Dans le cadre de son cycle d’études diplomatiques, l’Académie de géopolitique de Paris organise une conférence sur la Hongrie et les enjeux européens ayant engendrés des bouleversements géopolitiques d’une ampleur inédite.
En présence Son Excellence l’Ambassadeur de Hongrie en France, Monsieur Georges de Habsbourg-Lorraine, nous aborderons des sujets tels que l’évolution de l’Union Européenne, l’Initiative des trois mers ou encore la crise ukrainienne.
Cette conférence a eu lieu le jeudi 2 juin 2022 à 16h00.
Après quelques mots de bienvenue du Président de l’Académie de Géopolitique de Paris, Son Excellence l’Ambassadeur de Hongrie en France, Monsieur Georges de Habsbourg-Lorraine a pris la parole et s’est exprimé :
C’est un grand plaisir de vous rencontrer aujourd’hui et d’avoir la possibilité de parler de mon pays, la Hongrie. C’est également l’occasion de parler de notre relation avec la France dans des temps difficiles avec une guerre en Europe centrale et de vous parler naturellement de notre position avec l’Union européenne.
Je ne suis pas un ami des grands discours et je préfère davantage la discussion ; c’est la raison pour laquelle je ne ferai pas de grand discours. Je serai assez bref. Je me propose de vous fournir quelques informations après quoi je serai très heureux d’échanger avec vous.
J’ai la chance d’être arrivé à Paris il y a un peu plus d’un an en tant qu’Ambassadeur.
Avant ce poste, j’étais Ambassadeur itinérant et dès 1996, j’ai travaillé au cabinet du premier ministre et ce poste à Paris est ma première position comme ambassadeur bilatéral. Je suis arrivé il y a un peu plus d’un an au mois de mars de l’année dernière. Mon arrivée a coïncidé avec la crise sanitaire du Covid qui était une situation assez compliquée pour les diplomates puisque normalement nous avons besoin de faire beaucoup de rencontres, ce qui ne fut pas possible. Toutefois, cela m’a permis de passer beaucoup de temps à l’’ambassade avec les diplomates et de vraiment m’occuper de près de la relation entre la France et la Hongrie. Je dois dire que c’était très intéressant, pour moi, de voir l’image qui était donnée de la Hongrie dans les différents journaux ou encore sur Internet et de constater que les points de vue qui étaient exprimés dans les médias ne reflétaient absolument pas la vérité sur les relations franco-hongroises.
En parcourant les articles, on note que les débats tournent toujours autour l’état de droit, la situation des médias et le fait que la Hongrie soit désignée comme étant un pays homophobe. Il y a beaucoup de critiques envers la Hongrie et les médias parlent peu des aspects positifs de la relation franco-hongroise. Et c’était un petit peu compliqué de toujours expliquer la situation dans mon pays, notamment lorsque je me suis rendu compte que si on parle aujourd’hui de l’État de droit et si on parle des valeurs européennes ou encore si on parle de la situation des médias, la principale difficulté réside dans le fait que nous n’avons pas aujourd’hui de définition très claire de ce qu’est exactement un État de droit ou quelles sont les valeurs européennes.
Cela a été beaucoup plus clair lorsque j’ai eu la possibilité d’accompagner le Président Macron à l’occasion de sa première visite, au mois de décembre de l’année dernière, à Budapest. Le jour suivant, je suis retourné à Paris en avion. Presque tous les représentants des médias qui avaient accompagné le Président se trouvaient dans le même avion que moi. Alors comme j’étais à leurs côtés dans l’avion, certains parmi eux ont reconnu que j’étais l’Ambassadeur de Hongrie en France et alors ils m’ont tout de suite interrogé sur la situation de l’état de droit en Hongrie. Alors, j’ai eu la possibilité de demander aux journalistes : « Pour vous, qu’est-ce que c’est, l’état de droit ? » Ils m’ont regardé un peu surpris parce que ce n’était pas normal que je pose des questions et qu’eux aient à répondre. D’ordinaire, c’est toujours dans l’autre sens. Ils m’ont répondu : « oui, non, je sais… c’est la démocratie ! » Est-ce que vous voulez dire qu’en Hongrie il n’y a pas de démocratie ? On a eu maintenant des élections, on a vu qu’il n’y a eu absolument aucune critique sur la situation démocratique en Hongrie.
D’autres ont dit que c’est ça les médias. Mais une chose était très significative pour moi : chaque journaliste a une idée différente de ce qu’est l’état de droit.
Autre chose : ce sont les valeurs européennes. Que l’on soit en Europe du Nord, en Europe centrale en Europe du Sud-Ouest, les points de vue sont très différents sur ce que sont les valeurs européennes.
Ce sera un jour un devoir très important au sein de l’Union européenne de vraiment soulever la question de ce que sont les valeurs européennes parce que chez nous en Hongrie, nous avons un état de droit et on représente les valeurs européennes. C’est pour cela que ce serait un débat très intéressant. De la sorte, la Hongrie aurait la possibilité de réagir aux critiques qui lui sont faites. On a la possibilité de réagir si on dit concrètement : ça c’est une critique. En revanche, critiquer l’état de droit, la situation des médias, la situation de l’homophobie rend difficile de donner des explications plus claires et plus visibles.
D’un autre côté, naturellement, je gère les relations actuelles entre la France et la Hongrie. Nos relations commerciales sont très bonnes. La France est le quatrième plus grand investisseur en Hongrie. La France est représentée par 550 compagnies françaises en Hongrie qui sont responsables de plus de 45 000 emplois. Ce qui veut dire qu’ils ont une grande importance pour nous. Cela veut dire également que les relations commerciales se portent bien et j’espère qu’elles seront encore meilleures dans le futur.
Parmi les autres sujets qui ont de l’importance, il y a la question de l’énergie. La problématique de l’énergie est très importante car nous partageons le même point de vue que la France sur l’énergie nucléaire. Il s’agit d’un débat très intéressant dans l’Union européenne et nous sommes très proches en termes d’idées d’ambitions dans le secteur nucléaire.
