Le colloque de l’Académie de Géopolitique de Paris au sujet du destin de la Palestine, organisé le 28 mars 2025, entreprenait de passer en revue l’ensemble des thématiques et enjeux géopolitiques et diplomatiques liées à l’évolution de la question palestinienne, en se projetant au-delà de l’exacerbation de la crise actuelle et en envisageant la question de son règlement pacifique.
La communauté internationale, si elle est concernée par le destin de la Palestine, ne s’est pas encore suffisamment engagée pour fixer de manière ferme et appuyée les modalités de son accession au statut d’État accepté et respecté par la totalité des États-membres des Nations Unies. Il sera ainsi crucial de distinguer et d’analyser les positions respectives des grandes puissances, Chine, Russie, France et États-Unis ainsi que l’Union européenne, les autres États occidentaux mais aussi l’Inde et les grands BRICS, la Ligue arabe, etc. Sur la scène internationale, ces puissances et organisations internationales doivent jouer auprès de l’opinion publique et au sein des débats sur les propositions de résolutions à l’ONU, un rôle essentiel pour rappeler la nécessité de l’application du Droit international public et les principes de souveraineté et de justice concernant les territoires arabes et palestiniens occupés ainsi que la création d’un État palestinien viable comme solution à la crise israélo-arabe.
La permanence des enjeux de pouvoir liés aux stratégies des parties en présence sera étudiée, mais l’accent sera cependant mis sur les solutions diplomatiques et les différents projets sur la table des négociations. En effet, les questions de fond évaluent plutôt la crédibilité d’un processus de rapprochement voire de réconciliation entre les différentes représentations palestiniennes, d’une mise en œuvre d’un travail diplomatique commun pour partager l’objectif de la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967, de la confirmation d’une solution à deux États reprenant l’expression « La terre contre la paix », d’un travail d’unification d’une politique de sanctions internationales contre l’expansion des colonies, la captation des terres arabes et la progression juive dans les quartiers de l’Est, etc.
COMPTE-RENDU
Dr. Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris,
« Palestine : Un Siècle de Conflit, Quelles Perspectives pour l’Avenir ? »
La question de la Palestine est au cœur de la politique du Moyen-Orient et des préoccupations mondiales depuis plus d’un siècle. Née d’un siècle d’ambitions coloniales, de déplacements, de guerres et d’efforts de paix infructueux, le destin de la Palestine reste aujourd’hui suspendu entre les espoirs d’un peuple aspirant à la liberté et les dures réalités des intérêts géopolitiques.
Une Terre d’Histoire et de Lutte
La Palestine, terre riche en histoire, en culture et en signification spirituelle, a enduré des générations de conflits. De la Nakba en 1948, qui a vu le déplacement de centaines de milliers de Palestiniens, aux expansions de colonies en cours et aux confrontations militaires répétées, le peuple palestinien a fait face à des épreuves sans fin. Leur rêve, l’établissement d’un État indépendant et souverain, reste non réalisé.
Le conflit israélo-palestinien en cours demeure la question centrale. L’occupation des territoires palestiniens, l’expansion des colonies israéliennes et le statut de Jérusalem constituent des obstacles majeurs à la Paix[1]. La question fondamentale demeure : une solution à deux États ou une autre solution viable peut-elle être trouvée malgré des décennies de négociations infructueuses ?
Plusieurs scénarios sont possibles, envisageables, pour l’avenir de la Palestine, chacun étant façonné par des facteurs politiques, économiques et internationaux.
La Solution à deux États
La création d’un État palestinien indépendant aux côtés d’Israël, sur la base des frontières de 1967 et avec des échanges de territoires mutuellement convenus, reste la solution la plus largement soutenue au niveau international. Cependant, compte tenu des réalités actuelles, cette solution est extrêmement difficile à mettre en œuvre et sa viabilité est sérieusement compromise en raison des obstacles sur le terrain, du manque de volonté politique et des dynamiques régionales. Pour qu’elle redevienne une perspective réaliste, des changements significatifs sont nécessaires, notamment l’arrêt de l’expansion des colonies, la reprise de négociations sérieuses, une volonté politique renouvelée, un engagement international actif et des solutions créatives aux questions clés. Si ces changements ne se produisent pas, la fenêtre d’opportunité pourrait se refermer définitivement.
La Solution à un seul État
Un État démocratique unique englobant Israël et la Palestine, avec des droits égaux pour tous les citoyens, est une proposition alternative. Théoriquement, un seul État pourrait offrir l’égalité des droits, mais sa réalisation se heurte à des défis majeurs tels que des identités nationales profondément ancrées et opposées, des préoccupations sécuritaires mutuelles, des complexités démographiques et de représentation politique équitable, la question délicate du droit au retour des réfugiés palestiniens et un manque actuel de consensus significatif. La création d’un seul État juste et durable exigerait des transformations profondes des mentalités et une confiance mutuelle actuellement absente, rendant sa mise en œuvre extrêmement complexe et potentiellement source de nouvelles tensions.
Continuation de l’occupation et de la fragmentation, voire escalade du conflit
Le statu quo, caractérisé par l’occupation israélienne, l’expansion des colonies et la division politique palestinienne, pourrait perdurer. Ce scénario risque d’aggraver davantage le conflit et les souffrances des populations.
Sans solution politique, le risque de nouvelles violences, y compris des affrontements à grande échelle entre Israël et les factions palestiniennes, reste élevé, ce qui pourrait déstabiliser toute la région. La prévention d’un nouveau cycle de violence exige une approche globale qui s’attaque aux causes profondes du conflit par la recherche d’une solution politique, gère les tensions immédiates par la désescalade et la protection des civils, et maintient un horizon politique d’espoir et de progrès. Sans une action concertée sur tous ces fronts, le risque de nouvelles éruptions de violence restera élevé.
L’intégration régionale
Si la question palestinienne est résolue, cela pourrait ouvrir la voie à une coopération et une stabilité régionales accrues. Une résolution pacifique pourrait également renforcer les partenariats économiques et sécuritaires au Moyen-Orient. L’intégration de la Palestine dans la région est un processus à long terme qui nécessite une approche globale et coordonnée. La résolution du conflit israélo-palestinien reste la clé de voûte, mais des efforts simultanés pour renforcer la gouvernance palestinienne, développer les liens économiques et culturels, et s’engager activement sur le plan diplomatique sont également essentiels. Le soutien continu de la communauté internationale est indispensable pour faciliter ce processus.
Les facteurs clés influant sur l’avenir
Plusieurs facteurs interdépendants façonneront l’avenir de la Palestine :
La dynamique régionale : le Moyen-Orient connaît des changements importants, avec des accords de normalisation entre Israël et certains États arabes (par exemple, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc) dans le cadre des accords d’Abraham. La normalisation Israël-États arabes marginalise la Palestine en affaiblissant le soutien arabe et le pouvoir de négociation palestinien, tout en divisant le monde arabe et renforçant Israël[2]. À long terme, des opportunités indirectes pourraient émerger, mais l’impact actuel est plutôt négatif pour la position géopolitique palestinienne.
L’avenir de la Palestine sera étroitement lié aux dynamiques régionales. Les intérêts, les rivalités et les stratégies des puissances voisines et plus lointaines du Moyen-Orient façonneront les options politiques disponibles, les perspectives économiques et la sécurité globale de la région. La capacité des Palestiniens à naviguer dans ce contexte complexe et à mobiliser un soutien régional cohérent sera déterminante pour leur quête d’autodétermination.
Les considérations géostratégiques : la situation géographique de la Palestine au Levant en fait une zone critique pour la sécurité et la stabilité régionales. Le contrôle du territoire, des ressources et des frontières a des implications importantes pour Israël et ses voisins. La Palestine peut obtenir un soutien international en valorisant son rôle historique et religieux unique, en soulignant son importance pour la stabilité régionale, en développant des alliances diversifiées, en mettant en avant son potentiel économique, notamment en matière de connectivité et de tourisme, et en menant une diplomatie et une communication stratégiques pour sensibiliser et mobiliser le soutien international. Cependant, l’occupation israélienne et les tensions régionales restent des défis majeurs.[3]
L’implication internationale et régionale : les puissances mondiales, notamment les États-Unis, la Russie et la Chine, jouent un rôle important dans le développement du conflit. La communauté internationale a des outils, économiques et diplomatiques, pour faire pression en faveur de la Paix, mais ses divisions, la souveraineté des États, les inégalités de pouvoir et le manque d’application limitent souvent son efficacité à imposer un accord juste et durable. Une action coordonnée et impartiale est essentielle, mais jamais assurée.
Les Nations Unies (ONU), l’Union européenne (UE) et d’autres organisations internationales (Unesco, OMC, Ligue arabe…) continuent de plaider pour une solution à deux États, mais leur influence est souvent limitée par les réalités politiques sur le terrain.
Les puissances régionales, c’est-à-dire des pays comme l’Iran, la Turquie et l’Arabie saoudite ont leurs propres intérêts dans la question palestinienne, influençant les dynamiques internes palestiniennes et les relations régionales, et pourraient également y jouer un rôle important.
Les divisions internes palestiniennes : la division politique entre le Fatah, qui contrôle la Cisjordanie, et le Hamas, qui contrôle Gaza, affaiblit la capacité de la Palestine à présenter un front uni dans les négociations avec Israël et sur la scène internationale. Bien que les factions palestiniennes partagent l’objectif d’un État et que des pressions existent pour l’unité, de profondes différences idéologiques, des luttes de pouvoir, le contrôle territorial distinct, l’ingérence externe et un manque de confiance mutuelle rendent difficile l’élaboration d’une stratégie cohérente. Surmonter ces divisions nécessiterait une volonté politique exceptionnelle et des compromis majeurs, ce qui reste un défi considérable.
Les préoccupations sécuritaires d’Israël : les préoccupations sécuritaires d’Israël, notamment la menace terroriste et la nécessité de frontières défendables, sont au cœur de sa politique dans les territoires occupés et entrent souvent en conflit avec les aspirations palestiniennes à la souveraineté.
La conciliation entre la sécurité d’Israël et l’autodétermination palestinienne est envisageable par une solution à deux États avec des mécanismes de sécurité solides, impliquant des frontières garanties, une présence sécuritaire internationale, une limitation des forces palestiniennes et une coopération sécuritaire bilatérale. Des modèles alternatifs de partage de souveraineté existent aussi. Néanmoins, le manque de confiance, les divisions politiques et les questions territoriales et de réfugiés représentent des obstacles importants qui nécessitent une forte volonté politique.
Les facteurs économiques et humanitaires : l’économie palestinienne est fortement dépendante de l’aide étrangère et limitée par les restrictions israéliennes. Le développement économique et l’amélioration des conditions de vie peuvent créer un contexte plus favorable et offrir des incitations à la Paix, mais ils doivent aller de pair avec des efforts politiques sincères pour parvenir à une solution durable. Le développement économique seul ne suffit pas à résoudre un conflit politique complexe.
L’impact des médias, de l’opinion publique : les médias internationaux jouent un rôle crucial dans la perception du conflit. Pour une compréhension équilibrée, ils doivent être factuels, fournir du contexte, présenter les perspectives des deux parties, offrir des analyses d’experts, être transparents, utiliser un langage et des images responsables, mettre en lumière les initiatives de Paix, pratiquer le journalisme d’investigation et éduquer le public de manière impartiale.
Les initiatives de Paix locales : malgré les obstacles, des initiatives locales de Paix et de coexistence entre Israéliens et Palestiniens existent, montrant qu’un dialogue est possible.
Le rôle des jeunes générations : les jeunes Palestiniens, nés dans un contexte de conflit et d’occupation, représentent une force montante. Ils peuvent influencer l’avenir de leur nation en s’engageant activement dans la vie civique et politique, en investissant dans leur éducation et leur développement professionnel, en préservant et en promouvant leur culture, en stimulant l’innovation économique et en mobilisant le soutien international. Surmonter les défis existants et créer un environnement favorable à leur engagement est essentiel pour libérer pleinement leur potentiel.
Entre Mémoire et Avenir
Le destin de la Palestine n’est pas seulement une question politique ; c’est une question morale qui met au défi le monde de confronter ce que signifie la justice au XXIème siècle. L’avenir de la Palestine sera écrit non seulement par les politiciens et les dirigeants, mais aussi par la résilience de son peuple et la conscience de l’Humanité.
Alors que le monde regarde, la Palestine se trouve à la croisée des chemins. La résolution du conflit nécessitera non seulement des compromis politiques, mais aussi une volonté collective de reconnaître les droits et les aspirations des deux peuples : le droit au retour, le droit à l’autodétermination, le droit de vivre dans la dignité. Tant que la Palestine restera une terre de murs et de points de contrôle, d’exilés et de réfugiés, la vraie Paix dans la région, et peut-être dans le monde, restera insaisissable.
L’avenir de la Palestine n’est pas écrit. Il sera façonné par la résilience de son peuple et les choix que le monde fera face à l’oppression et à l’injustice. Le destin de la Palestine est en fin de compte une question de Justice, la plus fondamentale des aspirations humaines. C’est un appel à la Liberté, à l’Égalité et à la Paix, non seulement pour les Palestiniens, mais pour le monde.
Conclusion
En conclusion, après un siècle de conflit marqué par des ambitions coloniales, des déplacements et des guerres, l’avenir de la Palestine demeure incertain. Suspendu entre l’aspiration légitime d’un peuple à la liberté et les complexités des intérêts géopolitiques, le destin de cette terre historique est à la croisée des chemins. La résolution du conflit israélo-palestinien, avec ses défis persistants liés à l’occupation, aux colonies et à Jérusalem, reste la clé de voûte. Si la solution à deux États, malgré sa difficulté de mise en œuvre, demeure le cadre privilégié, d’autres scénarios tels qu’un seul État, la continuation du statu quo ou une escalade de la violence ne peuvent être écartés. L’avenir de la Palestine sera façonné par une multitude de facteurs interdépendants, allant des dynamiques régionales complexes et de l’implication des puissances internationales aux divisions internes palestiniennes, aux considérations sécuritaires et aux impératifs économiques et humanitaires. Le rôle des jeunes générations, l’impact des médias et de l’opinion publique, ainsi que les initiatives de paix locales, sont autant d’éléments qui influeront sur la trajectoire future.
En définitive, le destin de la Palestine est une question morale qui interpelle la conscience mondiale sur les notions de justice et de dignité au XXIème siècle. La paix durable dans la région, et potentiellement au-delà, restera hors de portée tant que les droits et les aspirations fondamentales des Palestiniens, incluant le droit au retour et à l’autodétermination, ne seront pas pleinement reconnus et garantis. L’avenir de la Palestine n’est pas encore écrit et dépendra de la résilience de son peuple et des choix que la communauté internationale fera face à l’oppression et à l’injustice.
La quête palestinienne est un appel universel à la liberté, à l’égalité et à la paix, et sa résolution est essentielle pour une paix véritable et globale.
Recteur Gérard-François DUMONT, Économiste et démographe, Sorbonne Université, Président et fondateur de la revue Population & Avenir,
« La solution à deux États : futur possible ou rhétorique dépassée ? »
Merci Monsieur le Président, merci de votre confiance, et chers collègues merci de votre présence. Je vais donc essayer de réfléchir à cette question par rapport à cette idée, très présente dans les chancelleries, qui consisterait à ce que LA solution dans cette région, soit la mise en place de deux États.
En fait, j’avais envie effectivement, dans l’introduction de cette intervention, de vous rappeler une phrase d’un protagoniste de Boualem Sansal, non pas pour vous démoraliser, mais pour essayer de mettre de la clarté dans la question parce que dans le livre qui s’appelle Le village de l’allemand de Boualem Sansal, qui est peut-être un de ses meilleurs romans, l’un des protagonistes dit : « le Moyen-Orient n’est pas clair depuis la nuit des temps ». Donc essayer de mettre de la clarté.
Et le premier élément de clarté, c’est bien sûr de préciser le champ géographique. Par Palestine, je me propose cet après-midi de me limiter non pas à ce que dit la Bible, parce que la Bible n’utilise pas le mot « Palestine », ni non plus aux enquêtes d’Hérodote, qui parle de Palestine mais sans définir exactement le périmètre, et tout simplement la Palestine mandataire, telle qu’elle a existé sous le mandat britannique, donc du Jourdain jusqu’à la Mer Méditerranée. Et il me semble que ceci suppose d’évoquer deux questions.
La première, c’est que lorsque l’on regarde la situation géopolitique de cette Palestine précédemment mandataire, nous sommes obligés de constater qu’il y a un seul État, et un seul, donc il faut essayer de répondre à la question : mais pourquoi un seul État, et un seul ? La deuxième question, dont nous entendons les chancelleries parler de façon idéale, la solution à deux États. Mais que faut-il en penser ?
