traités ne lui confèrent pas, qui a applaudi à la mise au pouvoir à Damas d’un gouvernement terroriste qu’elle reçoit à Bruxelles ou Paris sur des tapis rouges,  alors qu’il a déjà massacré des dizaines de milliers de civils innocents alaouites, chrétiens ou sunnites quiétistes – notamment des femmes et des enfants – pourrait jouer un rôle modérateur en Palestine, elle qui n’a toujours pas accepté de proclamer un état de Palestine, ne serait-ce que sur les frontières de 1967 ?

L’hypocrisie voire la fourberie érigées en principes diplomatiques ne peuvent que mener à l’effondrement souhaitable de cette structure. Seules des nations souveraines peuvent comprendre l’aspiration des Palestiniens à la souveraineté qu’ils poursuivent par la lutte armée contre l’occupant, soutenus par l’axe de la Résistance qui a l’assentiment de la majorité des nations du monde mais qui sont bloquées par le veto américain à l’ONU. Une France souveraine pourrait utiliser son passé d’amitié avec le Levant et sa connaissance des populations locales pour proposer un règlement juste et équitable. Et suggérer aux États-Unis devenus pragmatiques que l’Israël actuel est un fardeau pour eux, qui nuit à leur réputation mondiale déjà bien entachée. Beaucoup de choses ont été dites. Je ne les répèterai pas mais j’approuve ce qui a été dit.

Mme. Patricia LALONDE, Ex-députée européenne, Vice-Présidente de Géopragma, « L’Europe et le conflit au Moyen-Orient »

Merci cher Ali Rastbeen. Écoutez, je suis bien embêtée parce que tout a été dit sur le sujet de l’Union européenne et la Palestine. Ce que je peux faire, c’est vous donner mon expérience – j’ai passé deux ans au Parlement européen, élue dans un groupe dans lequel je ne reviendrai jamais qui s’appelle Renew Europe maintenant… donc inutile de vous dire comme ça a été facile ! Et j’étais à la commission des Affaires étrangères.

Alors, la politique européenne au Moyen-Orient, elle est restée figée totalement sur la politique atlantiste des Américains et d’Israël. Et il y a vingt milliards d’exemples de résolutions au Parlement européen, mais ce bloc central dont je faisais partie, aucune voix ne pouvait être dissidente, c’est vraiment tout le monde est dans le même sens, donc le groupe central, c’est-à-dire Renew Europe qui était avant l’ALDE, une bonne partie du parti socialiste, je dirais deux tiers, et de l’autre côté je dirais deux tiers des républicains. Dans ces deux blocs-là il y avait quelques voix discordantes, mais enfin c’était la politique Israël et c’est tout… La seule chose qu’il se passait, c’est que dès qu’on parlait d’humanitaire, là tout le monde était d’accord, et il y a eu plein de commissions organisées pour voter des résolutions pour donner de l’argent pour les Palestiniens, et ça on en a eu beaucoup. Donc beaucoup de compassion pour la Palestine, mais cela a été dit plein de fois, la compassion au Parlement européen, l’Union européenne, il n’y a rien à redire là-dessus, pour ce qui est d’agir c’est un petit peu différent.

Je voulais vous raconter aussi que quand je suis arrivée là, je travaillais avant dans une ONG qui s’appelait GNRD (Global Network for Rights and Development) et on travaillait pour l’Autorité palestinienne. L’idée c’était de crédibiliser vraiment l’Autorité palestinienne – c’était l’époque où Mahmoud Abbas était un peu considéré comme corrompu, etc. –, nous travaillions pour Barghouti, entre autres, pour essayer de mettre Barghouti ou d’autres, comme Mohamed Darlan, au pouvoir. Et alors quand je suis arrivée au Parlement européen, tout de suite on m’a fait une enquête et on m’a demandé pourquoi j’avais travaillé à GNRD avec ces gens-là, enfin c’était épouvantable… Parce que l’idée d’Israël à l’époque c’était bien évidemment surtout de ne pas avoir une autorité palestinienne solide, et c’était d’avoir le Hamas en face d’eux, évidemment. Je ne vous explique pas la suite, vous la connaissez tous.

Je rentre d’Irak, donc je suis un peu obsédée par l’Irak pour l’instant, et par la Syrie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas eu une impression que l’après Saddam Hussein soit absolument formidable en Irak, enfin en tout cas du point de vue des femmes et des enfants, et là-dessus je vais vous raconter une anecdote, parce que c’est quand même…

J’étais à une conférence internationale organisée par la présidence irakienne et par une ONG américaine. Pour reprendre ce que disait M. Cheminade, tout était sur une espèce de programme Oasis qu’ils veulent faire pour construire une route qui serait parallèle au Canal de Suez et qui traverserait plusieurs pays – je me suis retrouvée complètement dans tout ce que vous avez dit par rapport à cela – donc ça c’était tout à fait positif, tout à fait bien, j’espère qu’ils pourront mettre cela à bien. Mais j’ai assisté à deux jours de conférences, et pas un mot sur ce qu’il se passait au Parlement irakien. Le Président irakien est un kurde, le Premier ministre est un chiite, et le Président du Parlement est un sunnite. Donc, un peu comme au Liban, il y a tout le temps des trocs. Et là il y a eu un troc absolument incroyable qui s’est fait entre le groupe chiite et le groupe sunnite : alors on dit dans les textes « sécurité contre sexe ». Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les Chiites ont dit aux sunnites « vous nous accordez la sécurité – puisque l’Irak d’après Daesh c’était les Sunnites, enfin il y a encore des vestiges de Daesh qui sont encore là – et la contrepartie c’est que les Chiites acceptent, vont laisser les Sunnites faire appliquer la pire Charia, c’est-à-dire, imaginez-vous, le mariage des petites filles à 9 ans. Pas obligatoire, mais enfin la possibilité de marier une petite fille à 9 ans. Pour moi ça s’appelle de la pédophilie, mais c’est tout, c’est-à-dire la reconnaissance officielle de la pédophilie, on n’appelle pas ça autrement.