Si on en parle de la défense, nous avons participé dans le groupe de Takuba. Maintenant c’est en train de changer. Nous étions également très proche de la France sur les questions de défense.
Si on parle de culture, il y a tellement d’expositions, de concerts, d’échanges culturels entre l’institut culturel de France à Budapest et l’institut culturel de la Hongrie ici à Paris. Nous organisons des concerts, nos relations sont absolument admirables.
Il est malheureusement parfois plus difficile de donner de la visibilité aux choses qui sont bien. De la même façon qu’il est beaucoup plus facile de donner de la visibilité aux difficultés et aux conflits, existant ou non. C’est là le travail auquel nous œuvrons dans notre ambassade : c’est à dire de donner la possibilité de donner une image réaliste de la situation entre la Hongrie et la France.
Nous avons a eu beaucoup d’espoir dans le projet que le président Macron nous a présenté lorsqu’il était en préparation de la présidence française de l’Union européenne, lorsqu’il a parlé de la conférence sur l’avenir de l’Union européenne car cela aurait été une grande possibilité pour tous les pays européens de mieux se connaître.
Malheureusement, aujourd’hui c’est un problème auquel nous faisons face dans l’Union européenne. Il n’y a pas assez d’informations ; il n’y a pas assez de débats sur l’Europe et sur l’avenir de l’Europe. C’est une chose qui n’est malheureusement pas assez présente et nous ne considérons pas la possibilité d’avoir ce genre de débats. Nous avons cette possibilité au moment de la campagne électorale pour le Parlement européen parce que là on parle de l’Europe mais malheureusement à côté de ça nous parlons plutôt des problèmes nationaux et des problèmes de différents partis politiques.
Alors cette conférence aurait été une belle opportunité pour parler de l’avenir de l’Union européenne et de mieux se connaître également.
C’est un des problèmes que nous avons en Europe. malheureusement nous ne nous connaissons pas assez bien.
A titre d’exemple, si nous demandons aux français ce qu’ils savent de l’histoire de la Hongrie au cours des 100 dernières années, malheureusement très peu d’informations sont vraiment connues. Les gens ne savent pas très bien ce qui est arrivé au cours des 100 dernières années. Je ne dis pas cela pour critiquer la France puisque la même chose est possible en Europe centrale si on leur demande ce qu’ils savent sur l’histoire de la France au cours des 100 dernières années.
Il est très important de se connaître. Il est très important de connaître l’histoire et il est très important au regard de nos histoires respectives de comprendre pourquoi un pays prend telle ou telle décision politique.
L’idée de cette conférence était une très bonne initiative et la Hongrie était l’un des pays le plus actif dans la perspective de cette conférence. Beaucoup de réunions se sont tenues en Hongrie. La question principale est comment pouvons-nous imaginer le futur de l’Europe ?
Nous avons vraiment eu beaucoup de discussion à ce sujet et il est très important que ces discussions se poursuivent, que l’on parle plus de l’Europe, de ses possibilités, quelles sont les actions à promouvoir pour donner une plus grande visibilité à l’Europe et faire en sorte qu’elle fonctionne. Dans ce cadre la Hongrie a un rôle un jouer pour rendre l’Union européenne plus forte et plus active. Le débat politique sur l’avenir de l’Union européenne a changé dans un premier temps avec l’irruption de la Covid, qui a créé de nombreux problèmes. Malgré cela, l’espoir demeurait dans tous les pays que lorsque cette crise serait passée, les échanges commerciaux et culturels pourraient reprendre.
Mais malheureusement, une guerre en Europe centrale est venue contrecarrer cette volonté et a créé de nombreux problèmes, notamment en Hongrie qui est aux frontières d’un pays en guerre. Lorsque la guerre a commencé, nous avons tout de suite exprimé notre solidarité avec le pays attaqué, l’Ukraine, et nous nous sommes préparés pour recevoir des réfugiés et donner de l’aide.
Jusqu’aujourd’hui, nous avons reçu 750 000 réfugiés ukrainiens et nous estimons qu’il y a entre 10 000 et 12 000 réfugiés qui arrivent chaque jour dans notre pays. Malgré la petite taille de notre pays, nous nous sommes employés à recevoir les réfugiés d’une manière digne. Le gouvernement hongrois travaille très étroitement avec différentes ONG, telles que la Croix-Rouge, l’ordre de Malte, qui sont très présentes en Hongrie, et a financé ces dernières de façon très importante. Nous avons désengorgé les hôpitaux pour pouvoir recevoir les blessés et les personnes qui ont besoin d’assistance médicale. Nous avons envoyé du matériel de première nécessité en Ukraine.
Deux décisions d’une grande importance ont été prises en Hongrie : La première est de ne pas faire passer d’armes en Ukraine via la frontière hongroise. Les armes pouvaient passer en Hongrie jusqu’en Roumanie ou en Slovaquie mais pas directement jusqu’en Ukraine.
Pourquoi ? Car comme vous le savez, et spécialement en France l’on se souvient du Traité de Trianon après la première guerre mondiale suite auquel la Hongrie a perdu les deux-tiers de son territoire. La Hongrie se trouve dans une situation particulière : il y a de l’autre côté de chaque frontière du pays une minorité hongroise. En Ukraine c’est une minorité hongroise de 150 000 personnes qui est établie proche de la frontière et si des armes entrent sur le territoire ukrainien via la Hongrie, il existe une possibilité que le convoi se fasse attaquer par l’armée russe et ainsi la minorité hongroise serait menacée. C’est pourquoi nous avons décidé de fournir toute l’aide humanitaire en Ukraine mais pas d’armes, et ce pour ne pas mettre en danger la minorité Hongroise qui se trouve en Ukraine.
La deuxième décision a été d’appliquer cinq sanctions à l’égard de la Russie pour montrer notre solidarité mais nous nous trouvons dans une situation très spécial en ce qui concerne l’énergie : Par notre histoire et de par notre situation géographique, nous avons reçu la plupart de notre énergie de la Russie. Cette énergie est fournie grâce à des oléoducs et des gazoducs. Si une sanction consiste à fermer ces oléoducs et gazoducs, alors nous n’avons plus d’énergie.