Donc première question, si effectivement il y a un seul État, qui est l’État d’Israël, c’est quand même le résultat d’un processus historique d’aujourd’hui plus de deux millénaires. Et je voudrais rappeler les grands éléments. Le premier élément, c’est l’existence, ou la mise en œuvre d’une diaspora, tout particulièrement après les décisions militaires romaines de 70 av. J.-C. Et là se crée effectivement un évènement nouveau, c’est-à-dire l’invention d’une diaspora – je vous rappelle en effet que dans les dictionnaires, jusqu’à la fin du vingtième siècle le mot « diaspora » s’écrit avec un « D » majuscule et ne concerne QUE la diaspora juive. Ce n’est que depuis la fin du XXème siècle que l’on parle de « diasporas » au pluriel. Et donc on va avoir tout particulièrement en 70 après J.-C. une répartition des Juifs qui habitaient en Palestine, vers le Moyen-Orient, vers l’Afrique du Nord, ou encore vers l’Europe. Or cette diaspora, contrairement peut-être à d’autres, va conserver le souvenir de son lieu d’origine, et donc va être conduite, à travers des écrits, à travers des livres comme celui que je vous montre, qui datent de plusieurs siècles, à se rappeler l’histoire de leur lieu d’origine, la disparition du second temple etc. Cette diaspora va continuer effectivement, tout en se rappelant son lieu d’origine, de vivre presque vingt siècles dans les pays où elle s’est installée, mais vont se dérouler, avec le développement des nationalismes au XXème siècle, un certain nombre de pogroms, tout particulièrement en Europe orientale. Et ces pogroms, qui sont limités en Europe orientale, donnent l’impression à cette diaspora qu’il n’y a pas de risque d’antisémitisme en dehors de l’Europe orientale. Donc on va avoir un certain nombre de Juifs d’Europe orientale qui vont donc quitter ces régions pour aller vers l’Europe de l’Ouest, pour aller vers l’Amérique du Nord, par exemple.
Et donc le changement structurel, et la France en assume une responsabilité considérable, c’est l’Affaire Dreyfus. Puisque nous avons donc ce journaliste autrichien, d’origine juive, Theodor Herzl, qui vient à Paris pour couvrir le procès Dreyfus. Et il en conclut effectivement à un sentiment inversé, c’est-à-dire que pour lui la France était le pays des droits de l’Homme, c’était le pays qui avait le premier dit « mais enfin, les juifs sont des citoyens comme les autres, à condition qu’ils ne fassent pas de nation bien entendu », donc déjà au moment de la Révolution française, et il découvre que même dans ce pays des droits de l’Homme, à travers l’Affaire Dreyfus, il y a un certain antisémitisme. Et cela va le conduire à penser – et donc c’est son fameux livre sur l’État juif qui est publié en 1876 – qu’il faut trouver quelque part dans le monde une terre où les Juifs pourraient vivre en paix, puisque malheureusement il n’y a pas de régions où il n’y aurait pas d’antisémitisme.
Alors il va entreprendre comme vous le savez des démarches à la suite de son livre sur l’État juif, il y a un certain nombre de projets qui vont être mis en œuvre, dont un projet en Ouganda d’ailleurs, et puis finalement les juifs vont se mobiliser en 1897 avec le premier congrès sioniste organisé à Bâle, avec le projet d’acheter des terres dans cette Palestine – qui n’est pas encore mandataire à l’époque – où les juifs vont commencer d’aller s’installer. Cette installation de juifs dans la Palestine va évidemment se développer avec la fin de l’Empire ottoman, et l’on va voir effectivement une progression de la population juive dans cette région, même si la majorité des populations restent des populations musulmanes, et même s’il existe bien sûr des populations d’autres confessions, et notamment de confession chrétienne, sans oublier les Druzes.
La montée du nazisme crée à nouveau une nouvelle impulsion vers le désir d’un certain nombre de juifs de quitter l’Allemagne – en l’espèce – et de rejoindre cette région, d’où l’achat de nouvelles terres. Et enfin, si je puis dire, nous avons évidemment le génocide commis par le parti national-socialiste, la découverte des camps d’extermination, et ceci va conduire, ou va accentuer l’idée qu’il n’y a pas de possibilité pour les Juifs de vivre en Europe, et donc un certain nombre d’entre eux vont souhaiter rejoindre la Palestine géographique. Ce phénomène va être mondialement amplifié par l’affaire de l’Exodus, c’est-à-dire le refus par les Britanniques de voir s’installer en Palestine mandataire des juifs rescapés de la Shoah, qui va être un événement absolument majeur dans l’Histoire de l’Humanité.
Et tout ceci va donc se traduire en novembre 1947 par le plan de partage de la Palestine proposé par l’ONU, étant précisé que ce plan de partage a fait l’objet d’un refus de participer aux négociations du Grand Mufti de Jérusalem, et donc on arrive à ce plan de partage de 1947 – dont vous voyez la carte ici. On peut contester le contenu, le problème n’est pas là, ce qui est sûr c’est que face à ce plan de partage nous avons deux réactions absolument différentes, entre donc une communauté juive qui l’accepte – dans sa grande majorité, même si quelques minorités juives s’y opposent –, et les États arabes qui s’y opposent. Donc on en arrive à cette solution que si en 1948 il n’y a un qu’un État de Palestine ex-mandataire, c’est bien parce qu’il y a un côté qui a accepté de créer un État, et un côté qui l’a refusé.
Donc depuis, – je ne résumerai pas une situation que chacun connait ici – nous sommes quasiment en guerre permanente. Certes, si l’on veut faire l’inventaire détaillé de tout ce qu’il s’est passé depuis 1948, on peut distinguer 11 guerres différentes, mais en réalité on a une quasi guerre continue, avec des périodes d’intensité militaire, et des périodes je dirais de parenthèses partielles, qui prouvent bien que depuis 1948 aucune solution durable n’a été mise en place et que les tensions géopolitiques n’ont jamais été résolues.
Alors face à cette situation que chacun peut constater objectivement et qui est dramatique de tous les côtés puisqu’elle entraine des morts, des blessés, des insatisfactions, de la pauvreté, on entend en permanence – et donc j’en arrive à ma seconde partie – les chancelleries, et notamment les chancelleries occidentales nous dire : « il y a une solution, deux États sur la Palestine ex-mandataire ». Je vous propose d’examiner la question, pour savoir si effectivement cette solution serait un gage de paix et un gage de satisfaction pour les populations de ce territoire. Cette situation à deux États pose en fait un certain nombre de difficultés parce qu’elle ne prend pas en compte un certain nombre de réalités, qui rendent difficiles sa mise en œuvre réelle, ce qui fait qu’on peut se demander si nous ne sommes pas dans une rhétorique ressassée, mais qui n’est pas susceptible de résoudre à terme la situation.
Alors quelles sont les problèmes non-résolus que pose la question à deux États ?
D’abord, il y a tout d’abord le problème de l’absence de cohérence géographique – que vous avez d’ailleurs deviné très facilement en regardant la carte du plan de partage de 1947 –, c’est-à-dire que cette solution à deux États signifie du côté des territoires palestiniens une logique bi-territoriale – dont l’Histoire nous enseigne, à travers encore des exemples contemporains, que cela n’est pas de nature à faire la paix. Je n’ai pas besoin de rappeler l’affaire de Dantzig que chacun connait, je n’ai pas besoin de rappeler l’affaire du Pakistan divisé entre sa partie orientale et occidentale et qui s’est terminé dramatiquement, et pour une période beaucoup plus récente, nous pourrions aller regarder dans le Caucase du Sud ce qu’il se passe entre l’Azerbaïdjan, le Nakhitchevan, et donc le problème des violences qui se déroulent dans cette région. Donc il est clair qu’il y a un problème de rapport à l’espace, cette solution à deux États ne satisfait pas du côté des territoires palestiniens, ou d’un État palestinien, mais on n’insistait pas non plus du côté d’Israël, dans la mesure où Israël n’a pas de profondeur stratégique et considérait ceci comme une problématique pérenne.
Le deuxième élément c’est que cette solution à deux États ne prend pas en compte la réalité des diversités humaines de cette région. En fait cette région est un kaléidoscope de populations, d’un côté comme de l’autre. Du côté de ce qu’on appelle les territoires palestiniens, il faut quand même rappeler les différences de populations qui y habitent, que ce soit d’un point de vue religieux, d’un point de vue ethnique, ou d’un point de vue historique. Je vous rappelle d’ailleurs que jusqu’en 1988 la Jordanie considérait que la Cisjordanie faisait partie de la Jordanie – elle en a fait effectivement partie jusqu’en 1967 –, que du côté d’Israël nous avons des diversités de populations phénoménales, bien sûr il y a les Druzes, les Israéliens arabes, les juifs, mais au sein des juifs on trouve les ultra-orthodoxes, les laïques, etc., les Séfarades et les Ashkénazes, toujours est-il que nous avons un kaléidoscope de populations qui ne peut pas se résumer à une simple dualité.
Troisième élément, à supposer aussi une partition, cela se ferait probablement selon une logique de frontière imposée. Or est-il possible de s’identifier à des frontières imposées ? Nous voyons bien que du côté des territoires palestiniens nous avons des populations qui en grande partie ne comprendraient pas que les frontières actuelles soient des frontières fermées, compte tenu de leur Histoire propre, et que quoi qu’il advienne, nous avons un peu un discours semblable, même si ce discours varie selon les partis politiques de ce pays.
Quatrième élément, une partition ne résous pas l’absence de larges parties de la possibilité de circulation. Je vous rappelle en effet que lors du plan de partage de 1947 l’ONU avait souhaité la création d’une union économique dans le cadre de ce plan de partage. Or manifestement une partition actuelle, dans le rapport de force actuel, ne signifierait ni la libre-circulation des marchandises, ni des capitaux, ni des travailleurs. Vous voyez donc que cela signifierait des frontières closes et pas des frontières ouvertes, tout ceci étant défavorable bien sûr au développement économique de cette région.
Il faut ajouter bien entendu que la partition, telle qu’elle est évoquée par les chancelleries ne règle pas le problème d’une autre guerre, qui est en fait la guerre migratoire, avec d’un côté un État d’Israël qui n’a cessé de vouloir renforcer son poids démographique relatif dans la région, le plus bel exemple ayant été ce qu’il s’est passé à la fin des années 1980 avec l’arrivée d’un certain nombre de juifs d’URSS ou d’ex-URSS, puisque les rabbins eux-mêmes ont accepté que des avions atterrissent en Israël le jour du Sabbat, à condition bien sûr qu’ils ramènent des juifs d’URSS ou d’ex-URSS. Concernant les territoires palestiniens, là-aussi la guerre migratoire c’est entre des pouvoirs qui souhaitent conserver leur population sur place, et d’autres pouvoirs qui gênent la mobilité. Je vous rappelle par exemple que pendant que l’Égypte gouvernait la Bande de Gaza, de 1948 à 1967, l’Égypte refusait évidemment toute migration de Gaza, et donc l’Égypte limite toute mobilité migratoire en la matière.
Cette guerre démographique perdure, et elle pourra même perdurer en cas de partition comme elle est évoquée. Nous sommes dans une région qui a un régime démographique tout à fait exceptionnel, c’est une exception dans le monde, c’est-à-dire que nous n’avons aucun autre pays dans le monde qui a une fécondité aussi élevé malgré un taux de mortalité infantile aussi bas. C’est une anormalité par rapport à tous les processus idéologiques démographiques. Il y a beaucoup de raisons à cela, je dirais d’abord l’idée d’un certain nombre de juifs ultra-orthodoxes, qu’il faut avoir plus d’enfants pour rattraper ce qu’ont été les crimes de la Shoah, et puis côté palestinien nous avons effectivement le fait que l’enfant supplémentaire coûte peu à une famille dans la mesure où il s’agit de personnes qui ont un statut de réfugié, les coûts sanitaires, les coûts éducatifs sont pris en charge par la communauté internationale à travers l’UNRA. Et donc c’est ce qui explique cette situation tout à fait atypique en termes de régime démographique.
Dernier point, il faut s’interroger aussi sur les enseignements de l’Histoire sur les partitions. Est-ce que les partitions de populations n’ont pas souvent conduit souvent à des solutions qui n’ont pas été pérennes ? Nous pourrions citer l’exemple de Chypre, où depuis maintenant les années 1960 la partition n’a abouti à aucune paix souhaitable, je pourrais citer aussi l’exemple de la Bosnie où la aussi nous sommes très loin d’une situation de paix, c’est le moins qu’on puisse dire, de même avec la Kosovo, de même avec la question du Caucase du Sud avec le Haut-Karabagh, et quand nous avons des traités dont nous pensons qu’ils sont parvenus à une situation satisfaisante comme le traité de Lausanne de 1923, je suis obligé de constater que M. Erdogan un siècle après met en question le traité de Lausanne de 1923. Et donc là-aussi, la partition qui a mis la Thrace orientale en Grèce, etc., un certain nombre d’îles de la Mer Égée, du côté turc, n’a pas résolu de façon définitive la situation.
Donc le résultat de tout ceci, et c’est ce que je vous propose en conclusion, c’est qu’en fait nous sommes dans une situation qu’on pourrait dire de guerre permanente, même si l’intensité de cette guerre varie selon les périodes, et même si bien entendu depuis le 7 octobre 2023 l’intensité de la guerre a été particulièrement forte. Et donc cette guerre elle se trouve en fait sous des formes démultipliées, avec une nature déspécifique. Déspécifique, c’est-à-dire que vous avez des périodes d’histoire ou des guerres qui étaient claires. D’abord, il y a avait des déclarations de guerre, ce qui n’existe plus aujourd’hui, il y avait des décisions clairement de traités de paix, et donc face à cette situation il me semble qu’il faut sans doute s’interroger sur cette formule à priori rationnelle qui serait d’arriver à une formule à deux États, et réfléchir à une solution alternative, qui certes effectivement peut être considérée comme utopique mais je pense qu’il vaut mieux l’utopie que la guerre, et donc en conclusion ce que je vous proposerai ce serait la réflexion sur une formule confédérale qui permettrait de trouver une solution qui satisfasse l’ensemble des populations de ce territoire. C’est dans ce domaine qu’il faut réfléchir, et d’ailleurs c’est un petit peu ce qui avait été évoqué en 1947 avec l’idée de faire de la ville de Jérusalem une ville internationale. Au-delà de ceci, une formule confédérale serait effectivement de nature à pouvoir pacifier. Faut-il encore que la volonté des acteurs géopolitiques puisse aller dans ce sens, et notamment des acteurs géopolitiques internationaux, ce qui suppose qu’ils abandonnent ce mythe d’une solution à deux États qui ne peut malheureusement pas convenir à une paix durable.
Bruno DRWESKI, professeur des universités, Historien, Politologue,
« Palestine : Quelle(s) solution(s) ? »
Dans une intervention faite à l’Académie de Géopolitique de Paris en 2020[4] sur la solution du problème qui s’est développé en Palestine depuis la déclaration Balfour[5] et le partage de la grande Syrie, « Al Sham », lors de l’accord Sykes-Picot (mai 1916), j’avais développé des hypothèses pour une solution de ce problème qui partait déjà du principe que ce qu’on a appelé à Oslo « la solution à deux États » n’était déjà à l’époque ni viable, ni légitime, pour trois raisons fondamentales : à cause de la colonisation de la Cisjordanie – c’est plus de 700 000 colons juifs qui l’habitent désormais – mais surtout parce que cet accord faisait fi du droit de retour des réfugiés palestiniens de 1948, malgré le droit international, et qu’il faisait aussi fi du droit à l’autodétermination du peuple de Palestine, conformément à la Charte des Nations Unies[6].
Hormis la question des colons déjà établis à l’époque illégalement en Cisjordanie sur des terres confisquées qui rendait difficile d’imaginer une cohabitation des populations juives et palestiniennes sans la capitulation totale, ou bien des Palestiniens ou bien de ce qu’on appelle « l’État juif », c’est la question des réfugiés de 1948 qui restait fondamentale. En effet, ces réfugiés ont démontré jusqu’à aujourd’hui – ce que l’eurodéputée Rima Hassan a clairement expliqué récemment – à savoir que cela durera autant de générations que cela prendra mais que les réfugiés palestiniens veulent retourner et retourneront sur les terres d’où ont été expulsés leurs ancêtres[7], et cela en conformité avec la résolution 194 de l’ONU qui acceptait l’adhésion d’Israël à l’ONU sous la condition de ce droit au retour, ce qui de fait remet d’ailleurs entre parenthèse jusqu’à aujourd’hui la légalité de l’appartenance de cette entité à l’ONU et à ce qu’on appelle « la communauté internationale »[8].
En effet, l’État d’Israël avait été admis sur la base de la décision de l’Assemblée générale des Nations Unies « Rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 et du 11 décembre 1948, et prenant acte des déclarations faites et des explications fournies devant la Commission politique spéciale par le représentant du Gouvernement d’Israël en ce qui concerne la mise en œuvre desdites résolutions ». La résolution du 29 novembre 1947 postulait en effet le partage de la Palestine en deux États de superficie équivalente mais n’enlevait pas aux Palestiniens leur droit à l’autodétermination sur tout le territoire de ces deux entités postulées[9], et la résolution du 11 décembre 1948 était celle portant sur le droit au retour des réfugiés palestiniens[10].
