Résumé : Le terrorisme : pourquoi et comment ? En fait le terrorisme est né dans la résistance aux mutations idéologiques dont industrielles et économiques trop injustes, défavorisant des couches et classes entières de nations-Etats dans le Moyen Orient. Cette résistance était réprimée impitoyablement dans le sang, ce qui a fait ressurgir les valeurs anciennes qui d’abord ont exploité les principes de « pluralisme démocratique » puis la religion et le fondamentalisme pour pouvoir survivre, et ensuite ont été aidées par les civilisations traditionnelles devenues extrêmement riches par l’argent du pétrole (Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, …) et ensuite par d’autres (la Turquie, la Syrie, …).
Summary: Terrorism: why and how? In fact, terrorism is born in the resistance to the excessively unjust ideological (whereof industrial and economic) mutations that disfavored entire casts and classes of Middle-East Nation-States. This resistance was pitilessly and bloodily repressed, which just forced up former values that first of all exploited ideas of “democratic pluralism” then religion and fundamentalism in order to be able to survive, and afterwards were helped by traditionalist civilizations that had become extremely wealthy on petrol money (Saudi Arabia, the United Arab Emirates, …) and thereafter by others (Turkey, Syria, …).
Riadh Sidaoui, Directeur du CARAPS (Centre Arabe de Recherches et d’Analyses Politiques et Sociales à Genève
Le terrorisme islamiste s’est déclenché en Egypte via les Groupes Islamiques Armés vers la deuxième moitié des années 1970. Deux phénomènes sont à observer dans cette décennie. Le premier réside dans le déclin de la classe moyenne au sein des sociétés arabes après les privatisations massives et accélérées des secteurs publics. L’Etat ne je joue plus le rôle du catalyseur social.
Le deuxième phénomène concerne l’explosion des prix de pétrole après la guerre israélo-arabe d’octobre 1973. Ce qui a permis à l’Arabie Saoudite d’avoir des revenus très importants. Une partie de ces revenus va être consacrée à la « Wahhabisation » des sociétés arabes et musulmanes.
Beaucoup d’auteurs, dont l’expert de la CIA Graham Fuller, soutiennent l’hypothèse du financement saoudien non seulement du FIS algérien et de ses groupes armés pendant les années 1990, mais aussi de tous les mouvements islamistes sunnites s’activant dans le monde arabe en particulier et dans le monde musulman en général.
L’intensification du financement saoudien a commencé dès 1980 avec le but de contrer la révolution populaire chiite en Iran[1]. Les preuves matérielles ne peuvent être connues que par les services de renseignement (!).
Qui finance le terrorisme ? Qui manipule ? Comment et Pourquoi ?
- Les Etats financent le terrorisme :
On a plusieurs preuves qu’il y a des Etats du Golfe et même des hommes d’affaires du Golfe qui financent ces mouvements terroristes.
- L’ancien chef de la DST française (Direction de la surveillance du territoire) Yves Bonnet a mis en cause le 8 octobre 2012 l’argent de la drogue mais aussi celui de l’Arabie saoudite et du Qatar dans le financement des réseaux islamistes radicaux. Dans un entretien publié par la Dépêche du Midi Bonnet estime que ces réseaux posent la question du trafic du drogue, mais selon lui, il y a aussi le problème de l’argent qui est alloué par des pays salafistes : « On n’ose pas parler de l’Arabie saoudite et du Qatar, mais il faudrait peut-être aussi que ces braves gens cessent d’alimenter de leurs fonds un certain nombre d’actions préoccupantes, déclare-t-il. Il va falloir un jour ouvrir le dossier du Qatar car, là, il y a un vrai problème. Et je me fiche des résultats du Paris-Saint-Germain. »[2]
- Joe Biden, le vice-président américain, devant des étudiants et des professeurs à l’Université de Harvard aux Etats-Unis d’Amérique. Il a déclaré ouvertement : « ce sont nos amis turcs, saoudiens, qatariens et émiratis qui ont financé et aidé Daech »[3].
- Le site WikiLeaks a publié des milliers de mails attribués au directeur de campagne d’Hillary Clinton. Dans l’un d’eux, daté de 2014, la candidate à la Maison-Blanche écrit noir sur blanc que l’Arabie saoudite et le Qatar financent le groupe Etat islamique.
