Le Japon et les travaux d’Hercule en « Méditerranée d’Asie »

Laurent LADOU CE

Coordinateur de la commission de travail « Le Rêve africain » dans la Fédération pour la paix universelle

Trimestre 2010

La géopolitique du japon doit beaucoup) à sa position d’État insulaire tour­né vers le Pacifique sut sa façade orientale, vers une mer (quasiment fermée sur sa façade occidentale. Omote Nihon, Japon de l’endroit, de la lumière, du dehofs, désigne la côte pacifique plus riante, plus peupléa, plus développée. Uaa Nihon, Japon de l’ombre, regarde l’Asie et la mea Intérieure. Omote dosigne aussi la porte principale du logls et le discours officiel. Ura est la porte de derrière, qui dévoile la réalité desrière l’app arance. Quaid le Jfpon se modernisa, Oukuzawa Yukichi, œnseiller de l’empereur, lança le slogan : « Quitter l’Asie pour rejoindre l’Ocxi-denj[1]. » Aguillonné par l0 jeuna nation améric’ine qui l’avais forcé à s’ouvrir à l’OccidenS’ le Japon «« entra dans le monde en dewnant une grande puissance du Pfcifique[2] ». Le Soleil-Vevant brilla de tous ses feux pour rivaliser avec l’Occident. Cette période d’éclat fut pourtant la plus sombre de l’histoire du Japon. Le Japon ne quitta pas l ‘Asie, mais l’asservit.

Les « voisins du Japon insulaire boudent nussi la mer Intérieure. Sur la péninsule Coréenne, les pleines côtières errosées les principaux fleuves occupent la façade ouest, plus dense que la côte est ; qu’en est-il de la Russie continentale, le troisième riverain ? Vladivostok a beau signifier « maître de l’Orient », l’Extrême-Orient russe (EOR) reste fragile[3]. Anton Tchekhov, médecin à Sakhaline en 1890, alertait déjà Moscou sur les problèmes aigus de la région. Riche de potentialités, la partie méri­dionale de l’EOR n’est pas prioritaire pour le pouvoir.

« Mer du Japon » pour les Russes et les Japonais, « mer de l’Est[4] » pour les Coréens, « Méditerranée d’Asie » pour certains géographes. La métaphore séduit pour une raison simple : la Méditerranée fut la mer du passé, l’Atlantique est l’océan du présent, la « Méditerranée d’Asie » pourrait être la mer du futur[5]. Cette mer va­guement maudite occupe la région qui dominera le monde – l’Asie du Nord-Est – et dont le triomphe éclair eut pour moteur premier ce Japon qui voulait « quitter l’Asie ». L’onde de choc s’est propagée en cent ans à ses voisins, par et autour de cette Méditerranée d’Asie. Cette région imposera vraisemblablement l’hégémonie que détint jadis la Méditerranée.

Mais peut-on parler de Méditerranées ? Cela peut-il éclairer le futur ? Oui, si l’on évite le dogmatisme : similaires, les Méditerranées d’Europe et d’Asie sont aussi différentes. Au lieu de comparer deux Méditerranées, nous esquisserons un modèle méditerranéen général, puis l’appliquerons à cinq espaces maritimes, en étudiant les constantes et les variables. Face à des enjeux similaires, les réactions sont souvent différentes. Élaborer un modèle fondé sur les bonnes pratiques pourrait s’avérer fort utile pour les cinq Méditerranées du globe ; un tel modèle inciterait peut-être le Japon à une diplomatie de « travaux d’Hercule » qui renforcerait la paix en Asie du Nord-Est tout en garantissant sa prospérité et sa sécurité. En effet, les cinq espaces méditerranéens ont inspiré de grands travaux. Certains ont bouleversé l’espace-temps global. Ces travaux répondaient à la géographie physique et humaine de ces espaces méditerranéens singuliers.

Le paradigme méditerranéen

« La Méditerranée est la Méditerranée, il n’y a qu’une Méditerranée. » C’est la thèse « exceptionnaliste » de Jacques Béthemont. D’autres proposent une extension du concept trop large pour être crédible. Vincent Clément propose une approche raisonnable : « Que la Méditerranée soit un espace unique n’est pas contradictoire avec le fait de la poser en modèle universel. »

En 1995, Roger Brunet définissait une Méditerranée comme « un ensemble quasi fermé, formé par un rivage relativement continu, entourant une masse d’eau de dimension suffisante pour que le rivage soit lui-même différencié des terres d’ar­rière-pays et que les liaisons ne soient pas immédiates, mais assez limitée pour que la navigation soit aisée et les trajets d’assez courte durée[6] ». Plus précisément, un espace méditerranéen comporte quatre critères de géographie physique et quatre critères de géographie humaine. Une Méditerranée est :

  • une mer presque fermée,
  • une écluse entre deux mondes,
  • une « chersonèse », ou combinaison de continents, de péninsules et d’îles,
  • une « fin de monde », marquée par des isthmes et détroits stratégiques,
  • un microcosme et un musée de diversité,
  • un carrefour et un lieu de convergence[7],
  • un bien commun et une Mare Nostrum,
  • un lieu de grands travaux.

Le critère premier d’une Méditerranée est d’être un espace maritime presque clos, cerné par les terres. Les marées y sont souvent insignifiantes, comme en Méditerranée, en Baltique ou en mer du Japon. Les Méditerranées jouent souvent un rôle ambigu : cul-de-sac, refuge, fin du monde (nec plus ultra), ou alors écluse vers un au-delà (plus ultra) aussi craint que désiré. Ce dernier trait explique la fré­nésie de grands travaux dans les Méditerranées.

Ensuite, il y a l’aspect de chersonèse[8]. « Une Méditerranée, précise Vincent Clément, n’est pas qu’un vaste plan d’eau au milieu des terres. C’est un espace articulé par des péninsules et par des îles qui constituent des médiateurs territoriaux entre la terre et la mer, facilitant les liens entre les espaces continentaux bordiers, liens qui se déclinent en logiques d’interfaces ou d’affrontements[9]. »

Les îles multiplient l’isolement et l’émiettement, les péninsules favorisent le franchissement naturel pour aller d’un point à un autre. Les Méditerranées exacer­bent donc les tendances séparatistes et unificatrices de l’être humain.

Ces traits de géographie physique expliquent aussi les traits de géographie hu­maine. Une Méditerranée est un concentré, un microcosme de la diversité. Les arrière-pays peuvent être constitués de blocs homogènes, l’espace méditerranéen les métisse. Le lointain y devient proche. Les Méditerranées favorisent ainsi le dialogue des civilisations, le bouillonnement culturel, mais aussi les conflits d’interprétation et d’ambition qui peuvent dégénérer. La Méditerranée est en général une Mare Nostrum qui invite soit au partage équitable soit au saccage hégémonique. C’est pour cela que chaque Méditerranée a inspiré à ses riverains des travaux d’ampleur gigantesque qui ont bouleversé l’espace-temps global.

  1. Les cinq Méditerranées

Ce paradigme méditerranéen éclaire certaines problématiques communes à cinq régions du monde. Il permet de mieux cerner les choix stratégiques du Japon en Méditerranée d’Asie.