Toutefois, même si les accords d’Oslo[11] se sont révélés aujourd’hui irréalisables, on doit accepter le fait qu’ils ont été conclus à une époque où le sionisme était en apparence plus modéré, voire même socialisant, même si sans internationalisme, et que les partisans de ces accords, tant chez les Palestiniens et les Israéliens que les Occidentaux, pouvaient légitimement croire que la solution à deux États était possible, même si elle cachait en fait l’absence révélatrice de solution à la question des réfugiés. Aujourd’hui la « solution à deux États » ne peut au mieux ne constituer qu’une étape transitoire, car la réalité de la vie a démontré que la logique profonde du sionisme était celle d’un courant à visée extrémiste, raciste et suprématiste, devant évoluer inéluctablement vers ce que beaucoup de chercheurs, en particulier israéliens, n’hésitent plus à appeler un « fascisme juif »[12].
En effet, personne ne peut plus ignorer de bonne foi aujourd’hui que l’État d’Israël, quel que soit son gouvernement, n’a jamais sérieusement cherché à laisser se former l’entité palestinienne prévue par ces accords. Il a limité d’emblée le rôle de l’Autorité palestinienne tout en la corrompant et en jouant la tactique du « diviser pour régner » en laissant se développer le contre-pouvoir du Hamas contre l’OLP, puis en soutenant l’Autorité palestinienne contre le Hamas, allant jusqu’à violer le résultat des élections palestiniennes en arrêtant des députés à peine élus et en empêchant ainsi la réunion du parlement palestinien. Ce qui fait que l’État qui se proclame « unique démocratie du Moyen-Orient » a directement empêché la naissance d’une « seconde démocratie ».
Comme « on reconnaît un arbre à ses fruits », c’est cette évolution qui a retiré au sionisme toute légitimité démocratique, retirant ainsi toute base aux prétentions libérales ou socialistes de la « gauche sioniste » qui s’est retrouvée nue et au final marginalisée par son incohérence au sein même de l’entité qu’elle avait créée face au vieux courant sioniste révisionniste de Jabotynski et Begin, dont on ne peut plus contester le réalisme et l’esprit de conséquence, devant aboutir à terme à Sharon, à Netanyahou et à la guerre de Gaza de 2023.
Ce constat est bien résumé par cette citation du journaliste Dominique Vidal qui, même s’il continue à penser qu’il y a une différence entre l’extrême-droite sioniste et la gauche sioniste, n’en reconnaît pas moins « Que tous les partis sionistes, de « gauche » comme de « droite » aient en commun le même projet colonial, est évident. Qu’en particulier en 1947-1949, le Mapam et le Palmakh aient joué un rôle capital dans la conquête des villes et villages arabes et l’expulsion de leurs habitants est un fait historique établi »[13]. L’expulsion et aussi le massacre dans certains cas, peut-on ajouter, ce qui ne fait que souligner en fait qu’à la base le projet sioniste était anti-égalitariste, suprématiste et donc anti-démocratique.
Par ailleurs, les lignes dites de 1967, mais en fait de 1948, qui sont censées servir de base à la création des deux États, ne sont en droit que des lignes de cessez-le-feu provisoires conclues entre Israël et les États arabes, sans la participation de représentants palestiniens. Et ces lignes de cessez-le-feu ne tiennent pas compte du plan de partage de 1947 qui ne prévoyait d’ailleurs pas la création d’un État juif et d’un État arabe comme beaucoup le croient, mais se limitait, en accord avec la législation des Nations Unies sur le droit à l’autodétermination, à seulement conseiller la création de deux entités en Palestine dont il ne définissait ni le caractère juif de l’une, ni le caractère arabe de l’autre[14]. C’est le constat que développe le rédacteur en chef du Foreign Policy Journal Jeremy R. Hammond dans son article « Pourquoi Israël n’a en réalité aucun ‘droit d’exister’, article qui mériterait qu’on s’y arrête[15] car il revient sur des aspects du droit qui sont, depuis 1948, 1967 puis les accords d’Oslo, quasi-systématiquement passés sous silence.
En droit, et contrairement à ce qu’on appelle en realpolitik le rapport de force, un mensonge, même répété des dizaines de fois, n’en devient pas pour autant une vérité. Chose qui depuis le 7 octobre 2023 revient d’autant plus sur le devant de la scène que – et que cela plaise ou non – le rapport de force sur le terrain a été fondamentalement modifié lors de ce soulèvement armé, et quoiqu’on pense de la façon dont se sont à cette occasion comportés les combattants palestiniens des diverses organisations.
Et malgré les crimes de masse et les immenses destructions commises par Israël depuis, ni Gaza n’a pu être conquise par l’armée d’Israël, ni le Hamas ni le Hezbollah ni Ansarullah ni a fortiori l’Iran n’ont été défaits, alors que l’opinion publique internationale, y compris même pour une large part dans les pays occidentaux et dans les communautés juives, a basculé en faveur des Palestiniens. Si à cela nous ajoutons que l’économie israélienne s’est retrouvée plongée dans une précarité dont il est difficile d’imaginer qu’elle puisse sortir sans la perfusion massive et constante de l’aide des États-Unis et des autres pays occidentaux, on comprend que cette fois le rapport de force sur le long terme rejoint de toute façon le droit international pour converger vers une solution qui doit restaurer l’unité du territoire palestinien et y faire cohabiter la population autochtone palestinienne avec la partie de la population juive qui acceptera cette cohabitation. Donc, la logique veut que tôt ou tard la raison prévale et permette de revenir aux sources du droit international et d’une analyse rationnelle du rapport de force sur le long terme.
Le projet d’autonomie nationale-culturelle
Lors de mon intervention en 2020, j’avais fait l’hypothèse qu’à la différence de ladite solution à deux États, la solution à un État était viable en introduisant en particulier sur la terre de Palestine les principes élaborés avant 1939 pour la Pologne avec la revendication du parti socialiste juif antisioniste Bund (et accessoirement du parti juif libéral antisioniste Folkiste, moins important), à savoir l’autonomie nationale-culturelle non-territoriale de chaque groupe ethnique habitant un même État unifié. La légitimité du Bund, au moins pour les 3,5 millions de juifs polonais, avait été démontrée lors des élections municipales de 1938 qui avaient vu sa victoire électorale comme premier parti juif, suivi d’ailleurs des orthodoxes religieux juifs, eux-aussi alors antisionistes. Ce qui relativise nettement le droit de l’État d’Israël a parler au nom de tous les juifs, et en particulier des juifs qui ont été victimes du génocide hitlérien. Ce que nous venons d’affirmer n’est qu’un rappel qui nous amène à poser la question sur ce qui reste possible de faire dans la situation actuelle.
L’État colonisateur d’Israël est-il encore viable ?
Si l’on en croit le grand historien israélien aujourd’hui exilé, Ilan Pappé[16], nous sommes arrivés à la dernière étape de l’existence du projet sioniste car il a perdu toute légitimité aux yeux du monde, et même toute cohérence interne pour ses partisans aujourd’hui fortement divisés sur les fondements légitimateurs et institutionnels même de ce que devrait être le dit « État juif ».
Or la perte de légitimité d’un projet politique signifie ipso facto tôt ou tard, si l’on se réfère à l’expérience historique, la fin à terme de tout projet politico-idéologique. Ce qui nous amène à faire des constats qui vont sans doute choquer mais qu’il me semble nécessaire de dire dans la mesure où le devoir d’un chercheur est de constater les faits, et pas de se conforter à faire plaisir ou à se faire plaisir.
En effet, si nous analysons objectivement le projet politique des partis très majoritairement représentés au parlement israélien, et plus particulièrement à ceux appartenant au gouvernement en place en ce moment à Tel Aviv, nous pouvons dire que l’État d’Israël d’aujourd’hui, c’est un peu ce qu’aurait été l’Algérie si le putsch des généraux avait réussi ou si l’OAS était parvenue au pouvoir. Or l’existence de l’OAS a transformé dans les faits la lutte de libération nationale algérienne d’une revendication d’indépendance et d’autodétermination pour tous les habitants de l’Algérie à une situation de cassure totale entre autochtones et colons qui s’est exprimée sous la terrible formule « la valise ou le cercueil », et cela même si l’OAS n’est pas parvenue au pouvoir. On peut le regretter, mais tels furent les faits, même si, exceptionnellement, des Pieds noirs ont pu continuer à titre individuel à vivre en Algérie après l’indépendance, mais d’une Algérie devenue du coup uniquement arabe et islamique.
On doit rappeler qu’il y a d’autres précédents historiques de ce type, en particulier le traité de Potsdam[17] signé en juin 1945 par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS, qui avaient acté du fait qu’il était devenu impossible d’envisager après la fin du 3e Reich une cohabitation entre Allemands et Polonais, Soviétiques ou Tchèques, et que la population allemande résidant dans ces pays devait être déplacée vers ce qui restait de l’Allemagne en 1945. La Yougoslavie n’avait pas été prise en compte dans ce traité, moyennant quoi on a assisté à des massacres de masse de la population allemande de Voïvodine et à l’expulsion violente du reste.
Qu’en est-il dès lors sur le territoire de la Palestine historique du Jourdain à la mer ? Après les crimes de masses qui ont été commis à Gaza par l’armée d’Israël et après ce qui se passe toujours en Cisjordanie, sans négliger les répressions visant lesdits « Arabes israéliens » à l’intérieur de la « ligne verte » et sans même mentionner ce qui se passe au Liban, en Iran, au Yémen, en Syrie voire en Jordanie et en Égypte, est-il possible d’envisager qu’une cohabitation des populations arabe et juive soit encore réalisable en Palestine? Et donc comment pourrait désormais se réaliser la solution à un État ?
Dans ce contexte et après ces rappels, il faut tout d’abord prendre conscience du fait que plus d’un million d’Israéliens ont déjà émigré d’Israël[18], qu’on estime à un million le nombre d’Israéliens qui ont gardé ou repris la citoyenneté du pays de leurs ancêtres, Pologne, Roumanie, Hongrie, etc., et qu’il y a plus d’un million de juifs « post-soviétiques » dont les liens avec la Russie, la Biélorussie ou l’Ukraine sont maintenus. Il est clair que cela est dû à des affinités culturelles mais cela témoigne aussi de la nécessité pour eux de posséder une « assurance vie » en cas d’effondrement du projet sioniste, ce qui en dit long sur la fragilité du sentiment d’enracinement somme toute limité de beaucoup d’Israéliens envers la terre sainte, et ce qui contraste avec la fermeté manifestée sur le même sujet par la société palestinienne.
Par ailleurs, la Russie qui connaît bien les aléas de la situation dans le monde arabe et en Israël a maintenu officiellement le statut juif de la région autonome du Birobidjan créée sous Staline à la frontière chinoise. Ce projet n’avait pas produit les effets escomptés à l’époque où le Birobidjan était situé aux confins asiatiques de l’Union soviétique et à la frontière du protectorat japonais du Mandchoukouo mais aujourd’hui, il se trouve à la frontière de la très dynamique Chine sur la voie menant vers la Corée et le Japon, pays aux économies dynamiques ou porteuses de perspectives.
Il pourrait donc en être autrement et on comprend pourquoi les dirigeants de la nouvelle Russie n’ont pas voulu supprimer le statut juif du Birobidjan qui est actuellement purement fictif mais qui pourrait éventuellement servir à accueillir une population juive slavisée qui ne voudrait pas tenter le pari d’une cohabitation avec la population arabe palestinienne en cas d’effritement, voire d’effondrement de l’État et de l’économie israélienne.
Car ce qui s’est passé depuis le 7 octobre 2023 force autant les juifs que les Arabes palestiniens à se poser la question de leur capacité à cohabiter. Il faut prendre en compte le fait que si certains juifs israéliens semblent prêts à cohabiter avec les Palestiniens, d’autres n’imaginent même pas cette possibilité, en particulier bien sûr ceux qui ont commis des exactions irréparables. Certains n’y sont sans doute plus prêts, d’autres pourraient malgré tout envisager de rompre avec leurs ressentiments dans une perspective tout à fait nouvelle de cohabitation. Ce qui nécessitera une rupture mentale et assumée complète avec le projet sioniste, comme ce fut le cas d’autres entités politiques condamnées par l’Histoire, comme l’Afrique du sud.
La rupture fondamentale nécessaire pouvant garantir la cohabitation de ceux qui en auront fait le choix
Ce qui bloque toute idée d’un État unitaire binational dans le contexte actuel pour ceux qui sont près à rompre avec l’idée d’un État ethniquement pur ou suprématiste, c’est en fait la question démographique qui crée chez les uns comme chez les autres la crainte de devenir la fraction minoritaire de la population d’un tel État, à terme donc menacée ou marginalisée.
Et c’est là où la question de la reconstruction du projet d’autonomie nationale-culturelle mentionné plus haut et dans notre intervention de 2020 permet de trouver une porte de sortie acceptable pour toutes les parties. Car cette autonomie peut être applicable indépendamment de la proportion d’habitants sur un même territoire et elle garantit donc à tous le droit de s’appuyer sur une structure officielle protégeant ladite communauté. Bien sûr, cela nécessitera d’établir des règles précises concernant la gestion du territoire, les forces de polices, l’armée, les droits de propriété ou de compensations pour des propriétés perdues, mais puisque, dans un tel scénario, on aurait affaire à des Palestiniens arabes ou juifs qui auraient choisi de rester ou de rentrer dans une Palestine binationale, cela constituera une telle rupture qu’elle enlèvera la menace représentée par une grande partie de ceux qui restent habités par un esprit colonial excluant toute cohabitation, et qui n’auront d’autre solution que de quitter le pays.
C’est cette rupture qui pourrait ainsi créer une coupure mentale salutaire entre « l’avant » et « l’après », permettant de construire les principes fondateurs et la légitimité d’une entité politique tout à fait nouvelle et, cette fois, en grande partie consensuelle. Car le fondement de toute paix authentique ne peut se faire qu’à la suite d’une rupture mentale complète avec un passé douloureux et sordide qui a précédé. On a pu constater un processus similaire en Afrique du Sud, mais les choses s’y sont finalement mieux passées dans ce cas puisque ce ne sont pas les forces extrémistes qui ont pris le pouvoir et mené des massacres de masse du côté de la minorité colonisatrice blanche, mais au contraire celles qui étaient conscientes de l’évolution de la situation internationale et de l’impossibilité de continuer sur la voie de l’apartheid. Il a donc été possible dès lors d’accepter la délégitimation de l’apartheid et de négocier avec la majorité de la population un compromis qui tient plus ou moins bien jusqu’à ce jour, mais qui a en tous cas réussi à promouvoir une rupture avec le passé et l’élaboration de nouveaux principes fondateurs. Ce qui est à l’opposé de la situation prévalant aujourd’hui en Israël, le sionisme ayant abouti à la création d’un État de plus en plus radicalement extrémiste, expansionniste et exceptionnellement brutal.
Il n’y a dès lors plus d’autre solution que de rompre tôt ou tard avec le processus qui n’a abouti qu’à créer guerres et désolations dans toute la région afin de refonder, pour ceux qui le voudront, un État ayant radicalement rompu avec la situation antérieure, binational, unitaire, avec autonomie nationale-culturelle garantie pour chaque communauté. Ce qui nécessite aussi de la part des États étrangers de cesser d’aider un État qui s’est révélé irréformable afin de forcer à un changement radical de paradigme fondateur et d’aider dans la mesure du possible au processus en accueillant ceux qui ne voudront pas participer à la fondation du nouvel État et en aidant à financer les processus d’installation et de compensations des populations revenant dans leur pays.
Est-ce qu’il y a encore une alternative à cette approche hormis des guerres sans fin financées par des puissances occidentales en crise et aboutissant à élargir constamment l’extension de ces guerres ? Pour ma part, je pense que le point de non-retour a été atteint et qu’il n’y a pas d’autre solution pacifique que celle proposée plus haut.
S.E.M. Michel RAIMBAUD, Ancien ambassadeur de France, ancien Directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA),
« La Palestine au péril de l’islamisme »
Quel destin pour la Palestine ? Il y a longtemps que je me demande quel destin pour la Palestine. Le titre de mon intervention est « La Palestine au péril de l’islamisme ». Je précise tout de suite, pour qu’il n’y ait pas de malentendus, que j’ai bien distingué entre l’islam, et l’islamisme, je parlerai donc bien de l’islamisme, notamment politique, et non pas de l’islam pour lequel j’ai le plus grand respect comme chacun peut le savoir.
Il est bien loin le temps où la cause palestinienne était indiscutablement la cause sacrée des Arabes. Celle qui scellait leur unité par-delà toutes les controverses et toutes les différences. Signe des temps, lorsque l’on parle maintenant des problèmes du Proche-Orient, on ne pense plus à la tragédie palestinienne perpétuelle, on n’a même plus la nostalgie de la solidarité de jadis, l’indifférence des Arabes ou leur résignation étant devenues une donnée fondamentale de la situation. C’est ma position du moins. Bref, ce Proche-Orient, déchiré par la violence permanente et les conflits, n’est même plus considéré dans le vaste monde comme le cœur du monde arabe, où survivait encore une volonté de résistance symbolique, ne serait-ce que pour resserrer les rangs dans une situation d’urgence.