Mais surtout, l’ancienne candidate à la Maison-Blanche écrit clairement, telle une évidence, que l’Arabie saoudite et le Qatar, pourtant alliés des Etats-Unis, financent le groupe Etat islamique :
« Parallèlement à nos opérations militaires et paramilitaires, nous devons utiliser notre diplomatie et profiter des atouts de nos services de renseignement pour mettre sous pression les gouvernements du Qatar et de l’Arabie saoudite, qui fournissent un soutien financier et logistique à Daech et à d’autres groupes radicaux dans la région ».[4]
- Bernard Squarcini, ancien patron des renseignements intérieurs français, révélait-il y a deux ans que « L’Arabie saoudite finançait le terrorisme en Syrie et en Algérie ». Selon cet ancien patron des renseignements intérieurs français, les groupes djihadistes qui avaient prêté allégeance à Al Qaïda « étaient financé principalement par le prince saoudien Bandar Ben Sultan (secrétaire général du Conseil de sécurité nationale et chef des renseignements généraux d’Arabie saoudite) qui adoptait une politique régionale indépendante de ses frères et de ses cousins ». Bernard Squarcini, assurait dans son dernier livre que «Bandar Ben Sultan, chef des renseignements saoudiens, était derrière le financement des groupes djihadistes en Afghanistan, en Syrie, au Liban, en Egypte, au nord de l’Afrique» ; il assurait aussi que «le Qatar, grand partenaire commercial et politique de la France, était intéressé par le financement, voire l’armement des groupes islamistes combattant en Afrique contre l’armée française».
- Lotfi Ben Jeddou, ministre de l’intérieur tunisien a déclaré au quotidien algérien El-Khabar que des hommes d’affaires des pays du Golfe financent le terrorisme en Tunisie[5].
- Au sommet du G20, qui s’est tenu du 14 au16 novembre 2015 en Turquie, le président russe a souligné que la Russie avait présenté des exemples de financement des terroristes par des personnes physiques venant de 40 pays, y compris des pays-membres du G20.
Lors du sommet a précisé Vladimir Poutine « j’ai donné des exemples basées sur nos données du financement de Daech par des individus privés. Cet argent vient de 40 pays, parmi lesquels participent des pays-membres du G20 ». Il souligne aussi : « J’ai montré à nos partenaires de nombreuses photos prises depuis l’espace et depuis les aéronefs sur lesquelles on voit clairement le volume que représente la vente illégale pétrolière effectuée par Daech »[6].
- Les gouvernements syriens et irakiens accusent ouvertement l’Arabie Saoudite et le Qatar d’avoir financé le terrorisme dans leurs pays.
- Des journalistes algériens ont accusé l’Arabie Saoudite de financer le terrorisme algérien durant les années 1990. Hadda Hezem, la directrice du quotidien Al-fajr a accusé les saoudiens de financement des groupes islamistes armés.
- Des centres de recherches occidentaux ont aussi accusé le Qatar et l’Arabie Saoudite de financer le terrorisme. A titre d’exemple l’Institut du Washington.
Outre le financement direct du Qatar et de l’Arabie Saoudite au terrorisme, ces deux Etats ont fondé plus que 150 chaînes télévisées diffusant sur Nilesat, dont Iqraa, Arrisala, ou encore Al Jazeera, la chaîne phare de l’émirat du Qatar. Des chaînes de télévisions qui soutiennent médiatiquement les mouvements islamistes et ce des frères musulmans aux salafistes wahhabites. Il faut signaler la divergence entre le Qatar et l’Arabie Saoudite malgré leurs objectifs communs. Le conflit est lié à la concurrence : qui contrôle plus les mouvements intégristes. En s’alliant aux mouvements des Frères musulmans, les Wahhabites qataris, en conflit avec la famille régnante d’Al Saoud, voulaient entraver le développement du Wahhabisme saoudien. Pour y parvenir, ils ont créé en 2004, à Doha, l’Union internationale des savants musulmans, en riposte à la Ligue islamique mondiale, organisation fondée en 1962 à La Mecque. Depuis, des millions de dollars de la rente colossale du GNL qatari servent de carburant pour la machine de la propagande wahhabite.
L’adotion de la loi « Jasta » par le congrès américain autorisera les familles des victimes du 11-Septembre à engager des poursuites pour réclamer des dommages à Riyad. Le dossier du 11 septembre va passer de la sphère politique et diplomatique à la sphère judiciaire. Désormais, Ce sont les juges qui vont traiter ce dossier. Des révélations secrètes et bouleversantes peuvent avoir lieu.
