« LE TIBET (XIZANG) ET LES RELATIONS SINO-INDIENNES »

COMPTE-RENDU DU COLLOQUE

L’Académie de Géopolitique de Paris a organisé le 20 septembre 2024 un colloque, sur le sujet « Le Tibet (Xizang) et les relations sino-indiennes », en présence d’une délégation de chercheurs universitaires chinois d’un haut niveau de qualification, spécialistes de la question du Tibet et membres de divers organismes de recherche en relations internationales.

Cette délégation était composée de :

M. ZHA Luo, Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.
M. HU Shisheng, Directeur, professeur et chercheur de l’Institut d’études d’Asie du Sud (au sein de l’Institut Chinois des Relations Internationales Contemporaines).
M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.
Mme. PENBA Lhamu, Vice-directrice du comité éditorial de la revue scientifique South Asian Studies et chercheuse de l’Institut National de Stratégie Internationale (au sein de l’Académie de chinoise des sciences sociales).
Mme. XU Shang, Professeure adjointe de l’Institut pour les Droits Humains (Université Chinoise de Science Politique et de Droit)

La réunion a porté sur la géopolitique asiatique actuelle dans son ensemble, ainsi que sur l’aspect plus particulier des enjeux décisifs relatifs au Tibet (Xizang) dans le cadre des relations sino-indiennes. Les participants ont pu bénéficier de l’analyse et du point de vue chinois sur les défis et enjeux (politiques, stratégiques, économiques, sociaux) de la question tibétaine, notamment dans le cadre des relations avec New Delhi.

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Le Président de l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP) Dr. Ali RASTBEEN a pris la parole en ouverture du colloque, après avoir accueilli les intervenants et le public.

La situation du Tibet est complexe et marquée par des enjeux historiques, politiques, culturels et religieux. Le Tibet revendique depuis longtemps une plus grande autonomie par rapport à la Chine. Ce désir d’autodétermination est au cœur des tensions entre les Tibétains et le gouvernement chinois.L’annexion du Tibet par la Chine en 1950 a profondément modifié la situation de la région.

Une partie des Tibétains dénonce une politique d’occupation militaire et d’assimilation culturelle menée par Pékin, menaçant la culture tibétaine, avec sa langue, ses traditions et sa religion bouddhiste – qui est une composante essentielle de son identité –, et source d’une profonde inquiétude. La communauté internationale a un rôle important à jouer dans la résolution de ce conflit, et de nombreux pays expriment leur préoccupation face à la situation des droits de l’homme au Tibet.

Les relations entre la Chine et l’Inde concernant le Tibet sont complexes et marquées par des tensions historiques et géopolitiques. L’Inde et la Chine sont des puissances régionales qui cherchent à étendre leur influence en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est. Leurs intérêts s’affrontent régulièrement à ce sujet : le Tibet est considéré comme une région autonome par la Chine, mais comme un territoire occupé par l’Inde. Il est un enjeu important dans la rivalité sino-indienne, en raison de sa position stratégique, de sa signification politique et de son importance symbolique.
Le Tibet est d’une grande importance stratégique en raison de sa position géographique, en tant que plateau surélevé jouxtant l’Himalaya. Il contrôle les sources de plusieurs grands fleuves d’Asie, comme le « Brahmapoutre », et constitue une barrière naturelle entre les deux puissances. Pour la Chine, contrôler le Tibet assure une zone tampon contre une éventuelle influence indienne dans cette région sensible. Depuis les années 2000, la Chine y a construit des infrastructures massives, y compris des routes, des lignes de chemin de fer et des installations militaires, ce qui donne à l’armée chinoise une capacité accrue à déployer rapidement des forces en cas de conflit avec l’Inde. L’Inde, de son côté, a également renforcé sa présence militaire dans les régions frontalières, ce qui a alimenté la rivalité entre les deux pays.
Pour la Chine, la question du Tibet est étroitement liée à la notion de souveraineté nationale. Pékin refuse toute discussion sur l’indépendance tibétaine ou sur un statut d’autonomie élargie pour la région. Le gouvernement chinois voit l’influence indienne au Tibet et son accueil du Dalaï-lama comme une menace à son contrôle du Tibet et à sa stabilité interne.

Le différend territorial concernant la région himalayenne, notamment la région du Ladakh, est une source de tensions majeures depuis des décennies et continue de poser problème, augmentant le risque d’un conflit ouvert entre les deux puissances nucléaires. Les deux pays revendiquent des portions de territoire et ont connu des affrontements armés, le plus récemment en 2020, lorsque des affrontements violents ont éclaté dans la vallée de Galwan. Ces tensions militaires, bien qu’elles ne soient pas directement liées à la question du Tibet, montrent l’importance stratégique du plateau tibétain dans la rivalité sino-indienne.

Les deux pays sont des puissances économiques en pleine croissance et leurs entreprises se livrent une concurrence féroce sur les marchés mondiaux, qui exacerbe les tensions politiques. Ces tensions politiques ont un impact négatif sur les échanges commerciaux et les investissements entre les deux pays, contribuant à un climat d’instabilité en Asie du Sud et du Sud-Est, avec des répercussions sur les pays voisins. Les différences idéologiques entre les deux pays, avec une Inde majoritairement hindoue et une Chine officiellement athée et dirigée par un parti communiste, contribuent à un climat de méfiance mutuelle.