Contrairement à d’autres pays de l’Union européenne qui ont des ports, la Hongrie n’a pas la possibilité de trouver d’autres sources d’énergie car il n’y a pas de port dans le pays. Un autre problème, peu connu, est que les raffineries sont construites pour contenir un certain type de pétrole. Nous avons une grande raffinerie en Hongrie qui a été construite pour contenir le pétrole du type de celui qui arrive de la Russie.
Si nous décidons de refuser l’importation de pétrole de la Russie, malheureusement, cette raffinerie deviendrait inutilisable. Nous avons donc besoin de beaucoup d’argent et de temps pour changer la raffinerie et faire en sorte qu’elle soit capable de contenir d’autres sortes de pétrole. Si notre raffinerie devait arrêter de fonctionner, cela aurait un effet désastreux pour notre économie qui fonctionne grâce au pétrole. La même chose se passe avec le gaz, 80% de notre gaz provient de la Russie.
J’ai lu de nombreux articles concernant le 6ème paquet de sanctions. Il existe de nombreuses divergences sur les spécificités de chaque sanction mais je suis sûr que nous pourrons trouver une solution. Il y a beaucoup de sujet à aborder, beaucoup de chose qui se passe, beaucoup de débat autour de la Hongrie c’est pourquoi j’ai voulu vous transmettre les informations précédentes mais je suis ici pour avoir un dialogue et donner des réponses à vos questions.
Monsieur le Président, merci encore une fois pour votre invitation et je suis prêt à répondre aux questions.
Abdel Otmani
Professeur d’économie
Bonjour, je suis Abdel Otmani, je suis professeur d’économie. Je vais commencer par la fin : concernant les sanctions sur le pétrole russe. Vous savez bien que ces sanctions sont très importantes dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Par rapport aux conditions exigées par Budapest, qu’est-ce que vous avancez concrètement pour que l’Europe puisse vraiment appliquer ces sanctions ?
Réponse de Son excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Merci beaucoup pour cette question car c’est réellement une question clé. Nous avons clairement vu que le fait d’arrêter d’acheter du pétrole amène certains pays et notamment des pays comme la Hongrie à une situation économique extrêmement difficile. Pourquoi ? Car si nous n’avons pas la possibilité d’utiliser la raffinerie que nous avons, si le prix du pétrole continue de monter comme c’est le cas actuellement dans beaucoup de pays de l’Union européenne, naturellement cela va avoir de nombreux effets secondaires sur l’économie hongroise et va être difficile à gérer pour nous car il sera très difficile de convaincre les gens d’accepter les décisions que prend le gouvernement et cela aura de nombreuses complications. Une chose que nous savons depuis très longtemps est qu’il est très dangereux d’être dépendant d’un pays et d’une source d’énergie. Considérant cet état de fait, nous avons travaillé ces dernières années à trouver d’autres sources d’énergie en Hongrie. Par exemple, nous avons élargi nos capacités de stockage de gaz, afin d’avoir plus de possibilités d’indépendance. Concernant les gazoducs et les oléoducs, nous nous sommes demandé s’il n’y avait pas d’autres possibilités.
Par exemple, il existe actuellement en Croatie sur l’île de Cork, une possibilité pour recevoir le LNG ou ce qui s’appelle en français le GNL, le gaz naturel liquide du gazoduc de la Croatie pour amener le gaz en Hongrie. Malheureusement, ce gazoduc n’a pas encore la capacité d’amener assez de gaz, mais nous sommes en train de voir quelles sont les alternatives pour avoir de l’énergie. Il est également très clair pour nous qu’il est nécessaire d’avoir de l’énergie verte et plus d’énergie nucléaire car celle-ci donne la possibilité de développer d’autres sources d’énergie. Nous avons ainsi un projet d’élargir notre centrale nucléaire. Nous sommes en train de changer la situation dans laquelle se trouve la Hongrie depuis déjà plusieurs années mais nous avons encore besoin de quelques années pour réussir à avoir des sources d’énergie vraiment diversifiées. Cela nous a mené à la situation que nous avons expliqué à l’Union européenne.
Quelle est cette situation et pourquoi cette situation est différente de celle d’autres pays et notamment du Portugal ? Le Portugal n’aurait aucun problème à dire, demain on ne reçoit plus de gaz et de pétrole de la Russie dans la mesure ou cela représente moins de 5% de l’énergie du Portugal. Pour nous c’est complétement différent. Une chose très importante dans l’Union européenne est que les pays prennent des décisions – qui sont à prendre car je suis en faveur des sanctions – communes et qui sont possibles pour tous les membres de l’Unions européenne et que tous ses membres soient représentés et aient une position unanime. Car si les pays de l’Union européenne ne sont pas unanimes, cette dernière va se trouver dans une situation extrêmement compliquée.
Avec l’unanimité, tous les pays peuvent exprimer leur point de vue et ce pourquoi il faut prendre telle ou telle décision. Cela constitue une grande force pour l’Union européenne car si la décision est prise de façon commune, elle a beaucoup plus d’influence. Nous avons vu l’importance de présenter la situation de la Hongrie. Il faut également aborder la question de l’investissement. Changer notre raffinerie et gérer du même coup le pétrole venant d’une source autre que la Russie coûterait environ 550 Millions d’euros. De plus, élargir les gazoducs et oléoducs venant de la Croatie coûterait 220 ou 230 Millions d’euros. C’est donc énormément d’argent qu’il faut investir pour faire tous ces changements en Hongrie. C’est une chose que nous sommes prêts à faire et que nous avons déjà commencé à faire ces dernières années et une solution est apparue ces derniers jours et constitue une position que nous pouvons présenter.
Merci bien.