B- D’autres sources de financement du terrorisme :
Le soutien étranger au terrorisme islamiste n’est pas l’unique source de financement de ces mouvements. Ces derniers ont réussi la construction des réseaux locaux efficaces d’autofinancement, y compris l’appropriation des biens des citoyens et des villes conquis, ou même l’exploitation et l’exportation du pétrole syrien et irakien via la Turquie. C’est le butin du Djihad selon leurs convictions.
« Si les Saoudiens déclarent combattre le financement du terrorisme, plusieurs prédicateurs islamistes et activistes du jihad récoltent, sur leur sol, des fonds pour soutenir les leurs en Syrie et en Irak, et ce, publiquement. Des montants faramineux affluent vers le riche émirat du Koweït, désormais célèbre pour son rôle de facilitateur financier, pour ensuite être dispersés vers des cellules ou organisations rebelles (…) Les terroristes de l’EI et d’Al Nosra attendent bien sûr l’aide des pays du Golfe, mais pas seulement (…) Ces groupes deviennent, de plus en plus, indépendants via la vente de pétrole, la contrebande d’armes et de drogues, le trafic de biens historiques, le kidnapping (…) »[7]
Le Congrès américain publie un rapport fin avril 2015 révélaient que « Daech recevait des transferts d’argent conséquents venus de donateurs privés du Qatar, du Koweït et d’Arabie saoudite. Et le Center for Strategic and International Studies de Washington chiffrait ces donations à près de 40 millions de dollars sur la période 2013-2014 ».
Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense, auteur du Guide du petit djihadiste chez Fayard, parle d’une « grande proximité idéologique entre Daech et une partie de la population saoudienne ». Il déclare que « Près de 2.500 combattants saoudiens sont dans les rangs de l’EI. Parmi eux des rejetons de riches familles qui financent le combat de leur progéniture. »[8]. Il ajoute : « Via la Ligue islamique mondiale, l’Arabie saoudite finance à coups de milliards et dans une totale opacité, le royaume exporte le salafisme, l’idéologie religieuse qui fait le lit de Daech ».[9]
Les recettes en hydrocarbures représentaient environ la moitié du budget annuel, d’environ 2 milliards d’euros en 2015, de Daech. D’où viennent ces liquidités ? En réalité, Daech est devenu riche, depuis que ses combattants ont volé l’équivalent de 430 millions de dollars à la Banque centrale d’Irak en juin 2014, et alors que l’État islamique impose à hauteur de 50 % les fonctionnaires irakiens (payés par Badgad !) qui travaillent sur ses territoires.[10]
Le terrorisme entre les riches et les pauvres
Mostafa Rejai présente dans son article “Theory and Research in the study of Revolutionary Personnel”, trois approches théoriques en vue d’étudier l’élite révolutionnaire : l’approche psychanalytique, l’approche psycho-historique et l’approche sociologique.
L’approche psychanalytique met l’accent sur les dynamiques de la personnalité humaine. Elle cherche à localiser l’impulsion qui mène à une révolution dans les expériences psychologiques des individus.
L’approche psycho-historique place les dynamiques de la personnalité dans le contexte social et historique et essaie de combiner la motivation psychologique de la vie actuelle avec les expériences d’un individu à travers le temps.
L’approche sociologique, souvent liée au concept de charisme, se penche sur les qualités exceptionnelles ou supranaturelles des « leaders », qui les distinguent profondément des masses.[11]
Des riches hommes d’affaires financent les terroristes. Le gouvernement américain, à titre d’exemple, a ajouté en décembre 2013 un homme du nom de Abd Al-Rahman ben Umayr Al-Nuaymi à sa liste de terroristes officiellement recherchés par ses services. Selon des sources officielles, Nuaymi aurait « ordonné le transfert de près de 600 000 dollars à Al-Qaida par l’intermédiaire des représentants du groupe terroriste en Syrie ».[12]
Il faut souligner que Nuaymi était encore récemment conseiller pour le gouvernement du Qatar et membre fondateur d’une grande organisation caritative liée à la famille royale, la Fondation caritative du cheik Eid ben Mohammed Al-Thani.[13]
Mohammed Al-Arifi, imam aujourd’hui interdit de séjour au Royaume-Uni pour avoir préparé deux jeunes Gallois au djihad. Cet homme a été invité deux fois par le gouvernement qatari : en mars 2012 et en janvier 2014.
Wagdy Ghoneim, prêcheur égyptien vivant à Doha au Qatar qualifie Oussama Ben Laden d’héros et de martyr. Il a été enregistré en train de faire chanter à un public des chansons antisémites ayant comme refrain : « Non aux Juifs, descendants du singe ! ».[14] Ghoneim présente aussi une émission religieuse sur l’antenne de la télévision publique qatarie.