Bien que le Tibet soit une source de tension majeure, l’Inde et la Chine cherchent également à coopérer et maintenir un dialogue dans certains domaines et sur certains dossiers, notamment le commerce et les initiatives multilatérales comme les BRICS, ou au sein des Nations Unies. Cependant, les différends entre l’Inde et la Chine restent des obstacles importants à une relation plus harmonieuse. L’Inde est également préoccupée par l’influence grandissante de la Chine au Pakistan, un rival historique de l’Inde, et par le projet des Nouvelles routes de la soie chinoises, qui incluent des infrastructures dans des zones contestées.


Les rapports sur les violations des droits de l’homme au Tibet continuent de susciter des inquiétudes à l’échelle internationale. Les Tibétains feraient face à des restrictions sur leurs libertés religieuses, culturelles et d’expression. Des campagnes contre la pratique du bouddhisme, la surveillance généralisée des monastères, et la répression des manifestations sont courantes.


L’avenir du Tibet est profondément lié à l’évolution de la politique chinoise et aux dynamiques internationales. À court terme, le contrôle chinois sur le Tibet semble se renforcer, tandis que les efforts pour préserver la culture tibétaine et les droits humains font face à de sérieux obstacles. La question du Tibet reste un enjeu géopolitique et humanitaire complexe, et son avenir dépendra à la fois des actions de Pékin et de l’attention que la communauté internationale pourra accorder à cette région stratégique et culturellement riche.

Les relations sino-indiennes autour du Tibet restent tendues, marquées par une rivalité géopolitique de longue date. Le Tibet est un élément central de cette rivalité, à la fois pour sa position stratégique et pour sa signification symbolique. Bien que l’Inde continue d’accueillir le Dalaï-lama et la communauté tibétaine en exil, elle reste prudente dans son approche pour éviter une confrontation directe avec la Chine. Le Tibet est donc un sujet à la fois de discorde et de prudence dans les relations sino-indiennes, avec des implications géopolitiques et militaires importantes pour la région.

Je vous remercie de votre attention. Certainement, c’est une vision extérieure au Tibet et à la Chine et de l’Inde. Nous sommes reconnaissants d’avoir aujourd’hui des informations plus complètes, plus précises et scientifiques de votre part, qui êtes experts de la question. Je donne à présent la parole au président de la délégation chinoise.

M. ZHA Luo, Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie,

Président de la délégation de chercheurs universitaires chinois, a pris la parole.

Mesdames et messieurs, bonjour, je suis heureux d’être ici à l’Académie de Géopolitique de Paris. Je présente d’abord les membres de notre délégation : M. Zhang Shigao, le Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie ; Mme. PENBA Lhamu, Vice-directrice du comité éditorial de la revue scientifique South Asian Studies, elle est une experte tibétaine qui nous vient du Tibet ; Mme. XU Shang, Professeure adjointe à l’Institut pour les Droits Humains de l’Université chinoise de Science politique et de Droit ; Et aussi Mme (…), qui travaille pour le Bureau d’informations du Conseil des affaires d’État chinois ; Et moi je suis ZHA Luo Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.

Tout à l’heure, Monsieur Ali Rastbeen a fait un discours assez pertinent, mais j’ai quelques réserves sur son point de vue sur les Droits de l’Homme et sur la religion. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit. Quand nous étudions la géopolitique, il est tout à fait normal d’avoir des désaccords. Aujourd’hui, au Tibet, tout se porte bien et la question est (…) et en harmonie. Bien sûr, il y a des conflits, des mouvements indépendantistes, je pense que c’est tout à fait normal. D’après mes recherches, dans soixante pays du monde il y a ce genre de situation. Même dans les pays développés, tels que les pays européens, la plupart des pays sont également impactés par des mouvements indépendantistes, par exemple. En tant qu’expert, j’ai également étudié la question ethnique dans des pays tels que l’Espagne, l’Italie, la Belgique, la Norvège et le Royaume-Uni, et je trouve que la racine des problèmes est bien différente.

Aujourd’hui, nous sommes à l’Académie de Géopolitique de Paris, donc nous n’allons pas parler beaucoup des Droits de l’Homme, ou du développement du Tibet. Monsieur Zhang va vous faire une présentation sur les relations entre la Chine et l’Inde.

Le Tibet connait une grande valeur géopolitique, et, depuis le XIIIème siècle, une grande attention a été déjà accordée à la région de l’Himalaya. Le Tibet est gouverné par le gouvernement central chinois depuis la dynastie Yuan, et nous avons bien connaissance et tenons bien compte de la valeur géopolitique de cette région. Donc la question stratégique, ou bien les conflits sino-indiens, ne sont pas quelque chose de nouveau pour nous. Cette question est déjà apparue par l’Ouest de l’Asie du Sud, lors du colonialisme de l’Empire britannique. Donc aujourd’hui la nouvelle prend suite de l’ancienne question.