1.1 La mer Méditerranée

Quasiment fermée, longue de 4 000 kilomètres d’est en ouest, elle assure le transit entre la mer Noire et l’océan Atlantique. Les marées y sont quasi inexis­tantes. Hegel précisait :

« Le Vieux Monde est structuré par une baie profonde, la Méditerranée. Les trois continents du Vieux Monde ont une relation essentielle l’un envers l’autre et forment une totalité. Car les fleuves et les mers ne divorcent pas, ils réunissent… Pour les trois quarts du globe, la Méditerranée est le lien et le centre de l’histoire mondiale[10]. »

C’est la chersonèse par excellence : la botte italienne est une longue péninsule effilée, flanquée de deux grandes îles, la Sicile et la Sardaigne, et de nombreux îlots. On passe d’un climat subtropical en Sicile à un climat continental dans le Haut-Adige. Plus spectaculaire encore, la Grèce comprend une partie continentale, une partie péninsulaire (le Péloponnèse) et 6 000 îles dont certaines lèchent la Turquie[11].

Vingt et un États bordent la Méditerranée[12] : des peuples latins, slaves, turcs, juifs, arabes et berbères habitent ce concentré de diversité, berceau des trois mono-théismes, carrefour d’innombrables influences, terreau de civilisations brillantes. Cette Mare Nostrum fut le théâtre d’échanges commerciaux et culturels amicaux, mais aussi de visées hégémoniques[13] : en 1926, Mussolini donna au slogan mus-solinien Mare Nostrum un accent impérialiste. Le projet récent d’Union pour la Méditerranée procède évidemment d’une autre approche et d’une volonté de pré­server ensemble un bien commun en unissant des régions du monde très différentes par leurs cultures et leurs régimes politiques et économiques.

Les grands travaux en Méditerranée ont un retentissement symbolique et géo­politique considérable. Le canal de Suez délimite aujourd’hui l’Afrique et l’Asie. Son percement fit de la Méditerranée l’écluse de transit entre l’océan Atlantique et l’océan Indien, permettant d’éviter le cap de Bonne-Espérance. Autre ouvrage important, le Marmaray, tunnel ferroviaire sous le détroit du Bosphore, unira bien­tôt les deux rives d’Istanbul, seule ville du monde à relier deux continents, l’Asie et l’Europe. De nombreux ponts enjambent déjà le Bosphore, mais le Marmaray intensifiera le trafic dans cette ville stratégique. Le projet le plus lourd de sens concerne toutefois le détroit de Gibraltar.

Cest l’un des lieux les plus rnythiques. Parmi ses douze travaux, Hercule aurait séparé le mont Calpé (rocher de Gibraltar) du rocher Abyla (djebel Moussa). Par ses poings, Hercule permit à la Méditerranée de comm uniquer avec l’Atlantique, sépa­rant en revanche l’Afrique de l’Europe. On mppelle depuis « colonnes d’Hercule » les deux monts qui surplombent le détroit. Hercule affirma que le détroit était le bouo du monde et qu’on ne devait pas aller « plus loin au-delà » – nec plus ultra, en latin. On est ici au cœur même de la « méditerranéité ». Les détroits méditer­ranéens marquent partout des fins du monde, redoutées et recherchées. En 1492, Christophe Colomb découvre le Nouveau Monde par la mer des Caraïbes, parfois appelée « Méditerranée américaine » : nous y reviendrons. Mieux encore, la flotte de Magellan quitte Séville en 1519, franchit le détroit de Gibraltar puis le cap Horn, avant de parcourir tout le Pacifique. Magellan mourra aux Philippines, mais un des bateaux regagnera Séville en 1522. Le premier tour du globe fut aussi un tournant de l’histoire, marquant bien le passage d’une hégémonie méditerranéenne à une hégémonie atlantique, présageant aussi l’hégémonie future de l’Extrême-Orient. Après la découverte du Nouveau Monde, dont Séville sera la capitale pendant deux siècles, la Méditerranée décline. Et la première des puissances atlantiques sera l’Es­pagne. Charles Quint lui prête alors sa devise personnelle, plus ultra (« il y a quelque chose au-delà »), qui orne aujourd’hui les armoiries de l’Espagne.

Le projet Afrotunnel pourrait lier un jour l’Espagne au Maroc en passant sous le détroit de Gibraltar. Ce défi politique, technique, culturel et financier considé­rable bouleverserait nos repères géographiques et historiques. La portée du projet est évidente : réparer le « coup de poing » d’Hercule reviendrait à lier l’Europe et l’Afrique, le Nord développé et le Sud en voie de développement, les pays de culture chrétienne et les pays de culture musulmane. À ce titre, un Afrotunnel de la bonne volonté serait l’archétype des travaux d’Hercule pour la paix dans toutes les Méditerranées du globe.

1.2 La mer Baltique

Neuf États bordent la mer Baltique. Cette Méditerranée du Nord presque fer­mée est une chersonèse baignant la plaine continentale d’Europe du Nord et une masse péninsulaire montagneuse, la Scandinavie. Celle-ci touche l’extrémité du Danemark. Obturant presque complètement le passage entre la Baltique et la mer du Nord, le Danemark est un État hybride, avec une longue partie péninsulaire (le Jutland) et un chapelet d’îles. À l’extrémité de l’archipel, la capitale Copenhague regarde la ville suédoise de Malmô. La Baltique comporte beaucoup d’îles impor­tantes : 6 500 îles composent la province finlandaise autonome d’Aland à l’entrée du golfe de Botnie. L’arrière-pays finlandais comporte au contraire des milliers de lacs : une chersonèse inversée.

La Baltique est le microcosme des peuples d’Europe du Nord. Ses flots ont réverbéré les cultures balte, germanique, scandinave et slave, générant une culture originale, nordique et cosmopolite, à vocation mondiale. Si la Méditerranée est le berceau des trois monothéismes abrahamiques (judaïsme, christianisme, islam), la Baltique est le point de contact des trois rameaux du christianisme : la Pologne est l’État phare du catholicisme européen, la Russie est l’État phare de l’orthodoxie mondiale, la Scandinavie constitue l’ensemble phare de la culture luthérienne14. Les Pays baltes, formant charnière entre la Russie, la Pologne et la péninsule Scandinave, semblent avoir vocation à rapprocher les trois branches de la chrétienté.

Cette mer presque fermée a suscité chez les peuples du Nord la même soif d’ou­verture que chez les Méditerranéens. Les Vikings furent de grands navigateurs et explorateurs. Si le Génois Christophe Colomb servit l’expansionnisme espagnol, le navigateur danois Vitus Behring servit l’impérialisme russe. Découvrant l’Alaska par le détroit qui porte son nom, il fut le Christophe Colomb de la Russie.

1.3 La mer des caraïbes

Faut-il considérer la mer des Caraïbes comme une Méditerranée ? Elle est assez peu fermée et sa limite septentrionale fait débat. Nous adopterons une position modeste en excluant le golfe du Mexique de son extension et en parlant d’une Méditerranée plus culturelle que physique.

Cela dit, l’espace maritime caribéen délimite une nette coupure entre les hé­misphères Nord et Sud du continent américain. C’est aussi l’écluse entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique via le canal de Panama. C’est donc une mer de transit capitale, pour le trafic nord-sud et est-ouest. Cet espace maritime est une chersonèse. Le Sud est dominé par les plaines côtières continentales de Colombie et du Venezuela. Le flanc ouest comporte l’isthme très étroit de Panama, le plus long du monde avec 2 000 kilomètres, qui se prolonge au nord par la péninsule du Yucatàn (Mexique). Les Grandes Antilles forment la limite septentrionale, alors que le flanc oriental comporte toutes les Petites Antilles.