Donc, si vous voulez, je suis sortie horrifiée de là, et ces deux jours durant lesquels il y avait plein d’Américaines et d’Américains – il n’y avait pas d’Européens, juste un Italien – mais où personne n’a posé cette question ! Alors, c’était dans les journaux – j’ai vu ça dans Le Monde, dans Libération avant de partir là-bas – et moi j’étais obsédée par ça, et pas un mot là-dessus. Donc j’en ai parlé à une des jeunes filles américaines, très chic, qui m’a dit « mais enfin, vous ne vous rendez pas compte, c’est plus compliqué que cela »… C’est important de le dire parce que c’est une réalité. Et d’ailleurs j’ai appris que la loi avait été votée. Je ne pensais pas qu’elle avait été votée, je pensais qu’elle avait juste été proposée. Mais le Président, kurde, a dit « écoutez, moi personnellement, en tant que grand-père, je suis contre » :  c’est déjà une bonne chose. C’est déjà pas mal. Je ne sais pas si l’Europe s’est félicitée de tout ce qu’il se passe là-bas, mais…

La deuxième chose qui me concerne beaucoup, c’est ce qu’il se passe évidemment en Syrie. Alors je ne sais pas si vous avez vu – là, nous en avons vaguement parlé – mais en Syrie actuellement c’est juste ahurissant, on a mis Al-Qaïda, le front al-Nosra à la tête de la Syrie, et tout le monde trouve cela absolument formidable, notre ministre des Affaires étrangères a fait le déplacement – Jean-Noël Barrot – ainsi que la ministre allemande, Mme. Bearbock.

M. Jean-Michel VERNOCHET

Qui s’est trompée, elle croyait qu’elle allait à la plage.

Mme. Patricia LALONDE

Oui, c’est ça ! Elle était en jean blanc, elle s’est habillée comme si… Oui, il ne lui a pas serré la main. Enfin bon. Donc si vous voulez, moi ce qui me dérange dans tout cela, c’est que j’ai le sentiment que l’Europe, nous fermons les yeux sur toutes les exactions qui se passent dans ce coin du monde et il y a une vérité dérangeante, c’est que l’Europe a indirectement appuyé et créé, financé Al-Qaïda pour déstabiliser le Moyen-Orient, que ce soit en Irak, que ce soit en Syrie, et ailleurs.

Il faut savoir que le Conseil européen, à la suite de Bachar el-Assad, s’est exprimé ainsi : « Le Conseil Européen souligne l’occasion historique de réunifier et de reconstruire la Syrie, et insiste sur l’importance du processus politique inclusif mené par les Syriens, conformément au principe de l’article 22-54 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Conseil souligne la nécessité d’assurer le respect des droits humains, y compris le droit des femmes, une gouvernance non-confessionnelle, et la protection des minorités religieuses, ethniques, ainsi que la préservation du patrimoine culturel ». Et plus loin, il dit : « Il invite toutes les parties à préserver l’unité nationale et assurer la protection de tous les civils, la fourniture des services publics, ainsi que la création des conditions permettant une transition politique inclusive et pacifique, et le retour des réfugiés. Mais le Conseil Européen souligne également« l’importance que revêtent la lutte contre le terrorisme, la prévention de la réapparition des groupes terroristes ». Tout cela va dans l’ensemble de tout ce qui a été dit, c’est-à-dire que, question de dire les choses et de les nommer, on le fait, mais quand il est question de réparer, il ne se passe plus rien.

Alors : « Dans ce contexte, le Conseil Européen invite la Commission et la Haute-représentante, donc Mme. Von der Leyen, à présenter au Conseil des mesures possibles pour soutenir la Syrie ». Alors, comme vous le savez, une grande réunion a eu lieu à Bruxelles – c’était hier ou avant-hier. Donc la Commission avait commencé par inviter M. al-Joulani, qui maintenant s’appelle al-Charaa – qui était donc le patron d’al-Nosra, qui s’est rasé la barbe et est devenu tout bien, gentil, cravate impeccable… – mais quand même, il y a eu tellement de hurlements que la Commission a fini par annuler le déplacement d’al-Charaa, MAIS elle a par contre organisé une grande réunion pour donner de l’aide aux Syriens, à laquelle elle a invité le ministre des Affaires étrangères, qui s’appelle Assaad al-Chaibani, et qui est lui-aussi un terroriste si je peux dire, il a été numéro 2 d’al-Nosra, et alors bon, on raconte… il y a plein de vidéos où on peut le voir… : ce n’est pas lui-même qui lapidait les femmes mais il assistait à la lapidation des femmes à Idlib, ou je-ne-sais-où. Enfin c’est quand même incroyable.

Donc ils sont venus là, et c’est là qu’ils ont décidé de donner 2,5 milliards d’euros à affecter pour le nouveau gouvernement syrien. C’est quand même formidable ! Donc voilà, tout cela pour dire que c’était l’aveu terrible du soutien de l’Europe – il faut appeler un chat un chat – l’Europe soutient les groupes djihadistes. À un moment donné il faut arrêter de tourner en rond. C’est effrayant.

M. Jean-Michel VERNOCHET

Depuis le départ.

Mme. Patricia LALONDE

Oui, depuis le départ. Mais si vous voulez, cela vu de l’intérieur, quand vous êtes au Parlement européen, et moi j’arrivais toute naïve en me disant qu’on allait lutter – à l’époque j’avais travaillé en Afghanistan, donc je connaissais les histoires des Talibans, des djihadistes et compagnie –, je pensais que c’était… mais non, il ne fallait pas en parler. Et les Frères musulmans là-bas ont pignon sur rue. J’étais même horrifiée parce que j’ai même écrit à la Commission européenne à l’époque pour leur demander pourquoi nous financions une ONG qui était – tout le monde le savait – Femyso, finançait les Frères musulmans à hauteur de millions… c’était juste effarant. Voilà, je m’arrêterai là parce que c’est un témoignage.

Débat avec le public

S.E.M. Salman EL HERFI, ex-Ambassadeur de Palestine en France (2016-2021).

Bonjour à tous et à toutes. Je suis très content de revenir parmi vous. Je suis l’ex-ambassadeur de Palestine en France. J’ai quitté la France depuis 2021 et suis installé en Palestine. Merci, cher Ali, et merci à vous tous. Grand merci, parce que votre colloque nous inspire. Il nous donne l’espoir qu’il y a encore des gens honnêtes, qui pensent à nous. Nous faisons face à un déracinement, nous faisons face à un génocide, réel, quotidien, depuis longtemps. Mais 2023, 2024 et 2025, cela est pratiqué quotidiennement, jour après jour, et à la télévision devant tout le monde. Je vous remercie tous. Ceux qui sont intervenus ont touché le fond de la réalité de ce qu’il se passe.