Nous avons des échanges réguliers avec des experts indiens. Par exemple, nous organisons tous les ans des séminaires sur la Tibétologie, et lors de ces séminaires il y a également des experts indiens. Les gouvernements chinois et indien sont plutôt bruyants lors des questions de frontières. Il y a des échanges entre le président chinois et le président indien, et on sait qu’il y a des échanges entre les commandants des frontières. Les trois documents ont été publiés, et cela montre que les deux côtés ont de fortes intentions de résoudre les questions de frontière. Comme le président l’a dit, cette question est très complexe. C’est parce que l’Himalaya, en raison de son altitude très élevée, connaît très peu d’habitants. Et les deux côtés ont un consensus, c’est que l’espace inhabité dans cette région ne constitue pas un obstacle pour les échanges économiques et sociaux entre les deux pays. Comme le président l’a dit, entre les deux pays les échanges économiques et sociaux connaissent une forte croissance.Donc cette question est très complexe. Maintenant, je donne la parole à M. Zhang pour vous présenter la situation.

M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie, a ensuite pris la parole pour faire une présentation sur « Les relations entre la Chine et l’Inde ».

Je suis très heureux d’être ici à l’Académie de Géopolitique de Paris pour vous parler des relations sino-indiennes et de la question tibétaine. Comme vous le savez, la Chine et l’Inde sont deux pays qui connaissent une longue histoire civilisationnelle, et ce sont deux pays voisins. Dans l’Histoire, ils ont plutôt une bonne relation. Comme le président l’a dit, les relations sino-indiennes connaissent des obstacles récemment, et il faut réfléchir au rôle de la question tibétaine dans les relations sino-indiennes.

Je vais vous parler de ces problèmes, selon trois aspects. Premièrement, la question tibétaine est un produit des relations sino-indiennes. Tout d’abord, dans l’Histoire, d’où vient la question tibétaine ? Deuxièmement, la question tibétaine est la source des problèmes dans les relations sino-indiennes, parce que tout à l’heure nous avons évoqué les problèmes de frontières, du commerce, etc. Mais pour nous la question tibétaine est la racine des problèmes dans les relations sino-indiennes. Troisièmement, l’Inde adopte une politique de « deux poids, deux mesures ». Depuis son indépendance, l’Inde a changé plusieurs fois sa politique vis-à-vis de la question tibétaine.

Tout d’abord, j’aimerais vous présenter le contexte historique de la question tibétaine. Cela provient du Royaume-Uni. Comme vous le savez, l’Inde était une colonie de l’Empire britannique. Afin de protéger son intérêt en Inde, le Royaume-Uni a créé la question tibétaine. Surtout, à la fin du 19ème siècle, afin de mieux contrôler l’Asie centrale, le Royaume-Uni et la Russie ont commencé à interférer dans la question tibétaine. Deux guerres ont éclaté, en 1888 et en 1903. Le Royaume-Uni a eu quelques intérêts, ou des fruits, au Tibet, mais en 1907 la Russie et le Royaume-Uni ont signé un accord. Dans cet accord, ils ont changé la nature de gouvernance de la Chine au Tibet, et c’était la première fois dans un document international. Cela avait pour but d’éviter les conflits entre le Royaume-Uni et la Russie. Donc la question tibétaine est un produit du conflit entre la Russie et le Royaume-Uni.

Et après, le système établi par le Royaume-Uni en Inde a commencé à s’effondrer. Après la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni a perdu le contrôle en Asie du Sud, et les États-Unis ont pris le relais en quelque sorte. La prise de position des États-Unis sur la question tibétaine est étroitement liée au changement des relations sino-américaines. Quand tout va bien, les États-Unis jouent moins la carte de la question tibétaine, et quand c’est le contraire les États-Unis parlent plus souvent de la question tibétaine. De la « Nouvelle Chine » jusqu’à 1972, donc à la visite du Président Nixon, les relations sino-américaines étaient plutôt mauvaises. Les États-Unis se sont beaucoup impliqués dans la question tibétaine, ils ont été jusqu’à former des militaires, etc. Et après la visite de Monsieur Nixon, les relations sino-américaines ont commencé à s’améliorer, et les États-Unis jouent moins cette carte, et le Tibet a été appelé « orphelin de la guerre froide ». Depuis les années 1980, depuis l’effondrement de l’Empire soviétique, les USA ont recommencé cette stratégie de la question tibétaine. Et ces dernières années, les États-Unis ont considéré la Chine comme un adversaire stratégique, donc ils commencé à réutiliser cette carte. Donc on peut dire que si les États-Unis et le Royaume-Uni s’intéressent à la question tibétaine, c’est non pas pour le bien-être des tibétains, mais plutôt pour leur propre intérêt.

Donc je vous ai parlé du contexte historique. Depuis l’indépendance de l’Inde, l’Inde a repris les politiques de l’Empire des Indes sur la question indienne tibétaine. Donc pour l’Inde, le Tibet est comme un zone tampon, parce que l’Inde est entourée par l’Océan Indien, l’Himalaya, et d’autres montagnes. Il y a une vallée qui est un point d’accès, qui s’appelle (…), et dans l’histoire, les ennemis ou l’invasion venaient principalement de ce point d’accès. Déjà à l’époque de l’Empire des Indes, le Tibet était considéré comme un paravent. Donc l’Inde, après son indépendance, a continué cette politique. Je pense que c’est la racine de la question tibétaine.