Culturellement, la région est celle de tous les métissages. Le peuplement origi­nel amérindien n’est majoritaire qu’au Guatemala. Si la Méditerranée de l’Ancien Monde soude les trois continents d’Asie, d’Afrique et d’Europe, celle du Nouveau Monde résulte de mélanges ethniques et culturels récents entre populations amérin­diennes, européennes et africaines. Cette Méditerranée est le lieu de passage et de brassage des peuples immigrés et délocalisés souvent de force. Entre une Amérique du Nord largement anglo-saxonne et protestante, et une Amérique du Sud large­ment latine et catholique, la Méditerranée caribéenne est un monde hybride, sur­tout avec la culture créole antillaise. Le risque d’aliénation de la région est double. D’une part, c’est une destination privilégiée du tourisme de masse qui amène des gens plutôt aisés dans une région généralement pauvre ; d’autre part, les puissances lointaines veillent au grain. Les deux hémisphères américains s’y livrent une lutte d’influence idéologique, l’Union européenne y défend nombre d’intérêts poli­tiques, économiques et culturels, l’ombre de l’Afrique plane aussi sur les mœurs, la culture, la perception des choses. Le terme de Méditerranée du Nouveau Monde prend ici tout son sens.

Ferdinand de Lesseps acheva le canal de Suez près des pyramides d’Égypte, puis entama un autre travail d’Hercule dans une région limitrophe de l’ancien Empire maya aux pyramides mystérieuses : Chichén Itzà, Uxmal et Tulum (Mexique), ou Tikal (Guatemala). Démarrés en 1882, les travaux du canal de Panama s’interrom­pirent. Repris par les États-Unis, le projet s’acheva en 1914. Comme le canal de Suez, il a bouleversé la géopolitique mondiale. Il présage aussi en partie le passage graduel d’une civilisation atlantique à une civilisation pacifique.

1.4 L’espace maritime du Sud-Est asiatique

Ptolémée appelait « chersonèse d’or » le monde malais. Le nom englobe par mé­tonymie l’Asie du Sud-Est tout entière, ce coude maritime ou « angle de l’Asie[14] ». L’unité dans la diversité caractérise la géographie et l’histoire de cette région, et Denys Lombard voyait dans son espace maritime une Méditerranée d’Asie[15]. Les puristes objecteront que cet espace est assez largement ouvert à l’Océan sur son flanc est. D’autre part, comment le définir ? Faut-il le limiter à la seule mer de Chine méridionale ou y inclure les mers intérieures de l’archipel indonésien ? La deuxième option nous paraît plus conforme au paradigme méditerranéen. Ainsi défini, l’espace maritime du Sud-Est asiatique englobe l’Asie du Sud-Est politique regroupée dans l’ASEAN. Par ailleurs, l’analogie avec la Méditerranée d’Europe ressort davantage.

La « Méditerranée d’Asie du Sud-Est » fait charnière entre deux autres sous-en­sembles de l’Asie : l’Asie du Nord-Est « sinisée », dominée par la Chine, et l’Asie du Sud, dominée par l’Inde. Entre les deux, l’Asie du Sud-Est est un espace hybride, disciple des deux classicismes d’Asie (les cultures chinoise et indienne), comme la Méditerranée a absorbé les cultures grecque et romaine. Ensuite, l’angle de l’Asie est l’écluse entre l’océan Indien et l’océan Pacifique. Enfin, il sert d’articulation entre l’Asie et l’Océanie. L’Indonésie soude les deux continents, comme l’Égypte relie l’Afrique et l’Asie, comme la Turquie soude l’Asie à l’Europe.

Cette chersonèse est une interpénétration sans équivalent de continents, d’îles et de péninsules. La géographie physique et humaine a tissé un système incitant les peuples à s’entendre malgré leur extrême hétérogénéité[16]. Ce paradoxe s’explique par la carte. L’Asie du Sud-Est comporte trois arcs de cercle : continental au nord entre Inde et Chine (A), insulaire au sud entre Asie et Océanie (B). Un espace à la fois péninsulaire et insulaire (C) réalise l’union et l’intégration du Nord continental et du Sud maritime entre l’océan Indien et l’océan Pacifique.

Partant quasiment de Bangkok, l’isthme de Kra est long d’environ 800 kilo­mètres. Large de seulement 40 kilomètres par endroits, il se partage pourtant lon-gitudinalement entre deux États. Le flanc est de l’isthme, qui donne sur le golfe de Thaïlande, est la partie méridionale de la Thaïlande, regroupant la majeure partie des Thaïs musulmans (dans un pays bouddhiste à 92 %). Le flanc ouest donne sur la mer d’Andaman et constitue le Tanintharyi, une division administrative de la Birmanie. L’isthme de Kra se prolonge ensuite par la péninsule Malaise. Or la Malaisie comporte à la fois une partie péninsulaire, où se trouve la capitale -Kuala Lumpur —, et une partie insulaire : les États de Sabah et Sarawak occupent en effet le Nord de l’île de Bornéo. Le Sud de Bornéo fait partie de l’Indonésie.

La région a connu jadis de grands travaux : Borobudur en Indonésie, Angkor Vat au Cambodge, Bagan en Birmanie, etc. Son travail d’Hercule contemporain est l’unification. Laquelle commença comme un cauchemar, sous l’égide du Japon impérialiste, à l’idéologie proche du nazisme. Trouvant le territoire allemand trop exigu, le nazisme avança les théories de l’« Espace vital » (Lebensraum) et de la « Marche vers l’Est » (Drang nach Osten) pour asservir l’Europe. Le Japon imposa de même l’idéologie de la sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale (dai-t-a kyeiken), et projeta ses forces à des milliers de kilomètres après l’attaque de Pearl Harbor. Il contrôlait alors presque toute l’Asie du Sud-Est, sauf la Thaïlande.

Culturellement, cette Méditerranée étonne par sa diversité extrême : c’est le car­refour où les grandes religions ont atteint les limites mondiales de leur expansion : bouddhisme en Indochine, islam en Indonésie, christianisme aux Philippines. La région a connu les colonisations portugaise, espagnole, néerlandaise, française, britannique, américaine et japonaise. Les régimes politiques et économiques de ces États sont tous différents. Cela n’a pas empêché cet ensemble de 550 millions d’âmes de réaliser son unification pacifique sous l’égide de l’ASEAN en un peu plus de trente ans (1967-1999).

L’Empire du Soleil-Levant s’étendait sur 8 000 kilomètres dans toutes les direc­tions, depuis l’île de Wake à l’est jusqu’au bord de l’Inde à l’ouest, depuis le climat froid des Kouriles au nord jusqu’aux eaux chaudes de la mer de Corail au sud. Hiro-Hito régnait sur plus du septième de la surface du globe, une aire trois fois plus grande que les États-Unis et l’Europe réunis. Le fait que la plus grande partie fût composée d’eau signifiait qu’il était plus difficile de s’en emparer à nouveau[17].