Oui, nous avons opté pour la Paix. Et c’était sur le conseil de nos amis en Europe et à travers le monde. Depuis 1974, quand nous avons adopté un programme politique et reconnu la légalité internationale de toutes les résolutions des Nations Unies concernant la Palestine. Et nous n’avons ménagé aucun effort pour tendre la main à nos cousins, à nos voisins israéliens. À certains moments nous avons eu beaucoup d’espoirs, mais malheureusement beaucoup d’obstacles sont faits par des superpuissances, et en particulier les États-Unis. Jusqu’au point que nous sommes convaincus que les États-Unis ne sont pas un bon médiateur, ni un État voulant la Paix juste et durable pour le Moyen-Orient.

Israël est devenue une base avancée pour les États-Unis, pour contrôler le Moyen-Orient. Et ce qu’il se passe aujourd’hui, c’est que la politique américaine est complètement dévoilée. On demande un cessez-le-feu pour arrêter un génocide, et un véto, doublé par un autre véto, triplé par un autre véto, quadruplé par un autre véto, et jusqu’à maintenant nous cherchons une Paix humanitaire, une solution humanitaire pour arrêter cette guerre, pour avoir un cessez-le-feu pour que nous puissions respirer, pour que l’on puisse ramasser les cadavres de nos enfants et notre population.

Oui, les chiffres sont énormes. Beaucoup plus que ce qui est déclaré. Beaucoup plus : le double, le triple ! Parce que ces chiffres représentent les gens qui ont été reconnus et ont été amenés dans les hôpitaux. Mais pas les gens sous les décombres et la destruction des immeubles – systématiquement des villes, des régions ont été rasées. Gaza, c’est le territoire les plus (densément) peuplé dans le monde : c’est 365 km2 où habitent 2,5 millions d’habitants. C’est le territoire le plus peuplé dans le monde. De plus, on ne peut pas donner un chiffre officiel, et ces chiffres-là sont pris à témoin par toutes les institutions des Nations Unies. Et jusqu’à maintenant nous trouvons des cadavres entassés dans plusieurs endroits par l’armée israélienne. Ce sont des cimetières secrets, ou bien sous leurs destructions, et qui ont continué hier soir, à minuit : ils ont repris intensivement cette guerre. Il y a 500 morts. Ce sont des chiffres…

C’est pour cela que je voudrais vous remercier. Je voudrais bien que vous leviez votre voix. Cela donne un espoir pour le peuple palestinien. Nous n’avons pas le droit (…) autre que la Palestine. Nous ne sommes pas un peuple de plus. Nous sommes enracinés dans notre pays, et nous ne voulons pas aller créer des problèmes dans d’autres nations. Nous avons toujours opté pour la Paix, et nous sommes toujours pour la Paix, et ce n’est pas une question de solution humanitaire, économique, ou bien de déplacements ou de Gaza rivierariviera pour qui ? Pour les Américains qui viennent faire le tourisme ? Ou bien pour faire plus de dollars et de bénéfices pour M. Trump ?

Nous voulons vivre en Paix. Nous voulons créer un foyer national pour nos enfants. Nous avons fait des concessions historiques. Il n’y a aucun peuple dans le monde entier qui aurait accepté un cinquième du territoire palestinien, et donné les quatre cinquièmes à Israël… Nous avons accepté 22 % de la Palestine pour faire un État, et nous cherchons une solution de cohabitation entre tous les États de la région, un « Benelux » entre Israël, la Jordanie et la Palestine. Nous avons essayé. Nous savons bien que ce gouvernement, des fascistes, des criminels de guerre, de Netanyahou et de ses collègues, ne va pas s’arrêter.

Moi, quand j’étais en poste à Paris, j’étais le vice-président d’un comité de communication avec la société israélienne. J’étais en contact avec toutes les formations politiques en Israël, de droite à gauche, libéraux, etc. On voit le fascisme qui se développe parmi la société israélienne. Beaucoup d’Israéliens ont opté pour la Paix, oui, mais ils n’ont pas le courage, sont réprimés, et même des gens furent assassinés, comme Yitzhak Rabin. Alors, ils ont besoin de vous, comme nous avons besoin de vous. Encore une fois, merci à vous. Merci.

S.E.M. Ibraghite SAFWAT, Ambassadeur de l’État de Palestine auprès de l’Unesco.

Si vous me demandez de prendre la parole, je suis preneur, pour compléter l’intervention de Son Excellence M. l’Ambassadeur El Herfi, qui est notre doyen et dont je salue vivement la présence parmi nous. Tout d’abord, je remercie tous les présents.

La Palestine, ça a été dit, n’est pas un pays en surplus de la carte géopolitique, à la carte de la planète. La solution à deux États n’est pas un projet national palestinien, mais ça a été véhiculé et promu par les Européens, adopté par les Américains, et reste encore en panne. Tout un recul sur l’application d’une telle option mènera certainement à délégitimer un processus d’apartheid bien instauré, une nouvelle Nakba, qui ne peut qu’être la suite d’une série de crimes commis devant ce silence, cette complicité, de certaines parties du monde, il y a 76 ou 77 ans.

Aujourd’hui, cette Nakba continue et prend encore d’autres formes, plus douloureuses et plus sévères. Parler d’un partenariat avec la Palestine nécessite certainement une reconnaissance claire et explicite des droits légitimes du peuples palestinien, sans laquelle un partenariat restera fictif, formel mais sans contenu. Les Palestiniens, en parlant de leur crise humanitaire, délaissés par une telle guerre de déracinement, par une telle guerre génocidaire – que le moindre d’entre eux a qualifié en tant que tel – une crise humanitaire – une aide humanitaire par l’Europe est la bienvenue, certes, mais toute aide qui fait perdre la vue et l’importance de sa dimension politique, de l’importance que ce cela soit cadré, pour une reconnaissance politique officialisée, restera une aide comme « pommade » pouvant alléger quelque peu les blessures, mais qui ne règlera pas le problème majeur de l’existence du peuple palestinien.


Donc remplaçons les mots, utilisons les contenus réels. Le problème est dans la continuité de cette occupation israélienne, le problème n’a jamais été la Palestine. Par contre, la Palestine peut très bien participer à la solution de tous les problèmes de la région. La Palestine doit être vue comme un angle pour passer et régler tous les autres problèmes de sécurité et de la Paix régionale, et peut-être aussi mondiale, en tant que cause mère de toutes les autres causes, en tant que conflit le plus long au vu des années passées, et aussi le plus lourd en termes de nombre de victimes.

Donc parlons de la Palestine comme une valeur ajoutée à la Paix et à la sécurité internationales, mais pas en tant que passerelle sans donner de l’importance à l’existence d’un tel peuple, qui a trop souffert et qui a aujourd’hui vraiment besoin – et surtout après cette guerre génocidaire de Gaza – d’être reconnu dans son mal, pour pouvoir réparer l’injustice, comme ça a été dit par l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin : « La Justice passe par la reconnaissance d’un État palestinien ». Moi je dirais : « La Justice passe par la reconnaissance des droits palestiniens », dont l’État palestinien est un détail. Merci.