Deuxièmement, j’aimerais vous parler du sujet suivant : la question tibétaine est la racine du conflit sino-indien. Selon certains experts, nous pouvons résumer la question tibétaine sino-indienne en cinq « T » :

  • Tibet issue (la question ou le problème du Tibet)
  • Territory issue (la dispute territoriale)
  • Third factor (le tiers ou le troisième facteur)
  • Trade unbalance (le déséquilibre commercial)
  • Trust deficit (déficit de confiance)

Les cinq questions que je viens de citer ont certes un impact sur les relations sino-indiennes, mais pour nous la question tibétaine est la clé. Tout d’abord, j’aimerais vous parler du problème des frontières. Il y a trois parties, donc de l’ouest à l’est, et la partie à l’est est la plus controversée, on l’appelle l’ « Ouest du Tibet » (en Inde). Et cette partie, dans le sud du Tibet, est largement liée à la question tibétaine. En 1914, lors d’une réunion (…). le Royaume-Uni, à l’insu des représentants chinois, a signé un accord avec les représentants tibétains. Ils ont carrément tracé la frontière. Cette ligne est donc considérée comme la frontière entre la Chine et l’Inde, mais elle n’est pas du tout légitime parce que le Tibet fait partie de la Chine, il n’a aucun pouvoir de signer un accord avec un pays étranger. Donc le gouvernement chinois n’a jamais accepté cette ligne tracée dans ce congrès au Royaume-Uni. Car admettre la légitimité de cette « frontière », ce serait comme admettre le droit pour le Tibet de signer des accords avec un autre pays souverain, et ce n’est pas acceptable. Mais si le gouvernement indien disait que cette ligne n’est pas légitime, n’est pas légale, ce serait dire que sa présence, ou son contrôle sur cette région, n’est pas légale non plus. C’est pourquoi l’Inde veut que le Tibet devienne indépendant, ou bien il peut avoir un haut niveau d’autonomie. Ainsi, le problème de frontières entre la Chine et l’Inde est devenue une question entre l’Inde et le Tibet : cela permet, pour l’Inde, d’avoir une frontière légitime. Donc la question des frontières et celle du Tibet vont ensemble. Sans la question tibétaine, pas de conflit aux frontières. Depuis son indépendance, sur les questions des frontières, l’Inde joue souvent cette carte de la question tibétaine. Par exemple, quand la tension aux frontières s’accentue entre la Chine et l’Inde, l’Inde accueille des gouvernements du Dalaï-Lama.

Tout à l’heure je vous ai parlé du « troisième facteur », j’aimerais donc vous parler du Pakistan, du Népal, etc. Les relations entre la Chine et le Pakistan ont commencé à s’améliorer après 1962, lorsque les tensions de frontière entre la Chine et l’Inde ont eu lieu. La Chine a commencé à faire attention aux relations avec le Népal, et cela pour éviter d’avoir un corridor entre le Népal et le Tibet, surtout pour les indépendantistes, mais l’Inde, depuis longtemps, considère le jardin comme faisant partie de son « jardin de derrière ». Donc la Chine a une relation avec le Népal pour avoir un Tibet stable. Mais pour l’Inde, c’est plutôt pour éviter que le Népal fasse partie de la sphère d’influence de la Chine, et c’est là d’où vient le chaos au Népal. Un autre « troisième facteur » est que l’Inde et les États-Unis ont commencé à travailler ensemble, et cela a un impact négatif sur les relations sino-indiennes. Quand la question tibétaine a accentué les questions dites de « troisième facteur » dont je vous ai parlé tout à l’heure.

Le troisième point est le déséquilibre du commerce. Le conflit sino-indien a bien sûr un impact sur les transactions commerciales aux frontières. Cela a accentué les déséquilibres commerciaux entre la Chine et l’Inde. À cause des quatre problèmes que je viens de vous citer, il est impossible d’avoir une confiance stratégique. La Chine critique à chaque fois que les politiques indiens accueillent le Dalaï-Lama. Et tout cela crée un « déficit de confiance » entre la Chine et l’Inde.

Le troisième aspect est la politique de « deux poids, deux mesures » de l’Inde vis-à-vis de la question tibétaine. En 1954, la Chine a signé un accord avec l’Inde. Cet accord mentionnait déjà clairement la souveraineté de la Chine sur le Tibet. Aucun pays n’admet que le Tibet est un pays indépendant. Le président Nehru en fait partie. En 1954, lors d’un discours, le communiste indien avait dit : « Je ne connais aucun pays qui a dit que le Tibet est un pays indépendant ».

Question de Mme. Caroline GALACTÉROS, Présidente de Geopragma.

(…) des blocs, ou de l’agrégation des BRICS, a un impact sur la question sino-indienne à propos du Tibet. C’est-à-dire, est-ce que ça peut aider à aplanir la question ? Qui peut aider à cela au sein des BRICS ? Ou est-ce que cela n’a pas d’impact profond sur les racines du conflit, telles qu’elles ont été présentées ?