Pour construire les 420 kilomètres de voie ferrée entre la Thaïlande et la Birmanie, les Japonais mobilisèrent 200 000 civils asiatiques et 60 000 prisonniers de guerre occidentaux. Treize mille de ces prisonniers périrent dans de grandes souf­frances. Après la guerre, l’ONU voulut parrainer des projets pharaoniques d’amé­nagement du Mékong, abandonnés depuis. Il reste toutefois un travail d’Hercule à effectuer dans l’espace maritime de la région : percer un canal dans l’isthme de Kra. Car, si l’isthme est le trait d’union de la Méditerranée du Sud-Est asiatique, il est aussi sa barrière avec l’océan Indien et détourne les navires vers le sud, c’est-à-dire le détroit de Malacca, le plus fréquenté du globe. Percer un canal réduirait de 1 500 kilomètres le trajet des navires. Des problèmes plus politiques que techniques ou financiers freinent le projet de canal qui créerait une rivalité économique entre la Thaïlande et Singapour. Il pourrait menacer la sécurité de la Thaïlande, dans un Sud déjà séparatiste. L’intérêt excessif de la Chine pour ce projet suscite par ailleurs des inquiétudes. Le projet gagnerait à être perçu au nom de l’intérêt général.

  1. La Méditerranée du Nord-Est asiatique et le Japon

En termes de géographie physique, seule la mer dite du Japon constitue une Méditerranée. C’est une mer quasiment fermée, aux marées insignifiantes. Son dé­troit le plus large sépare le Japon de la Corée. Cette chersonèse comporte trois aires bien délimitées : l’ensemble continental est constitué de l’Extrême-Orient russe (EOR)[18]. L’ensemble péninsulaire est constitué par la Corée, scindée en deux États. Telle une Italie d’Extrême-Orient, la Corée s’étire sur environ 1 000 kilomètres du nord au sud, c’est-à-dire du mont Paektu (climat continental) au mont Halla sur l’île de Jeju (climat subtropical humide). L’ensemble insulaire comprend l’archipel japonais et l’île russe de Sakhaline, longue de 948 kilomètres. Ces îles forment une barrière quasi continue sur le flanc est de cette Méditerranée. Les chersonèses favo­risent souvent les métissages, mais le bloc continental russe, le bloc péninsulaire co­réen, le bloc insulaire japonais affichent leur homogénéité ethnique et linguistique.

La seule population vraiment hybride se trouve en fait sur l’île coréenne de Jeju. Les influences mutuelles entre la Corée et le Japon sont certes nombreuses, mais les deux pays cherchent à les nier.

En termes de géographie humaine, la Méditerranée d’Asie du Nord-Est inclut forcément la mer Jaune toute proche, jusqu’à la ville de Shanghai. L’ensemble de cette région partage un même destin depuis des millénaires, et on y compte au­jourd’hui quatre des dix plus grandes métropoles urbaines du monde : Tokyo (n° 1), Séoul (n° 2), Osaka (n° 9) et Shanghai (n° 10). Les agglomérations de Beijing et Tianjin dépassent aussi les 10 millions d’habitants. Ce sont des pôles industriels au développement humain très élevé. C’est cette région du monde qui devrait prendre prochainement la tête des affaires mondiales.

2.1 Responsabilités nippones en Méditerranée d’Asie du Nord-Est

Le Japon a toujours inspiré des craintes à ses voisins russes, coréens et chinois. En brisant l’expansionnisme russe en Extrême-Orient à Tsushima (1905), le Japon a fait d’abord l’admiration des peuples d’Asie. Mais la cruauté de ses armées dans la région entre 1905 et 1945 a laissé d’amers souvenirs. Les fantômes de cette époque hantent encore les lieux, en particulier l’espace maritime. Du coup, la mer du Japon est loin de son potentiel. Les partenariats régionaux sont timides. C’est une région où le degré d’hostilité reste aigu avec les deux derniers États divisés du globe (la Corée et la Chine), de lourds contentieux historiques existant entre le Japon, la Corée et la Chine, ainsi qu’avec la Russie. Sans parler de la crise nucléaire en Corée du Nord.

Le Japon a pourtant des atouts pour développer les partenariats régionaux. Il contrebalancerait ainsi l’influence de la Chine. Le Japon pourrait habilement réé­quilibrer la sécurité régionale en créant un contrepoids dans la mer du Japon à l’est, alors que l’ascension de la Chine renforce sans cesse le rôle de la mer Jaune à l’ouest.

20. Ruth Benedict publia Chrysanthemum and the Sworden 1946.

Ruth Benedict popularisa l’idée d’un Japon à deux faces. Son livre Le Chrysanthème et le sabre10 évoquait le mélange déroutant de raffinement et de cruau­té. Pour MacArthur, les traits qui avaient poussé le Japon à asservir les peuples pou­vaient être convertis et placés au service de nobles ambitions. Pour la problématique qui est la nôtre, disons que le Japon, qui voulait tourner le dos à sa Méditerranée et quitter l’Asie pour défier l’Occident, a déchaîné sa cruauté et saccagé son voisinage.
Un Japon qui trouverait sa place en Asie et pratiquerait une politique de puissance douce (softpower) aurait peut-être la capacité de réaliser ses rêves les plus nobles et d’aider ses voisins à accomplir les leurs. Le Japon mettrait son énergie et sa créativité au service de projets vraiment pacifiques dans sa région.

Figure 5, Les grands travaux dans la Méditerranée d’Asie du Nord-Est Parmi les grands travaux que le Japon pourrait effectuer, le plus utile pour l’unité régionale serait d’achever le réseau de transport autour de sa Méditerranée. Ce qui s’est fait en Baltique et se fera en Méditerranée, si un tunnel est creusé à Gibraltar, se ferait donc aussi en Asie. Le Japon a déjà percé les plus grands tunnels du monde entre ses îles. Reste le projet de liaison avec Sakhaline au nord, avec la Corée au sud-ouest. Les îles d’Iki et de Tsushima dans le détroit faciliteraient la construction d’une liaison entre Busan et Fukuoka (128 kilomètres). Proposé dès 1917, le projet enflamma l’esprit des militaristes nippons au temps de la sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. La Corée était colonie japonaise, et les Japonais rêvaient d’un lien transeurasien entre Tokyo et son allié de Berlin. Malgré ses sinistres origines, le projet de relier le Japon au continent via la Corée reste vivace. Sa réalisation aurait d’énormes répercussions et permettrait sûrement à Tokyo et Osaka de faire contrepoids à Beijing et Shanghai dans la région, l’axe Séoul-Busan s’avérant central.

Dans une Méditerranée englobant la mer Jaune et la mer de l’Est, la Corée aurait un rôle semblable à celui de l’isthme de Kra en Asie du Sud-Est. La simi­larité entre Jeju et Singapour n’est pas fortuite. L’analogie imprègne le discours officiel depuis l’autonomie de Jeju en 2006. L’île deviendrait le Singapour de la région, une cité-État située aux avant-postes de l’Asie du Nord-Est, accueillant les marchandises, les touristes et les capitaux. Cette idée a le nom évocateur de Hongapore, contraction de Hong Kong et Singapour[19]. Au lieu de rester un projet coréen, ce projet pourrait fédérer toutes les bonnes volontés de la région. Jeju se trouve presque à équidistance de Tokyo, Beijing et Vladivostok, et pourrait deve­nir, à l’instar de Singapour, une cité globale à taille humaine, dans un des cadres les plus plaisants de la région.