Xavier Houzel
Senior partner, Vernes Partners Sarl, Genève
Votre Excellence merci, excusez-moi d’être l’avocat du diable : le pétrole Oural est à peu près exactement le même que le pétrole irakien Kirkouk par exemple et une raffinerie travail avec un mélange, même les raffineries qui ont été construites principalement pour un pétrole en particulier. Donc l’argument technologique que vous avez mis en avant tient difficilement. Je me permets de vous le dire parce que ce sont des techniciens qui vous ont dit ça et vous les croyez mais moi je m’inscris un petit peu en pro donc je pense que vous êtes tout à fait sincère. Deuxième argument : des raffineries, il y en a beaucoup en Europe. Il y même des raffineries qui vont être fermées parce que l’on considère que l’ère du pétrole est en train de se terminer et que l’on a une trop grande capacité de raffinage.
De plus, il est possible de mutualiser la distribution de produits pétroliers il est possible de fermer cette raffinerie, même si elle est moderne, même si elle est grande et la Hongrie comme vous le disiez tout à l’heure n’est pas un pays tellement vaste pour être trop éloigné d’autres raffineries qui se trouvent dans les pays voisins. On peut parfaitement mutualiser les approvisionnements d’essence, de gazole, etc. Ensuite, le gaz se transporte à partir du moment où il arrive par exemple dans le hub de gaz qui est en Autriche qui est le plus grand carrefour de gaz de l’Europe, donc la Hongrie ne se trouve pas très loin. Et même s’il est vrai que jusqu’à présent la Hongrie dépend, comme l’Allemagne, en très grande partie du gaz russe, il existe aussi des moyens de transports par camion une fois que le gaz est sous forme gazeuse. L’impression de tous les observateurs qui se sont penchés sur la question récente est que la Hongrie a donné ces raisons comme un argument pour justifier une prise de position beaucoup plus politique que technique. Et c’est la question que je vous pose et je vous demande d’être transparent. Excusez-moi d’être direct pour alimenter le débat.
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Merci beaucoup, c’est toujours très bien d’avoir un avocat du diable qui est là pour poser des questions et merci beaucoup pour ce que vous avez dit. Oui, ce sont les techniciens qui m’ont dit ça mais pas seulement les techniciens Hongrois mais aussi les techniciens allemands, qui ont dit exactement la même chose sur la situation. Mais vous savez, je ne suis pas autant convaincu que vous qu’il est si facile de trouver une solution pour la logistique et le transport de l’énergie d’un pays à l’autre. Vous avez très bien dit qu’il y a de grandes possibilités de stockage du gaz en Autriche mais je vous demande d’où vient le gaz qui est en Autriche : de Russie. Pour cela, l’Autriche était un petit peu dans la même situation que nous car le gaz provient de la même source que chez nous.
Si la logistique de transport pouvait se faire si facilement, si nous avons les moyens et si nous avons les structures sur place, alors oui nous pourrions le faire, mais sans les structures sur place, cela devient très difficile. Je ne sais pas si mes techniciens sont les meilleurs mais je dois avoir confiance en eux. Moi aussi j’ai des difficultés à imaginer que l’on puisse changer la logistique assez rapidement pour que cela soit soutenu par les pays d’Europe centrale. Il y a des pays qui ont la capacité de le faire très vite et il y a des pays qui ne l’ont pas.
Prenons l’exemple de la Pologne. La Pologne est en train de terminer la construction d’un gazoduc avec les pays du Nord afin d’être indépendante. Elle a cette possibilité car géographiquement, elle est proche de ces pays, elle a un accès à la mer, elle a la possibilité de faire des terminaux GNL et de recevoir le gaz et elle a la possibilité de le faire beaucoup plus vite. Elle a également besoin d‘un investissement très important mais logistiquement, ils peuvent y parvenir plus facilement qu’un pays qui se trouve dans le centre, ce qui est bien cependant pour d’autres moyens de transport – la Hongrie est devenue un centre logistique de l’Europe – en raison de sa position stratégique. Pour y amener l’énergie, en revanche, ça n’est pas tellement facile. J’espère que nous allons travailler sur ce projet, même si nous le faisons déjà, et que nous aurons la possibilité de le financer. Nous sommes en présence d’un débat de techniciens à techniciens. Je peux seulement vous transmettre les informations qui m’ont été données car je ne suis pas un spécialiste en matière de transport logistique de l’énergie.
Xavier Houzel
Senior partner, Vernes Partners Sarl, Genève
Supposons qu’il y ait un doute sur le caractère ponctuel de cette objection et que l’on cherche à savoir si la Hongrie n’aurait pas d’autres raison, beaucoup plus profondes, beaucoup plus politiques, de ne pas se fâcher avec la Russie.
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Vous savez, je dois vous dire, cela m’agace beaucoup quand je lis que la Hongrie est le cheval de Troy de la Russie. Si nous regardons les faits, les relations commerciales et politiques, la Hongrie est un pays qui a toujours choisi d’entretenir une politique très pragmatique envers la Russie. Nous connaissons notre histoire, notre position géographique et nous avons eu besoin d’avoir des relations claires et définies avec la Russie car nous avions besoin de l’énergie en provenance de ce pays. Nous avons travaillé sur cette base et malheureusement, si la Hongrie n’a historiquement pas toujours eu de bonnes relations avec ses grands voisins, nous avons compris la nécessité d’avoir un contact pragmatique avec la Russie. Une relation pragmatique que beaucoup d’autres pays de l’Union européenne ont également eu, dont certains qui été beaucoup plus proches de la Russie que la Hongrie.
Nous avons toujours eu des relations très claires, définies, et transparentes, tant en ce qui concerne l’énergie que concernant d’autres questions. Mais il n’y a pas de différences entre la Hongrie et les autres pays de l’Union européenne et aujourd’hui, le fait de toujours dire que la Hongrie a une politique spéciale et se projette avec la Russie est un mensonge. Je peux vous dire que nous sommes très clairs et que notre premier ministre a été très clair sur ses positions quand la guerre en Ukraine a commencé. Nous sommes des membres de l’Union européenne, nous sommes des membres de la famille européenne et nous nous devons d’avoir des positions communes. Merci beaucoup.