S.E.M. Jean-Pierre VETTOVAGLIA, ex-Ambassadeur de Suisse (1988-2007) à Vienne, Bucarest et Paris, ex-représentant personnel du président suisse pour la francophonie, à Paris (2000-2007) et administrateur de banque (Trade Finance, BIC-BRED, Genève).

Trois petites minutes pour dire une chose, après avoir félicité l’Ambassadeur, et m’associer à ses propos. Je ne sais pas, mais je suis peut-être le seul autour de cette table à avoir visité tous les camps palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, parce que j’ai été durant dix ans au conseil de l’UNRWA, donc j’ai été très sensible à vos paroles, pour ne m’être jamais remis de mes visites dans ces camps.

Ce que je veux dire, c’est qu’aujourd’hui j’ai entendu sept orateurs parler des acteurs de cette crise : de l’Union européenne, d’Israël, de la Palestine, des États-Unis. Aucun n’a parlé de l’acteur le plus fondamental et le plus essentiel, le lobby juif. Et je vous conseille évidemment de lire à toute vitesse les 750 pages du dernier livre d’Ilan Pappé, juif israélien, consacrées précisément à ce problème du lobby juif.

Je voudrais finir avec deux exemples. Mon ministre des Affaires étrangères est totalement – pour des raisons disons improbables –sous le contrôle du lobby juif. La Suisse, qui a contribué au droit humanitaire, aux conventions de Genève, est le seul pays démocratique à n’avoir pas condamné les colons violents. C’est tout de même étonnant. La Suisse, vingt-quatre heures après la décision du gouvernement israélien d’interdire l’UNRWA sur le territoire d’Israël – et ça c’est une décision qui entre en vigueur dans les trois mois, mais nous il ne nous a pas fallu 24 heures pour prendre la décision de supprimer toute contribution suisse à l’UNRWA. On a au moins cinquante parlementaires sous le contrôle du lobby juif, dont un qui explique que ne pas subventionner l’UNRWA c’est rendre un grand service à la suisse, etc., etc. Donc je pense que dans toute analyse réaliste des attitudes des uns et des autres, les ministres de nos gouvernements, des parlementaires de nos parlements, de nos lobbys, il faut procéder d’abord à une analyse très fine de l’influence ou des influences auxquelles ils sont soumis. Merci beaucoup. Ce n’était pas une critique, c’était juste une affirmation.

Jean-Michel VERNOCHET

Si je dis ce que vous venez de dire, je finis en garde à vue dans les vingt-quatre heures !

S.E.M. Jean-Pierre VETTOVAGLIA

C’est très grave.

Ali RASTBEEN

Comme je l’avais indiqué, le 28 mars 2025 nous avons un colloque concernant le destin de la Palestine. Nous cherchons une salle, pour le moment nous n’avons trouvé ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat….

S.E.M. Jean-Pierre VETTOVAGLIA

Tiens, c’est étonnant ! (ironie).

Ali RASTBEEN

Si vous avez des intervenants à proposer sur le sujet que vous avez signalé, Votre Excellence, nous sommes preneurs. Si vous avez d’autres questions, vous pouvez prendre la parole.

M. Xavier HOUZELSenior Partner (Vernes Partners SARL, Genève), spécialiste pétrole et questions énergétiques.

Je vais être brutal, en donnant un coup de pied dans la fourmilière : je vais tenter de dire ce qui n’a pas été dit en évitant  de mon mieux la langue de bois.

Je commencerai, avec irrévérence, par Mahmoud Abbas (Abou Mazen), dont le nom a été à peine mentionné ce soir. J’observe son immobilisme inexplicable, notamment  depuis l’opération « Jambe de bois » de 1985, et l’affaire  de Sigonella, lors du détournement de l’Achille-Lauro, déjà un 7 octobre, au large de la côte chypriote : Israël bombardera le quartier général de l’OLP à Tunis sous couvert des radars américains ! Le président ARAFAT voulut alors faire converger une flottille d’une centaine de voiliers  désarmés (dont le Bel Espoir, le trois-mâts du Père Jaouen) vers la côte de Gaza, chacun à ses propres frais. Abou Mazen qui tenait les cordons de la bourse mais à qui l’on ne demandait rien, ne voulut froisser ni les Israéliens, ni les Américains, ni ses sponsors qui étaient leurs faux-nez, et il s’y opposa. L’homme n’a pas changé.

Personne n’a mentionné l’offre exceptionnelle faite à Israël par le Prince héritier  Abdallah bin Abdelaziz d’une Paix jusqu’alors inimaginable. Qui a refusé cette main tendue par les Pays Arabes ? Vous n’avez pas évoqué de noms comme ceux de Mohammed Rachid ou de Mohammed Dahlan (…) oui… celui-là « une fois » – alors qu’ils tirent les ficelles, les poches bourrées de millions, en bonne intelligence avec l’État Hébreu. Vous n’avez eu à la bouche que les Frères Musulmans ! Yasser Arafat, un Husseini, n’était-il pas lui-même un Frère Musulman ?

Je remarque que personne n’a essayé d’analyser la cause du conflit israélo-palestinien. On en connait les effets, comme s’ils étaient inéluctables – mais l’on n’ose pas appeler un chat un chat !

La cause se situe tout en haut de la pyramide. Que veulent les États-Unis d’Amérique ? Ils veulent le partage du monde à leur avantage; autrement dit d’un nouveau Yalta. Vous avez tous « mentionné » qu’Israël faisait office de 51ème État de l’Union, sous forme de porte-avions. Les Européens ne sont nulle part – ils sont une « colonie ». Qu’est-ce que la France peut y faire, sinon des pas de danseuses, des esquives qui cachent quelque chose dont nous devrions, nous les Français – ici nous sommes tous des Français de cœur mais je parle pour les Français de passeport – être honteux. Vous pouvez me citer ; c’est en dessous de la réalité.

La division du monde commence par le partage des points-clés du monde. Dans la Péninsule Arabique et le Golfe Persique , il y a presque la moitié des réserves énergétiques du monde ; les Américains en ont absolument besoin : on le sait depuis les Accords du Quincy. Le Gaz de schistes est dévastateur, épuisable et couteux. Roosevelt avait conclu un pacte avec le roi Abdelaziz et celui-ci a été prorogé par le roi Abdallah en 2005 – on l’a convoqué à Houston pour lui dire qu’il ne serait roi qu’à la seule condition de renouveler ce Pacte.