2.2 Le Projet d’aménagement de la rivière Tumen

Le Projet d’aménagement de la rivière Tumen est un autre projet qui pose claire­ment la question de la Méditerranée d’Asie du Nord-Est. En y coopérant, le Japon pourrait expier plusieurs démons du passé et relancer la coopération régionale. Ce projet – Projet Tumen pour simplifier – tire son nom de la Tumen, le fleuve de 550 kilomètres qui marque la frontière entre la Corée du Nord et la Chine. Son estuaire de 15 kilomètres dans la mer du Japon délimite la frontière entre la Corée du Nord et la Fédération de Russie, laquelle priva la Mandchourie chinoise d’accès à la mer au 19e siècle. Dans le Projet Tumen, l’estuaire abriterait le plus grand port du monde, et la zone serait un nœud stratégique pour les transports, à 850 kilo­mètres des côtes nippones. Le leitmotiv du projet est la notion de corridor : corridor maritime, routier et ferroviaire, peut-être fluvial dans le futur. Le très grand port à vocation mondiale – la « Rotterdam de l’Orient » – serait précieux pour la Chine, la Corée, le Japon et la Mongolie. La Russie y trouverait aussi son intérêt, même si le projet concurrence l’offre russe de Nakhodka, à 100 kilomètres au nord.

Le Projet Tumen émergea lors d’un colloque à Hawaï en 1989. Les Chinois en fi­rent le premier exposé officiel à Changchun, en juillet 1990, sous le titre : La rivière Tumen : schéma de développement pour le triangle d’or. En 1991, le PNUD apportait son soutien, puis la Corée du Nord lança l’idée d’une zone franche économique (Rajin-Sonbong) le long de la Tumen. En 1992, le gouvernement chinois ouvrait la ville de Hunchun, isolée jusque-là. Le projet a ensuite englobé les gouvernements de Corée du Sud, du Japon et de Mongolie, suscitant l’espoir de créer un élan ré­gional autour d’un calendrier précis. La Chine soutient activement ce projet, dont le siège est à Beijing.

Le Projet Tumen propose un dessein régional puis international dans un lieu longtemps isolé et interdit pour cause de tensions entre voisins. Une première phase vise à désenclaver des populations écartées du développement. Transformer un lieu maudit en lieu béni, en somme. La deuxième phase entend exploiter les ressources de la région et les relier aux échanges internationaux. Dans le Projet Tumen, le maillon faible d’un vaste ensemble devient son maillon fort. L’Asie du Nord-Est évoque des mégalopoles comme Tokyo, Séoul, Beijing ou Shanghai. Mais, dans le Projet Tumen, le plus grand port du monde surgira de nulle part, en zone hostile. Ce projet ne résoudra pas la question du Nord-Est asiatique. Mais il permet d’iden­tifier les obstacles à la paix et propose des outils pour les dépasser. Le site Internet du projet déclare : « Le programme Tumen est la seule initiative à réunir les États membres sur une base sous-régionale. Ses structures déjà en place, ainsi que les accords multilatéraux doivent servir pour aider l’Asie du Nord-Est à trouver la paix et la prospérité. »

Pareil « corridor » rappelle les travaux des canaux de Suez ou Panama, d’où les craintes d’affairisme et de dégradation du milieu. Un des défis du Projet Tumen est de concilier le désenclavement économique et la préservation d’un écosystème fragile. Non loin de l’estuaire de la Tumen, le lac russe de Khasan abrite des espèces rares. De Khasan jusqu’à la mer, des colonies d’oiseaux migrateurs font halte, entre l’Australie et l’Arctique russe. Trente kilomètres au nord, la baie de Posiet constitue une « réserve de haute protection » pour la faune maritime. La zone abrite enfin les derniers tigres de Sibérie et les léopards de l’Amour. Le désir de conservation du patrimoine naturel du Projet Tumen pourrait donc entrer en contradiction avec les projets de développement industriel.

Le projet fascine au-delà de sa logique économique. Dans ce bout du monde, entre marécages battus par les vents, fleuve et mer, le temps s’est arrêté : région internationale et no man’s land absolu, à l’image de l’immense gare de Khasan, à la frontière russo-coréenne, attendant que des trains relient un jour la Corée à l’Europe.

Or la contrée est aussi Terre promise, Eldorado, haut lieu de plusieurs peuples. C’est une Terre sainte et un lieu maudit pour la Chine, la Corée, la Russie et le Japon. Derrière la rivière Tumen s’étend en effet l’antique Mandchourie, straté­gique, longtemps convoitée. On disait de l’Alsace-Lorraine : « Y penser toujours, n’en parler jamais. » Pour la Mandchourie, c’est pareil : rarement nommée ou ap­pelée autrement. Arrière-pays plein d’arrière-pensées : la Mandchourie est le foyer de Dangun, ancêtre fabuleux des Coréens. Elle fournit à la Chine sa dernière dy­nastie. Rêve russe d’Extrême-Orient, la Mandchourie en devint le cauchemar. Le Manchukuo est la base arrière du rêve japonais de coprospérité asiatique. Tumen, aux portes de la Mandchourie, symbole d’amertumes et d’échecs, emblème au­jourd’hui d’espoir.

2.3 La Chine et le Projet Tumen

Et d’abord en Chine. La Mandchourie lui donne sa dernière dynastie ré­gnante. Pourtant, quel paradoxe ! Le mandchou n’est plus qu’une langue morte, les Mandchous sont minoritaires sur leur terre ancestrale. Laquelle n’est même plus ap­pelée Mandchourie mais Provinces du Nord-Est (Heilongjiang, Jilin et Liaoning). Grossièrement, la Chine ressemble à une poule : l’île de Hainan en est l’œuf, la Mandchourie en est la tête. Cette tête fournit à la Chine la dynastie des Qing : la dernière, qui lui donne son expansion actuelle, la guide au sommet de la puissance, avant d’accompagner son inexorable déclin devant l’Occident.

Nurhaqi (1559-1626) réunifia les peuples de Mandchourie. Son fils Hoang Taiji détrôna les Ming à Beijing et y établit les Qing. De 1644 à 1911, la Chine vécut sous la dynastie mandchoue, connaissant son expansion maximale et une grande prospérité, surtout avec les empereurs Kangxi (1662-1722), puis Qianlong (1736­1796). Les Qing interdirent longtemps leur Mandchourie ancestrale aux Chinois, tout en imposant leur langue à la Cour, à égalité avec le mandarin. Au milieu du 19e siècle, le mouvement s’inversa. Comprenant l’importance stratégique de leur terre, les Mandchous voulurent la peupler pour résister aux pressions russe et japo­naise. En vain : la Chine moderne subit par la Mandchourie les pires humiliations et un affaiblissement qui aurait pu être fatal. Amertume suprême, la Mandchourie, annexée par le Japon, devint l’État fantoche de Mandchoukouo (1931-1945).

