Le rôle déterminant de l’Europe à cette période historique

Ali RASTBEEN

Juillet 2005

Comment le troisième millénaire a-t-il commencé ? Où nous trouvons nous après le rejet de la constitution européenne par plus de 55 % des Français ? Pourquoi, soudain, une telle séparation s’est produite entre les événements courants à travers le monde et les aspirations de l’humanité ? Les horizons ouverts par les dirigeants du monde durant la huitième décennie du XXe siècle n’étaient-ils donc qu’un pur mirage ? Enfin, en Europe, à la pointe de la civilisation contemporaine, les germes de la décadence commencent à éclore. Une telle décadence préfigurerait-elle les prémisses du déclin de la civilisation sur notre planète ?omment le troisième millénaire a-t-il commencé ? Où nous trouvons nous après le rejet de la constitution européenne par plus de 55 % des Français ? Pourquoi, soudain, une telle séparation s’est produite entre les événements courants à travers le monde et les aspirations de l’humanité ? Les horizons ouverts par les dirigeants du monde durant la huitième décennie du XXe siècle n’étaient-ils donc qu’un pur mirage ? Enfin, en Europe, à la pointe de la civilisation contemporaine, les germes de la décadence commencent à éclore. Une telle décadence préfigurerait-elle les prémisses du déclin de la civilisation sur notre planète?

Naturellement les derniers siècles -cinq siècles de germination, d’épanouissement et de fertilité de la civilisation contemporaine inscrits au nom de l’Europe- reflétaient leur différence : les agitations du XIXe siècle furent commencées à partir de la fin du XVIIIe et la révolution française qui mit un terme au XVIIIe siècle, entraîna l’Europe, à la veille du XIXe, dans la tempête. L’ordre colonial du XIXe siècle qui, vers la fin du siècle, ne répondait plus aux exigences d’un monde en développement, provoqua en partie les événements du début du XXe siècle : de la guerre sino-russe à la Première Guerre mondiale qui conduisit à la chute des empires tsariste, ottoman et allemand et, après la révolution d’Octobre en Russie, à la Deuxième Guerre mondiale. La tempête qui dévaste le monde en ce tout début du XXIe siècle trouve ses origines dès les années 80 du siècle précédent.

Or, admettre ce processus naturel de changement à travers les siècles -sans prendre en compte les facteurs qui les provoquent- comporte un danger : celui de se résigner face aux nouveaux conflits naissants, potentiels ou en germe dans ce XXIe siècle, alors que notre monde dispose justement maintenant de possibilités qui peuvent faciliter le progrès de la civilisation, sans guerres ni conflits, et d’apporter des réponses apaisantes à des questions angoissantes.

La civilisation actuelle est commencée dès le XVIe siècle en Europe, y a connu sa genèse et s’est étendue à travers le monde, de sorte qu’à la fin du XXe siècle, ses frontières s’établissaient aux confins de notre planète, transformant celle-ci en un « petit village », ouvrant à l’homme les perspectives de la conquête spatiale. La civilisation dont l’origine se trouve en Europe, s’est étendue à la planète toute entière, à l’image de la civilisation d’un territoire limité, la Grèce, devenant celle de l’Europe entière.

Les mutations de la Civilisation européenne

Si l’extension de la civilisation européenne fut également liée aux découvertes géographiques de la fin du XVe siècle, à l’attrait des mines d’or et d’argent, aux nouvelles routes maritimes et à l’enthousiasme de l’épanchement du christianisme, elle contenait dans son sein la renaissance et l’épanouissement scientifique et la volonté de dépasser les frontières devenues trop étroites de l’institution cléricale en Europe.

L’Eglise qui voyait en Europe sa puissance commencer à être confrontée à la contestation et son influence morale à la stagnation, projetait avec les explorateurs ses traditions vers les nouveaux territoires, accompagnait les conquêtes militaires, participait dans son domaine à l’administration des territoires conquis et apportait son concours à l’ordre en voie d’instauration.

