La Russie et sa politique intérieure – Sous la Présidence de Jacques MYARD, Membre Honoraire du Parlement, Maire de Maisons-Laffitte, Président du Cercle Nation et République
Intervention de Jacques Myard
J’ai été diplomate dans un temps ancien, j’ai même connu le monde à l’époque soviétique à Berlin quand j’étais officier de liaison mais diplomate. J’ai servi à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères pendant des années. Puis je suis devenu député en 1993. Voilà juste quelques éléments pour me présenter, pour que vous sachiez à qui vous avez affaire. Et maintenant je suis seulement maire après avoir perdu mon siège de député à la suite d’une sorte de vague dite Macron ; j’ en ai été un peu surpris – enfin on n’est pas mort pour autant ! – , mais je tiens à dire que, toujours maire de Maisons-Laffitte, je garde une prédilection pour les relations internationales.
La conférence s’intitule « L’émergence de la Russie ». Lorsque j’ai lu ce titre, je me suis demandé si cet intitulé était bien approprié. La Russie fait partie du système international et du système européen, elle a connu une phase difficile après la fin de l’URSS, mais personne n’a vraiment cru qu’elle allait disparaître du continent européen et du monde qui est aujourd’hui non seulement un monde polycentrique, mais le monde des ères des puissances relatives dans lequel beaucoup de pays peuvent jouer un rôle. Si l’un des blocs a disparu, ce n’est pas un monde d’ailleurs plus serein, ni plus stable, il n’y a à présent pas grand chose de changé à ce propos, l’Histoire continue.
La Première Table Ronde – je vais passer la parole dans quelques instants à Emmanuel LEROY – concerne la politique intérieure de la Russie. On a constaté que la Russie est passée d’un monde soviétique, communiste ,centralisé et bureaucratisé à un monde beaucoup plus ouvert qui tend à la démocratie.
Et je voudrais apporter un témoignage. J’ai été observateur au moment des élections présidentielles en Crimée, avec une délégation à la fois d’anciens députés, de députés en exercice et de sénateurs, qui se sont rendus dans plusieurs régions de Russie. Quant à moi, je suis allé en Crimée avec d’autres. Ce qui est manifeste et que nous avons su, c’est que les médias occidentaux qui étaient à Moscou avaient reçu l’ordre de leur rédacteur en chef : « Surtout rapportez les incidents ! ». C’est tout de même quelque chose d’assez terrible d’entendre cela ! Avant de constater quoi que ce soit, les instructions auraient été données par les médias occidentaux de rapporter d’éventuels incidents … il n’y en a pas eu.
J’ai assisté au vote en Crimée. J’ai vu comment les gens votaient, on a visité une dizaine de bureaux de vote. J’ai vu les gens passer dans les isoloirs, cocher le président qu’ils souhaitaient avoir. Et en réalité il y a quelque chose qui n’existe pas en France, Il n’y a pas d’enveloppe : le bulletin de vote qui tombe dans l’urne, lorsqu’il est plié en quatre, ne laisse pas deviner pour qui vous avez voté, mais si par hasard il n’est pas plié et tombe du côté recto, vous voyez pour qui on a voté. En règle générale, parce que le veut une tradition russe, on peut dire « on vote pour un tel ou un autre » ; un bulletin sur cinq était lisible. À chaque fois j’ai pu constater que les votes étaient divers. Bien sûr Poutine a eu la majorité, on le sait, mais il y avait d’autres candidats – notamment cette jeune femme qui était inconnue – qui ont obtenu des votes en leur faveur. Qu’on ne vienne donc pas me dire qu’il y a eu magouille. Ce n’est pas vrai, et cela a été confirmé par tous mes collègues qui étaient dans d’autres régions de la Russie.
Aussi, je pense qu’en matière de démocratie, vous pouvez saluer les avancées qui ont été faites par le peuple russe. Mais qu’on ne vienne pas à longueur de temps donner des leçons car nous-mêmes, nous ne sommes pas parfaits, et je le dis en tant qu’élu de la République française. Voilà ce que je voulais exprimer en quelques mots et vous livrer comme témoignage.
Et puis nous sommes à quelques jours du Centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale : sans engagement russe, en 1914 sur le front de l’Est, nous aurions probablement perdu la Bataille de La Marne, et je le dis sans ambages, nous savons tous que la Russie fait partie de l’équilibre européen. Je suis convaincu que la Russie est un partenaire qui concourt à l’équilibre du continent européen, et je ne suis pas de ceux qui pensent – puisqu’il y a été fait tout à l’heure allusion – que faire rentrer l’Ukraine et la Géorgie dans l’OTAN serait une source de sérénité et d’équilibre. Ce serait une faute géostratégique. Je suis heureux que mon pays soit opposé à l’entrée de ces deux Etats dans l’OTAN, car l’OTAN ne doit pas être le gendarme du monde, elle doit rester une alliance défensive. Je vous remercie. Je passe immédiatement la parole à Emmanuel LEROY.