Après la révolution de 1949, voulant occulter le passé mandchou, la Chine pri­vilégia la croissance économique de la région. En un siècle, la population du Nord-Est passa de 14 millions à 110 millions d’habitants. Le Japon avait laissé de solides pôles d’industrie ; la Chine aimerait maintenant rétablir le prestige historique de la Mandchourie. Wang Shengjin, doyen des Études sur l’Asie du Nord-Est à l’uni­versité de Jilin, écrit : « Depuis sa politique d’ouverture, la Chine veut promouvoir une nouvelle coopération économique avec les pays d’Asie du Nord-Est. Nos trois provinces du Nord-Est sont géographiquement les plus proches du reste de l’Asie du Nord-Est. La planification centrale limitait jadis le développement de ces pro­vinces. En plus des domaines économiques et techniques, la coopération régionale doit aussi inclure des échanges généraux dans les domaines de l’histoire, la culture, la philosophie. »

La Chine est donc une poule dont la tête mandchoue regarde vers ses voisins co­réen, russe et japonais. Derrière cette tête, il y a la Mongolie. Ainsi, la Mandchourie est la région de contact en Asie du Nord-Est, et l’embouchure de la Tumen est la clé de ce contact pour une grande stratégie régionale. Cette clé est largement aux mains de la Chine. Seule la sagesse lui permettra d’en user pour une vision collec­tive à long terme.

2.4 La Russie et le Projet Tumen

Tout en frappant cruellement la Mandchourie chinoise, le Japon brise l’élan de la Russie en Extrême-Orient, la privant d’un agréable balcon en Méditerranée d’Asie. Tumen est une place forte russe dès 1586, la présence russe reste longtemps exploratoire. Pendant des siècles, la région connaît surtout l’influence chinoise. Or, au moment même où les Qing de Mandchourie prennent le contrôle de la Chine en 1644, les Russes commencent à camper durablement aux marches de la Mandchourie mais sans projet précis.

Tout change au 19e siècle : la Russie conquiert son Far East, quand les Américains colonisent leur Far West. Les peuples chamanistes rencontrés en Sibérie par les Russes sont d’ailleurs lointains cousins des Indiens d’Amérique. Plus trou­blant encore : la conquête de la Californie est pour les Américains le prélude à leur intrusion dans l’océan Pacifique qui les mène jusqu’à prendre les Philippines. Or, préalablement, la poussée des Russes en Extrême-Orient les mène jusqu’au détroit de Behring, pour conquérir l’Alaska (finalement vendu aux États-Unis en 1867). Des Russes s’établissent même à San Francisco à partir de 1800. Mais l’ambition russe reste toujours vague.

À partir de 1850, Russes et Américains convoitent le Pacifique, les deux puis­sances blanches risquent de prendre en étau l’archipel nippon. En 1853, le commo­dore Perry est envoyé pour obtenir un accord commercial. Face au refus nippon, Perry menace de représailles militaires. Le traité de Kanagawa (mars 1854) offre aux Américains les ports de Hakodate et Shimoda. Le premier consul américain arrive en 1856 et l’ouverture aux autres pays occidentaux s’accentue. La mission Perry est un tournant : chute du shogunat et de la féodalité, rétablissement de l’au­torité impériale. Le règne de Mitsuhito (ère Meiji, 1867-1912) amène la capitale à Edo, devenue Tokyo. L’empereur décrète l’occidentalisation et la création d’un État constitutionnel moderne.

La pénétration des États-Unis dans le Pacifique, la ruée de l’Occident en Chine, le début de l’expansion japonaise convainquent les tsars d’asseoir leur puissance en Asie. Par le traité d’Aigun (1858), la Chine cède 600 000 kilomètres carrés au nord de l’Amour. Le traité de Beijing (1860) y ajoute 400 000 kilomètres carrés à l’est de l’Oussouri. Forte de son balcon sur la mer du Japon, la Russie fonde Vladivostok et construit les 9 000 kilomètres du Transsibérien, achevé en 1904. Harbin, l’actuelle capitale du Heilongjiang chinois, fondée en 1898, sera même appelée « Moscou de l’Orient ». Le triomphe russe en Extrême-Orient paraît alors irréversible. Vainqueur de la Chine en 1895, le Japon veut s’implanter sur le conti­nent, mais l’Occident veille. La révolte des Boxers a affaibli la Chine face aux puis­sances occidentales qui préféraient la Russie au Japon comme acteur de la région. La Mandchourie peu peuplée était la région idéale pour pénétrer en mer Jaune, convoiter la Corée et montrer sa puissance devant la Chine. Or, pendant cinq ans (1900-1905), la Mandchourie est sous influence russe. Le Transsibérien traverse le territoire mandchou et l’embranchement de Harbin mène à Port-Arthur par le Transmandchourien. L’expansionnisme russe déclenche l’attaque nippone de 1904 sur Port-Arthur.

La flotte baltique russe appareille alors pour l’Extrême-Orient. Les Anglais lui interdisant le canal de Suez, elle passe par le cap de Bonne-Espérance et arrive à Tsushima en mai 1905. La flotte de l’amiral Togo fond alors sur des navires russes moins rapides et peu préparés au combat. Presque toute la flotte baltique sombre… Le plus grand combat naval après Trafalgar, dira Edmund Morris. Tsushima ébranle l’histoire de l’Asie et du monde. Dans l’immédiat, cela précipite le protectorat japo­nais sur la Corée en juillet 1905, puis l’annexion en 1910.

Russes et Japonais s’affrontent encore, notamment en été 1938 au lac Khasan, situé dans l’étroit corridor aujourd’hui chinois coincé entre la Corée du Nord et la Russie. Lors du 60e anniversaire de cet incident, les Russes célèbrent avec émotion le patriotisme des Primoriens morts dans ce no man’s land. Le consul japonais pré­sent aux cérémonies préfère parler affaires et coopération russo-japonaise dans la région. La Russie peine à trouver sa place en Asie du Nord-Est, malgré ses atouts : facilités portuaires, instituts de recherche océanographique, possibilités touristiques et surtout le Transsibérien. Le Japon et la Corée voudraient se raccorder au réseau ferré européen et seraient prêts à investir pour moderniser l’infrastructure de la région. L’évolution de la Corée du Nord reste évidemment une inconnue.

Ce n’est pas la seule. Plusieurs conflits opposent les autorités locales à Moscou. Si l’indécision politique continue, la population blanche de Primorie craint le sur­nombre chinois. Autre menace : un désastre en Corée du Nord et un exode mas­sif d’affamés. Mais le danger premier pour l’EOR est le réveil des minorités. La Yakoutie (3 millions de kilomètres carrés), produit plus de 98 % des diamants de la Fédération de Russie, le quart du volume mondial. Les conditions de vie repoussent les Russes. Un exode massif des mineurs russophones serait désastreux. À l’époque soviétique, la Russie centrale captait la quasi-totalité de la manne dia­mantaire. L’effondrement de l’URSS a attisé le réveil yakoute et les leaders lo­caux pensent au sort de la Yakoutie dans le nouvel espace géopolitique régional. « Géographiquement, par le détroit de Behring, nous sommes plus proches du continent américain que de Moscou et de la Russie centrale, explique Iuliana Vinokourova. À l’est, le Pacifique et l’Asie maritime sont à quelques centaines de kilomètres. Au sud, se dressent la Chine et la Mongolie. Nous sommes à la croisée de l’Europe continentale, de l’Asie-Pacifique et des Amériques. Personne ne sait quelle sera la redistribution économique et stratégique entre ces trois blocs, ni les nouvelles frontières de la Russie. » Certains Yakoutes entreprenants misent sur le développement de l’Asie du Nord-Est. Leurs personnalités effectuent des voyages diplomatiques dans les capitales japonaise et coréenne. Certes, Moscou peut re­prendre la main et définir un grand dessein en EOR. Rivaliser avec la Chine, le Japon et la Corée demandera de l’ambition.