Venant après la destruction de l’Irak il y a maintenant une vingtaine d’années, après l’épuisement du Liban confronté sans trêve aux associonistes, le tufan al-Aqsa, toujours d’actualité depuis un an et demi, puis l’impressionnante chute de la Syrie il y a quelques mois, le destin d’Israël semble désormais assuré malgré la dérive de ses comportements. État créé par une résolution de l’assemblée générale des Nations Unies, l’état sioniste n’a jamais cru bon de respecter le droit international ou onusien. Il ne peut que s’en féliciter. Depuis sa création en 1947 il a violé ou ignoré des dizaines, peut-être des centaines, peut-être plus, de résolutions de l’assemblée générale ou du conseil de sécurité, et ceci jusqu’à aujourd’hui. Il revendique même haut et fort l’atroce génocide dont sont victimes les Palestiniens de la Bande de Gaza et les Palestiniens du reste de la Palestine. Mais il bénéficie pourtant du soutien de l’Occident, puisqu’il en fait partie de facto. Étape après étape, guerre après guerre, violation après violation, il s’est acquis une impunité en béton armé. C’est le chéri des Européens, hantés par le remord de l’Holocauste, par l’Amérique imprégnée par un sionisme protestant encore plus efficace que son modèle, et de tous les innombrables rejetons, affidés et relais de l’Occident collectif, comme on dit aujourd’hui, ou d’ailleurs. Ledit Proche-Orient, en bref, est désormais perçu comme le champ de valeur légitime des sionistes.
En revanche, la cause palestinienne a perdu peu à peu son importance sur la scène mondiale, notamment son statut politique auprès des gouvernements. Notamment dans les pays où elle recrutait ses sympathisants et ses militants. Alors qu’en 1947 à la création de l’État d’Israël, la question palestinienne était considérée comme une question incontournable de droit international, elle est devenue progressivement, au rythme des guerres et des défaites arabes, une question de réfugiés, en Jordanie et à Jérusalem. Bien que le retour des Palestiniens expulsés de leurs terres en 1947 ait été prévu, on l’oublie souvent, mais mon prédécesseur l’a bien noté, par la résolution 194 de l’assemblée générale des Nations Unies. La question de Palestine a fini par se banaliser, non seulement auprès des occidentaux, mais également au sein de la communauté internationale – ou de ce qui en tient lieu désormais.
Mais l’Histoire a parfois des rebondissements imprévus. C’est ainsi qu’en un peu plus d’un an et à la surprise générale, l’échiquier géopolitique de la terre sainte a été profondément bouleversé par deux coups de théâtre spectaculaires sous le regard d’un ogre ressuscité, nommé Donald. Le coup d’envoi a été donné par un acteur imprévu, en octobre 2023, en Palestine dans la Bande de Gaza, gigantesque prison à ciel ouvert devenue finalement camp de concentration et cimetière pour plus de deux millions de Palestiniens.
Mon premier point, ce sera donc l’islamisme arabe militant de la cause palestinienne.
Déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas islamique, tufan al-Aqsa a redonné à la cause palestinienne une centralité que l’on croyait oubliée. C’est du moins la formule utilisée par beaucoup de partisans de la méthode de Yahya Sinouar, le concepteur de l’opération, lancé par son organisation en coordination avec 7 ou 8 autres groupes palestiniens de divers obédiences.
Il est clair qu’un peuple occupé a le droit de se défendre, et par tous les moyens. On ne peut qualifier de terrorisme un acte de résistance. On peut être choqué de la violence des événements, et les sionistes ont joué à fond sur cette corde sensible, mais le traitement réservé depuis 75 ans aux victimes de la Nakba et de l’usurpation par des colonisateurs venus de partout, est infiniment plus choquante.
Pourtant, le mensonge de la narrative occidentale étant ce qu’il est, on peut in fine se demander si le tufan, ce raz-de-marée, aura servi la cause palestinienne, ou s’il lui aura porté préjudice. En tout cas, ce raz-de-marée a envahi de part en part l’axe de la résistance, ce corridor chiite qui relie l’Iran à la Méditerranée via l’Irak, la Syrie et le Liban, et ce au grand dam d’Israël. On peut s’interroger sur les motivations du Hamas, qui gouvernait la Bande de Gaza en bon père de famille depuis les élections de 2006, à la faveur non pas d’une complicité, mais d’un modus vivendi avec le gouvernement Netanyahou. Pourquoi cette mutation soudaine d’une organisation connue jusqu’alors surtout pour ses démêlés avec les autorités de Damas. Il faut prendre en compte le changement de pouvoir au sein du mouvement. Yahya Sinouar, le chef militaire du Hamas ayant évincé les leaders qui avaient failli à ses yeux. D’où le dessein de briser le statu quo et de déclencher contre l’occupant israélien une véritable guerre, un soulèvement armé, une intifada. Le tout sur la base d’un refus des accords d’Oslo qui avaient dupé les Arabes. Pour Sinouar il fallait avant tout faire face aux extrémistes israéliens et aux colons.
Depuis son déclenchement d’une extrême violence, la tragédie gazaouie : accalmie et regain de violence
Au 21 mars 2025, alors qu’on continue d’exhumer des dizaines et des dizaines de corps ensevelis sous les décombres après seize mois de bombardements israéliens, le dernier bilan des pertes palestiniennes fait état de 50 000 tués, dont 17 500 enfants, donc le tiers, 120 000 blessés dont plus de 25 000 enfants, et 14 000 disparus. Si l’on rajoute les pertes indirectes (les famines, épidémies, défauts de soin et autres) le montant total serait aujourd’hui de près de 250 000 morts, un chiffre sans doute sous-estimé. Sur un an, les femmes et les enfants représenteraient près de 70 % des morts dans la Bande de Gaza, selon l’ONU. On rappellera pour mémoire que le gouvernement israélien est accusé de conduire un génocide « plausible » (j’aime beaucoup l’expression…) et que la Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé à l’été 2024 des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de Netanyahou et de deux ou trois de ses ministres. Sans suite, bien sûr, sauf que les États-Unis ont lancé une mise en garde, non pas contre Netanyahou, mais contre les juges de la Cour Pénale Internationale. Je passe donc à autre chose, je pense que tout le monde aura compris ce que je veux dire.
L’islamisme djihadiste qui, lui, est indifférent à la cause palestinienne
Quatorze mois après le déclenchement du tufan al-Aqsa, du 27 novembre au 7 décembre 2024 des djihadistes du groupe al-Tahrir al-Cham, qui sont les héritiers d’al-Nosra qui avait les faveurs de notre ministre Fabius pour leur « bon boulot » ont surgi de l’émirat de facto d’Idlib, créé sous la tutelle turque dans le Nord syrien, sous la protection de la Turquie dont la position – on doit le dire – à l’égard d’Israël et de la cause palestinienne est fondamentalement, « parfois », ambigüe… Donc l’émirat de facto dans le Nord syrien, et dans un développement totalement imprévu, donc ont transformé leur incursion en une marche sur Damas improvisée, provoquant le lâchage de la Russie – je m’excuse – soucieuse de préserver ses intérêts, l’effacement de Bachar el-Assad et la fin du régime baasiste après 57 ans de règne.
L’aspect le plus spectaculaire de l’opération aura été d’effacer de la carte géopolitique le cœur battant de l’arabisme ou de l’arabité, le seul État arabe à vénérer la Palestine, qui est considéré par Damas comme un pan de Syrie arraché par le colonialisme, ce qui est exact de mon point de vue. Les assaillants annoncent alors immédiatement la couleur en mettant à la place du régime du clan Assad un État islamiste. Présenté comme une grande victoire pour le peuple syrien, le nouveau régime s’avère d’emblée assez pittoresque et imprévisible dans ses pratiques.
Il apparait dès sa mise en place qu’il est totalement insensible à la cause sacrée, et qu’il est pressé de courtiser l’État sioniste, près à établir avec lui des liens imprévus de bon voisinage et davantage si affinités. Le destin du peuple palestinien n’est nulle part évoqué, et il n’est nulle part question de soutenir sa cause face à l’usurpation ou l’agression sioniste. Il ne fait pas de doute que ce comportement est imprévu et quasiment miraculeux pour les dirigeants de Tel-Aviv. De façon assez stupéfiante, l’équipée du Hayat Tahrir al-Cham est parvenue à son terme avec la prise de pouvoir d’al-Joulani et de ses compagnons de route, que l’armée israélienne prend en quelques sortes le relais, en lançant son offensive à partir de la région Sud, le Golan et en s’approchant de Damas. Elle entreprend alors la destruction systématique de toutes les installations ou bases de l’armée, de l’aviation, de la marine syrienne. La cause palestinienne en tout cas ne sera nulle part mentionnée dans les déclarations des gouvernants de facto. De toute évidence, elle ne les intéresse pas, et pas plus son chef Ahmed al-Charaa. Par contre, des propos du président « sont sans ambiguïté et plein de compréhension et dispositions favorables à l’égard d’Israël ». Sans doute surpris de tant d’affection de la part d’un dirigeant « syrien », la Syrie nouvelle est manifestement prête à tous les sacrifices pour améliorer son image auprès des autorités étasuniennes, surtout à l’heure où une vieille connaissance, Donald Trump, fait son grand retour à la Maison Blanche. On ne peut qu’être frappés de l’indifférence d’Ahmed al-Charaa face aux propos de certaines voix d’Outre-Atlantique, qui semblent stimuler ses efforts pour paraitre raisonnable et ses bonnes dispositions face au gouvernement israélien. Décidément, le sort des Palestiniens, dont la Syrie baasiste était le soutien, ne fera pas partie des préoccupations de la Syrie révolutionnaire.
Troisièmement, l’islamisme abrahamique complaisant pour le sionisme
Toute perspective abrahamique devrait sembler illusoire. La descendance d’Abraham excluant d’après la Bible et dans la vision sioniste, les fils d’Ismaël, c’est-à-dire les Arabes. C’est pourquoi le sionisme arabe, dit abrahamique, est un phénomène assez remarquable, mais assez incompréhensible, traduisant le désarroi de régimes désarmés dans une évolution de l’ordre mondial qu’ils ne parviennent pas à maîtriser. L’État abrahamique est venu au monde non loin des lieux saints de l’islam, épargnant ceux-ci de justesse. Un concept d’avenir ou un leurre, des Émirats arabes unis (EAU) semblent avoir été les chefs de file d’un projet qui aurait impliqué les émirats eux-mêmes, tous les autres États de la péninsule, les États du Proche-Orient, mais c’est Israël qui en aurait été le leader de facto.
En tout cas, saisis soudain par une modernité compulsive, certains États arabes ont accepté de signer des accords qui reviennent à absoudre Israël pour sa politique de liquidation et d’apartheid en Palestine et à abandonner la cause sacrée des Arabes. On ne saura jamais ce qui a bien pu inspirer la naissance d’un projet abrahamique au cœur des émirats, sinon le désir d’exister à tout prix en s’affirmant face à l’Arabie Saoudite, une des grandes puissances de la région, à une période où le jeune Mohamed Ben Salman lui-même cherchait à s’imposer au sein de l’establishment wahhabite par tous les moyens. Sans doute, l’héritier présomptif du trône saoudien n’avait-il pas réussi son examen de passage devant le redoutable Trump, ou du moins l’avait-il fait trop tard et à titre provisoire. Toujours est-il qu’il faut se rendre à l’évidence. Si l’Arabie de Mohamed Ben Salman n’a peut-être pas été indifférente à cette abrahamisme, elle n’a pas franchi le pas, sans doute en tant que gardienne des lieux saints, alors que le souverain du Maroc, lui, parrain du comité al-Quds, n’a pas reculé. Toujours est-il que vers la fin du mandat Trump et au temps de Joe Biden, les EAU ont été promus en lieu et place de l’Arabie pour (…) et de parrain de la normalisation avec Israël au nom de la fumeuse doctrine. Celle-ci, assez contagieuse à l’instar de la Covid, développe déjà des variants.
L’originel, variant péninsulaire et golfique, se traduit par une fièvre bâtisseuse de temples monothéistes qui semblent se fondre tant bien que mal au milieu des Disneyland, des villes géantes inutiles, des enfers du jeu et du tape-à-l’œil, dont la finalité reste mystérieuse. C’est une spiritualité d’inspecteur-gadget, celle d’un islam fondamentaliste peu tolérant et hors du temps, qui aurait décidé de faire une entrée tonitruante dans le siècle avec tambours et trompettes. Derrière toutes ces manœuvres ou en parallèle, les accords abrahamiques poursuivent leur petit bonhomme de chemin, sous la houlette de leurs promoteurs arabes, le Qatar et les EAU en tête, avec des alliés de choix, le Maroc, dont le souverain descendant du Prophète est président du comité al-Quds, je l’ai déjà dit, et des soutiens branlants, tels que le Soudan, jadis frère des Frères musulmans au temps d’Omar el-Bechir et Hassan al-Tourabi et la Somalie. Le projet abrahamique excluait évidemment la Syrie, cœur de la région, le Liban et les miettes restantes de la Palestine arabe passées avec pertes et profits, la puissance occupante étant censé représenter les Palestiniens à la manière des métropoles de jadis qui représentaient leurs colonies.
La réalisation du Grand Israël, la transaction du siècle et la liquidation de la Palestine a pu paraitre entérinée sans rémission, mais à tort. La « transition du siècle », que l’on croyait oubliée est sans doute réapparue à la surface avec le retour à la Maison Blanche de Donald Trump et de ses projets. Par exemple, transformer Gaza en site de villégiature sur les décombres de Gaza et les innombrables cadavres des martyres palestiniens. Le but est de disperser les Palestiniens, etc. etc. Puisqu’il est entendu que ceux-ci ont perdu la partie, ils doivent partir. Vers où les expédier ? Vers d’autres pays arabes qui n’en veulent pas, voire n’importe où, ou vers les destinations les plus improbables ou probables : Égypte, Sinaï, Syrie, Somalie, Liban, Rwanda, n’importe quoi finalement.
L’accord de normalisation Israël-Émirats en tout cas, qui était l’accord-cadre, est une stratégie volontariste visant à se tailler un statut privilégié avec les moyens du bord, (…) qatari. Doha avait joué à fond l’accord confessionnel et ses accointances fréristes avec la Turquie, au point d’avoir été un temps le leader financier du djihad en Syrie. Abou Dabi, lui, veut s’imposer par le biais d’une diplomatie publique, comme le portail des entrées dans la construction abrahamique. Lors de son premier mandat, Donald Trump, dont la subtilité politique est bien connue, avait estimé que ces menues imperfections pourraient être réparées et oubliées par le biais d’une « transaction du siècle » proposée aux Arabes par le biais de gendre Jared Kushner. Trump était parti et sa transaction avait disparu dans la foulée. Le voilà revenu, et avec lui les solutions les plus expéditives. Au Diable les Palestiniens, et si possible le plus loin possible d’Israël ! L’abrahamisme marginalisait, portait atteinte à la cause palestinienne, sinon la mettait à mort. Mais on espère que non. Moi j’espère que non.
Il semble difficile dans ces conditions de ne pas s’interroger sur le devenir de la cause palestinienne, dépendant pour le meilleur et pour le pire de moyens contestés, que j’ai signalé, c’est-à-dire imprévues. Pour la plus grande satisfaction des sionistes, qui trouvent l’occasion de faire un pas de géant vers la création d’un Grand Israël entre les grands fleuves, du Nil à l’Euphrate. Pour les militants et défenseurs de la cause palestinienne, une chose est certaine. Ils n’ont rien à attendre des islamistes concernant la défense de leur cause. Qu’ils soient Arabes militants ou djihadistes fanatiques, ou abrahamiques complaisants comme le seront les sionistes arabes au retour de Trump, l’islamisme ne sera d’aucun retour, on peut le déplorer, pour la cause palestinienne. Mais tant mieux pour elle, qui n’aura pas à courir les dangers de l’islamisme. À moins de considérer le chiisme comme un islamisme politique. Mais ceci est un autre débat. Alors pour couper ce débat, il suffit de voir quels sont les objectifs réels de ceux qui dénoncent ce qu’ils appellent les mollahs. Ce ne sont ni des amis de la cause arabe, ni les soutiens d’une Palestine libérée, et cela suffit à le classer.
S.E.M. Sawfat IBRAGHITH, Ambassadeur désigné pour la délégation permanente de l’État de Palestine auprès de l’Unesco,
« La Palestine comme valeur ajoutée à la Paix et à la sécurité internationales »
C’est une joie d’être parmi vous autour de cette honorable table, face à de hautes personnalités, un élan qui regroupe à la fois des académiques, des diplomates collègues, de pays frères et amis, la Turquie, l’Iran, le Mali, et donc je vous salue vous tous ici présents. C’est mon deuxième passage en moins de dix jours. Je vais vous lire les deux pages que j’ai préparé, mais je souhaite aussi évoquer d’autres points pas abordés dans ces deux pages, effectivement pour répondre et commenter la magnifique présentation faite par le M. le Recteur Dumont, tout d’abord, et aussi par M. l’Ambassadeur Raimbaud, donc plein de points et de questions à soulever un peu plus tard.