Naseer Ahmed
Chef missionnaire, Association Musulmane Ahmadiyya
Merci Monsieur l’ambassadeur, je suis Naseer Ahmed, chef missionnaire de l’association Ahmadiyya en France. Est-ce que vous apercevez, voyez ou prévoyez une sorte de mécontentement de certains pays importants de l’Union européenne concernant vos relations avec la Russie, à l’égard du gaz ou du pétrole ?
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Oui vous avez raison, nous voyons les critiques des différents parlementaires des membres de l’Union européenne, nous voyons des critiques dans le Parlement européen et dans les institutions de l’UE mais je remarque que ces critiques sont faites par des personnes qui ne connaissent pas bien la géographie et l’Histoire. Il est très facile de prendre une position politique mais vous savez les techniciens sont les plus à même de donner aux positions politiques une certaine réalité. Et oui, je vois qu’il existe un débat sur la position qui a été prise par la Hongrie. Je pense que nous avons eu la possibilité d’expliquer pourquoi nous prenons quelques positions qui ne sont pas toujours acceptées par la majorité mais nous n’avons jamais voulu être en dehors de la majorité car nous avons essayé de présenter notre position. Finalement, le plus important pour moi est que les spécialistes se réunissent et trouvent une solution. Les politiciens font souvent des déclarations très critiques mais c’est bien que nous puissions chaque matin nous regarder dans le miroir et dire : « bonjour, j’ai pris ma position et j’ai dit ce que j’estimais être nécessaire ». Merci beaucoup.
Patricia Lalonde
VP Geopragma, ancienne députée européenne
Monsieur l’ambassadeur, je voulais vous demander ce que vous avez pensé de la position de Monsieur Macron, notre président concernant le vote à l’unanimité au sein de l’Europe, qui a été une vraie question et un vrai débat.
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
C’est naturellement une question qui provoque un débat. Il faut essayer d’être objectif sur cette question et ne pas y réfléchir sous le prisme d’un pays en particulier. Parce que l’unanimité donne aux petits et moyens pays la possibilité de présenter leur position. Mais du point de vue de ces pays-là, c’est quelque fois nécessaire d’avoir la possibilité de présenter sa position, ses difficultés, ses critiques, et je pense que si l’on supprime l’unanimité, il y aura une profonde frustration car certains pays se diront « qu’est-ce que je peux faire », moi je suis ici, il y a une majorité qui dit nous allons prendre telle position et moi je n’ai absolument aucune possibilité devant ma population, devant les personnes qui m’ont élu et m’ont donné la majorité dans mon pays, donc qu’est-ce que je peux faire. L’unanimité au sein de l’Union européenne est une très bonne chose dans la mesure où elle donne la possibilité aux différents pays d’exprimer leur point de vue.
Et en ce qui concerne les questions qui ne nécessitent pas l’unanimité, alors de quelle majorité parlons-nous ? Car là aussi, il existe beaucoup de possibilités. Ces décisions doivent être prises par tous les états membres ensemble, pour que cela ne provoque pas de frustration. C’est un débat nécessaire, ce n’est pas le seul dans l’Union européenne en ce qui concerne les différends mécanismes. C’est un débat très intéressant et important, mais vous savez, nous avons besoin de beaucoup plus de débat sur les questions européennes et beaucoup moins de débat sur les questions nationales et sur les partis politiques. Vous étiez au Parlement européen, vous savez à quel point cette institution est fantastique. Travaillons pour donner plus de visibilité au Parlement européen et aux autres institutions européennes et essayons d’avoir un débat constructif sur le futur de l’Union européenne. Merci beaucoup.
Alina
Première Secrétaire, Ambassade de la République de Moldavie en France
Bonjour, je suis Alina de l’ambassade de Moldavie et je voudrais savoir quels sont les mécanismes et les solutions mis en place en Hongrie en vue de lutter contre l’inflation qui est galopante aujourd’hui, et pour assurer le pouvoir d’achat de la population.
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Merci beaucoup pour cette question. Je pense que l’inflation est aujourd’hui un problème qui ne se pose pas seulement en Hongrie mais aussi dans les autres pays de l’Union européenne. C’est une situation assez grave. Vous savez, nous avons fait une chose que les autres membres de l’Union européenne n’ont pas fait : le gouvernement a décidé de bloquer les prix du pétrole à un certain niveau. Cela a naturellement de nombreuses conséquences sur l’économie lorsque le prix du pétrole reste « calculable » et fixe. Cela donne une stabilité car le prix du pétrole a de nombreux effets sur les autres produits que l’on achète en magasin. Nous n’avons pas réussi à empêcher l’inflation, elle est ralentie mais toujours bien présente et visible et il faut réfléchir à ce que nous pourrions faire dans le futur pour arrêter ça. Nous sortons d’une grande crise avec le Covid qui a eu de graves conséquences pour l’économie globale, et pas seulement dans l’Union européenne. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une autre crise qui n’arrange pas la situation de l’économie. Je laisse aux économistes la tâche de trouver une solution contre l’inflation. Je pense que nous allons voir beaucoup plus d’inflation dans les mois et années à venir. Merci bien.
Maître Patrick Brunot
Monsieur l’ambassadeur quel est votre point de vue sur les échanges économiques entre votre pays et le nôtre ?
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Vous savez j’ai été ravi de voir que les relations économiques entre nos deux pays sont très bonnes. Le premier constat que j’ai fait, c’était lorsque le premier ministre m’avait demandé de devenir ambassadeur à paris, ce qui est toujours un moment important pour l’ambassadeur car il se prépare pour son poste. Moi, j’ai eu la chance d’être en bonnes relations avec l’ambassadrice de France à Budapest et elle m’a donné la possibilité de rencontrer les dirigeants des différentes compagnies françaises qui se trouve en Hongrie. Naturellement, c’était intéressant pour moi de savoir s’ils étaient satisfaits de leur situation. J’ai vu qu’ils étaient très satisfaits de leur situation là-bas et ce qui était encore plus important pour moi est qu’ils étaient prêts à élargir leurs activités en Hongrie. Ce qui est un très bon signe car si quelqu’un n’est pas satisfait dans un pays, il ne va pas y élargir ses activités. J’ai pu observer qu’ils étaient très contents de la qualité des travailleurs qu’ils employaient et de la situation fiscale du pays.