2.5 La Corée et le Projet Tumen

Séoul applaudit au projet Tumen. « Au-delà des simples infrastructures ferro­viaires, c’est tout le rêve prométhéen d’une plus grande intégration euro-asiatique qui se dessine », écrit la Lettre de Corée de mars 2003, qui cite le docteur Kim, porte-parole du président Roh Moo-hyun : « Nous devons dépasser la notion conven­tionnelle de coopération régionale centrée sur le libre-échange et une monnaie commune. Avec la Corée comme locomotive dans le domaine des technologies, nous pouvons aider la région d’Asie de l’Est à créer un cyberespace, s’étirant du Kamchatka à Bombay, d’Irkoutsk à Bandung et de Pyongyang à Lhassa. Cela doit être mené en parallèle avec la création d’infrastructures de transport dans l’espace réel[20]. »

Tumen éveille un élan mystique chez les Coréens. Une légende veut que le peuple coréen ait été fondé en 2333 avant notre ère au cœur de l’actuelle Mandchourie. La Corée se serait d’abord appelée Ko Choson : Chosun, le nom de l’actuelle Corée du Nord. Chinois et Coréens s’opposent aujourd’hui sur les origines de la Mandchourie. Spécialiste de cette question à Harvard, l’archéologue Mark Byington précise : « Ces territoires du Nord étaient certes perçus comme une sorte de patrie spirituelle et comme un élément constitutif de la culture coréenne mais passaient aussi pour perdus ou hors de portée. La situation changea à la fin de la dynastie Qing, quand les Coréens, fuyant l’annexion japonaise, franchirent la Yalu et la Tumen pour gagner la Mandchourie par vagues. »

La chaîne du Changbaek s’élève à 2744 mètres au mont Paektu. Le folklore coréen exalte ce point culminant de la péninsule Coréenne et de la Mandchourie comme un lieu sacré. Le lac Cheonji en occupe le sommet, depuis une éruption en 1597. D’une circonférence de 12 kilomètres et d’une profondeur moyenne de 213 mètres, il est la source des deux fleuves qui marquent la frontière sino-co-réenne : vers l’ouest, la Yalu rejoint la mer Jaune, vers l’est, la Tumen rejoint la mer du Japon. Tumen signifie « dix mille » en langue jurchen. La Mandchourie est une sorte de paradis perdu pour l’inconscient collectif coréen. Maintes terminaisons nerveuses du territoire coréen attendent de se raccorder au réseau mandchou, mais le passé récent de la Mandchourie fait aussi mal à l’âme coréenne.

En effet, si la Mandchourie de jadis est un âge d’or prêtant à l’idéalisation, la Mandchourie récente évoque des moments lugubres pour les Coréens. Sous la botte japonaise, nombreux de résistants y furent pourchassés, beaucoup de femmes y de­vinrent esclaves sexuelles. Des vivisections furent pratiquées sur certains hommes, abandonnés ensuite dans d’atroces douleurs. La Mandchourie, c’est aussi un épi­sode funeste de la guerre de Corée. De là partirent les vagues humaines de soldats chinois fanatisés assaillant les défenses de l’ONU. MacArthur redressa la situation mais fut désavoué, et la ligne de démarcation retomba au 38e parallèle, coupant de nouveau le peuple coréen en deux : trois années d’atrocités n’avaient servi à rien. La Mandchourie, c’est donc la guerre de Corée inachevée, une réunification par les armes manquée. Quand MacArthur eut repoussé les attaquants derrière la Yalu, des attaques aériennes lancées des pistes mandchoues pilonnèrent sans fin les posi­tions de l’ONU. Le droit de suite fut refusé au général. Les Chinois en profitèrent pour regrouper des centaines de milliers d’hommes en Mandchourie et attaquer ses troupes. MacArthur se vit alors retirer son commandement. L’objectif de la guerre cessa d’être la réunification de la Corée. Le dernier grief de certains milieux natio­nalistes coréens concerne la province autonome coréenne de Yanbian, à l’est du Jilin. Selon ces milieux, ce territoire devrait normalement être rétrocédé à la Corée. La question mandchoue exacerbe donc un sentiment typique de l’âme coréenne, le han. Cette peine qui brise le cœur face à l’injustice fait penser au spleen, à la mé­lancolie, au saudade portugais. La culture coréenne magnifie le han dans son art du pansori, poésie psalmodiée et lancinante qui évoque le blues et les negro spirituals.

2.6 Le Japon et le Projet Tumen

L’ardeur japonaise en Asie du Nord-Est bute sur deux obstacles. D’abord, le Japon privilégie son rôle de puissance mondiale. Souvent comparé au Royaume-Uni, il veut bien œuvrer à la régionalisation en Asie du Nord-Est mais en retrait. Le deuxième obstacle a trait au passé du Japon, un passé qui évoque plutôt l’Alle­magne, l’ancien allié.

Le Projet Tumen offre à l’Hercule japonais en Asie du Nord-Est un travail dé­centralisé et « méditerranéen ». D’une part, Tumen parie sur les affinités des peuples de la région malgré la défiance entre les États. Le panasiatisme procéderait d’une diplomatie des villes et des gouvernements locaux plus que d’une grande stratégie des capitales. En effet, l’Asie du Nord-Est ne mobilise qu’une partie des États rive­rains et non leur totalité, sauf pour la Corée, mais celle-ci est divisée. Et cela amène au deuxième point. Le dénominateur commun de tous ces États, c’est leur double lien à la Mandchourie et à la Méditerranée d’Asie. Le Japon veut saisir les occasions pour sa façade méditerranéenne longtemps négligée et espère que les pôles « médi­terranéens » de croissance des riverains saisiront aussi leur chance.

L’État japonais est absent du Projet Tumen, mais le secteur privé y est très pré­sent. Est-ce le volet économique du projet qui attire les investisseurs nippons ? Il est vrai qu’un port international à la jonction entre Chine, Corée et Russie serait la tête de pont idéale sur le continent, face aux côtes nipponnes : « Plongé dans un marasme économique depuis plus d’une décennie, le Japon est en quête de nou­veaux marchés. Le delta de la Tumen est distant de seulement 850 kilomètres du port nippon de Niigata, pourvoyant un accès aussi proche que possible au marché chinois et offrant un centre de transbordement commercial idéal pour les marchan­dises destinées à l’Europe. Si le delta de la Tumen se développait, il aurait un impact sur le développement de la côté ouest nippone[21]. »

Mais l’intérêt du Japon pour le Projet Tumen n’est pas qu’économique, estime Peter Peverelli. Ce chercheur néerlandais rappelle que le projet n’a pour l’instant guère de sens sur le plan économique, car il est trop utopique. Mais il revêt un autre sens dans le contexte de chaque pays riverain. Le Projet Tumen inciterait le Japon à « revenir en Asie » après avoir voulu en sortir, mais sans apparaître comme néocolo­nialiste. Avant de voir comment le secteur privé japonais s’implique dans le projet, essayons de comprendre la symbolique de Tumen pour les Japonais.