Ce fut sur la sentence de Pape, qu’en 1493, le partage des « terres sans propriétaires » eut lieu entre les deux empires portugais et espagnol. A la suite de chaque conquête, l’Eglise, à la suite des explorateurs, s’en pressait tout d’abord à y projeter l’ordre chrétien, avant de se préoccuper de la découverte de nouvelles voies maritimes et du contournement de la planète terre.

L’aventurisme des explorateurs des nouvelles voies maritimes et terrestres était issu de la Renaissance du XVe siècle et son approche critique à l’égard de l’héritage de la science et de la philosophie greco-islamique. Cet aventurisme déplaça d’abord les hommes, puis les produits, les plantes et les réserves minières nouvelles.

On a longtemps critiqué l’expansionnisme colonial ; or, auparavant, le monde civilisé connu se limitait aux régions habitées de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique. La découverte du continent américain et de l’Océanie ainsi que les explorations maritimes autour de la terre, n’étaient pas uniquement au service du développement des relations commerciales entre l’Europe et les autres continents. Pendant quatre siècles, il joua un rôle fondamental dans l’essor de la science, de l’industrie et du transfert des origines et des cultures.

A partir du XVIIe siècle, la culture de plantes venues d’Amérique tel que le maïs, la pomme de terre et le tabac se généralisa en Europe et dès le XIXesiècle, le transfert des cultures agricoles des colonies vers des régions ayant les mêmes climats dans d’autres continents connut un développement

considérable : le caoutchouc, originaire de l’Asie fut planté en Afrique. La mainmise sur les minerais d’or et d’argent du continent américain permit à l’Europe de régulariser la monnaie : instrument qui, très rapidement, se concentra entre les mains des commerçants en tant que moyen d’échange entre les puissances maritimes européennes et les territoires colonisés. Le système bancaire vit le jour. A la même époque, le commerce des esclaves africains pour travailler la terre dans les champs de l’Amérique fut placé dans le cadre de transfert de « marchandises » des Européens.

Selon certains, la création, en 1609, de la banque d’Amsterdam, fut la première forme du capitalisme, le capital commercial, et, pendant deux siècles, Amsterdam préserva sa suprématie dans le commerce mondial. En 1694, fut créée la banque d’Angleterre, à l’origine de la mise en œuvre du crédit financier dans ce pays. Alors que dans la seconde moitié du XVIIe siècle, l’Europe n’avait que 100 millions d’habitants, sa population atteignit 266 millions au XIXe siècle. Au début du XVIIIe siècle (1704) l’Angleterre conquit Gibraltar et assura sa mainmise sur l’entrée de l’Océan Atlantique et de la Méditerranée en dominant la route maritime reliant l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Deux ans plus tard, la création du parlement unique entre l’Angleterre et l’Ecosse, donna naissance à la Grande-Bretagne.

Le XVIIIe siècle a été le siècle des Lumières et de la victoire de la sécularisation de la pensée scientifique en Europe. Au cours de ce siècle, la philosophie et les sciences s’ouvrirent des nouveaux horizons et préparèrent le terrain à l’ère industrielle et à ses répercussions dans le domaine social : à la suite de la révolution française, un État bourgeois-démocratique et les Droits de l’Homme virent le jour, tandis qu’en Angleterre, la première révolution industrielle permit à un gouvernement riche, commercial et industriel de dominer le système de la monarchie constitutionnelle. Les Etats-Unis, grâce à leur victoire dans les guerres d’indépendance, se libérèrent de la tutelle de l’Angleterre.

Au XIXe siècle, deux révolutions industrielles structurèrent une nouvelle Europe, en particulier l’Europe occidentale, lui assurant une prédominance matérialiste sur le monde entier. Cette domination n’était pas uniquement d’ordre économique, financier et commercial ; la nouvelle vague de colonisation à travers tous les continents prit également un caractère politique et culturel. Seuls, les Etats-Unis -après la guerre de Sécession- et le Japon, suite à la modernisation à l’époque de l’empereur Meiji-Tennô, ont pu espérer rivaliser avec l’expansion européenne.

