Madame Patricia LALONDE, Députée
Je voudrais tout d’abord vous remercier d’être venus, et remercier le Président de l’Académie de Géopolitique de Paris d’avoir organisé ce colloque sur un thème qui est très important : on dirait qu’il est un petit peu… voir même beaucoup oublié des medias, on a des nouvelles du Yémen pratiquement une fois tous les quatre mois, et à chaque fois c’est de pire en pire.
Entre 1934 et 2015 le Yémen a connu à peu près dix-huit fois la guerre… dix-huit fois, c’est un pays vraiment martyr.
La situation humanitaire est terrible, le pays connait la plus grande crise humanitaire au monde avec 81% de la population qui se trouve dans le besoin urgent d’aide humanitaire. Selon l’ONU plus de 60% de la population est au bord de la famine. Le conflit a causé pas moins de 8 000 morts et déplacé plus de 2 millions de personnes. Et comme si tout cela ne suffisait pas, 1 million de personnes pourraient être touchée par le Choléra d’ici la fin de l’année … on vous en parlera.
Sur le plan politique, il est important de maintenir les structures étatiques du Yémen, qui risquent de s’effondrer à n’importe quel moment. Faut-il rappeler que le Yémen est la seule République dans la péninsule arabique ce qui lui confère une spécificité intéressante. Malheureusement, la situation est très inquiétante avec deux gouvernements concurrents, un reconnu internationalement, mais basé en exile, et un deuxième contrôlant de facto les régions les plus denses du pays dont la capitale Sanaa. Nous avons également une armée divisée en deux, un parlement qui n’a pratiquement aucune interaction avec le gouvernement / et parlementaires en exile. Il y a aussi le risque de partition, lié à l’échec de la réunification, avec le mouvement sudiste qui veut revenir aux frontières des deux Yémen. En outre, le pays reste marqué par une polarisation assez particulière et qui ne correspond pas forcement aux alliances sur le terrain: avec d’une part, les traditionalistes (les tribus) et d’autre part les modernistes (armé). Les tribus jouent aussi un rôle très importants, et peuvent être mixtes du point de vue religieux – donc il ne s’agit pas d’un conflit chiite/sunnite- et qui sont en réalité toutes des organisations armés. Je pense que ces éléments sont importants à prendre en compte dans les processus de négociations, et qui doivent en tout état de cause se montrer inclusifs et réalistes, on ne peut pas traiter la question yéménite comme s’il s’agissait d’un simple soutien régional à une opération de contre insurrection ou d’un simple coup d’État.
Cette guerre absurde menace la paix et la stabilité dans la région, puisqu’en dépit des revers qu’a connus Daesh et al-Qaida dans le pays, ceux-ci continuent à contrôler quelque poche. Cette situation accroit les risques d’une « régionalisation » du conflit, la Corne d’Afrique déjà fragilisée par les conflits locaux et le risque terroriste (principalement le mouvement terroriste d’al-Shabab). Je pense qu’il serait important d’attirer votre attention sur un autre chiffre, très alarmant! Près de 4,5 millions d’enfants risquent de ne pas avoir accès à l’éducation, à cause du non-paiement des salaires d’une grande partie des enseignants ce qui augmente le risque de recrutement d’enfants soldats et celui des mariages précoces.
L’Union européenne doit prendre sa part dans d’éventuelles négociations. Pour l’instant l’Europe a pris – quand je suis arrivée ici – une résolution d’urgence sur la situation humanitaire – c’est une excellente chose, je pense que Bodil Valero vous en parlera, parce qu’elle est à l’origine de cette résolution.
Je pense vraiment que l’Union européenne doit s’attaquer au problème du Yémen, il en va de son devoir, voir même de sa crédibilité. L’Europe, doit s’engager dans le soutien d’une solution politique inclusive et médiane qui satisfera l’intérêt du peuple yéménite avant toute autre considération.