Réponse de M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.

En général, le système des BRICS est très important pour la Chine, mais au regard de la situation générale dans le monde (…) c’est en plus avec l’Inde, dont il y aura des éléments positifs, des éléments négatifs (…). Comme je viens de vous le dire, quand l’Inde cherche à améliorer les relations sino-indiennes, ils parlent moins de la question tibétaine. Et quand en 1988, lors de la visite du Premier ministre Gandhi, il a parlé très peu de la question tibétaine. Comme je viens de le dire à l’instant, à court terme je suis plutôt pessimiste, je doute que l’Inde fasse d’autres choses sur la question tibétaine.

Question de Mme. Agnès Ollivier, amie de l’Académie de Géopolitique de Paris (œuvre du Pr. Jean-Paul Charnay).

Je voudrais vous poser une première question : que pensez-vous de la position du gouvernement britannique de 2008, qui reconnaissait qu’il y avait effectivement un terme erroné dans certains traités, qui parlaient de suzeraineté et non pas de souveraineté ? Et alors, le gouvernement britannique a reconnu en 2008 qu’il s’agissait bien du terme de souveraineté, eut égard aux évolutions de la Chine depuis 1912, et les changements de régime s’étant succédés, et que le terme de suzeraineté était un terme qui relevait du Moyen-Âge. Donc la question de la souveraineté de la Chine sur le Tibet, ne pose plus problème, même au regard de la communauté internationale, et donc les différents états ne remettent plus en cause, se sont mis d’accord pour ne pas remettre en cause le terme de souveraineté, donc de la Chine sur le Tibet. Restent peut-être les questions frontalières, mais il faut savoir aussi qu’au 19ème siècle les tracements de lignes, les lignes tracées étaient très (…) finalement. Ça se faisait sur carte postale, et donc la réalité du terrain était très différente.

Seconde question : il y a eu, fin juillet 2024, des désengagements affirmés entre la Chine et l’Inde. Et ils voudraient donc accélérer ce désengagement (du conflit, j’imagine).

Réponse de M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.

Tout d’abord, sur le Royaume-Uni, en 2008 c’était un discours, une intervention du ministre des affaires étrangères britannique. Je suis plutôt d’accord avec lui. Comme je viens de le dire, la question tibétaine est plutôt le produit de la concurrence entre les grands pays. C’est-à-dire que cette question tibétaine n’existait pas, mais elle a été créée pour les intérêts stratégiques de grands pays.

Deuxièmement, j’aimerai parler des frontières. Comme vous l’avez dit clairement, les frontières entre l’Inde et la Chine n’ont jamais été tracées officiellement. Et la Chine cherche à résoudre ce problème avec l’Inde, par le biais de négociations. Par contre, l’Inde n’est pas très motivée sur ce point. Déjà dans les années 1950, le Premier ministre chinois Zhou Enlai s’est rendu plusieurs fois en Inde pour trouver une solution, mais l’Inde n’était pas positive. Bien sûr, nous ne voulons pas changer l’histoire, mais si ce problème était résolu à l’époque, eh bien peut-être que l’Inde adopterait aujourd’hui une autre position sur la question tibétaine. Ce qui est positif, c’est que l’Inde et la Chine cherchent à contrôler les frontières activement. Il y a des échanges entre les autorités compétentes, entre les deux gouvernements, donc à haut niveau. Moi je pense que cela aide à régler le conflit, parce que les deux pays se rendent compte que ce serait une situation « gagnant-gagnant » si nous pouvions trouver une solution à travers des négociations. Voici ma réponse.

Question de Mme. Claudia Astarita, enseignante à Sciences Po.

Bonjour, merci pour votre intervention. Moi j’ai fait ma thèse de doctorat sur les relations entre la Chine et l’Inde, donc j’ai bien étudié le sujet, et j’ai deux questions pour vous. Si j’ai bien suivi tous les débats du gouvernement tibétain en exil, l’année prochaine, aux 90 ans d’anniversaire du Dalaï-Lama, il va de nouveau changer la version de la réincarnation. Donc il a donné plusieurs versions (…). Avec toute la pression médiatique qu’il y aura certainement lors de cette annonce, pensez-vous que cette tentative de régler la question tibétaine et la question de la frontière avec l’Inde, sera de nouveau déstabilisée ?

Une autre question : quand on regarde les médias indiens parler des problématiques à la frontière, ils peuvent être assez virulents, des fois le ministre des affaires étrangères fait la même chose, mais le Premier ministre Narendra Modi, jamais. Il n’est jamais virulent, il ne s’exprime pas beaucoup sur la question. Sauriez-vous nous expliquer pourquoi ? Merci.

Réponse à la première question, par M. ZHA Luo, Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie et président de la délégation de chercheurs universitaires chinois.