Les pensées issues de la révolution française et les profondes inégalités sociales apparues avec la révolution industrielle furent à l’origine des mouvements nationaux pour le développement, la démocratie et le socialisme en Europe.

La seconde moitié du XXe siècle fut témoin de la Première Guerre mondiale. La baisse d’attractivité de l’Europe face aux Etats-Unis, malgré sa suprématie territoriale sur le reste du monde, la révolution bolchevique en Russie (1917) et la crise économique mondiale en 1929 furent à l’origine de la genèse du fascisme et de la Seconde Guerre mondiale.

A partir de 1945, le progrès rapide de toutes les sciences, ainsi que les

innombrables découvertes scientifiques et leur mise en pratique,l’amélioration du niveau de vie et de l’information des sociétés les unes envers les autres, la perte de vitesse de l’Europe face au monde bipolaire, la décolonisation accélérée et le développement économique des nouveaux États situés dans l’Océan Pacifique, la situation financière fragile des quatre cinquièmes de la population mondiale prirent une dimension globale, ce qui provoqua des changements politique, économique, culturel et religieux, avec une rapidité souvent agressive.

A la fin du XXe siècle, la disparité entre les pays développés et les pays déshérités devint de plus en plus flagrante. Avec la disparition du pôle idéologique socialiste totalitaire, de l’axe des dictatures basées sur des partis uniques et de la stabilisation des nationalismes, l’idéologie religieuse prit un nouvel essor, les rôles sociaux authentiquement économiques furent équilibrés et se rangèrent dans l’orientation prise par l’Europe occidentale. Les nouvelles conditions ont transformé le monde en deux camps hétérogènes

Nord-Sud : les pays développés et les pays déshérités et dépendants. Les Etats-Unis s’érigèrent au sommet de la pyramide du camp du Nord.

Equilibre traditionnel et évolution universelle

La modification de l’équilibre politique, dans le contexte de l’évolution rapide des technologies et des sciences, ouvrit le champ à l’expansion des grands capitaux transnationaux. La politique des leviers de régulation de l’économie internationale, la Banque mondiale pour le progrès et le développement, le Fonds monétaire international et le centre de commerce mondial attisèrent les crises financières et l’inquiétude générale. Dans le même sens, la concentration des grandes masses capitalistiques en Europe et aux Etats-Unis, avec pour objectif la baisse du potentiel humain au bénéfice d’un profit plus important du capital et de l’expansion du marché boursier, provoqua une vague de mécontentement et de manque de confiance au sein des cadres, ce qui ralentit sa réalisation ultime,son achèvement. Les néoconservateurs, dont les visées étaient d’ordre mondial, se concentrèrent aux Etats-Unis et tentèrent de mettre en place des programmes pour réaliser leurs objectifs.

Durant les deux dernières décennies du XXe siècle, les néoconservateurs aux Etats-Unis s’activèrent dans plusieurs domaines : le projet idéologique du conflit de civilisations et sa propagande manichéenne de l’« axe du mal », l’annonce d’un « nouvel ordre mondial », la « guerre propre » dans le Golfe Persique et sur le sol irakien, après avoir chassé les troupes de Saddam Hossein du Koweït, la préparation et la victoire coûte que coûte aux élections américaines, envoyant ainsi le Président Bush à la Maison Blanche et préparant la mise en œuvre du « nouvel ordre mondial » dans sa version néoconservatrice.