Les candidats favoris du terrorisme : les marginalisés
Vilfredo Pareto définit les marginalisés comme étant les couches inférieures, les catégories prêtes à l’usage massif de la force. Il souligne dans le paragraphe 2057 du Traité de sociologie générale que « les révolutions se produisent parce que, soit à cause du ralentissement de la circulation de l’élite, soit pour une autre cause, des éléments de qualité inférieure s’accumulent dans les couches supérieures. Ces éléments ne possèdent plus les résidus capables de les maintenir au pouvoir, et ils évitent de faire usage de la force ; tandis que dans les couches inférieures se développent les éléments de qualité supérieure qui possèdent les résidus nécessaires pour gouverner, et qui sont disposés à faire usage de la force ». Baechler les nomme “ la canaille ”, celle qui regroupe « tous les exclus du système social … Cette catégorie est en permanence hors la loi ou à la lisière de la légalité ».[15]
Yves Lacoste rappelle que de nombreux commentateurs expliquent l’émergence des islamistes intégristes par le chômage car, en Algérie, il touche une grande partie de la population. [16]
Jacques Fontaine, dans un article intitulé « Quartiers défavorisés et vote islamiste à Alger », trouve un lien objectif entre misère et vote en faveur du FIS. Il constate que lors des élections de juin 1990, le vote islamiste a été beaucoup plus important dans les villes que dans les campagnes. Le même phénomène a été observé lors du premier tour des élections législatives de décembre 1991. En étudiant le cas d’Alger, la capitale, il révèle que « le FIS obtient ses meilleurs résultats dans les circonscriptions les plus défavorisées ».[17]
Les terroristes qui commettent des attentats suicides sont souvent issus des classes très pauvres, or ceux qui financent leurs actes sont les riches.
Cette remarque soulève plusieurs interrogations et relativise notre analyse. Les questions qui se posent sont nombreuses : pourquoi le terrorisme englobe-t-il toutes les couches sociales ? Quels intérêts économiques, quelles classes, défend-il?
[1] – Graham Fuller, Algérie, L’intégrisme au pouvoir, Editions Patrick Banon, Paris 1997, p. 76.
[2] « Financement de l’islamisme radical : un ex-chef de la DST met en cause le Qatar et l’Arabie Saoudite », Le monde, le 8 octobre 2012.
[3] https://www.youtube.com/watch?v=zsipk0AL914
[4] Dans un mail divulgué par WikiLeaks, Hillary Clinton assure que l’Arabie saoudite finance l’Etat islamique, le 13 octobre 2016, http://www.itele.fr/
[5] Elkhabar, 29/11/2014.
[6] « Poutine : Daech est financé par 40 pays, y compris par des pays-membres du G20 », 16 nov. 2015, https://francais.rt.com/
[7] Walid Nassef, « Qui finance le terrorisme ? », 4/07/2014, http://www.huffpostmaghreb.com/
[8] Vincent Monnier, « L’Arabie saoudite, principal bailleur de fonds de Daech ? », 21 janvier 2016, http://tempsreel.nouvelobs.com
[9] Ibidem.
[10] Marine Rabreau, « Comment Daech se finance », http://www.lefigaro.fr/ le 23/03/2016.
[11] Mostafa Rejai “Theory and Research in the study of Revolutionary Personnel”, Handbook of Political Conflict, Edited by Ted Robert Gurr, Free Press, 1980, p. 101.
[12] Andrew Gilligan, « Qatar. Le Club Med des terroristes », The Daily Telegraph – Londres, traduit est publié le 30/09/2014 dans le Courrier International.
[13] Ibidem.
[14] Andrew Gilligan, « Qatar. Le Club Med des terroristes », The Daily Telegraph – Londres, traduit est publié le 30/09/2014 dans le Courrier International.
[15] Cité in Jean Baechler, Les phénomènes révolutionnaires, collection SUP, Le Sociologue, PUF, Paris, 1970, p. 161-162.
[16] Yves Lacoste, « Les causes spécifiques du drame algérien ou le slogan de la guerre d’indépendance incomplète », Hérodote, n°. 77, p. 8.
[17] Jacques Fontaine dans un article intitulé « Quartiers défavorisés et vote islamiste à Alger », La Revue du Monde Musulman et Méditérranén, n°. 65, 1992, p. 141-165.