Naturellement, lorsque des compagnies sont satisfaites de la situation dans laquelle il se trouve dans un pays, cela constitue la meilleure publicité que l’on puisse avoir pour attirer d’autres compagnies. Car aujourd’hui, si une compagnie souhaite réaliser des investissements en Hongrie, je leur dirai bien sûr d’aller discuter avec le ministère des affaires étrangères mais aussi et surtout aux compagnies qui ont déjà réalisé des investissements dans le pays. Et ainsi, vous aurez une réponse totalement transparente. Je vois aujourd’hui qu’il y a un intérêt dans différents secteurs pour une collaboration plus étroite avec la Hongrie. Je vais vous montrer un exemple très significatif : Nous avons signé plusieurs accords avec des compagnies qui travaillent dans le secteur spatial, car c’est la technologie la plus avancée que nous avons.
Alors, une compagnie comme Thales par exemple. Nous avons commencé à travailler très étroitement avec eux. Nous avons une université technique en Hongrie qui est très qualifiée et connue en Europe centrale et qui est également extrêmement développée dans les questions spatiales et technologiques. Notre ministre a réalisé des visites à Toulouse et à Cannes dans le centre de Thalès pour la construction des différents satellites. Nous avons construit en Hongrie le plus petit satellite du monde. Nous sommes aussi dans la construction des satellites et de développement technologique car il y a beaucoup de monde qui s’intéresse à ce secteur, il y a beaucoup de compagnies hongroises qui travaille dans ce secteur et souhaitent établir des partenariats entre la Hongrie et la France. Je vois que nous avons déjà de bons contacts et j’espère que dans le futur, nous aurons encore plus de collaboration dans les secteurs technologiques et scientifiques. Merci beaucoup.
Abi Rafeh
Secrétaire général de l’Asie du Sud-Ouest et de l’Afrique du Nord pour l’arabophonie
My question will be political: After the conflict in Ukraine appeared, everybody was waiting for what the united states will say and after that we saw that every leader followed the same direction of the United States. They did not discuss what were the reasons of the conflict. They started to make sanctions but the sanctions have not been followed by solutions in Ukraine. In politics they can know that the problem between Ukraine and Russia is very deep and the sanctions will not solve it. Logically, they know that the sanctions will not solve the conflict. My question is: do you think that the European leaders want to solve the conflict or they will let the United States do so whereas the United States do not find a solution. They are searching to abuse this conflict in order that Russia falls.
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Qu’est-ce qu’une guerre ? Une guerre est une agression armée d’un pays par un autre, et il faut réagir aujourd’hui lorsque cela se produit. Il est très important pour l’Europe et ses institutions de prendre position et de l’affirmer. Nous ne sommes pas seulement membre de l’Union européenne mais aussi de l’OTAN, duquel fait aussi parti les États-Unis qui jouent un rôle très important de par leur puissance. Il faut discuter de ces questions avec les États-Unis. Mais vous avez raison l’Europe ne doit faire ce que les États-Unis pensent être nécessaire mais doit faire ce qu’elle-même pense être nécessaire. Quelles sont les possibilités de réactions ? Nous n’allons pas envoyer des soldats, nous n’allons pas entrer en guerre car cela provoquerait une troisième guerre mondiale. La seule possibilité que nous ayons est d’adopter des sanctions drastiques. Et je pense que le fait que l’Union européenne ait décidé si rapidement d’adopter des sanctions a surpris le président russe. Non, les sanctions ne vont pas terminer la guerre d’un jour à l’autre. Mais malheureusement, lorsque l’on ouvre la boite de pandore avec une guerre, cela prend beaucoup de temps pour réagir et trouver une solution à ce conflit.
Les sanctions sont un moyen on ne peut plus clair de montrer que l’Union européenne n’accepte pas ce que la Russie a fait dans ce conflit. Pour moi aussi, c’était une surprise de voir la décision de l’Union européenne d’adopter les 6 paquets de sanctions pour montrer son désaccord avec cette agression. Cela permettra aux personnes influentes en Russie de voir quelles sont les conséquences d’une guerre, qu’elles soient collectives ou individuelles, et de se demander si ce conflit était vraiment nécessaire. Il y a la position russe qui dit suivons le grand plan et il y a les autres qui disent, non cela ne se déroule pas comme c’était prévu et les sanctions jouent un rôle important dans cette perception. Adopter des sanctions a été une décision de l’Union européenne et de ses dirigeants, bien qu’en collaboration avec les États-Unis et la canada mais je pense qu’elle est venue de l’Union européenne. Plusieurs décisions ont été prises en Europe qui n’étaient pas en accord avec les États-Unis et je pense que cela a été une bonne possibilité pour l’Union européenne de présenter ce qu’ils étaient capables de faire. Même si les États-Unis ont un grand pouvoir et peuvent prendre beaucoup de décisions, l’Union européenne peut aussi prendre ses propres décisions. Malheureusement je ne suis pas d’accord avec vous.
But I have to clarify something, I am not a politician, I am a diplomate. You are right in what you say, it is my task to bring opinion to the government and to explain them.
Naseer Ahmed
Chef missionnaire, Association Musulmane Ahmadiyya
J’ai entendu à la télévision française, je crois que c’est le ministre des affaires étrangères qui a dit c’est un « gag » entre la Russie et l’Ukraine. Il a aussi avancé l’idée selon laquelle s’il devait y avoir une troisième guerre mondiale, elle serait entre la Russie et l’Europe. Quel est votre point de vue sur cette guerre ? Pensez-vous que le conflit restera entre la Russie et l’Ukraine ou bien va-t-il s’étendre au reste de l’Europe ?