Ces prises de position eurent lieu au moment où le monde souffrait déjà des maux des siècles précédents et des difficultés complexes du XXe siècle : la concentration de la population mondiale, dépassant le seuil des six milliards,

la faim et la pauvreté, les très profonds écarts de développement se répartissaient inégalement, la propagation des drogues, dont l’expansion avait commencé dès le XIXe siècle par l’Angleterre (lorsque la Chine ferma ses frontières sur le transport d’opium, la marine anglaise la combattit de 1838 à 1842 et l’obligea à rouvrir ses frontières sur le transport d’opium). Au XXe siècle, lors des guerres qui se découlèrent dans le sud-est asiatique, la Thaïlande fut le berceau de la production d’opium et d’autres stupéfiants.

Après le transfert de la guerre vers l’Afghanistan, ce dernier devint le centre de production des stupéfiants. Même avant le déclenchement de la guerre, de nombreuses investigations avaient prouvé que de nombreuses personnalités de premier rang et des commandants militaires des pays de l’Asie Occidentale étaient compromis dans ce commerce. Il apparaissait clairement qu’une partie des dépenses liées à la guerre en Afghanistan était financée par ce moyen. Ainsi, les sources du commerce des stupéfiants peuvent apparaître dans les politiques secrètes des grandes puissances.

Le sida qui, dès le XXe siècle, avait frappé l’humanité, continue ses ravages au XXIe siècle, en particulier dans les pays les plus pauvres.

Le terrorisme, que le président Bush prétend combattre prioritairement à toute autre menace, n’est pas un phénomène unidimensionnel. Au contraire, il doit être examiné sous plusieurs approches : une forme du terrorisme est due aux conditions et à l’injustice de la seconde moitié du XXe siècle avec deux origines : 1) La lutte contre l’agression, 2) La répression de la protestation contre l’agression. Ces deux origines existent depuis plusieurs décennies en Palestine, l’une constitue l’objet de protestation des puissances et l’autre bénéficie de leur soutien. Ne peut-on pas dire qu’il existe une autre forme de terrorisme, résultant du monde bipolaire précédent, dans laquelle les Etats-Unis ont un rôle prépondérant ?

Ce qui s’est déroulé pendant vingt années de guerre en Afghanistan, ayant détruit la civilisation urbaine sous les bottes des chefs des tribus et de leurs milices, ayant donné naissance aux monstres d’« Al-Qaïda » et des « Talibans », ayant traversé l’Asie Centrale et jeté son spectre sur New York, est l’exemple type du terrorisme dirigé, puisant sa force dans le fanatisme et l’intégrisme. L’action et la politique des hommes politiques américains sont à l’origine de ce monstre et, de ce fait, ils ont commis une erreur impardonnable.

Depuis des années cette folie s’est enracinée en Algérie, en Afghanistan et une partie importante du Pakistan est contaminés sans aucun espoir pour

qu’à court terme ces pays puissent s’en débarrasser. Les Etats-Unis se sont adressés à l’OTAN pour que celle-ci puisse aider à défaire le nœud. De par la politique agressive des États-Unis, l’Irak s’est également transformé en un centre du terrorisme. Les États-Unis et l’Angleterre qui projetaient d’y remporter une victoire rapide, sont tombés dans le piège du terrorisme. Pour pouvoir s’en sortir ils essayent d’y entraîner d’autres pays.

A cela, il convient d’ajouter le terrorisme d’État qui, contrairement aux chartes et aux engagements internationaux, est devenu un instrument au service des États du Moyen-Orient, agissant sous couvert ou contre Washington.

La course aux armements, garantie le fonctionnement des entreprises d’armement et par l’intermédiaire des conflits régionaux épuise les économies des petits pays. A l’échelle mondiale, elle conduit les puissances à réduire leurs dépenses pour le bien-être de leur population et le développement de leur pays. On espérait que la course aux armements serait atténuée une fois qu’une des deux super- puissances disparaîtrait, or, même avant l’arrivée au pouvoir de l’administration clanique du président Bush, le terrain fut préparé aux États-Unis pour relancer cette course. Aujourd’hui, d’autres puissances se lancent à nouveau dans cette course pour créer de nouvelles armes. Les conflits locaux et régionaux absorbent les surplus des armes stockées dans les réserves des grands pays. Le Moyen-Orient, grâce à ses revenus pétroliers, est le principal marché d’armements dont le commerce est concentré entre les mains des Etats, où les vendeurs non gouvernementaux arment les opposants et les groupuscules interdits.