La Palestine, connue à travers l’histoire humaine comme terre des civilisations, lieu sacré pour les trois grandes religions monothéistes, mais aussi pays d’asile pour les opprimés de la région. Elle a toujours été un espace de tolérance, de coexistence et de spiritualité. Cette histoire, cette diversité culturelle et religieuse, font d’elle un terreau fertile pour imaginer un modèle de paix juste et durable, fondé sur la reconnaissance mutuelle, le respect et la dignité partagée.
Pour mieux évoquer ce thème, il faudra, d’abord, passer en revue ces deux concepts : la paix et la sécurité, et voir leurs implications dans la question palestinienne.
Pour les Palestiniens, la paix ne peut se réduire à une simple absence de guerre ou à une coexistence forcée entre occupants et occupés ; car c’est simplement appelé le « diktat des vainqueurs ». Mais la paix réelle doit, absolument, inclure l’aspect de droit et de justice, pour perdurer dans le temps et dans l’espace. Il s’agit seulement d’une paix entre égaux, la seule forme fiable et possible.
La paix en Palestine passe, donc, par la réalisation des droits fondamentaux du peuple palestinien tout en respectant la sécurité pour tous. Par contre, la machine impérialiste et colonialiste s’y oppose certes ; il faut donc approfondir l’étude de l’origine de ce mal.
Quant à la sécurité, qui est un concept souvent accaparé par ces mêmes puissances pour justifier des politiques oppressives ou des guerres préventives, il est sûr que la cause palestinienne reste au cœur de l’instabilité régionale, mais non pas parce qu’elle est la source des violences, mais plutôt la conséquence du non règlement de ce mal, qu’est l’arrogance et la complicité de certaines puissances, en soutien de l’impunité de l’occupation sur place.
Tant que cette injustice persistera, les réactions continueront.
La Palestine agit comme un métronome de la paix régionale. Son oppression nourrit les tensions, ses résistances éveillent les consciences. C’est une logique de cause à effet, de violence et de contre-violence, nourrie par le refus d’un règlement juste.
Du point de vue palestinien, la sécurité ne peut être imposée sous forme unilatérale (celle d’un régime au détriment d’un autre peuple). Comme la paix, elle est, aussi, mutuelle : la sécurité des uns ne peut reposer sur l’insécurité des autres. Malheureusement, c’est exactement ce qui se passe dans la tragédie palestinienne sans arrêt depuis le début de conflit. Dans un contexte d’occupation et de colonisation, la sécurité des Palestiniens n’a jamais été évoquée, alors que pourtant les Palestiniens constituent la majorité écrasante du nombre des victimes tout au long d’un siècle de négation.
Il est donc primordial de reconsidérer la sécurité des Palestiniens comme la condition première d’un rétablissement d’ordre régionale et mondial. Autrement dit, il ne peut y avoir de sécurité internationale durable sans que la Palestine soit reconnue dans ses droits et à l’intérieur de ses frontières sécurisées, l’alternative serait de voir le conflit persister jusqu’à l’infini.
Face à cela, l’ONU a été à la fois une tribune d’expression et de défense du droit palestinien… et le témoin vivant de son non-respect et de l’impunité de ceux qui le violent.
La reconnaissance de l’État de Palestine comme observateur non-membre en 2012 fut un moment fort, tout comme la multiplication des résolutions affirmant le droit à l’autodétermination, la fin de l’occupation, le retour des réfugiés, l’illégalité des colonies, etc. Mais dans la réalité, ces décisions restent non contraignantes et non appliquées.
C’est comme cela que le monde s’est vu divisé au lendemain de la seconde guerre mondiale, cinq zones d’intérêts étaient départagées entre cinq grandes puissances. Malheureusement, Le Conseil de sécurité est souvent paralysé par le veto américain et parfois britannique, qui protège Israël contre toute sanction, même en cas de violations graves du droit international. Entre la Palestine occupée par Israël et l’Ukraine occupée par la Fédération de Russie, ce contraste est devenu flagrant et insupportable.
Cette politique de deux poids deux mesures affaiblit la crédibilité de l’ONU et sape toute confiance palestinienne dans le système international. Pourtant, les Palestiniens continuent à recourir à l’ONU, à ses agences, à ses tribunaux comme lieu de résistance diplomatique, juridique et symbolique.
Les Palestiniens ont toujours tenté de faire entendre leur voix par les moyens légitimes conformément au droit international, mais la doctrine palestinienne – basée sur la force du droit – commence à s’incliner devant l’autre doctrine basée sur le droit de plus fort.
J’ai terminé la lecture de mes deux pages. C’est une petite contribution, mais j’aimerais passer en revue certains points que j’ai notés.
Mais d’abord, il faut que je rappelle à l’assemblée présente qu’aujourd’hui il s’est écoulé cent ans depuis cette déclaration Balfour. Soixante-dix-huit ans depuis la date de cette résolution de partage, dite plan de partage. Plus de trente-deux ans depuis l’accord d’Oslo entre Palestiniens et Israéliens. Treize ans depuis l’accession historique de l’État de Palestine à l’ONU, en tant que, bien sûr, membre observateur. Huit ans depuis la déclaration des trente, la déclaration scandaleuse, la première, qui fait reconnaître Jérusalem et les plateaux de Golan au Syrien, les deux occupés, comme étant israéliens et qu’ils ont pris de la souveraineté israélienne.
Mais la dure réalité se présente aujourd’hui encore dans une période très sombre, très difficile, face à un monde plutôt tiraillé et déchiré dans des zones d’intérêt et loin de tout principe et de toute valeur qui concerne l’homme. Donc, l’intérêt a pris le dessus. Face également à des pays arabes trop affaiblis par leurs querelles fratricides et face aujourd’hui à une position américaine très radicale, doctrinalement radicale, hostile et même trop alignée à l’islam. Absence totale de toute avancée politique réelle. On assistera à l’extinction du programme, l’extinction programmée de la lueur d’espoir. La seule lueur d’espoir qui existe jusqu’à aujourd’hui, depuis Oslo, c’est cette solution à deux États. On est d’accord, cette solution est en train de disparaître. Mais on assiste aussi à cette roue qui tourne, la Nakba, qui est le retour de 1948 en 2025. On voit encore les pires des scénarios en direct très sévèrement. Apparemment, les descendants des bourreaux d’hier s’acharnent à terminer ce que leurs ancêtres n’ont pas pu finir.
Excellence Dumont, nous sommes en face d’un conflit de concepts. La patrie, et l’État. Peu importe les différents scénarios politiques, peu importe le compromis politique que les Palestiniens ont accepté sous le diktat et sous les rapports de force qui règnent, la solution à deux États n’était pas une solution palestinienne. Les Palestiniens s’acharnent à préserver leur place sur cette Terre. Ils voudraient seulement et avant tout garder leur dignité en vivant chez eux, comme toute autre nation, librement et dignement. Donc, la partition peut être un projet malsain, peut être un projet qui n’a pas sa place. Mais prouvez-nous que la partition ailleurs a amené à une guerre. La partition de Chypre garde quand même le statu quo de Chypriotes en paix, divisés, mais chacun pour, chacun dans son camp. La Bosnie, c’est la même chose. Kosovo, c’est la même chose. Donc, la partition n’a peut-être pas amené à des guerres ou à la continuité des massacres, on a vu en Bosnie, on a vu au Kosovo, la situation s’est calmée, la guerre est terminée, mais les peuples ne sont pas réconciliés. Ça, je suis d’accord aussi. Et ça va être le cas entre Palestiniens et Israéliens dans le cas où la partition sera dessinée correctement. Parce qu’entre paix et réconciliation, il y a aussi une grande procédure à faire pour amener les deux peuples à se réconcilier, il faut que le bourreau reconnaisse déjà le mal qu’il a commis, qu’il accepte de dédommager les victimes et de réparer l’injustice. Dans ce cas, chaque individu dans le peuple palestinien, je peux le garantir, il sera d’accord de vivre à côté d’un Israélien et il sera d’accord de vivre sans problème avec lui, de marchander avec lui, de l’inviter au dîner, comme les Allemands et les Français. Dans certaines époques, c’était très conflictuel.
Donc, il faut faire la différence entre certains concepts, paix et réconciliation, entre compromis politique et patrie. Les Palestiniens n’ont jamais renoncé à leur patrie. Même le compromis politique qui était proposé et qui était accepté par l’OLP n’enlève aucune importance à cet attachement individuel palestinien à leur patrie, toute leur patrie. Et quand on parle de la Palestine, il ne faut pas que ça devienne une exception.
Maintenant, la partition de la Grande Syrie, selon Sykes-Picot, a réussi à départager la Grande Syrie en morceaux. Il y a la Syrie actuelle moderne, il y a le Liban, il y a l’Irak, il y a la Jordanie, qui n’existent pas avant 1948, il y a la Palestine. Donc quand on parle de patriotisme ou d’une nation, d’une identité nationale, il faut que les Palestiniens soient traités sur le même pied d’égalité que les autres. Ou bien on revient en arrière et on voudrait tous se faire dissoudre dans la grande Syrie. Il n’y a pas de problème, les Palestiniens accepteront. Ou bien, on ne veut plus de parler des frontières et des nominations politiques, à condition que les réfugiés palestiniens récupèrent leurs biens et reviennent dans leur pays d’origine. Il n’y a pas de problème. Les Juifs vivaient parmi nous. Ce n’était pas un problème contre les Juifs. Les Juifs n’étaient jamais visés dans cette question.
Le problème, comme vous le savez, de l’antisémitisme, c’est un problème chrétien-européen. Les Palestiniens en paient le prix un peu plus tard. Ça s’est passé, comme vous l’avez très bien signalé, dans l’Europe de l’Est, et nous sommes témoins, et nous sommes solidaires. Parce que nous, comme nous refusons toute forme de racisme contre les Palestiniens, nous le refusons également contre les Juifs ou contre n’importe quel groupe ethnique ou religieux. Mais la Palestine n’avait pas, n’avait jamais été un problème des cohabitations entre les religions. La preuve, c’est qu’ils vivaient en Palestine, ils étaient respectés, on s’échangeait des visites, les chrétiens sont toujours là, euh et ils font partie— même les Juifs palestiniens existaient et existent toujours. Ils sont représentés au sein de nos instances législatives et exécutives.
Mais il faut qu’on soit d’accord sur au moins une notion qui est cette notion qui donne au peuple palestinien son droit à l’autodétermination, son droit à l’existence, à la vie, mais une vie digne et normale et en paix comme toute autre nation. Le règlement de la question juive a été, j’espère que vous partagez ça au moins avec moi, a été exploité par un esprit impérialiste et colonialiste.
La question juive qui existait en Europe, et pour résoudre cette question, on ne l’a en fait pas résolu, on l’a résolue en créant d’autres problèmes parce qu’on est soucieux ces tensions dans cette partie du monde. Malheureusement, les Palestiniens sont victimes de cet Israël et de tous ceux qui l’ont créé. Mais les Juifs sont aussi victimes indirectes de cette même puissance. Ça, c’est mon point de vue. Et donc, il faut faire la différence entre aussi être juif et être colon en Cisjordanie. Il n’y a pas de problème à être juif. On peut dialoguer. On n’a pas de problème, c’est une autre dimension.
Nous, on parle de conflit politique existentielle. Il y a le problème religieux, qui nécessite des théologiens. Mais nous, on a besoin de faire cette différence et de démarquer les frontières entre tous ces cas. Il ne faut pas tout mélanger. La diaspora juive et l’immigration en Palestine n’est pas la même chose. Ce n’est pas une diaspora volontaire. Ça a été systématiquement programmé pour occuper une autre terre, sous d’autres, aussi, mythes. On sait que Theodor Herzl est parti avec une bonne volonté, trouver une solution pour les Juifs en Europe. Mais la propagande qui a succédé a fait qu’ils ont commencé à avoir recours à des mensonges. La Palestine a été décrite comme une terre où coulent le miel et le lait, le désert qui était fleuri… Tout ça, c’est des mensonges. « La Palestine est une terre vide, est une terre sans peuple » : ça aussi, c’était un mensonge.
Donc, il doit vraiment être tenu compte de tout cela dans notre débat et c’est important. Je m’arrête là parce que je ne veux pas abuser plus, mais je suis à votre disposition pour débattre sur d’autres questions.
Michael J. STRAUSS, Professeur de droit international et de relations internationales au Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques (CEDS), et professeur de droit pénal international à l’Université Catholique de Lille,
« Un nouveau mécanisme pour une solution à deux États ».
Merci pour l’invitation à participer dans cet excellent colloque. Je vais d’abord mentionner qu’il y a deux types de problèmes à résoudre quand on parle d’une solution à deux États. Il y a des problèmes politiques et des problèmes pratiques.
Les problèmes politiques ne peuvent pas vraiment être résolus d’une manière durable sans adresser le problème pratique, et donc il semble que le problème pratique le plus important est la présence des colonies et des avant-postes, des habitants, 700 000 Israéliens en Cisjordanie. Qu’est-ce qu’on va faire avec ces gens dans un sens pratique ? Il y avait des propositions d’envoyer les habitants de ces colonies en Israël (…), mais comment peut-on absorber une certaine population qui est dans un sens général beaucoup plus extrême, et peut-être plus violente que les autres habitants de ce territoire original d’Israël ? En même temps, comment un État palestinien souverain peut-il exister facilement sur un territoire qui contient des centaines de zones avec des populations potentiellement hostiles ? C’est le vrai cœur des problèmes pratiques.
La location de territoires entre États peut offrir une réponse potentielle. J’ai quelques diapositives qui expliquent ce qu’est un bail de territoire, mais dans le cadre d’un bail bilatéral, essentiellement un État souverain sur un territoire accorde à un autre État certaines voix souveraines dans une zone déterminée. Des baux territoriaux entre États sont souvent conclus pour des raisons telles que l’établissement de bases militaires étrangères ou l’exploitation des ressources, mais ils peuvent également être utilisés pour résoudre des problèmes autrement insolubles concernant le territoire, la souveraineté, le pouvoir et l’autorité. En fait, cela a été fait à plusieurs reprises par beaucoup. C’était une solution de dernier recours, mais pourtant, chaque fois qu’elle fut utilisée, elle a réussi. (…) entre États sont similaires aux baux privés. Ils impliquent généralement un transfert de droits, une durée et une forme de compensation telle qu’un loyer. Ce qui les rend potentiellement utiles dans le cas comme celui de la Palestine, c’est qu’ils décomposent effectivement le concept de souveraineté en droits qui peuvent être transférés entre États.
La garde des droits peut être plus ou moins large et les États disposent d’une grande flexibilité dans les termes qu’ils négocient. Il y a environ vingt ans, deux universitaires aux États-Unis ont proposé un bail de territoire comme solution pour toutes la Cisjordanie. Mais j’ai étudié les baux territoriaux et je peux affirmer que le défaut de leur idée l’aurait rendu irréalisable. Et en tout état de cause, cette solution n’a jamais été sérieusement envisagée. Un scénario potentiellement réalisable contenant un bail territorial qui implique la Palestine en tant qu’État souverain indépendant sur le territoire où il existe actuellement. Les zones associées à chaque colonie israélienne en Cisjordanie peuvent être louée à Israël dans le cadre d’un accord qui confère à Israël la juridiction et le contrôle juridique de chaque zone tout en affirmant la souveraineté palestinienne dans la zone. C’est un peu comme le modèle qui existe pour plusieurs baux dont le bail de Guantanamo Bay à Cuba dont les États-Unis ont obtenu le contrôle, la juridiction complète dans la zone, tout en affirmant la souveraineté (…) de Cuba. Ces types d’accords permettraient aux lois, de réglementation et de fonctions administratives israéliennes existant dans la zone louée, ainsi que la vie quotidienne de leur population, de se poursuivre sans changement.
En d’autres termes, le statu quo serait maintenu, mais sa nature serait transformée. Les deux États pourraient négocier un bail unique couvrant toutes les zones concernées ou convenir de baux distincts, mais identiques pour chaque zone. L’une ou l’autre option permettrait à chaque État d’établir un point d’administration unique pour toutes les zones louées à la fois. L’une des leçons tirées des autres baux territoriaux, est-ce qu’ils peuvent devenir un point central pour la coordination bilatérale et la résolution des problèmes qui se posent ?
Alors, un bail de territoire entre deux États doit être acceptable par chaque État. Il faut avoir des choses qui attirent chaque État pour conclure ce type d’accord. Le bail pourrait prévoir un loyer annuel qu’Israël payerait à la Palestine pour le droit dont elle jouirait dans la zone louée. Le montant du loyer peut être fixé par les parties. Il peut être suffisamment élevé pour être attractif pour la Palestine ou il peut être basé sur l’évaluation de la valeur économique des zones ou sur une autre formule. Il peut prévoir les ajustements en cas de changements importants dans la valeur des zones ou dans le taux de change entre les monnaies israélienne et palestinienne. Le paiement régulier d’un loyer (…) de point de coopération entre les deux pays, est constitué également une affirmation récurrente par Israël de la souveraineté de la Palestine dans les zones louées. Il a cette fonction à la fois pratique et symbolique.