Comme vous l’avez dit, l’année prochaine ce sera le soixante-dixième anniversaire du Dalaï-Lama. Nous ne sommes pas très sûrs concernant la nouvelle version de la réincarnation. Il y a dix ans, le gouvernement chinois avait déjà publié un document, sur la politique, ou bien la réincarnation. La réincarnation du bouddhisme indien est beaucoup plus ancienne que la réincarnation du Dalaï-Lama. Donc avant le Dalaï-Lama, il y avait déjà un système complet de la réincarnation (dans le…). Et le Dalaï-Lama a un statut plutôt élevé dans la politique. Cela est lié au fait que l’empereur de la dynastie des Ch’ing (Qing) lui a accordé ce statut. Durant la dynastie des Ch’ing, il y eut un texte de loi sur la réincarnation. Donc selon ce texte de loi, la réincarnation doit respecter les pratiques religieuses. Deuxièmement, cela doit passer par la cérémonie de tirage d’un billet de l’urne d’or, et troisièmement, cette personne doit être autorisée par le gouvernement chinois. Il faut donc remplir les trois conditions. Depuis le Dalaï-Lama de la huitième génération, les trois étapes ont été respectées. Il y a quelques Dalaï-Lama qui n’ont pas fait tirer un billet de l’urne d’or, mais cela a été autorisé par le gouvernement chinois également. Donc grâce au texte de loi, cette tradition a été renforcée. Si la réincarnation n’est pas faite ainsi, cela va à l’encontre de la tradition, et le gouvernement chinois n’est bien sûr pas d’accord avec cette pratique. Ces dernières années, le Dalaï-Lama a beaucoup parlé sur sa réincarnation, par exemple peut-être à l’étranger, ou bien en femme, mais s’il ne respecte pas les pratiques historiques ou traditionnelles, ses émissaires le remettront en question. Donc il y a peu de marges de manœuvres sur ce point-là, car il y a déjà des pratiques historiques qui sont établies depuis longtemps. Monsieur Zhang Shigao va répondre à votre seconde question.

Réponse à la deuxième question par M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.

Il est vrai que les personnalités dans les médias indiens s’expriment plus violemment sur la question tibétaine. Selon certains, « il faut dire que le Tibet est un pays indépendant, ainsi nous pouvons mieux négocier avec la Chine, etc. », il y a beaucoup de voix. Je ne comprends pas toute la logique derrière tous ces propos, mais je suis sûr que cela n’aide pas du tout à la résolution du problème des frontières. Afin de résoudre cette question, il faut déjà avoir une bonne ambiance, ainsi nous pourrons parvenir à un consensus plus facilement. Il est vrai que les indiens s’expriment plutôt violemment sur les questions tibétaines, ou bien les questions avec la Chine.

Question de M. Bruno DRWESKI, Chercheur et Professeur à l’INALCO et à l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP).

Bonjour, je suis Bruno Drweski, de l’INALCO et de l’Académie de Géopolitique de Paris. Ma question est liée au fait que l’année dernière j’ai été invité au Qinghai, où j’ai pu découvrir la réalité de la politique chinoise en matière de cohabitation interethnique, de protection des cultures minoritaires, des pratiques religieuses, de lutte contre l’extrémisme, etc. Et aussi les relations de ce qu’en Chine on appelle les relations de « peuple à peuple », à côté des relations d’État à État, et qui passent par des relations entre les organisations sociales et politiques des différents pays. Alors, concernant justement les rapports entre l’Inde et la Chine, qu’en est-il des relations, non pas d’État à État, mais de peuple à peuple, c’est-à-dire entre les organisations politiques et sociales des deux pays, en particulier peut-être dans les régions frontalières.

Réponse de M. ZHA Luo, Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie et président de la délégation de chercheurs universitaires chinois.