Le canal de Suez est une route, à la fois celle de Marco Polo, celle de Ferdinand de Lesseps et celle de la Soie de Xi Jinping : mais c’est, pour les Américains, un endroit stratégique à tenir pour maîtriser les ressources énergétiques de la Péninsule Arabique et de l’Afrique. Et pour assujettir l’Europe. Au Nord, en Russie, il y a aussi énormément d’Hydrocarbures. La Russie est intéressante à cause de ses réserves de gaz et de pétrole, mais elle est encore plus importante à cause du réchauffement climatique, parce que l’Océan Glacial Arctique – ou le cercle polaire – devient navigable, accessible à tout le monde. C’est ça qui est l’enjeu actuellement, et c’est ça qui est en train d’être discuté en ce moment même par téléphone entre le président américain et le président russe. Oubliez les Palestiniens ; oubliez Gaza et sa guerre – qui est une chiquenaude ! J’ai honte de le dire.

S.E.M. Jean-Pierre VETTOVAGLIA

Ça se passe bien, indique la Maison Blanche.

M. Xavier HOUZEL

Ça se passe bien, bravo, il vaut mieux ça ! (rires). Les Palestiniens sont une marchandise, comme ça a été dit, une variable d’ajustement – très bien dit.

Alors, dans tout ça, il se passe des choses encore pires que ce que je viens de dire. Je vais être encore plus brutal. M. Al-Joulani, alias al-Charaa, dont le propre père nominé ne sait pas qu’il avait ce fils-là, ne le reconnait pas ; on ne connait pas sa généalogie (c’est assez « remarquable »). Mais ce conquérant  est arrivé à ses fins parce que les Israéliens et les Américains sont allés prévenir Erdogan qu’il pouvait rentrer en Syrie sans coup férir, aidé par des bombardements massifs sur les positions du Hezbollah et de l’Iran, etc. Les Russes ont été prévenus, et ils se sont mis de côté. On n’a pas du tout envahi leur base aérienne, ni leur base navale ; ils ont envoyé leurs bateaux tranquillement en Haute Mer et ça leur a donné l’occasion de passer des accords avec la Libye, où ils ont pris quatre bases aériennes, en plus du  port de Tobrouk en eaux profondes et, au Soudan, un port sur la Mer Rouge. Alors qu’ils ne disposaient que d’une seule base (navale) en dehors de leurs eaux territoriales, les voilà maintenant dans trois endroits parmi les plus stratégiques du monde.

Ce n’est pas l’effet, c’est la cause ? Qui se permet de souligner la relation de cause à effet entre le Groenland et Gaza ? Entre Tobrouk et la Crimée ? Notre propre Chef d’État n’ignore rien de ces passerelles-là, de ces « détails » de l’Histoire . Pourquoi ce n’est pas possible ? Parce que moi-même et en toute modestie je le submerge de notes, donc je sais qu’elles arrivent, au moins sur un bureau. Pourquoi ne « bouge-t-il pas » ? J l’ignore. Il doit attendre son « heure » ! Il y a d’autres énigmes.

Notre bon Monsieur Le Drian par exemple, qu’est-ce qu’il va faire là-bas ? Où sont ses rapports ? Quelles sont ses analyses ? D’habitude, on communique à l’Assemblée Nationale quand on a ce statut et qu’on est un envoyé spécial de ce calibre. Or rien. C’est ce qui se passe, soit lorsque l’on ne comprend pas, soit quand on ne sait que trop bien mais qu’il vaut mieux  passer pour un benêt.

Alors versons nous-mêmes dans les délices des théories du complot : derrière Al-Charaa, qui ? Évidemment, Al-Qaïda, qui est financée par le Qatar. Le Qatar finance tout le monde ! J’étais au Qatar, à Doha, parce que j’étais allé voir le dernier sujet dont je voulais parler – dont personne n’a parlé aujourd’hui – qui s’appelle le Hamas. Parler de morts, de 250.000 morts et ne même pas prononcer le nom du Hamas c’est être d’une exquise délicatesse – que je ne comprends toujours pas. Je ne comprends pas que le président Mahmoud Abbas ne démissionne pas ; il aura 90 ans bientôt et il y a 19 ans qu’il n’a pas été réélu. Le monsieur divise pour régner (c’est un classique). Le Hamas est un parti au même titre que le Fatah, le Djihad islamique, le FPLP…  on en compte une dizaine d’autres, auxquels il faudrait ajouter les clans, voire les gangs sur le terrain, ceux de Cisjordanie et de Gaza, sans oublier les représentants des camps de réfugiés – ceux du Liban et de Syrie – et même de Jordanie !

Les représentations palestiniennes ont été successivement invitées à Moscou, puis à Pékin (comme, avant elles, l’Iran et l’Arabie saoudite), puis à Ankara, puis au Caire pour parfaire l’UNITÉ entre elles. Monsieur l’Ambassadeur, vous représentez tous les Palestiniens, pas seulement ceux de Cisjordanie agglutinés autour du palais présidentiel d’un sphinx qui n’a plus de parole. Vous savez très bien que Mahmoud Abbas, alias Abu Mazen, soit s’est abstenu en ne déférant pas aux invitations, soit s’est défaussé en ne respectant pas sa parole. Dans le cas contraire, nous aurions eu un cessez-le-feu durable avec une gouvernance acceptable de l’enclave de Gaza : le Hamas était prêt à se fondre dans le paysage.

Ce n’est pas faute de la part de nombreux dirigeants occidentaux d’avoir œuvré en faveur de cette « unité » indispensable au sein du mouvement Palestinien. J’ai moi-même été un des initiateurs d’une série de sessions de travail  – ici en France, puis en Turquie – entre les représentants respectifs du président Arafat et du Premier ministre Israélien d’alors, le général Ariel Sharon, dans la résidence privée du président Giscard d’Estaing. Vous devez être au courant, Monsieur l’Ambassadeur. Ce doit être dans vos archives. PLes interlocuturs désignés étaient Maher El-Kurd pour la Palestine et Majalli Whbee pour l’État Hébreu. Personne n’en parle. Leurs rapports ont été donnés à Ariel Sharon et sont parvenus de la même manière chez le président Arafat. Ce travail avait pour objet la mise forme constitutionnelle de l’’État Palestinien, alors (après Oslo) resté « en l’état futur d’achèvement » . Les États-Unis s’en sont mêlés (CQFD), ayant appris je ne sais pas comment le début de l’entreprise, auprès du gouvernement français. Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, est alors intervenu auprès du président Giscard d’Estaing pour lui proposer de rédiger plutôt la constitution européenne…(projet qui fut très vite enterré, comme vous le savez). Valéry Giscard d’Estaing était quelqu’un de clair, net, pragmatique, et qui arrivait ainsi à des solutions simples mais constructives.