Polarisation et hégémonie américaine

Dans la seconde moitié du XXe siècle, on pensait que les capitaux consacrés pour la fabrication des armes nucléaires étaient des capitaux perdus et que ces armes avaient des effets dissuasifs. Or, avec l’arrivée au pouvoir de l’équipe du président Bush, on ne peut plus se fier à une telle interprétation de la doctrine stratégique nucléaire. La politique suivie par la Maison Blanche fait craindre que dans les conflits ultérieurs, la non utilisation des armes nucléaires soit un leurre et que le destin de la civilisation ne tienne qu’à un cheveu.

Le danger immédiat qui menace le monde est celui de la démonstration de force et de la suprématie d’un monde monopolaire, un danger qui a projeté son spectre sur l’ensemble des acquis de la civilisation européenne de ces cinq derniers siècles. Le lancement du concept de la « guerre préventive » dans l’attaque contre l’Irak, a fait sauter en éclats la charte des Nations unies et a semé l’insécurité à travers le monde. Ce qui permet d’espérer, c’est que malgré sa brutalité, l’équipe du Président Bush ne bénéficie pas d’un vrai soutien national. Le peuple américain, comme tous les peuples du monde, désire la paix et la tranquillité. Le gouvernement américain actuel qui représentant le groupe restreint des capitaux multinationaux et des néoconservateurs, s’est heurté aux obstacles et l’échec de la politique agressive du gouvernement Bush devient de plus en plus probable. La méthode de l’équipe de Bush, désirant incarner l’omnipotence de la superpuissance globale et le juge du bien et du mal a démontré dans la pratique une certaine incapacité. Le monde contemporain a démontré qu’il n’était pas disposé à admettre les agressions générales. La démonstration de force peut entraîner la civilisation contemporaine vers son anéantissement total car, en effet, avec le concept de « guerre préemptive », le risque de voir les arsenaux ne pas rester inutilisés aux moments sensibles s’accroît de façon exponentielle.

L’insuccès de la politique agressive de Bush ne doit pas être considéré comme le bien fondé et la justesse des régimes des pays agressés : durant des années, ces régimes ont survécu grâce au soutien américain et ont créé en leur sein la violence, la terreur et la corruption et c’est en prenant en compte ce point faible de ces régimes que les néoconservateurs ont mis en place leur projet du « nouvel ordre mondial ».

Pour les néoconservateurs internationaux qui visent à dominer les réserves de richesse planétaire, l’Asie occidentale constitue une aubaine. La croissance sociale et économique déséquilibrée dans ces pays est l’héritage de la longue domination d’un empire ottoman rétrograde et sous-développé, suivi d’une domination de l’Occident. Son partage géographique est lié à la politique coloniale anglaise appliquée jusqu’à la troisième décennie du XXe siècle. L’importance stratégique de cette région est restée intacte depuis des siècles et ses réserves de pétrole et de gaz provoquent inconsciemment l’appétit du Big business planétaire. De même, depuis près de soixante ans, depuis la création de l’Etat d’Israël avec l’aide de l’Organisation des Nations unies, une guerre inlassable se déroule entre ce nouvel État et le peuple palestinien ainsi qu’avec les pays limitrophes. Les néoconservateurs internationalistes apportent leur soutien à Israël créant ainsi une situation exemplaire pour le « reste du monde ». Il n’est pas question de défendre la souveraineté de l’Etat d’Israël, il s’agit de condamner le peuple palestinien qui, après cinquante années d’errance, dans les conditions spécifiques des années 90 du XXe siècle, a pu obtenir une sorte d’indépendance.