Le bail peut être négocié avec les clauses qui le rendent acceptable. Il faut négocier avec les clauses qui le rendent acceptable pour les deux pays. Par exemple, pour donner quelque chose qui peut être attirant à Israël, il peut stipuler que la Palestine peut utiliser le revenu du loyer à des fins autres que militaire, ou il peut spécifier des utilisations autorisées telles que la reconstruction, le développement, l’éducation, la santé, etc. La durée de l’accord peut être fixée à un nombre d’années déterminé, comme dans le cas du bail britannique de Hong Kong avec le Chine. Il peut être perpétuel, comme dans le cas de bail français de 25 kilomètres carrés à (…), où elle peut se situer entre les deux extrêmes.
J’ai créé quelques diapositives avec les éléments qui existent dans les différents baux territoriaux qui existent dans le monde. On peut vraiment négocier un bail avec beaucoup de choses spécifiques pour le territoire concerné et pour le conflit concerné.
On peut aller un peu plus loin avec certains indices dans le monde. En tout cas, tout élément de bail peut faire l’objet de divisions et d’ajustements réguliers selon le besoin. Selon le droit international, les baux de territoire entre deux États sont des arrangements tout à fait légaux.
Les colonies israéliennes existantes qui sont considérées comme illégales en dehors d’Israël seraient ainsi transformées en entités universellement considérées comme légales sans ambiguïté. S’il y a ce type d’accord, il y aurait sans aucun doute une résistance à cette idée parmi les populations et les gouvernements israélien et palestinien. Mais l’expérience d’autres baux a montré que cette résistance, bien qu’elle existe, peut être surmontée avec des conditions attrayantes et une bonne administration. Des conditions attrayantes qui peuvent être (…) dans le bail et attrayantes aux deux côtés, et bien sûr, en bonne administration. Parfois, c’est une question de terminologie, qui évite la terminologie qui peut provoquer des discours. En fait, la Jordanie et l’Israël ont créé deux baux de territoires mais ils ont évité la terminologie de bail.
D’abord, maintenant, je vous ai dit que ça existait. Mais pour démontrer la puissance de ce concept, c’était le tout dernier élément qui était abordé dans le traité de paix de 1994. Le traité était tout terminé, sauf que ça, il ne peut pas résoudre le problème d’où mettre la frontière. Enfin, c’était le Roi Hussein et le Premier ministre Rabin, eux-mêmes, qui ont accordé ces baux avec la prévision qu’il ne faut pas qu’il soit avéré qu’il s’agit d’un bail, qui ne peut pas être accepté par la population comme ça.
Donc, il faut faire un arrangement qui est politiquement acceptable et publiquement acceptable. Peut-être pas au début à tout moment, parce que souvent, le bail qui résout le problème de souveraineté et de contrôle, surtout si le problème avait existé pendant longtemps avec le violence, ça prend du temps. Mais par exemple, un loyer annuel peut être fixé bien au-delà de la valeur économique du territoire loué, des zones louées. Ça peut être intéressant pour le pays souverain, en ce cas la Palestine. Tandis qu’ Israël peut être attiré par la perspective d’éviter des effets perturbateurs sur l’économie et la population qui auraient été impliquées par le mouvement de 700 000 habitants à la partie israélienne de 1948. Il peut également bénéficier des avantages géopolitiques en transformant l’économie en entité juridique à part entière.
De manière plus générale, le bail du territoire serait un projet qui imposerait au moins une certaine coopération entre le gouvernement palestinien et israélien. Il peut donc servir de point de départ à l’amélioration des relations bilatérales et entre les populations. C’est ça qui est arrivé aux autres États. Il semble impossible, mais ce n’est pas impossible. Au fil du temps, il peut diminuer la résistance des populations concernées, c’est exactement ce qui s’est produit avec d’autres baux territoriaux, incluant un bail qui a mis fin à quelque chose qui a existé dans ce cas, que M. le Recteur Dumont a mentionné, c’est-à-dire une guerre perpétuelle.
Il y avait une guerre perpétuelle qui a été terminée par un bail et cette guerre est une guerre qui était très mal connue parce qu’isolée, mais assez violente. Elle a commencé bien avant l’année 1237, et terminé avec un bail en 1856. D’abord, c’était un conflit interne dans le royaume de Navarre et il a terminé comme un conflit international entre l’Espagne et la France. Mais c’était tellement un problème intenable, bien violent, que nous avons eu plusieurs différents traités au fil des siècles pour le résoudre, qui ne marchaient pas. Mais le bail de 1856 a marché. Il a donné le souveraineté de ce petit territoire à l’Espagne et le droit exclusif dans ces territoires en priorité à la France. Ce n’est toujours pas bien connu aujourd’hui, mais c’était une vraie réussite. Et c’était probablement la guerre la plus longue dans l’Histoire du monde. Et bizarrement, c’était une guerre sans nom. Mais c’est arrivé… Si on connait le (…), c’est à la frontière entre Saint-Jean Pied-de-Porc et (…) en Espagne. En tout cas, je vais terminer ici, je vais juste montrer une dernière diapositive. Et merci pour la possibilité de parler de ça, une fois encore.
Karel VEREYCKEN, Chercheur à l’ Institut Schiller,
« L’eau au Proche-Orient, casus belli permanent ou pierre angulaire d’une paix durable ? »
Bonjour, merci d’abord pour cette invitation. D’abord deux mots sur l’importance de l’eau, ou pour être plus précis sur « l’accès à l’eau douce ». L’Asie du Sud-Ouest est une région essentiellement semi-aride. Il existe bien sur le « croissant fertile » comprenant l’Irak, la Syrie et le Liban, mais pour la Jordanie et la Palestine et donc Israël, l’accès à l’eau reste une question existentielle voir de « sécurité nationale ».
Or, l’eau ne respecte pas les frontières tracées par les hommes. Lorsqu’une rivière coule dans deux pays, elle appartient à qui ? Il n’y a pas de consensus la dessus. Du coup, l’eau peut devenir source de conflit, instrument de domination et même arme de guerre. A l’opposé, l’eau peut être une source de coopération, sous condition que les uns et les autres s’engagent de bonne foi à envisager un avenir partagé, soit dans le cadre de relations de bon voisinage, soit dans la perspective d’un avenir partagé.
Dans la région, c’est le Jourdain, qui collecte des eaux provenant du Liban, de la Syrie et de la Jordanie et remplit la mer de Galilée (lac Tibériade), principal réservoir d’eau douce de la région, qui sera pendant des décennies au centre de nombreux combats.
FIG 1 : NWC
Les premiers plans pour l’aménagement des eaux du Jourdain sont apparus dès la déclaration de Balfour en 1917. En 1920, l’hydrologue russe Pinhas Rutenberg proposa la construction de 14 barrages hydro-électriques sur le Jourdain pour approvisionner toute la région en électricité. Le barrage de Tel Or (Naharayim, sur la frontière Jordano-Syrienne), et endroit où l’affluent principal du Jourdain, le Yarmouk se jette dans la mer de Galilée (lac Tibériade), a fonctionné entre 1932 et 1948, année de la création de l’État israélien.
Dès cette date, en détournant l’eau du lac Tibériade pour l’irrigation, rendra inopérant et donc inutile le barrage de son voisin jordanien.
Dès 1948, Israël élabore son grand aqueduc national, le National Water Carrier (NWC) conduisant l’eau douce de Tibériade jusqu’au désert du Néguev dans le Sud. En 1964, 80 % de cette eau servait à l’irrigation, 20 % à la consommation des ménages. Aujourd’hui le Jourdain ne reçoit plus que 70 000 à 100 000 m³ par an, alors qu’avant, il en recevait 1,3 milliards m³.
Le projet NWC, inauguré en 1964, avait été conçu et mis en place dans le plus grand secret. Mais c’était fait au détriment de ses voisins qui le voyaient comme un casus belli et feront des incursions pour saboter ce système. Des Palestiniens iront faire sauter les aqueducs. 90 % de l’eau du Jourdain est détourné et développer cet accès à l’eau risque d’accélérer la colonisation sioniste !
Les tensions sont telles qu’en 1952-53, le président Eisenhower dépêche son envoyé spécial Eric Johnston, avec dans ses valises un plan global de partage de l’eau pour toute la région.
Les comités techniques des différents pays s’accordent sur les modalités. Politiquement, c’est saboté et le conflit demeure. Cela s’empirera encore plus en 1956, lorsque le secrétaire d’État américain John Foster Dulles, frère du fameux Allan Dulles, patron de la CIA, décident de suspendre le financement du barrage d’Assouan en Égypte pour mettre Nasser sous pression, provoquant la nationalisation du canal de Suez et suscitant l’expédition coloniale entre Anglais, Français et Israéliens.
Reprenant les projets d’Alvin Weinberg, le conseiller scientifique d’Eisenhower et ensuite de John Fitzgerald Kennedy, le président Lyndon Johnson, en mai 1967 organisa une grande conférence à Washington intitulé « Water for Peace » accueillant 635 délégués et 2000 observateurs de 94 pays. Plusieurs interventions portent alors sur l’usage du nucléaire civil pour le dessalement de l’eau pour l’irrigation. Depuis le largage des bombes atomiques sur le Japon, une partie des scientifiques cherche à présenter une image positive de l’atome.
Quinze jours plus tard, Israël lance la guerre de 1967 et occupe ensuite en annexant en 1981 le plateau du Golan pour contrôler le bassin versant du Jourdain. Le choc est énorme à Washington et Lewis Strauss, le président de la Commission de l’énergie atomique monte à la barre pour de nouveau proposer des usines de dessalement de l’eau de mer pour la région. Les deux grands problèmes de la région, celui des réfugiés (juifs et palestiniens) et celui de l’eau ne sont pas résolus et si on ne les résout pas, la guerre est certaine. Le 18 juillet, Edmond Adolphe de Rothschild, dans deux lettres au London Times défend la construction de trois usines nucléaires de dessalement : une en Israël, une en Jordanie et une à Gaza (à l’époque sous mandat égyptien).
L’importance de l’énergie requis pour obtenir de l’eau douce met en lumière ce qu’on appelle le « nexus eau-énergie-alimentation », trois facteurs d’une même équation. Pour produire de l’alimentation et souvent de l’énergie, il faut de l’eau. Mais sans énergie, on ne peut pas produire le supplément d’eau douce nécessaire à une société humaine en constante expansion. En freinant l’accès à l’énergie, notamment l’accès au nucléaire civil, on condamne des pays entiers à mourir de soif et de faim.
C’est pourtant ce qui est arrivé. Car, toujours en 1967, la RANDCorporation, un think tank majeur du parti de la guerre américain financé par le Pentagone et les producteurs d’armes publie une étude. Son auteur s’appelle Paul Wolfowitz, une figure centrale de la faction des néo-conservateurs qui vont mentir pour conduire le monde dans la guerre contre l’Irak. Wolfowitz, invoquant la 2ème loi de la thermodynamique, affirme brutalement que ce ne sera jamais rentable. Quelques années plus tard, il admet que son objectif était autre : empêcher que les pays arabes puissent accéder au nucléaire civil, un sujet qui reste une obsession pour les fanatiques au pouvoir en Israël. Ce dernier fabrique des bombes atomiques, mais Netanyahou a banni le nucléaire civil du pays.
Pour la géopolitique, version britannique, et des gens comme Wolfowitz, les hommes sont comme des lapins. Vous mettez un couple de lapins sur une île et dans un temps record, ils se reproduiront et mangeront toute l’herbe de l’île s’assurant une mort atroce. Heureusement, les hommes ont quelque chose de plus que les lapins, la créativité. Personne n’a vu des lapins irriguer le désert ou construire des avions pour aller ailleurs. Prenons donc conscience de nos capacités spécifiquement humaines !
Sur le terrain, confronté à une forte croissance démographique en Israël, et plus récemment les sécheresses, Israël prend conscience que les guerres n’offrent pas la « sécurité hydrique ». Contrôler le plateau du Golan n’empêche pas les sécheresses d’arriver ! Et si le niveau du lac Tibériade baisse, sa salinité augmente drastiquement et met en péril toute l’économie israélienne !
Les Israéliens lancent donc une mobilisation scientifique leur permettant de devenir la plaque tournante mondiale pour les technologies en matière de traitement et de gestion de l’eau. Leurs avancées feront le bonheur de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, notamment la Chine, elle aussi en guerre contre la désertification.
Les scientifiques se concentrent sur quatre grands axes :
1) La collecte et le recyclage, grâce à 120 stations d’épuration d’eau, de toutes les eaux sales, grises et usées, pour les réutiliser pour l’irrigation. Ce taux est aujourd’hui plus de 80 % alors que c’est 12 % en Espagne, 8 % en Italie et 1 % en France. Du coup, Israël est devenu un pays économe en eau. Les chasse d’eau à double débit sont une invention israélienne. La consommation d’eau par habitant est parmi les plus basses de l’OCDE.
2) Le développement d’une agriculture de précision (goutte-à-goutte, fertigation) par l’ingénieur d’origine polonaise Simcha Blass. Au lieu d’avoir des canaux d’irrigation à ciel ouvert et d’asperger l’eau sur les feuilles des plantes – avec des pertes de 50 % de l’eau – on va irriguer, les racines des plantes avec de l’eau et des engrais, carrément sous la surface. Une économie d’eau énorme et des techniques qui feront le bonheur de nombreux pays confrontés au déserts, que ce soit en Asie ou en Afrique. Cela a été développé au point qu’on sait aujourd’hui fournir de l’eau à une plante, lorsque cette dernière, la réclame par des signaux.
3) Le dessalement de l’eau de mer rendu possible par le procédé d’osmose inverse. C’est sous l’administration Kennedy que deux chercheurs californiens inventeront les membranes rendant cela possible. Depuis 1999, Israël a construit cinq grandes installations d’osmose inverse à Ashkelon (2005), Palmachim (2007), Hadera (2009), Sorek (2013) et Ashdod (2015). Une sixième usine de dessalement devrait ouvrir d’ici 2025 dans le nord d’Israël, et une deuxième usine est en cours de planification à Sorek. Actuellement, le dessalement fourni environ 50 % des besoins en eau domestique d’Israël. Là aussi, Wolfowitz leur fait comprendre qu’ils ne doivent pas exporter leur savoir-faire et le mettre au profit des autres ! Le bureau central des statistiques d’Israël prévoit que la population va passer de 9,5 millions à 15 à 25 millions en 2065. A ce rythme, Israël devrait dessaler jusqu’à 3,7 milliards de m3 par an, contre 0,5 milliard de m3 aujourd’hui. Répondre à cette demande pourrait nécessiter la construction de 30 nouvelles unités de dessalement. L’augmentation du dessalement entraînerait toutefois une hausse de la demande d’électricité considérable. Rien qu’aujourd’hui, 10 % de la consommation d’électricité d’Israël sert au dessalement.
FIG 2 DESSALEMENT
4) Les projets de transfert d’eau, d’abord de la Méditerranée et ensuite de la Mer Rouge, vers la mer morte, projets qui prennent de nouveau une grande importance. Je vous en dirai plus après.
Parlons maintenant des possibilités d’une paix
Aujourd’hui, nous ne sommes ni en 1948, ni en 1952, ni en 1967. Israël aujourd’hui ne dépend plus de la déesse de la pluie pour avoir de l’eau. Elle produit bien plus d’eau qu’elle n’en consomme. Israël vend 100 Millions m² d’eau à la Jordanie, c’est-à-dire 20 % de ses besoins.
Les conséquences POLITIQUES sont énormes. Si l’on est pessimiste on dira qu’elle n’a plus besoin de personne. Mais si on est optimiste, on voit les nouvelles possibilités que cela offre :
1) Puisqu’elle a la sécurité de l’eau absolue, Israël n’a plus aucune justification pour faire la guerre !
2) Elle peut donc accepter la création d’un État palestinien, car cet État ne sera plus jamais et d’aucune façon une menace pour ces approvisionnements en eau.
Dans l’immédiat, Israël a un énorme intérêt à ce que les eaux usées de Gaza soient traitées. Actuellement les gazaouis s’empoisonnent avec leurs propres rejets. Non traitée, l’eau est jetée dans la mer et entre dans les nappes phréatiques de Gaza rendant beaucoup de puits insalubres. A cela s’ajoute que la pollution marine devient telle devant le littoral que cela met en danger le bon fonctionnement des unités de dessalement israéliennes !
Pour cela, les annexes relatifs à l’eau des traités d’Oslo (Annexe 3) de 1992, ceux du traité de paix israélo-jordanien de 1994 (Annexe 2, article I à VII) et l’appendice B de l’accord Israélo-palestinien intérimaire sur la Cisjordanie et la bande de Gaza de 1995, fruit d’un long travail d’experts des académies des sciences américaines, israéliennes, jordaniennes et palestiniennes, doivent immédiatement être réactualisées et appliquées.