Je dois avoir une copie de ces comptes-rendus et je me ferai un devoir, Monsieur l’Ambassadeur, de vous les communiquer, si vous en avez le désir. Par l’entremise de cette Académie. Merci beaucoup.

S.E.M. Salman EL HERFI

Je vous remercie beaucoup pour votre intervention, ça me touche beaucoup. Avant d’être ambassadeur en France, j’ai travaillé comme conseiller d’Arafat. Et j’ai passé la plupart de ma vie avec lui. Et toutes les (…) depuis, on a participé. La question : il y a des fois où il y a beaucoup de mesures lourdes, sur notre dos. Il y a aussi beaucoup de reproches qui sont faux, ou parfois qui sont bons. Et nous sommes toujours prêts. S’il y a une société démocratique, c’est la société palestinienne. Mais c’est une démocratie dans la forêt des armes. Il y a des interventions régionales, et internationales. Vous l’avez mentionné : qui a créé le Hamas ? C’est les Israéliens. Qui finance et dirige les Frères musulmans ? Ce n’est pas les Palestiniens. Or les Frères musulmans sont les alliés des États-Unis, et des Britanniques. Et c’est une guerre ! L’ennemi principal d’Israël c’est l’OLP. Et quand on minimise, on dit l’ « Autorité palestinienne ». Croyez-moi, n’importe quel dollar donné par l’Occident a été suivi où il va. C’est facile d’accuser certains ici, et certains là-bas, de corruption. Nous sommes un peuple comme d’autres peuples. Mais ce n’est pas une raison. Nous, on ne peut pas prendre des impôts de réfugiés palestiniens. On ne peut pas demander à un réfugié palestinien de payer de l’électricité et de l’eau. On a besoin de subventions à nos populations. 60 % de notre population actuelle sont des réfugiés. Or les donneurs ne veulent pas que nous subventionnions nos réfugiés, et voilà où l’argent il va. On a accusé Arafat d’être corrompu. Arafat il est mort ! Les banques sont contrôlées par les Palestiniens ? Les banques elles sont contrôlées par vous, par les États-Unis. N’importe quel citoyen ne peut pas transférer la plus petite somme d’argent sans le contrôle des Américains. Alors si nous sommes corrompus, pourquoi ne disent-ils pas où est l’argent que nous avons volé ? Mais c’est un objectif politique de dénigrer les dirigeants palestiniens. Certainement que ceux que vous avez mentionné travaillent pour Israël. Disons qu’ils sont révolutionnaires ! L’opération elle-même, ou bien l’acte, ou bien le 7 octobre, c’est un plan qui existait depuis 2017.

Dans la salle : Bravo !

S.E.M. Salman EL HERFI

Israël, ils le savent. Des milliers de satellites et des milliers d’agents sur Terre, les Israéliens et en premier lieu M. Netanyahou, il n’était pas surpris. Il fait partie de cette guerre pour empêcher, chercher des prétextes pour commettre le génocide contre le peuple palestinien.

Nous ne sommes pas contre les élections. Nous sommes prêts à faire des élections demain. Qui finance le Hamas ? Qui a financé le tunnel ? Qui a fait le coup d’État contre l’autorité palestinienne ? Quand nous avons fait des élections, et l’Union européenne les a observées, quand Hamas a gagné, on a cédé pour le Hamas. Mon ami, pas toute la vérité est là. Beaucoup de vérités sont cachées. Nous ne pouvons pas tout dire, parce qu’on a besoin de protéger notre peuple, on ne peut pas reprocher à tel ou tel régime ce qu’il fait, ou bien tel ou tel pays. Si on parle de la Syrie, il y a un demi-million de Palestiniens qui sont en Syrie. Si on parle du Liban, c’est la même chose, en Égypte c’est la même chose, en Jordanie c’est la même chose, en Europe c’est la même chose. Regardez ce qu’il se passe aux États-Unis. Il y a des étudiants qui vont y aller pour étudier. S’ils parlent de leur propres victimes, leurs familles, ils sont condamnés et rejetés. Il y a certains pays européens (…) interdire, de ne pas manifester en faveur de la Paix. Les gens quand ils sont sortis à Paris, ne sont pas sortis par solidarité avec le Hamas, ils sont sortis contre le génocide qu’il y avait, soit en Palestine ou soit ailleurs.

C’est pour cela que nous faisons appel à vous. Nous nous sommes prisonniers, prisonniers des mots, et prisonniers des faits. On ne peut pas tout dire, parce qu’on a une responsabilité envers notre peuple, de protéger notre peuple. Nous savons bien que la Palestine ne sera pas libérée demain. Depuis le commencement de notre soulèvement, de notre révolution, nous résistons pour nous protéger, nous sommes menacés dans notre existence en tant que peuple, en tant qu’être humain, et nous cherchons une place, d’où protéger notre peuple et élever nos enfants dans une atmosphère plus ou moins en Paix.

On nous reproche notre système d’éducation, et ça, et ça, et ça… Mais allez lire les programmes du système d’éducation israélien, ou bien américains ! Le racisme, ce n’est pas de chez nous, l’apartheid ce n’est pas un produit de nous, l’impérialisme ce n’est pas de nous, nous n’avons envahi personne, c’est nous qui avons été envahis. Les Israéliens, ça fait plus de 200 ans que le lobby sioniste – et je ne dis pas un lobby juif – contrôle les médias, contrôle la finance, qui contrôle certains dirigeants à travers le monde, y compris certains arabes, c’est eux qui font tout.

Parlons des 1200 victimes israéliennes. Qui a tué les 1200 ? C’est les (…) israéliens. C’est les avions israéliens : Huit heures… ! Et M. Netanyahou n’a pas réagi… Il a lâché ses avions pour bombarder les Israéliens eux-mêmes, d’abord, il a fabriqué des photos, et même M. Biden a reconnu avoir été victime d’une fausse information par M. Netanyahou. Mais la question est toujours des victimes, des 1200, oui…  mais il y a 1 million et demi de Palestiniens qui ont été délogés, déracinés, il n’y a pas d’eau, d’électricité, de nourriture, pas d’air frais à respirer, et on ne parle que d’Israël et de son droit à l’autodéfense… Autodéfense contre qui ? Y-a-t-il un colon, un occupant, qui leur donne droit à l’autodéfense, ou bien plutôt à celui qui est victime ? C’est celui qui est occupé qui a le droit de résister.