Tout d’abord, je vous remercie pour vos compliments sur notre politique. Certes, dans la diplomatie chinoise, nous accordons beaucoup d’importance à la diplomatie « peuple à peuple ». Même s’il y a beaucoup d’obstacles entre les deux États, nous encourageons les échanges avec le peuple indien. Par exemple, la Chine a beaucoup investi en Inde, de grandes entreprises chinoises s’installent en Inde, cela aide bien entendu au développement économique de l’Inde, qui les accueille à bras ouverts.  Par exemple, beaucoup d’indiens souhaitent aller au Tibet, à une montagne sacrée, et le gouvernement chinois comprend tout à fait cette situation. Avant la Covid-19, il y avait au total environ 50 000 à 60 000 personnes qui allaient dans cette montagne tous les ans. Quand j’ai fait mes recherches à Ali (Préfecture de Ngari), j’ai rencontré quelques indiens qui pratiquaient cela, donc j’ai beaucoup parlé avec eux. J’ai par exemple parlé avec un doctorant, qui m’avait dit qu’il souhaitait se baigner dans un lac, car cela apporte bonheur et beaucoup de choses, mais c’est une pratique à laquelle sont opposés les tibétains. Pour résoudre ce problème, le gouvernement central chinois a sensibilisé les tibétains sur cette question, car les indiens ont beaucoup voyagé au Tibet pour se baigner dans ce lac, et il faut respecter cette pratique. Cela montre un respect mutuel entre l’Inde et la Chine. Quand j’étais à Ali, j’ai également parlé avec une dizaine de commerçants indiens dans le village de Pulan. Par exemple, un commerçant indien m’a dit que sa famille fait du commerce au Tibet pendant déjà quatre cents ans, et qu’il est honoré de continuer cette pratique. Ils sont très nombreux. Par exemple dans ce village de Pulan il y a là une centaine de commerçants indiens. Parce que ces dernières années c’était la période de la Covid-19 et que les contrôle en Inde était beaucoup moins exigeant qu’en Chine, nous avons été amenés à contrôler le commerce aux frontières. Je pense qu’après la Covid-19, de plus en plus de commerçants indiens reviendront au Tibet pour le commerce. Ils sont bien sûr les bienvenus. Pour moi, il y a peu d’impact sur les échanges culturels entre la Chine et l’Inde. Des experts chinois vont en Inde pour étudier les questions ethniques, parce qu’il y beaucoup d’ethnies peu connues en Chine sur les frontières entre la Chine et l’Inde. Le mois dernier j’ai compté : maintenant, en Chine, il y a entre 300 et 400 revues ou publications sur l’Inde. Et chaque société est différente et a ses propres caractéristiques. Par exemple, en 1962 un journaliste australien, M. Maxwell a écrit un livre. Dans son livre il a dit que la presse indienne est plutôt violente ou provocatrice, même leurs discussions avaient une influence sur les décisions politiques. Je pense que depuis, le style n’a pas beaucoup changé. Si vous vous mettiez à lire les journaux indiens autant que moi, vous tirerez la même conclusion : vous avez l’impression, en lisant leurs journaux, que le monde est contrôlé par les indiens. À l’époque, en raison de l’influence de la discussion dans la presse et dans l’Assemblée nationale indienne, le Premier ministre indien Nehru a été en quelque sorte forcé à déclarer la guerre, mais je pense que le Premier ministre actuel, Modi, a plutôt une forte opinion personnelle, donc qu’il n’est pas influencé par la presse. En résumé, il y a beaucoup de problèmes qui existent entre la Chine et l’Inde, mais pour tous les pays les conflits ne rapportent aucun intérêt, c’est pourquoi les deux pays, lorsque les tensions s’accentuent, parviennent à garder leur raison. Récemment, lors des rencontres entre des responsables militaires, cette prise de position a été réaffirmée. Par exemple, il faut éviter le contact dans les régions sensibles, et deuxièmement il faut éviter que les tensions prennent l’ampleur d’une guerre. C’est pour cela que lors des tensions, l’armée chinoise a des bâtons, et que l’armée indienne n’a jamais ouvert le feu.

Question de M. Mohammed Amimoussa, Inspecteur des finances (DGFIP).

Une question très brève, Amine, DGFIP, Bercy. Donc la question est la suivante : considérez-vous que la question du Tibet, vue par la Chine, comme une variable d’ajustement de la part des indiens, dans la politique intérieure indienne, en se servant de la question du Tibet pour un peu faire pression sur la Chine, concernant le dossier du Cachemire (Kashmir).

Réponse de M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.

Il n’y a pas un impact direct, mais il est vrai que dans l’histoire, le Ladakh avait une relation très particulière avec le Tibet, c’est pourquoi l’Inde reste prudente sur cette question. Par exemple, avant la Covid-19, le Dalaï-Lama s’est rendu au Ladakh. Il a pris l’avion militaire indien pour se rendre dans un village, dans la région controversée. Je pense que l’Inde a utilisé le Dalaï-Lama pour jouer un peu la carte de la question tibétaine. Le Ladakh est fortement influencé par le bouddhisme tibétain, donc l’Inde veut utiliser cela pour augmenter son influence. Bien sûr, il y a cette intention derrière cela, mais nous ne sommes pas sûrs concernant si cela se réalisera.

Question de M. Jean-Louis DUVIGNEAU, Président de l’Association pour la promotion et la culture des peuples autochtones.

Je voudrais rappeler que dans les années 1920 déjà, René Guénon, qui était un grand spécialiste de la métaphysique hindoue, avait reconnu que le Tibet était une partie de la Chine. Alors, ma question est celle-ci : Ne pensez-vous pas que le conflit entre la Chine et l’Inde est un conflit artificiel, créé et entretenu par des puissances étrangères qui ont intérêt, d’une part, à déstabiliser l’Asie centrale, et d’autre part à encercler la Chine, par la question du Xinjiang, mais également par le séparatisme au Baloutchistan, qui vise les intérêts chinois au Pakistan, en particulier la présence chinoise (…) ?

Réponse de M. ZHA Luo, Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie et président de la délégation de chercheurs universitaires chinois.