Il y a quelques semaines, Jacques Cheminade vous a présenté ici Le Plan Oasis de Lyndon LaRouche. Ce projet prévoit le transfert d’eau de mer salée de la Mer Rouge et la Méditerranée par des aqueducs et des tunnels vers la Mer Morte pour y être dessalée, est une infrastructure très novatrice permettant de compléter l’existant. Elle apportera des quantités conséquentes d’eau supplémentaire, notamment pour la Palestine et permet de relever les défis environnementaux du dessalement tout en permettant la reconstitution de la Mer Morte. C’est un peu technique et trop long pour mon intervention ici, mais je vous renvoie à l’étude disponible sur le site internet de l’Institut Schiller et je répondrais volontiers à vos questions si vous le désirez.
FIG 3 et 4 PLAN OASIS
Avant de conclure, un mot sur ce qui se passe ailleurs. Le 22 avril 2024, la Turquie et l’Irak, deux pays qui avaient pris l’habitude de se faire la guerre pour l’eau des grands fleuves Tigre et Euphrate, ont conclu un accord cadre pour une coopération exemplaire fondé sur une approche holistique. Cet accord prévoit que la Turquie mettra en œuvre tout son savoir-faire en matière de gestion de l’eau pour sécuriser et moderniser les infrastructures irakiennes, notamment le Tigre et l’Euphrate. En échange, l’Irak vendra à des prix préférentiels des hydrocarbures à la Turquie. Il ne s’agit pas d’un simple troc entre de l’eau et du pétrole, mais un marché organisé gagnant-gagnant offrant « la sécurité hydrique » en échange d’une « sécurité énergétique ». En bref, cette coopération va rendre chacun plus prospère et plus fort. Israël pourrait s’en inspirer.
Mon message, que j’ai, vous l’avez compris, avant tout formulé pour appeler les Israéliens à la raison, est donc assez simple : vous êtes la puissance occupante et vous n’obtiendriez jamais votre sécurité par la guerre et les punitions collectives. Par contre, en reconnaissant la Palestine et en lui donnant sa dignité grâce à un accès souverain à ses ressources en eau et en hydrocarbures, vous obtiendriez, et j’ajoute « peut-être », la sécurité que vous ne cessez de chercher.
Gassan ANBAR, Vice-Président du Conseil de l’Union Économique Arabe,
« Les PME méditerranéennes comme base d’un partenariat durable entre les pays de la Méditerranée »
Introduction
La région méditerranéenne constitue un carrefour historique, culturel et économique entre l’Europe et le sud/est de la Méditerranée. Face aux défis géopolitiques, socio-économiques et climatiques contemporains, le besoin de renforcer les liens entre ces deux rives n’a jamais été aussi urgent. Un levier concret, souvent sous-estimé, pourrait jouer un rôle décisif : les Petites et Moyennes Entreprises (PME).
Présentes à la fois en Europe du Sud (France, Italie, Espagne, Grèce…) et dans les pays du Sud/Est de la Méditerranée, les PME incarnent un modèle d’économie de proximité, d’agilité et d’innovation. Ce rapport vise à démontrer que ces entreprises peuvent constituer une base solide pour un partenariat euro-arabe pragmatique, basé sur des projets concrets d’intérêt commun.
I. Les PME : un tissu économique stratégique au Nord comme au Sud
Les PME jouent un rôle clé dans la création d’emplois, la croissance économique et la vitalité des territoires. Elles se distinguent par des valeurs communes telles que la proximité avec le client, la réactivité et l’enracinement local.
Contrairement aux grandes entreprises multinationales, les PME restent ancrées dans leur pays et leur région, en période de paix comme en temps de crise. Il est essentiel de rappeler que durant le Printemps arabe, qui a entraîné d’importantes destructions d’infrastructures, les PME locales ont continué à assurer la survie des populations. De plus, le rôle des femmes – et en particulier des mères – a été fondamental dans le maintien du tissu économique et social.
II. Problèmes de compétitivité des PME françaises
Malgré leur dynamisme, les PME françaises font face à plusieurs défis :
- Coût du travail élevé : Les charges sociales et les cotisations patronales pèsent lourdement sur la compétitivité.
- Pression fiscale importante : Impôts sur les sociétés, TVA et taxe foncière réduisent les marges des entreprises.
- Instabilité réglementaire : Les changements fréquents des règles fiscales compliquent la planification à long terme.
- Lourdeur administrative : Les démarches complexes freinent la croissance et l’internationalisation des PME.
III. Les atouts des PME des pays du Sud/Est de la Méditerranée
Certains pays de la région (Algérie, Liban, Syrie, Irak, Israël, Palestine, Libye, etc.) représentent un marché en pleine expansion avec un fort potentiel économique. Grâce à leur position stratégique, leurs ressources naturelles et leur population jeune, ces pays offrent de nombreuses opportunités aux PME françaises et aux investisseurs :
1. Secteur des infrastructures et de la construction
- Forte demande en logements, routes, ports et équipements urbains.
- Grands projets d’investissements publics et privés dans les transports et l’urbanisme.
2. Énergie et développement durable
- Développement des énergies fossiles et renouvelables (solaire, éolien, hydraulique).
- Exploitation des hydrocarbures et modernisation des réseaux énergétiques.
- Opportunités dans les technologies d’efficacité énergétique.
3. Secteur de l’eau et de l’environnement
- Besoin urgent d’infrastructures pour la gestion de l’eau potable et des eaux usées.
- Développement de solutions innovantes en dessalement et réutilisation des eaux usées.
4. Agriculture, agro-industrie et sécurité alimentaire
- Modernisation des chaînes de production et logistique agricole.
- Valorisation des produits du terroir et opportunités d’exportation.
5. Éducation, technologies et formation
- Expansion du secteur de l’éducation et de la formation professionnelle.
- Développement de partenariats avec des universités étrangères.
6. Industrie et commerce international
- Zones franches et accords commerciaux facilitant les échanges.
- Développement des secteurs automobile, pharmaceutique, textile, etc.
IV. Stratégies et recommandations
1. S’appuyer sur des partenariats locaux
- Collaborer avec des entreprises locales pour mieux comprendre le marché et sécuriser les opérations.
2. Investir dans l’innovation et le développement durable
- Privilégier les projets à forte valeur ajoutée et respectueux de l’environnement.
3. Développer des complémentarités économiques
Un partenariat PME-PME permettrait de créer des synergies naturelles et une compétitivité croisée :
- Les PME du Nord cherchent à réduire leurs coûts en sous-traitant intelligemment pour rester compétitives.
- Collaborer avec des entreprises locales pour mieux comprendre le marché et sécuriser les opérations.
- Accroître son chiffre d’affaires sur le marché de son partenaire méditerranéen via des associations ou des accords commerciaux.
V. Les freins actuels à la coopération
Malgré ce potentiel, plusieurs obstacles freinent l’émergence d’un partenariat solide entre PME :
- Barrières réglementaires et douanières.
- Inadéquation des dispositifs de financement transfrontaliers.
- Difficulté de mise en réseau des acteurs locaux.
- Manque de visibilité des opportunités mutuelles.
- Mobilité entrepreneuriale limitée (visa, logistique, normes).
VI. Propositions pour un partenariat euro-méditerranéen fondé sur les PME
- Créer une plateforme euro-méditerranéenne dédiée aux PME pour faciliter les échanges commerciaux et technologiques.
- Renforcer les programmes de financement mixtes (ex. : Bpifrance et partenaires sud-méditerranéens).
- Encourager les garanties souveraines des États pour sécuriser les investissements (ex. : Irak-France).
- Favoriser les échanges entre jeunes entrepreneurs pour promouvoir l’innovation et la coopération.
- Simplifier les procédures d’exportation entre le Sud et le Nord.
- Créer un label “PME Méditerranée” pour valoriser les entreprises engagées dans des projets de coopération.
Conclusion
Les PME euro-méditerranéennes ne sont pas seulement des acteurs économiques locaux, elles peuvent devenir les piliers d’un pont économique et humain entre les pays arabes et européens. Grâce à leur taille, leur agilité, leur ancrage territorial et leur capacité à coopérer, elles incarnent une voie d’avenir pour une croissance partagée, plus inclusive, durable et pacifique.
Un partenariat structuré autour des PME, dans un esprit gagnant-gagnant, peut renforcer la stabilité, l’emploi et la paix dans tout le bassin méditerranéen. Il est temps d’investir dans cette vision.
DÉBAT GÉNÉRAL
Mme. Sarah ABUNADA, Chargée de mission à la délégation permanente de l’État de Palestine auprès de l’UNESCO.
Monsieur le Président, je vous remercie pour cette réunion très, très importante. La question de l’avenir de la Palestine, c’est une question très importante, surtout pour les Palestiniens. En tant que partie de la jeunesse palestinienne, je me soucie beaucoup de cette question. J’ai un petit commentaire à Monsieur le Recteur Dumont, et je vous remercie aussi pour votre intervention. Il y a une phrase que vous avez dite qui m’a interpellé : vous avez dit que l’enfant palestinien coûte peu pour les Palestiniens. Je trouve que cette phrase n’est pas très juste, dans ma vision en tant qu’issue de diaspora de la Nakba. Mes grands-parents ont été expulsés pendant la Nakba. Mes parents et moi-même aussi, on a coûté très cher. J’ai vu mes grands-parents travailler jusqu’à la fin de leur vie, jusqu’au dernier jour de leur vie, pour assurer non pas juste la survie, mais la vie digne de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Et on est dans une réalité absurde, contre les enfants, où il y a 17 000 enfants tués par l’occupation israélienne à Gaza. Et ce matin par exemple, il y a une enfant qui s’appelle Aya Naji. Elle a six ans. À trois jours des fêtes de l’Aïd, l’armée israélienne l’a tuée en bombardant sa maison dans le camp de réfugiés de Jabalia.
Donc, le coût des enfants de Gaza ou des enfants en Palestine en général, c’est un coût très, très cher. Parce qu’on amène des enfants qui peuvent risquer leur vie et qu’on risque, nous, les parents, on risque de perdre nos enfants tous les jours. Donc je pense qu’il faut aussi regarder la réalité des populations palestiniennes et comment nous, nous estimons la valeur de nos enfants. Je vous remercie beaucoup, je vous remercie tous, et Monsieur l’Ambassadeur aussi, pour votre intervention, c’est très riche sur les questions d’eau, c’est très important aussi, c’est très éclairant. Merci.
Mme. Christine HOLZBAUER, Journaliste correspondante de Financial Afrique, émission TV « Regardez l’Afrique ».
Bonjour. Je vais poser une question de journaliste un peu brutale, mais compte tenu des présentations que vous avez notamment faites Votre Excellence, aujourd’hui, avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, qu’est-ce qui empêche qu’il y ait un Grand Israël ? C’est une hypothèse que nous n’avons pas du tout envisagée. On a parlé évidemment de l’avenir de la Palestine avec raison, et du droit des Palestiniens, mais dans le contexte géopolitique actuel, moi je suis très inquiète. Je vois plutôt que c’est le projet du Grand Israël qui va se réaliser. Merci de votre réponse.
M. le Recteur Gérard-François DUMONT, Économiste et démographe, Sorbonne Université, Président et fondateur de la revue Population & Avenir.
Merci Monsieur le Président, et merci de votre question. En fait, inévitablement, lorsqu’on étudie la science de la population, on est obligé de considérer ce qu’on appelle le processus de transition démographique. Dans le cadre de ce processus de transition démographique, on constate que les populations adaptent leur niveau de fécondité lorsque les mortalités sont durablement abaissées, c’est-à-dire les trois mortalités : mortalité infantile, mortalité infanto-adolescente et mortalité maternelle. À partir du moment où les taux de survie des enfants s’améliorent, les populations adaptent à la baisse leur fécondité. Or, ce n’est, exception, ni le cas en Israël, ni le cas dans les territoires palestiniens.
Donc, pour être beaucoup plus précis, c’est-à-dire que le taux de mortalité infantile est plus faible dans les territoires palestiniens qu’en Égypte. Et pourtant, les territoires palestiniens ont une fécondité supérieure qu’en Égypte. Ça déroge au principe général de la transition démographique. Donc, il faut chercher des explications à cette évolution, des deux côtés d’ailleurs, tant du côté d’Israël que des territoires palestiniens. J’ai essayé de vous expliquer les éléments qui étaient susceptibles de l’expliquer. Je n’ai pas dit qu’il fallait généraliser ces éléments, cela va de soi. Et notamment, vous avez donné malheureusement des exemples absolument dramatiques. Mais c’est vrai que nous sommes dans une situation tout à fait atypique qu’on n’a vu nulle part ailleurs dans le monde.
Donc, j’ai simplement essayé de trouver des éléments permettant de comprendre cette spécificité. Et donc, il en résulte effectivement que dans ces terribles conflits qui se déroulent dans cette région, l’un des éléments fondamentaux, c’est quand même une guerre démographique, qu’on le veuille ou non. Donc, il y a une guerre au nom de la loi du nombre. J’ai d’ailleurs publié dans la revue Géostratégiques, je vous invite à voir les scénarios que j’avais faits sur Gaza, j’avais bien mis en évidence combien des scénarios possibles sur le futur de Gaza reposent aussi sur la spécificité démographique de ce territoire.
Je vous remercie d’avoir compris disons la démarche scientifique que j’ai essayé de mettre en œuvre sans nullement nier, malheureusement, je n’ai pas voulu le traiter dans mon exposé, le caractère dramatique du développement qui s’y (…). Merci.
S.E.M. Michel RAIMBAUD, Ancien ambassadeur de France, ancien Directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
J’avais une remarque générale. Je suis frappé de dire, puisque dans ce que j’ai dit tout à l’heure je déplorais effectivement que pour le destin du peuple palestinien, de la Palestine, qui était mon souci, que finalement c’est vrai que la conjoncture me semblait un peu décourageante parce que précisément, je crois qu’il y a un certain nombre de reprises sur l’illustration, qu’on considère que le Proche-Orient n’est plus tellement une affaire des Arabes, mais celle des Palestiniens en ce qui concerne la Palestine, mais que malheureusement, c’est devenu l’affaire d’Israël, où il n’y a plus que l’Israël, les États d’Israël dans la région. Ils sont déjà assez expansifs, mais j’ai constaté à différentes reprises que finalement, les perspectives de développement de la Palestine, ça dérivait très vite sur le rôle que pouvait jouer Israël là-dedans.
De mon point de vue, ce n’est pas ça le problème originel et le problème principal, puisque le problème de la région, ce n’est pas Israël, c’est que la Palestine est (…) de son développement et comment va-t-elle se tirer d’une situation extrêmement périlleuse et difficile et cruelle pour les populations palestiniennes, pas seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, à Jérusalem, c’est-à-dire dans toute la Palestine, et que ces perspectives sont, hélas, je pense, pas très favorables. Et ceci, on peut donc le vérifier, même dans un séminaire qui est consacré au destin de la Palestine, finalement.
On voit très vite qu’il y a une déviation. On a vu tout à l’heure le rôle que pouvait jouer Israël dans les projets sur l’eau, sur le destin de la Palestine. Je trouve que c’est symptomatique de ça. Je parle, moi ça me laisse un petit peu sur ma faim parce que je ne vois pas comment on peut régler le destin des Palestiniens. Essayer de prévoir un destin pour la Palestine et pour les Palestiniens qui effacerait d’une certaine façon l’horrible injustice dont ils ont été victimes en 1947 avec le plan de partage du fait du colonialisme et de tous les événements qui ont eu lieu. Et je pense que tant qu’on ne donne pas de remède, qu’on n’essaie pas de remédier à cette injustice, il n’y aura jamais de paix, ni de paix satisfaisante pour tout le monde. Il n’y aura même pas de paix pour Israël, il n’y aura une paix pour personne, je crois. Et c’est ça qui est mon souci.
Tout le monde a bien vu, d’après ce que j’ai dit, je n’ai pas proposé de remède miracle puisque j’ai dit qu’hélas, je ne trouvais pas beaucoup d’issues, finalement, à ce qui allait se passer. Mais je pense que ce n’est pas une raison pour ne pas prendre ce sujet, j’aurais pu en choisir un autre.
Je pense qu’il faut absolument trouver une solution politique. Et quand on parle du développement de la Palestine, il faut discuter du développement de la Palestine. Et quel rôle les Palestiniens peuvent-ils jouer dedans ? Et non pas les Israéliens, et tel ou tel pays qui essaieraient de piloter ça dans un sens. On voit une dérive finalement.
Tant que le Proche-Orient, finalement, comme il est maintenant… c’est une terre au fond de… c’est considéré comme étant la terre où Israël a vocation à se répandre, quoi. C’est ça. Alors que finalement, c’est la Palestine ! Et je ne vois pas comment on peut régler le sort des Palestiniens et que les Palestiniens peuvent en être contents, quelle que soit leur bonne volonté, même tous ceux qui sont sensibles à cette cause, si on ne cesse de promouvoir, disons, le droit d’Israël à s’étendre et puis à discuter de son avenir qui est, je n’en doute pas, favorable. Il n’y a pas de problème. Moi, je ne me fais pas de soucis de ce point de vue-là. Je me fais un souci plutôt pour le peuple palestinien. Et je veux dire, j’étais un peu frustré en entendant ça. Merci beaucoup.
