Bassam TAHHAN,professeur de géostratégie à l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées (Ensta)
COLLOQUE : LAICITE & ISLAMS
Actes du colloque-Conference proceedings
Jeudi 04 juin 2015
Assemblée Nationale
National Assembly
Plus que jamais la France a besoin de son Islam qui pourrait même être extrapolé dans le monde musulman.La France offre un climat intellectuel de libre expression qu’envient beaucoup de pays musulmans ou pas.
Malheureusement, les penseurs réformateurs qui pourraient proposer cet Islam de France sont très rares voire inexistants.
Il est urgent aujourd’hui, vu la tension sociale qui ne cesse de monter, de revoir notre approche institutionnelle ou pas du fait musulman en France.
C’est dans ce sens que je propose une sorte de programme d’études et de recherches des thèmes qui fâchent dans le monde musulman et qui sont pour ainsi dire inabordables.
Je commencerai par la nécessité de revoir l’histoire de la constitution du texte fondateur sans exclure toutes les lectures non canoniques si riches et nombreuses pour l’intelligence du texte et qui à un moment donné de l’histoire ont été condamnées à l’oubli de même que leurs défenseurs.
Je donnerai quelques exemples de ces variantes que j’ai analysées dans mes interventions et ce durant deux bonnes décennies ( les Houris sont-elles des vierges ou du pain blanc,y a-t-il vraiment des versets abrogeant, quel est le sens du mot « hanif »).
Tout comme les autres religions, l’Islam du pays de Descartes et du doute de Ghazali se doit de prendre en considération toutes ces variantes.
Un véritable mouvement de réformes s’impose et ce n’est ni dans le royaume saoudite ni chez les Frères Musulmans que ce travail peut être toléré.
Le second domaine de recherche devrait concerner toute la Tradition Sunna, il s’agit encore une fois de revoir des décisions des islams officiels à travers quatorze siècles qui ont validé ou invalidé des dits du prophète.
Nous disposons aujourd’hui de moyens et d’instruments très puissants pour arriver aux Hadiths authentiques.Il faudrait voir également le statut de la tradition par rapport à celui du Coran,il y règne une confusion déplorable qui se répercute dans tous les domaines du fait religieux et de la vie du fidèle.
Le troisième point devrait réexaminer le concept de califat qui est souvent lié chez de nombreux orthodoxes à la Guerre Sainte.
Tant que ces deux notions n’auront pas été mises à leur juste place,il est impossible à l’Islam d’entrer de plain-pied dans la modernité.
Le quatrième champ est de revoir la théologie qui appauvrit l’islam et qui a été imposée à la majorité des rites condamnant les mutazilites, les soufis et la spiritualité foisonnante d’idées originales, dénoncées par l’histoire de l’orthodoxie, imposée souvent par des monarques pour des raisons socio historiques.
La révision du statut personnel du musulman dépendrait alors des domaines que nous avons cités, mais une fois revisités avec cette volonté réformatrice soucieuse de s’adapter à notre monde moderne (la polygamie,le statut de la femme,le renégat,les mariages mixtes etc…).
L’islam est capable de modernité, il l’a prouvé à travers son histoire.
Malheureusement, l’Islam le plus répandu dans le monde est celui des époques décadentes, surtout quand on sait que la porte de l’effort personnel « Ijtihad » a été fermée, il y a mille ans.
Les institutions représentatives de l’Islam, que ce soit dans le monde musulman ou ailleurs, n’ont pas été à la hauteur de cette mission novatrice d’où ce grand malaise que nous vivons.
Une rupture épistémologique que j’ai toujours défendue dans mes interventions s’impose et ne peut voir le jour que dans des pays où la liberté de l’opinion est souveraine.
Oui à un Islam de France, celui des réformes dont j’ai évoqué quelques angles d’approche.
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