L’interprétation faite par Israël de l’État palestinien est en fait l’instauration d’une colonie palestinienne sous la direction de l’État d’Israël. A ce jour, toutes les résolutions et les décisions de l’Organisation des Nations unies et de son Conseil de sécurité pour cette région ont été ignorées par un État qui lui-même est le fruit de cette Organisation !

Dans cette région, les installations pétrolières côtoient les tentes des régimes tribaux, reflet de l’hétérogénéité sociale. L’Arabie Saoudite, les Émirats, le Koweït, le Bahreïn, le Sultanat d’Oman, dans le Golfe Persique, grands centres de l’exportation de pétrole et du gaz vers le monde et le Yémen dans la Mer rouge, sont parties prenantes dans cette hétérogénéité. Même le Liban et la Syrie n’ont pas encore dépassé le stade de l’ordre tribal. Paradoxalement, les élections législatives libanaises ravivent les germes d’un nouvel embrasement du pays et la Syrie laisse entrevoir des prémisses très timides à l’ouverture de son régime politique au multipartisme, ce qui réaffirme que le parti Baas demeure intransigeant sur les réformes et les aspirations démocratiques de la société civile syrienne. Dans ce berceau de contradiction historique, les forces religieuses font aussi leur apparition et s’exportent vers d’autres territoires. Dans ce berceau de contradiction Le rôle déterminant de l’Europe à cette période historique, les sectes religieuses font leur apparition et s’exportent vers d’autres territoires.

L’avenir que le front des néoconservateurs internationalistes veut donner à cette région, consiste à y créer un territoire soumis dont la clef de son économie et de ses richesses serait entre les mains d’Israël. Or, Israël, de par son obstination à réprimer les Palestiniens et à préserver les territoires occupés syriens, a perdu une fois vers la fin du XXe siècle, une occasion en or, et il est peu probable qu’il puisse en trouver une autre, compte tenu du fait que les néoconservateurs qui soutiennent le président Bush ont dévoilé leurs véritables objectifs.

La difficulté de la croissance déséquilibrée n’est pas propre au Moyen-Orient. En Afrique et en Asie, elle existe avec plus ou moins d’intensité. Sa solution exige une planification à l’échelle mondiale. Celle-ci aurait dû être l’objectif des Nations unies et des grandes puissances au cours du XXIe siècle, et on l’intitulait d’ailleurs « mondialisation ». Or, aujourd’hui, compte tenu de l’obstacle érigé par les néoconservateurs internationalistes face au développement et à la coopération internationale, la « mondialisation » est devenue un rêve qui ne pourra être réalisée sans lever cet obstacle.

Le plus grand acquis civique des pays du monde durant les XIXe et XXsiècles a été la codification des droits internationaux et la fondation de la Société des Nations suivie de l’Organisation des Nations unies et la confirmation des chartes et des règlements qui devaient être mis en œuvre à travers le monde. Dans la création de Société des Nations et de l’Organisation des Nations unies, les Etats-Unis avaient joué un rôle fondamental. La Charte des Nations unies avait été codifiée et approuvée à San Francisco, tandis que l’immeuble des Nations unies s’élève à New York face à la statue de la liberté.

Or, au début du XXIe siècle, le Président Bush a tourné le dos à la charte des Nations unis et à cette organisation allant jusqu’à prétendre vouloir créer une autre organisation face aux Nations Unies englobant quelques Etats soumis à Washington.

Le monde n’a pas accepté cette rébellion. La France, l’Allemagne et la Russie ont condamné l’attaque des États-Unis contre un pays membre de l’Organisation. De larges manifestations eurent lieu à travers le monde tandis qu’aux États-Unis la manifestation s’est approchée de la Maison Blanche. La Chine, l’Inde et de nombreux pays restèrent fidèles à la Charte de l’Organisation. Les alliées militaires des États-Unis dans la région, tel que le Pakistan et la Turquie, lièrent leur collaboration à l’autorisation des Nations unies. Aujourd’hui, par le biais de manœuvres politiques, le Président Bush tente d’obtenir l’aval des Nations unies dans le cadre du projet d’agression contre l’Iran.