Mme. Christine HOLZBAUER
Moi, sur la question du Grand Israël, j’aurais aimé entendre peut-être davantage d’oppositions à l’intérieur. À mon avis, il n’y a que les Israéliens pacifiques au sein d’Israël qui peuvent se débarrasser de Netanyahou. Parce que dans le contexte actuel, Trump va continuer à soutenir Netanyahou, on va aller vers davantage de colonies de peuplement, on progresse dans l’injustice contre les Palestiniens. Et s’il n’y a pas véritablement un sursaut à l’intérieur d’Israël, je ne vois pas comment on peut avoir la paix. Je ne vois pas, personnellement.
M. Karel VEREYCKEN, Chercheur à l’ Institut Schiller,
Oui, donc je tiens à préciser que mon intervention n’est pas une intervention trop israélienne. C’est un appel à la raison d’une partie de la population israélienne qui est complètement dégoûtée et qui voit que tout a échoué. Là, c’est toujours là, les otages ne sont pas libres, la sécurité n’existe pas. Donc c’est le moment. Vous savez, les premiers chrétiens sont venus à Rome pour essayer de convertir les Romains au christianisme. Donc, il faut aussi appeler aux Israéliens. Et Dieu sait que je déteste le gouvernement fasciste qui dirige ce pauvre pays.
Maintenant, par rapport à Trump, ce qu’il faut savoir, c’est que la personne qui a contribué avec le plus d’argent à l’élection de Trump, s’appelle Miriam Adelson. Miriam Adelson est la veuve de Charles Adelson, qui est le roi des casinos de Las Vegas. Ils avaient donné 20 millions et là, en 2017, 100 millions. Et ces gens-là se considèrent comme des actionnaires de Trump. Et ça se met en phase, évidemment, avec ce qu’on appelle les sionistes chrétiens, qui sont des évangélistes protestants, qui sont quand même 10 millions et qui ont garanti l’élection de Trump. Donc, il faut espérer que Trump veut vraiment avoir le prix Nobel de la paix (rires). Et ce qui est encourageant, c’est qu’il peut changer du jour au lendemain. Donc le pire n’est jamais sûr.
Quelqu’un dans la salle
Il va l’acheter ! (rires)
Mme. Odette AUZONDE, Maître de conférences retraitée.
J’ai écouté toutes les interventions. J’ai pensé qu’on discutait beaucoup de l’avenir de la Palestine, des possibilités, qu’est-ce qu’on pouvait envisager, solutions à un État, deux États, des zones de prévale, etc. Les problèmes économiques, tout ça, c’est très beau. Mais j’ai l’impression qu’on était devant un précipice et qu’on ne se rend pas compte.
La question de Madame m’a un peu fait réfléchir. J’ai l’impression qu’on ne se rend pas compte qu’actuellement, le projet du Grand Israël, ils ont bien l’intention de le mener à bien. Ce matin, déjà, j’ai vu qu’il y avait 100 Palestiniens qui vont être envoyés en Indonésie, sans (…) et que c’était juste un début, c’était un test pour voir comment ils allaient s’adapter là-bas, et pour voir si ça pouvait lancer un mouvement d’expulsion vers l’Indonésie. Alors, je pense qu’on est devant une catastrophe, et qu’on parle de ce qui va arriver sur place, mais je pense que nous, ici, on devrait faire quelque chose. Voilà, ce n’est pas une question, c’est une remarque.
S.E.M. Sawfat IBRAGHITH, Ambassadeur de la délégation permanente de l’État de Palestine à l’UNESCO.
En fait, la meilleure conclusion, c’est ce que je peux citer de votre intervention, M. Rastbeen, c’est la phrase clé : que le destin de la Palestine, l’avenir de notre pays, sera certainement dessiné par les mains de ses enfants. Ça sera dessiné par les résolutions résolues de son peuple. Ça, c’est le mot de la fin. Moi, j’aimerais juste passer rapidement sur plusieurs points.
La singularité d’Israël. Israël est le seul pays au monde – et ça, il faut le rabâcher un peu plus – qui n’a jamais présenté une carte des frontières. Le seul pays au monde, qui a été admis par un protocole international signé à Lausanne en 1949, sous condition d’accepter et d’appliquer deux résolutions, dont le plan de partage et la question des réfugiés. C’est le seul pays au monde qui légalise la torture et qui affiche des cimetières numéraux. Seul pays au monde où les prisonniers palestiniens, s’ils décèdent dans les prisons ou qu’ils sont torturés à mort, leurs cadavres passent encore une période de leur emprisonnement… Le cadavre est l’objet de leur recherche scientifique, on a créé plusieurs laboratoires dépôts à partir de ces prisonniers ou de ces cadavres. On a volé des organes, qui sont le socle de ces progrès scientifiques, utilisés par les grands chercheurs et scientifiques israéliens.
Israël, sans l’aide de l’autre, l’aide des subventions canadiennes, américaines, européennes, n’aurait pas été un pays progressiste et technologique. Parlons de la technique du goutte à goutte. C’est une technique qui existait en Palestine avant, mais eux, ils ont eu l’exploit de l’exporter. Seule démocratie dans la région, mais quelle démocratie, qui fait le classement dans les catégories de ses propres populations ? Vous avez parlé de plusieurs catégories, entre les Juifs même, entre les Juifs importés récemment de l’Éthiopie, et sans parler des non-Juifs encore classés en deuxième, troisième rang. Les Druzes sont très bien pour être les gardes des frontières, les Arabes, très bons pour être esclaves et consommés, parce que c’est beaucoup mieux que les ouvriers thaïlandais qui envoient un transfert d’argent à leur pays à l’extérieur. Les Palestiniens consomment ici et ils meurent ici, ils n’en parlent plus.
Donc moi, j’aimerais aussi parler de l’eau. Et je me rappelle la commission parlementaire dirigée par un parlementaire français du Parti socialiste, qui est parti en Palestine, revenu avec des conclusions assez choquantes. Euh, et j’ai eu l’entretien en 2012 avec ce parlementaire, dont j’ai oublié le nom.
Mme. Agnès OLLIVIER, Œuvre du Pr. Jean-Paul Charnay.
Pascal Durand.
S.E.M. Sawfat IBRAGHITH
Durand. Il y avait son assistante, je me rappelle de son prénom, qui était…
Mme. Agnès OLLIVIER
C’était durant sa conférence de presse.
S.E.M. Sawfat IBRAGHITH
Voilà. Et en discutant, on a parlé de ce qu’on appelle l’apartheid. Et il a dit : « C’est le mot ». Il a nommé son rapport l’apartheid hydraulique. Et j’aurais bien aimé peut-être en discuter plus avec vous, mais vraiment, il y a un apartheid hydraulique. Vous n’avez pas mentionné qu’Israël vole toutes les ressources aux non-Palestiniens. Nous avons trois grands bassins hydrauliques en Cisjordanie seule. Il y a la vallée Est de Gaza. Israël a créé un problème d’eau. Donc, le problème d’eau n’est pas vraiment un problème. C’est un problème de vol d’eau. Et ce problème de vol a fait que les Palestiniens n’avaient aucun choix que d’acheter l’eau qui coule sous leurs pieds auprès de Mekorot, la société d’eau israélienne, cinq fois plus cher que le prix que paie un colon, « voisin ». Parce que le colon voisin est quand même Européen. Il a besoin de piscines, de fontaines d’eau. Mais les Palestiniens qui sont parfaitement paysans, ils ont besoin d’irriguer leurs terrains, surtout à partir de seize heures. Ils ne trouvent pas d’eau et le ciel ne fait pas tomber tout le temps. Donc malheureusement, cela fait que nous sommes prisonniers de ce cas. Les Palestiniens consomment cinq fois moins que le colon et payent cinq fois plus la facture. C’est ça le contraste d’un apartheid hydraulique dans cette forme-là. Toutes les guerres et toutes les guerres à venir seront aussi des guerres pour l’eau, mais les guerres déclenchées par cette même puissance qui a détourné l’eau du lac de Tibériade, ils ont asséché la plaine du Golan, et ils ont fait (…) secrètement jusqu’à 1964, pas pour fleurir le désert, mais pour instaurer et construire un vecteur nucléaire parce que l’eau est nécessaire, l’eau lourde est nécessaire pour une telle fabrication.
Donc il faut montrer toutes ces scènes pour comprendre pourquoi il y a un problème d’eau. Nous avons plein de problèmes, mais ils ne sont pas que de surface. La réalité n’est pas dans l’État, un seul État, deux États, etc. Le problème est dans la reconnaissance du tort.
(…) La fin n’a pas été enregistrée.
[1] Géostratégiques, N°62 (« Quel avenir pour la Palestine, Al-Qods et Jérusalem ? »), Paris, Académie de Géopolitique de Paris, Octobre 2023, 258 p., lien : https://academiedegeopolitiquedeparis.com/category/n-62-quel-avenir-pour-la-palestine-al-qods-et-jerusalem/ (consulté le 26 mars 2025).
[2] Géostratégiques, N°55 (« L’accord du siècle »), Paris, Académie de Géopolitique de Paris, Juillet 2020, lien : https://academiedegeopolitiquedeparis.com/category/n-55-accord-du-siecle/ (consulté le 26 mars 2025).
[3] Géostratégiques, N°57 (« Une vision stratégique du Moyen-Orient »), Paris, Académie de Géopolitique de Paris, Juin 2022, lien : https://academiedegeopolitiquedeparis.com/category/n-57-une-vision-strategique-du-moyen-orient/ (consulté le 26 mars 2025).
[4] Drweski Bruno, « Palestine historique : inventer deux citoyennetés sur un même territoire comme étape vers une citoyenneté commune », Académie de Géopolitique de Paris, 25 mai 2020, lien : https://academiedegeopolitiquedeparis.com/palestine-historique-inventer-deux-citoyennetes-sur-un-meme-territoire-comme-etape-vers-une-citoyennete-commune-2/ (consulté le 25 mars 2025).
[5] Balfour James Arthur, Déclaration Balfour, 2 novembre 1917, lien : https://mjp.univ-perp.fr/constit/il1917.htm (consulté le 25 mars 2025).
[6] Hassan Rima, Galisson Maël (propos recueillis par), « Rima Hassan : ‘Remettre les Palestiniens au centre du débat’ », Orient XXI, 25 octobre 2023, lien : https://orientxxi.info/magazine/rima-hassan-remettre-les-palestiniens-au-centre-du-debat,6814 (consulté le 25 mars 2025). Voir également : Charte des Nations Unies (texte intégral), San Francisco, 26 juin 1945, lien : https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text (consulté le 25 mars 2025).
[7] « Israël interdit à Rima Hassan d’entrer sur son territoire à cause de ‘campagnes hostiles’ », LeHuffPost (avec AFP), 24 février 2025, lien : https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/israel-interdit-a-rima-hassan-d-entrer-sur-son-territoire-a-cause-de-campagnes-hostiles_246643.html (consulté le 25 mars 2025) ; l’expérience depuis 1948 nous prouve que les élucubrations imaginées récemment, visant à déporter la population de Gaza ou de Cisjordanie dans les pays voisins, voire même dans des pays lointains d’Afrique ou en Europe, même si on parvenait à les imposer par la force, ne changeront rien au fait que ces expulsés combattront à leur tour pour affirmer leur droit de retour.
[8] Radley Kurt René, « The Palestinian Refugees : The Right to Return in International Law », dans American Journal of International Law, N°72 (3), Cambridge University Press, 1978, pp. 586-614, lien : https://www.cambridge.org/core/journals/american-journal-of-international-law/article/abs/palestinian-refugees-the-right-to-return-in-international-law/21F2D9345FCC4B99E404768BFAB41A3A (consulté le 25 mars 2025).
[9] Résolution 181 (II) sur le Gouvernement futur de la Palestine, Assemblée Générale de l’ONU, 29 novembre 1947, lien : https://mjp.univ-perp.fr/constit/il1947.htm#pr (consulté le 25 mars 2025).
[10] Résolution 194 (III) sur la Palestine – Rapport intérimaire du Médiateur des Nations Unies, Assemblée Générale des Nations Unies, 11 décembre 1948, lien : https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2016/06/ARES194III.pdf (consulté le 25 mars 2025).
[11]Accords d’Oslo, 1993, lien : https://mjp.univ-perp.fr/constit/ps1993.htm (consulté le 25 mars 2025).
[12] Brenner Lenni, « Révisionnisme sioniste : Les années du fascisme », dans Revue d’études palestiniennes, N°15, 1985/1, pp. 15-39, lien : https://shs.cairn.info/revue-d-etudes-palestiniennes-1985-1-page-15?lang=fr ; Vidal Dominique, « Le fascisme à l’israélienne », Yaani, 20 avril 2024, lien : https://www.yaani.fr/post/analyser-le-fascisme-isra%C3%A9lien ; Bkouche Rudolf, « Sionisme et fascisme », Union Juive Française pour la Paix (UJFP), 30 août 2016, lien : https://ujfp.org/sionisme-et-fascisme/ ; « Un fascisme sioniste » (éditorial), L’Expression (Algérie), 7 novembre 2023, lien : https://www.lexpressiondz.com/editorials/un-fascisme-sioniste-317084 (liens consultés le 25 mars 2025).
[13] Op. Cit., Vidal Dominique, « Le fascisme à l’israélienne », Yaani… (note N°7).
[14] Plan de partage avec union économique, Commission Nations Unies pour la Palestine, 1947, lien : https://mjp.univ-perp.fr/constit/il1947.htm (consulté le 25 mars 2025).
[15] Hammond Jeremy R., « Pourquoi Israël n’a en réalité aucun ‘droit d’exister’ ? », Substack.com, 6 mars 2025 (article original du 15 mars 2019), lien : https://ssofidelis.substack.com/p/pourquoi-israel-na-en-realite-aucun ; Voir également l’article original : Hammond Jeremy R., « Why Israel Has No ‘Right to Exist’ », Foreign Policy Journal, 15 mars 2019, lien : https://www.foreignpolicyjournal.com/2019/03/15/why-israel-has-no-right-to-exist/ (liens consultés le 25 mars 2025). L’auteur écrit entre autres : « Les sionistes, qui s’érigent en défenseurs des crimes d’Israël contre le peuple palestinien, accusent fréquemment leurs détracteurs de tenter de ‘délégitimer’ l’État juif autoproclamé. Israël, rétorquent-ils, a le ‘droit d’exister’. Mais ils se trompent. Il ne s’agit pas de pointer du doigt Israël. Le ‘droit à l’existence’ d’un État n’existe pas, point final. Aucun droit de ce type n’est reconnu par le droit international. Logiquement, il ne devrait donc pas exister. Le concept même est absurde. Ce sont les individus, et non des entités politiques abstraites, dont les droits sont garantis ».
[16] « Israeli historian Pappé : 5 indicators of the beginning of the end of the Zionist project », Alquds.com (source Sama News), 15 janvier 2024, lien : https://www.alquds.com/en/posts/107235 ; Pappé Ilan, « Only Way to Defeat Israeli Fascism : Ilan Pappé on Global Justice », The Palestine Chronicle, 7 février 2025, lien : https://www.palestinechronicle.com/only-way-to-defeat-israeli-fascism-ilan-pappe-on-global-justice/ ; Safdar Anealla, « Israeli historian Ilan Pappe: ‘This is the last phase of Zionism’ », Aljazeera, 14 janvier 2025, lien : https://www.aljazeera.com/news/2025/1/14/israeli-historian-ilan-pappe-this-is-the-last-phase-of-zionism (liens consultés le 25 mars 2025) ; Ilan Pappé considère qu’il y a cinq raisons qui rendent le projet sioniste caduque sur le long terme : le conflit intra-juif entre État séculier et État religieux, l’appui grandissant de l’opinion internationale à la cause palestinienne, le coût économique insupportable de la guerre pour Israël qui provoque une polarisation intenable à terme, l’incapacité de l’armée israélienne de garantir la paix et la sécurité pour la population israélienne, et l’émergence d’une nouvelle génération de juifs dans la diaspora, en particulier aux USA, qui ne se reconnaît plus dans le projet sioniste, ce qui va à terme assécher le « lobby juif » sans lequel Israël ne pourra pas survivre.
[17] Accords de Potsdam (communiqué final), Conférence de Potsdam, 17 juillet-2 août 1945, lien : https://mjp.univ-perp.fr/traites/1945potsdam.htm (consulté le 25 mars 2025).
[18] Guidalia Shani, « Un million d’Israéliens vivent à l’étranger », I24 News, 27 avril 2023, lien : https://www.i24news.tv/fr/actu/international/1682614145-un-millions-d-israeliens-vivent-a-l-etranger ; Bendelac Jacques, « L’augmentation de l’émigration commence à inquiéter les dirigeants israéliens », The Times of Israël, 9 février 2025, lien : https://frblogs.timesofisrael.com/laugmentation-de-lemigration-commence-a-inquieter-les-dirigeants-israeliens/ ; Arnaout Abdelraouf, « Au moins 370 000 Israéliens ont quitté le pays depuis le début de la guerre », AA, 7 décembre 2023, lien : https://www.aa.com.tr/fr/monde/au-moins-370-000-isra%C3%A9liens-ont-quitt%C3%A9-le-pays-depuis-le-d%C3%A9but-de-la-guerre/3075890 (liens consultés le 25 mars 2025).