Quand la crise économique des années 1930 frappa l’archipel surpeuplé, la caste militaire annexa la Mandchourie, mettant l’opinion internationale devant le fait ac­compli. L’exploitation du Mandchoukouo devait financer le redressement du pays. Les zaibatsu, comme Mitsubishi, Mitsui et Sumitomo, profitèrent des ressources du Mandchoukouo orientées vers l’économie de guerre. De 1930 et 1945, Moukden (aujourd’hui Shenyang) quadrupla sa population, devenant un des principaux centres métallurgiques d’Extrême-Orient. Dans les années 1960, la ville était en­core le grand centre chinois de construction mécanique. Aujourd’hui la capitale du Liaoning, métropole du Nord-Est chinois, avec 5 millions d’habitants, occupe une position stratégique, à équidistance de Beijing, Vladivostok et Séoul.

Le Japon osa couronner Pu Yin empereur mandchou. Des Coréennes et des Chinoises devinrent esclaves sexuelles dans la région. Les laboratoires des Mengele nippons firent des tests sur des cobayes humains. Ce passé peut expliquer la dis­crétion du Japon sur la Tumen. Contrairement à l’Allemagne, le Japon se repent difficilement. Des investissements à long terme sur la Tumen dans un but pacifique lui permettraient d’exorciser son passé mandchou. Car la Mandchourie reste chère au cœur d’une partie des Japonais. Cet attrait peut s’expliquer par la notion d’in­conscient collectif. Le peuple nippon a des racines archaïques en Corée et, au-delà, en Mandchourie. Cela ne lui donne certes aucun droit, mais peut expliquer l’égare­ment de ses centurions. Idéalement, les dirigeants japonais devraient entraîner leur peuple à présenter des excuses aux Chinois et aux Coréens puis contribuer à la mise en valeur collective de l’ex-région maudite.

Dans ce contexte, l’intérêt du Japon pour le Projet Tumen paraît dicté par une logique « méditerranéenne ». Tokyo n’avance pas directement ses pions vers l’Asie du Nord-Est, mais par des partenariats entre sa région ouest et des régions ciblées de Russie et de Corée. Presque toutes les initiatives nippones de soutien au Projet Tumen ont leur siège à Niigata, ou mettent en valeur le rôle de cette ville et de sa préfecture. C’est le cas de la Global Infrastructure Fund Research Foundation. Émanation du Keidanren[22], cette fondation précise « que, en se concentrant sur le libre échange de biens et de personnes grâce aux infrastructures multimodales, les peuples asiatiques renforcent la paix et la prospérité ». Le Mitsubishi Research Institute Inc. (MIRI) a mené des études sur des liaisons maritimes rapides entre Niigata et la côte russe. Dans le même ordre d’idée, la Northeast Asia Ferry Co. Ltd, fondée le 20 décembre 2008, propose des liaisons rapides par ferry entre les ports de Niigata (Japon), Sochko (presque à la frontière des deux Corée) et le port russe de Zarubino, près de Tumen. Mais c’est l’organisme ERINA qui laisse le plus trans­paraître une rhétorique méditerranéenne de grands travaux. ERINA est l’acronyme de Economic Research Institute for Northeast Asia. Erina, prénom japonais féminin assez courant, rappelle aussi le prénom russe Irina, dont l’étymologie grecque signi­fie la paix. ERINA a son siège à Niigata mais se rattache au ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie. Son site Internet rappelle que l’Asie du Nord-Est est la région la plus prometteuse à l’aube du 21e siècle. ERINA évoque les 300 millions d’habitants de l’Asie du Nord-Est au sens étroit, 1,6 milliard au sens large.

On est surpris d’apprendre ensuite que le Japon a entretenu des « rapports étroits » avec ses voisins continentaux et soutient sans réserve la logique de coopé­ration dans la région. « L’implication de diverses organisations japonaises dans le Projet Tumen montre que le Japon est un moteur important de l’activité dans la région, souligne Peter J. Peverelli. Les organismes japonais mènent les recherches et dressent les plans, amènent une partie des financements et prennent part à l’exé­cution des plans[23]. » Peverelli ne pense pas que l’approche soit néocolonialiste. Par cette approche assez pragmatique et globale, le Japon anticipe sur la cohésion future de la région, malgré les obstacles actuels. Tumen n’est pas forcément rentable dans l’immédiat, mais ce lieu est un échantillon local des problèmes globaux de la région et du monde.[24]

[1]Dans Datsu-a-ron ((Quitter l’Asie), Yukichi écrit : « Une fois que le vent de la civilisation occidentale souffle à l’Est, chaque brin d’herbe et chaque arbre de l’Est suivent ce qu’apporte le vent de l’Occident… Nous n’avons pas le temps d’attendre un réveil de nos voisins pour œuvrer ensemble au développement de l’Asie. Pour nous, mieux vaut sortit: des rangs des pays asiatiques et jouer notre sort avec les pays crvilisésde l’Occident. »

[2]Claude Delmas, PearlHarbour. lit laguem devint mondiale, Éditions Complexe, 1990, p. 57

[3]Le Krai de Primorie, province sud de l’EOR, a une densité de 13 habitants. C’est plus que la moyenne russe, mais rien par rapport aux densités chinoise, coréenne, japonaise. En comparaison, la Californie est le plus peuplé et le plus riche des États américains.

[4]Donghae pour les Sud-Coréens, Choson Donghae pour les Sud-Coréens.

[5]Cette phrase parodie volontairement un propos du général MacArthur, qui déclara : « La Méditerranée fut la mer du passé, l’Atlantique est l’océan du présent, le Pacifique est l’océan de demain. »

[6]Roger Brunet, Modèles de Méditerranée, 1995, pp. 200-202.

[7]« Une Méditerranée est un lien entre différentes aires de civilisation », selon le géographe François Gipouloux.

[8]De khersos (continent) et nesos (île) en grec.

[9]http://geoconfluences.ens-lsh.fr/doc/etpays/Medit/MeditScient.htmf1.

[10]G.W. Hegel, Discours sur la philosophie de l’histoire.

[11]La mer Égée est une « Méditerranée de la Méditerranée ».

[12]Vingt-deux si on compte Gibraltar, possession du Royaume-Uni, vingt-trois si on compte la bande de Gaza, territoire palestinien.

[13]La même ambiguïté caractérise le nom antique de la mer Noire : Pont-Euxin (Pontos Euxeinos) peut vouloir dire aussi bien « mer hospitalière », c’est-à-dire mer de bons échanges, ou « mer inhospitalière », champ d’affrontements.

[14]Célèbre expression d’Élisée Reclus, systématisée par Paul Mus puis par d’autres chercheurs.

[15]Denys Lombard organisa un colloque international à Paris sur la Méditerranée d’Asie, en mars 1997.

[16]Paradoxalement, l’Asie du Nord-Est est au contraire presque homogène, mais les tensions et les méfiances y sont pourtant très fortes.

[17]William Manchester, MacArthur. Un César américain, Robert Laffont, 1982, p. 186.

[18]La province chinoise du Jilin s’arrête à quelques kilomètres de la mer.

[19]Korean Times, 30 septembre 2006.

[20]D’après un article publié dans le Korean Times de décembre 2002.

[21]La Lettre de Corée, mars 2003.

[22]Le Keidanren est le patronat japonais.

[23]Peverelli, « The Tumen River Project. Sensemaking in multiple context », dans International Journal of Chinese Culture and Management, 2007.

[24]« Sino-African cooperation to rise to new high », Quotidien du peuple, Pékin, 10 février

2000.

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