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
J’aimerais avoir une boule de cristal pour vous dire ce qu’il va se passer. Il n’y a pas de guerre entre la Russie et l’Europe. S’il y avait une troisième guerre mondiale, elle serait entre la Russie et l’OTAN et l’OTAN est beaucoup plus large que l’Europe. Je pense qu’il n’y aura pas de troisième guerre mondiale. Le XXème siècle a montré qu’une guerre mondiale était une catastrophe. Après la Seconde guerre mondiale, une période de paix a débuté en Europe et tout le monde s’est demandé si une guerre mondiale était encore possible en Europe. Certains diplomates et politiciens ont dit : « attention, une guerre est toujours possible ». Si vous avez demandé il y a cinq mois si une guerre était possible en Europe, on vous aurait répondu que non.
Malheureusement, nous avons vu que ça n’a pas été le cas. Nous voyons chaque jour à la télévision quelles sont les conséquences d’une guerre. Nous voyons les images de Marioupol, les images de grandes villes en Ukraine, nous voyons la destruction et ses conséquences sur un pays. Ici, c’est une guerre entre deux pays. Si l’on parle d’une troisième guerre mondiale, la destruction serait bien pire et plus catastrophique. C’est pour cela que je pense que personne n’a intérêt à une troisième guerre mondiale. Ce qui va se passer maintenant, personne ne le sait et je pense qu’il est très difficile de prévoir ce qui va se passer. La guerre peut se terminer si les négociations recommencent et aboutissent, et je pense que la chose la plus importante est de rétablir la paix d’une manière ou d’une autre. J’ai beaucoup d’amis qui travaillent jours et nuits à la frontière entre la Hongrie et l’Ukraine avec les réfugiés ukrainiens qui arrivent de l’Est. Ce qu’ils disent de la guerre est vraiment horrible et cette guerre est proche, alors il est absolument nécessaire de faire tout ce qui est possible pour arrêter cette guerre et rétablir la paix. Merci beaucoup.
Raphaël Berland
Journaliste
J’ai deux questions à vous poser. La première m’est inspiré par le livre de Jean Ziegler, « la haine de l’occident » dans lequel on se rend compte que des diplomates du tiers monde, pourtant élevé « à la sauce occidentale », ont du mal avec l’occident et développent même une haine de l’occident. Peut-être que l’une des choses qui engendre cela c’est le deux poids deux mesures, le double standard dans l’interprétation du droit international dont fait part l’Occident. Beaucoup d’observateurs, moi y compris, ne comprennent pas bien pourquoi le Kosovo pourrait déclarer son indépendance de la Serbie et pas les Républiques du Donbass. Qu’est-ce qui justifierait au niveau du droit international ou même de la morale que dans un cas on puisse le faire et dans l’autre non ? C’est un petit peu cette interprétation du droit international par les pays qui ont le plus participé à l’écrire, notamment l’Occident et les États-Unis à sa tête, qui pose problème.
Cela fait d’ailleurs penser au lapsus de Georges W. Bush qui a dit : « la décision d’un homme de lancer une invasion totalement injustifiée et brutale », et au lieu de dire l’Ukraine, il a dit l’Irak… C’est peut-être cela aussi que les gens ont du mal à comprendre, pourquoi certains pays ont le droit de provoquer des guerres, vendues à l’opinion public occidentale comme des « guerres justes », et pourquoi la guerre de la Russie serait une guerre injuste ?
Ma deuxième question concerne la guerre en Ukraine : d’après moi et certains observateurs, elle n’a pas commencé en 2022 mais en 2014 à partir du moment ou des ukrainiens russophones ont été bombardés par le pouvoir central. Dans l’interview que Lavrov a donné à LCI et TF1 récemment, il a expliqué que la Russie avait fait des pieds et des mains depuis huit ans pour arriver diplomatiquement à une solution pour que les russophones en Ukraine arrêtent de se faire bombarder par le pouvoir central. Il explique qu’il n’a pas senti un grand enthousiasme ni des États-Unis ni même de l’Union européenne pour trouver une solution diplomatique. De plus, les accords de Minsk ont été violés plusieurs fois, plutôt côté ukrainien donc ma question est la suivante : Une des justifications données par Poutine est la dénazification de l’Ukraine. Est-ce que vous pensez que les néo-nazis en Ukraine sont anormalement nombreux par rapport aux autres pays européens ou la Russie par exemple ? Les tatouages de croix gammées et de sigles SS ne semblent émouvoir personne. Je ne comprends pas ce double standard permanent de l’Occident. Avez-vous une réponse à m’apporter ?
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Je vais commencer par répondre à la dernière question. Je pense que le nazisme, le fascisme ou le radicalisme sont des notions qui sont souvent utilisées, et également dans des pays ou des forces nationalistes sont présentes, tel qu’aux États-Unis, en France, en Allemagne. Il est possible de trouver des images sur tous les pays où des forces radicales sont présentes. Utiliser cet argument pour déclencher une guerre, je pense que cela n’est absolument pas légitime et proportionnel. En effet, si l’on voit la destruction qui découle de la guerre en Ukraine, l’excuse de la présence de groupes nationalistes en Ukraine n’est pas fondée. Je pense qu’il est beaucoup plus important de voir par exemple comment sont organisées les élections dans un pays, si les différents partis politiques peuvent se présenter. Je connais plusieurs personnes qui ont été observateurs des dernières élections en Ukraine et qui ont remarqués les changements politiques des dernières années et notamment la démocratisation de la politique. Voir comment sont tenues les élections est beaucoup plus important que la présence de quelques groupes radicaux.
Raphaël Berland
Journaliste
Excusez-moi de vous interrompre, ça n’est pas la présence de ces groupes qui pose un problème, c’est leur impunité face à des massacres, je pense en particulier au massacre d’Odessa.
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Si vous voulez parler du massacre d’Odessa, il faut également souligner ce qu’il s’est passé en Crimée lorsque ceux que l’on appelle les « verts » ont occupé l’Est de la Crimée. Cela a été d’une grande brutalité, et l’on sait aujourd’hui que c’était l’armée russe qui était présente sur le terrain et notamment des soldats infiltrés. Nous pouvons toujours débattre de si une guerre est juste ou si elle ne l’est pas. Regardez la situation aujourd’hui en Ukraine. Nous avons aujourd’hui la possibilité avec les différentes organisations internationales et les Nations-Unies de trouver une solution diplomatique, de discuter autour d’une table afin de trouver une solution. Alors oui, cela prend beaucoup plus de temps que de régler la situation en envoyant des forces armées mais nous avons la possibilité de négocier. Aujourd’hui, les médias permettent de donner de la visibilité aux différentes positions et si nous utilisons la force, cela aurait des conséquences encore plus graves.