Au fond, le problème : ils ne veulent pas d’un peuple palestinien. Le peuple palestinien – excusez-moi de le dire – est le peuple le plus éduqué dans la région. Ils ne veulent pas ouvrir les yeux des autres peuples dans la région, de se révolter contre l’exploitation américaine de la région. Je me rappelle que j’étais avec le président Arafat au Vietnam. Il était en réunion avec le général Giáp. Il lui dit : « votre problème va durer beaucoup plus que nous, le Vietnam ». Arafat a répondu : « pourquoi ? ». Il a dit : « votre peuple il commence par ‘P’, et il y a un autre mot qui commence par ‘P’, c’est le ‘pétrole’ : donc à cause du pétrole ». Et ça, c’est une des raisons. Il y a un marché, il n’y a pas de production, il y a l’endroit géographique, il y a les richesses dans la région. En plus, certains croient que cette région réunifiée pourrait constituer une menace. La plus grande menace pour l’Europe, c’est Israël. Merci beaucoup.

M. Bernard CORNUT, Ingénieur X68, réalisateur, expert Moyen-Orient, énergie, environnement

Bonsoir. Je vais me présenter un peu, je suis polytechnicien, j’ai travaillé quinze ans au Moyen-Orient, j’étais à Bagdad, j’avais reçu d’ailleurs (…), pour l’informer avant qu’elle n’interview Saddam, j’ai été à Gaza il y a 30 ans, j’ai d’ailleurs rencontré en 1995 Arafat à (…), je me débrouille en Arabe libanais, syrien, irakien et égyptien, j’ai aussi eu une belle-mère iranienne et un beau-père irakien, tous les deux étant laïques, elle étant chiite, et lui sunnite ne pratiquant pas, les deux à gauche et même assez proches des communistes, un certain temps – mon beau-père était fondateur de la Ligue anti-impérialiste en Irak. Et donc j’étais en Irak quand la guerre Irak-Iran a commencé, j’ai essayé de réfléchir sur la genèse des guerres, j’ai bien compris que c’était des guerres pour le pétrole et qui étaient toutes provoquées par les actions de la Syrie, dont on ne parle pas assez, mais avec 500 milliards de dollars par an ils pourront faire tout ce qu’ils veulent dans le monde, pour faire des troubles, etc. partout, donc bon. Je le dis parce que j’ai une longue expérience, et je suis neutre, ayant vécu et travaillé au Liban et en Irak, en Égypte, en Turquie, et ayant visité pratiquement tous les autres pays, l’Arabie et le Koweït, etc.

Et je vous dis une histoire que je dis rarement en public, quand j’étais sorti de polytechnique, on a discuté avec cinq personnes, c’était une équipe de basket. Il y en avait un qui était français et juif. On a dit ce qu’on allait faire plus tard. Moi j’ai dit que je vais travailler dans la nature. Lui, qu’est-ce qu’il a dit : « Moi je ferai l’école supérieure des techniques avancées, j’entrerai chez Thomson dans la division radar, je saurai comment les détruire et les saboter ». Un gars financé par la France dans ses études, donc il faut bien voir l’ampleur du problème ! La naïveté de nos présidents, à part peut-être Chirac, mais notre président a comme premier conseiller à l’Élysée quelqu’un, Alexis Kohler, dont la mère est née à Haïfa en 1932. Donc ce que connait Macron de l’Histoire du Moyen-Orient, c’est la guerre de Palestine vue par une jeune fille de 16 ans – qui effectivement à 16 ans n’avait aucune conscience politique ou historique – qui dit « mes braves copains se font tuer par des sales arabes qui ne veulent pas de nous ». Donc c’est ça, la vision qui a été racontée il y a 10-15 ans à M. Macron. C’est fondamental de comprendre cela, et de le redire, parce que ça explique beaucoup de choses.

Pour conclure : je fais un film actuellement, qui a été fini de tourner en Provence, à Lyon et à Paris, et il y aura quelques extraits réels de Palestine. Et ce film, c’est un voyage de noces d’un petit-fils de Palestiniens avec une française, fille de pieds noirs d’origine arménienne, ça se termine chez des colons, parce qu’ils sont invités par des colons français, parce que le chauffeur pour aller à Roissy était juif et avait une calotte – ça a été joué par un copain palestinien de Naplouse, d’ailleurs, et donc il regarde à la télévision le Conseil de sécurité qui vote une résolutions sous chapitre 7. Le film s’appellera Chapitre 7, un mot tabou que je n’ai jamais entendu dans les milliers d’articles et de vidéos que j’ai lu depuis un an et demi. Même Jeffrey Sachs, même De Villepin ils disent qu’il faut des solutions mais pas que la seule solution serait le chapitre 7, parce que c’est le seul point du droit international – le seul, l’unique – qui prévoit son application au besoin par la force. Ça a été appliqué à Saddam (« vous devez évacuer en six semaines »), ça a été appliqué à Kadhafi abusivement (ce qui a rendu fou Poutine, vous le savez bien), et ça a été appliqué à Daech et c’est toujours valable d’ailleurs sur Daech, en Syrie, dans la zone Syrie-Irak.

Donc j’ai écrit une résolution qui traite de tous les problèmes, qui prétend les résoudre, j’en ai quinze ou seize exemplaires, j’en donnerai en priorité aux amis palestiniens, à M. Suisse et à quelques autres, parce qu’ayant une vieille expérience, comme je l’ai dit, j’ai écrit plein de choses très précises dans une résolution sous chapitre 7 : je prétends qu’elle résout tous les problèmes de façon juste, réaliste, acceptable par toutes les parties, toutes les majorités des pays en cause, y compris les Américains.

Mme. Sarah ABUNADA, Chargée de mission à la délégation de l’État de Palestine auprès de l’Unesco

Bonjour, et je vous remercie. Je me présente rapidement, je m’appelle Sarah Abunada, je suis de Gaza, je travaille dans l’équipe de la délégation de l’État de Palestine à l’Unesco. Toutes les interventions que vous avez faites m’ont laissée avec une question – et ça sera peut-être le sujet du prochain colloque qui aura lieu le 28 mars.