Il est vrai qu’en 1920, Monsieur (…Daville ?), donc un français, s’est rendu au Tibet. Il a parlé ensuite du statut légal du Tibet. Selon lui, le Tibet est gouverné par l’empereur chinois. Au départ, le Royaume-Uni voulait utiliser le Tibet comme un point d’accès pour accéder aux parties centrales de la Chine, car à l’époque, la partie côtière à l’Est de la Chine était fermée. Donc le Royaume-Uni a trouvé ce chemin, de la province du Sichuan vers la province du Shaanxi, pour accéder finalement à la partie centrale. Le Royaume-Uni voulait que le Tibet soit indépendant. Cela ressemble beaucoup au « Great game » créé par la Russie tsariste. C’est parce que le Tibet était très important pour l’Empire des Indes, et parce qu’à l’époque, la Russie tsariste cherchait à étendre son influence en Asie centrale. Donc deux guerres ont éclaté. Le Royaume-Uni a changé également le concept, ou bien la définition de la souveraineté, du Tibet en Chine. En 1913, lors de la réunion (convention) de Simla (entre le Royaume-Uni, la Chine et le Tibet), le représentant chinois n’a pas signé, et le document n’a pas été inclus dans la collection des traités. Mais durant les années 1920, le Japon a commencé sa guerre contre la Chine, et le Royaume-Uni pensait que la Chine serait annexée par le Japon, et que le tracé des frontières serait tracé avec le Japon. C’est pour cela que le Royaume-Uni a changé la collection de traités. Et c’est pour cela qu’on lit, maintenant que, dans le chapitre 14 dans cette collection de traités il y avait une partie sur la souveraineté du Tibet. Ce que je veux dire, c’est que tout cela est lié au contexte historique.

Question de Mme. Patricia LALONDE, Vice-Présidente de Geopragma.

Je voudrai avoir l’incidence des élections américaines, selon Trump ou Kamala Harris, sur les relations entre la Chine et l’Inde à propos du Tibet. Sachant que Trump rencontre Modi la semaine prochaine, je crois.

Réponse de M. ZHANG Shigao, Directeur de l’Institut d’études contemporaines du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie.

Personnellement, pour moi, il n’y a pas trop de différences vis-à-vis de la politique sur la Chine entre les deux parties américaines. En 2017, Trump a publié une politique, au niveau de l’Asie et ses régions, et après le Président Biden l’a continuée. Donc je pense qu’il n’y aura pas de grosse différence sur ce point entre Mme. Harris et M. Trump. Les États-Unis veulent plutôt utiliser l’Inde comme un outil pour lutter contre la Chine. Pour les États-Unis il y a encore mieux : les tensions entre la Chine et l’Inde qui s’accentuent. Par exemple, en avril, le Sénat américain a adopté une résolution disant que la ligne tracée est la frontière officielle entre la Chine et l’Inde, donc les États-Unis cherchent le conflit entre la Chine et l’Inde, pour leur propre intérêt stratégique. Les États-Unis soutiennent davantage l’Inde. Par exemple, il y a des exercices militaires sur les frontières, les États-Unis fournissent également des produits technologiques à l’Inde, tout cela a pour objectif de bloquer la croissance de la Chine. Et les États-Unis et l’Inde cherchent la provocation sur la question du Tibet, parce que la question tibétaine est forcément, bien sûr, une carte des États-Unis. Par exemple, Joe Biden a publié récemment un texte de loi sur la question tibétaine. Mais bien sûr, nous ne pensons que l’Inde obéisse aux États-Unis, car c’est quand même un grand pays, donc elle cherche à faire quelque chose pour son propre intérêt.

Question de M. Christophe Lavernhe, Professeur, Institut Schiller.

Bonjour, ma question est un peu complémentaire à la vôtre, à propos de la position éventuelle de l’Inde et l’influence que cela pourrait avoir sur les relations avec la Chine, des tentatives actuelles d’extension de l’OTAN vers le théâtre pacifique ? Sachant que cela fait plusieurs mois, maintenant, qu’il en est question, et qu’il a fallu – à ma connaissance – que la France soit le seul pays des 32 pays de l’OTAN à refuser d’ouvrir un bureau de l’OTAN à Tokyo. Donc quelle serait la réaction de l’Inde, si cette idée de l’ « otanisation » de la zone Indopacifique avait lieu, avec tous les dangers considérables que cela comporte, et la nécessité pour chacun de se positionner, en particulier l’Inde qui fait partie des BRICS ?

Réponse de M. ZHA Luo, Vice-secrétaire général du Centre chinois de recherche sur la Tibétologie et président de la délégation de chercheurs universitaires chinois.

La Chine accorde beaucoup d’importance aux relations avec la France, parce que la France, à l’époque, a été le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques avec la Chine, et aujourd’hui les chinois sont toujours très reconnaissants. Depuis le Président Charles de Gaulle, la France a toujours sa propre opinion, il ne suit pas tout de suite d’autres pays, et c’est pourquoi la Chine respecte les décisions prises par la France. Et l’OTAN, en tant qu’organisation ayant pour mission de protéger la sécurité stratégique de l’Europe, est désormais présente en Asie-Pacifique. Je pense que c’est assez ridicule. Est-ce que les affaires en Asie de l’Est constituent déjà une menace pour l’Europe ? Je pense que c’est comme une blague. Je pense que la présence de l’OTAN en Asie de l’Est sert finalement les intérêts des États-Unis. Le Président chinois Xi Jinping et Emmanuel Macron ont eu des pourparlers à Canton et à Pékin, et cela signifie l’importance des relations sino-françaises. Je pense que l’Europe doit chercher à protéger ses propres intérêts au lieu d’être un outil des autres. La France est un exemple sur ce point, sur lequel il y a beaucoup de différence entre elle et les autres pays européens.

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