La réintégration des valeurs universelles

La charte des Nations unies est le premier document crédible à l’échelle internationale, rédigé il y a plus de soixante ans au nom des peuples des Nations unies, tirant sa légitimité des peuples du monde. Sur la base de cette charte, une organisation est née qui régit non seulement les relations entre les États mais également les relations entre les États et leurs peuples. Les principes de la déclaration des droits de l’homme, la charte, les résolutions et les conventions sont établies dans le sens de la sauvegarde des libertés, du doit au soulèvement populaire face aux régimes oppressifs, des droits des femmes, des droits des enfants… sans oublier la création de liens culturels entre le passé et le présent, la sauvegarde de l’héritage de la civilisation millénaire des hommes sur la terre, l’examen approfondi des besoins futurs et leur planification, la coopération avec les pays peu développés, le contrôle du développement de la coopération internationale, le soutien aux réfugiés des guerre, des révolutions, des catastrophes naturelles, le contrôle du transfert de pouvoir dans les colonies en cas d’indépendance, la prévention des guerres et la résolution des conflits entre les membres de l’Organisation, constituent une partie de ses activités qui lui confèrent un caractère qui semble être conçu depuis sa fondation et en vue de la création d’un ordre fédératif mondial.

Le début du XXIe siècle fut une occasion formidable pour que cette Organisation, par le biais du renforcement de ses organes et en surmontant les obstacles, puisse jouer un rôle plus sérieux dans la création des coopérations régionales et mondiales, ouvrant le chemin à une nouvelle ère dans la civilisation mondiale. Une ère qui verrait disparaître à l’horizon les guerres et les destructions et permettre une mondialisation de la culture et de la civilisation. Or, l’expérience du Président Bush a assombri cet horizon. Le peuple américain épris de paix et réaliste doit maintenant agir, de même que les autres peuples du monde, à faire disparaître les craintes pour l’avenir.

L’Europe, par le biais de la solidarité entre ses peuples et ses gouvernements a prouvé qu’elle en était disposée. Le fait que, dans ces conditions de crise, l’Europe tente de codifier une Constitution pour ce continent, démontre la vision réaliste européenne. La ligne politique suivie avec persévérance par la France dans l’opposition à l’unilatéralisme des Etats-Unis dans l’« affaire irakienne » et à la thèse de la « guerre préventive », facteur de l’insécurité mondiale, ainsi que le soutien apporté au crédit et à l’honneur de l’organisation des Nations unies et de sa charte, malgré l’animosité créée par les néoconservateurs internationalistes, ont renforcé la place de la France et donné crédit à son message multilatéraliste et respectueux de la diversité internationale.

Il est temps de créer une dynamique internationale visant à : revaloriser les Nations unies, renforcer ses organes, rectifier la composition du conseil de sécurité, confier un rôle actif aux nouveaux membres en son sein, insister sur les décisions et les résolutions de l’assemblée générale et préparer ainsi le terrain à l’émergence d’une vision fédérative mondiale.

Compte tenu des progrès rapides des sciences et de la technologie, la mondialisation est vite devenue une donnée. Cependant, elle ne peut se faire à travers une action unidimensionnelle et dans le sens des objectifs économiques d’un groupe particulier. L’organisation des Nations unies et ses différentes composantes en collaboration avec d’autres organisations internationales non gouvernementales doivent préparer le terrain à une authentique coopération internationale respectueuse de ses différentes entités, en différentes étapes tout en les supervisant. Les organisations internationales non gouvernementales représentent les peuples du monde dans cette collaboration. A cette étape de l’histoire de la civilisation, le continent européen joue un rôle déterminant.

* Ali Rastbeen

Président de l’Institut International d’Etudes Stratégiques – Paris

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