Ali Rastbeen
Président de l’Académie de Géopolitique de Paris
Vous avez évoqué la politique de votre pays avec la France, avec l’Europe, avec la Russie et avec les États-Unis mais qu’en est-il avec la Chine ?
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Nous avons également avec la Chine de très bonnes relations. Les journaux français présentent la Hongrie non pas seulement comme le grand ami en Europe de la Russie mais aussi celui de la Chine. Encore une fois, c’est une surprise pour moi et existe-il des faits, des chiffres qui démontrent que la Hongrie est plus proche de la Chine que d’autres pays. Nous observons que d’autres pays sont beaucoup plus discrets sur leur relation avec la Chine alors qu’ils ont beaucoup plus de relations économiques et commerciales. La Hongrie a eu cette attention car une question s’est posée d’accueillir une université chinoise à Budapest. Cette question a été discutée avec l’Université de Fudan. Cette dernière avait commencé des négociations pour ouvrir une antenne à Budapest. Cette université de Fudan est l’une des 40 meilleures universités du Monde et elle est chinoise. Comme je vous l’ai dit précédemment, nous sommes très intéressés par les questions technologiques et nous nous posions la question de comment collaborer avec différentes universités. Nous avons donc commencé à négocier avec l’université de Fudan et nous avons vu que celle-ci avait des campus aux États-Unis et dans certains pays de l’Union européenne, et nous nous sommes posé la question d’un campus à Budapest.
Cela a provoqué de grandes réactions, alors nous nous sommes dit que si ça posait tant de problèmes, il fallait voir quelles étaient nos possibilités. Nous voulions trouver une solution. Pour la presse du monde entier, la construction d’un campus en Hongrie était déjà actée et le contrat signé. Je pense personnellement que les relations entre différentes universités sont très utiles car elles permettent aux étudiant d’apprendre dans un autre pays. Cela aurait permis aux hongrois et aux autres étudiants de voir comment on travaille dans une autre université. Si vous regardez les investissements asiatiques en Hongrie, l’on voit que deux pays sont beaucoup plus présents que la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Plus particulièrement la Corée du Sud car en Hongrie nous sommes très développés dans la production de voitures telles que Audi, BMW et la production des batteries est réalisée en Corée du sud. Nous avons également des investissements chinois. Nous avons toujours eu une relation très pragmatique avec la Chine pour voir quelles sont nos possibilités de collaboration. Une autre chose qui a reçu beaucoup d’attention est les lignes de trains partant de la Chine jusqu’en Europe. Un grand centre de logistique était prévu dans l’Est du pays mais le projet est suspendu en raison de la proximité avec la frontière ukrainienne. Les relations étaient seulement économiques. En Hongrie, l’économie est au centre de la pensée et quelquefois plus que d’autres questions politiques. Nous voulons attirer des investissements dans le pays et nous voulons développer notre économie et c’est pour cette raison que nous entretenons notre relation avec la Chine, mais de la même façon que d’autres pays de l’Union européenne.
Abdel Otmani
Professeur d’économie
Selon vous, quel serait le pire scénario possible pour ce conflit ?
Et en ce qui concerne les réfugiés, ukrainiens ou syriens, qu’est-ce qui pourrait les différencier ?
Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Merci beaucoup pour ces questions. Pour la première, je peux répondre rapidement, le pire scénario est la troisième guerre mondiale et j’espère qu’elle n’arrivera jamais car ce serait une catastrophe mondiale. Et j’espère qu’aucun politicien ne sera prêt à prendre une décision dans cette direction. J’espère également qu’aucune arme de destruction massive ne sera utilisée, nucléaire, biologique ou chimique. La guerre est la pire chose qui puisse arriver, il faut choisir la négociation.
En ce qui concerne les réfugiés, c’est une question de définition. Il y a une distinction entre réfugié et migrant. Un réfugié en est un lorsqu’il est dans un pays voisin du conflit. Alors, un Syrien qui se trouve en Turquie ou au Liban est un réfugié. Lorsqu’il quitte ce pays, il devient un migrant. C’est pour cela que l’on essaye de garder les personnes qui fuient un conflit proche du pays pour que lorsque le conflit est terminé, ils puissent retourner dans leur pays. Si les pays voisins n’ont pas la possibilité d’accueil, ils vont chercher à aller dans un autre pays, aux États-Unis ou dans un pays de l’Union européenne, c’est ce que l’on appelle l’immigration. Un Ukrainien qui arrive en Hongrie est un réfugié. Dans la définition du droit international, les obligations d’un État vis-à-vis d’un réfugié ou d’un migrant ne sont pas les mêmes. Nous faisons tout ce qui est possible pour aider les réfugiés ukrainiens qui arrivent chez nous.
Abi Rafeh
Secrétaire général de l’Asie du Sud-Ouest et de l’Afrique du Nord pour l’arabophonie
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Réponse de Son Excellence l’ambassadeur de Hongrie en France
Si l’on rentre maintenant dans un débat sur la situation entre Israël et la Palestine, je ne pourrais pas vous donner de réponse en si peu de temps. Vous parlez de racisme et de nationalisme, je vous parle d’une autre chose, je vous parle de l’Europe, je vous parle du patriotisme et cela est très différent du nationalisme et du racisme. Nous avons aujourd’hui besoin de patriotisme en Europe, respecter son voisin et aimer son propre peuple. Et le respect pour le voisin est une chose qui malheureusement manque aujourd’hui. Le nationalisme s’adore lui-même et se perçoit meilleur que les autres. Le patriote aime son peuple et respecte ses voisins. Il faut travailleur sur cela pour qu’il y ait beaucoup plus de patriotes, moins de nationalistes et moins de racistes.