Donc vous avez dit que nous nous retrouvons dans une impasse, entre la solution à un ou deux États qui sont toutes les deux rendues impossibles : donc à partir d’ici, où est-ce qu’on va en tant que peuple palestinien ? Je m’intéresse beaucoup à la question d’héritage, parce que nous allons hériter de ces problèmes et de ces questions, donc il est très important de poser cette question d’où nous allons, pour avoir une vie digne pour les Palestiniens. Je suis un peu émue parce que j’ai reçu des témoignage de ma famille qui se trouve à Gaza, qu’il y a des bombardements juste à côté, donc c’est quelque chose qui me trouble et qui me touche beaucoup. C’est important qu’on protège notre population, comme ça a été dit par nos deux ambassadeurs, et donc voilà ma question. Je ne sais pas si elle recevra sa réponse aujourd’hui, ou bien lors du colloque du 28 mars. Je vous remercie beaucoup.

M. Gassan ANBAR, Consultant relations méditerranéennes, chef d’entreprise

Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les intervenants, Ambassadeurs, je m’appelle Gassan Anbar. Je suis chef d’entreprise, je m’occupe aussi des petites et moyennes entreprises de la Ligue Arabe. Je suis depuis quelques dizaines d’années en France, et je voulais faire un apport, en particulier sur l’intervention de M. Cheminade.

En ce qui concerne la région de l’Est de la Méditerranée, ce qu’on appelle la « Grande Syrie » ou ce que M. Netanyahou appelle le « Grand Israël », aucun de ses États n’a une autonomie, ne peut survivre seul. Ils n’ont pas d’autonomie alimentaire, ni des frontières, et en particulier la solution n’est pas le dessalement de l’eau de mer. La région est sous-développée du point de vue énergétique. J’ai travaillé, je participais au chantier de l’Union pour la Méditerranée, à l’Élysée, pendant un peu plus de trois ans. Pour votre information, la Ligue Arabe n’a proposé aucun projet. Aucun. Et quand la Commission européenne – ou en particulier nous, c’est-à-dire le comité stratégique – proposaient des projets, c’était considéré comme des projets colonialistes.

Je suis d’origine syrienne, personne ne peut me dire que je suis occidental, manipulé ou je ne sais pas ce qu’ils cherchent. Je suis totalement libre et indépendant. Bien sûr, j’aime la France sans limite, cela est absolument certain. Je m’occupe des petites et moyennes entreprises, j’ai fait une conférence à la Ligue Arabe, au Caire, devant 200 fédérations sectorielles arabes. En dehors de trois intervenants, l’unanimité était pour un partenariat Nord-Sud de la Méditerranée.

Peut-être que pour initier quelque chose, M. le Président, il faut s’appuyer sur les petites et moyennes entreprises entre le Nord et le Sud de la Méditerranée car elles sont libres, dynamiques, et intelligentes. Car la bourgeoisie arabe n’existe pas. Toutes les entreprises dans les pays du Sud-Est de la Méditerranée sont pratiquement nées par des décisions politiques et de support politique. Donc ce sont des entreprises condamnées à mort. Alors que par un partenariat Nord-Sud, nous pouvons trouver une intégration industrielle, car aucun chef d’entreprise – sauf s’il est stupide – ne transférera sa technologie, en particulier si elle vient (…) industriel.

M. Cheminade, j’ai beaucoup d’admiration pour vous, je vous connais, je pense que c’est un chantier sur lequel il faut travailler. Il y a un obstacle énorme, qui est le djihadisme, les djihadistes, qui sont extraordinairement actifs dans les pays du Sud-Est de la Méditerranée, et la preuve aujourd’hui étant ce qu’il se passe en Syrie, avec des massacres contre des minorités qui sont là, depuis la création de la planète, en Syrie. Et en particulier contre des minorités alaouites et chrétiennes dans une première phase, mais peut-être plus tard ça sera les autres.

M. Jacques CHEMINADE

Il ne faut jamais attendre une solution de ceux qui sont la cause du problème. Il y a quelque chose qui s’appelle la communauté internationale. Victor Hugo l’aurait nommée une « bande de malfaiteurs », une « mafia » (rires). Ce sont des puissances européennes occidentales qui sont tombées sous la coupe d’intérêts financiers, et la « grande lessiveuse » d’argent sale du monde, je veux dire la City de Londres.

Ça ne date pas d’aujourd’hui ! Leurs ennemis, c’est l’État-Nation. Leur ennemi actuel, Gamal Abdel Nasser et l’Égypte, et l’Autorité palestinienne, si elle était une véritable autorité palestinienne, c’est-à-dire si elle représentait l’intérêt du peuple palestinien. Alors, ça ne date pas d’aujourd’hui, ça date de bien avant le pétrole, ça date de 1840 lors d’une conférence à Londres sur comment on pourrait contenir ce qu’il se passe. Pourquoi ? Parce que Méhémet Ali et son fils, Ibrahim Pacha, étaient en train de fonder une société qui était une « Grande Syrie », comme on l’appelait à l’époque. Avec qui ? Avec des révolutionnaires français immigrés, qui étaient très compétents techniquement, et des révolutionnaires d’autres pays européens. Et ils se formaient un embryon d’État-Nation. Il fallait le détruire… ! À Londres, on dit : « comment ? Chiites contre sunnites, ça va, mais il faut ajouter quelque chose : les Juifs au milieu, et comme ça on les tiendra, diviser pour régner ». Et ça, c’est vraiment ce qui a été la base de ce qu’on appelle aujourd’hui un système basé sur des règles, « rules-based order », qui est à la fois financier dans sa conception, et impérialiste dans son idéologie.

Alors, l’Union européenne par rapport à cela. Moi je dirais simplement une chose : elle a fondé une école diplomatique européenne à Bruges, où on enseigne à des diplomates « européens », et pas à des diplomates d’États-Nations, et cette salle où ils se réunissent s’appelle « Madeleine Albright » ! Comme ça, affiché… Voilà, tout est dit, je n’en dirais pas plus sur l’Union européenne.

Je termine par une note d’espoir : je pense qu’aujourd’hui, la Palestine peut être ce qui sera un point de rassemblement de ce qu’est un changement et une transformation dans le monde. Je veux dire, ce qui apparaît, dans cette majorité mondiale, l’Organisation de la Coopération de Shanghai, les BRICS, tous les gens qui exigent le droit à l’autodétermination et aussi le droit au développement économique. Alors, je vois réapparaître, avec bonheur, autour de ces gens-là – mais j’espère qu’en France ça arrivera –, la poussée de ce que De Gaulle appelait « la Détente », « l’Entente », la « Coopération » pour l’Avenir.


[1] « Gaza : ‘motifs raisonnables’ de croire qu’Israël a commis des ‘actes de génocide’, selon une experte de l’ONU », Nations Unies, 26 mars 2024, lien : https://news.un.org/fr/story/2024/03/1144356

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