Lundi 24 février 2025
Au Proche-Orient et en Ukraine, le retour de la Paix est devenu une urgence absolue, pour les Hommes, pour les Nations et pour la communauté internationale, car sans le rappel des principes du droit international public la coexistence est impossible et le chaos règne sur les nations. Les institutions internationales réaffirment avec constance la nécessité d’un processus diplomatique impliquant le retour de la Paix comme préalable à un règlement des conflits.
L’Académie de Géopolitique de Paris travaille à cet objectif depuis sa création, en ayant multiplié rencontres, conférences, colloques et publications entre diplomates nationaux, des Nations Unies, universitaires et experts du monde entier. Dans cette communauté d’esprit, elle a organisé le « Colloque international pour la Paix », lundi 24 février 2025 dans ses locaux situés rue Conté à Paris, date symbolique car trois ans jour pour jour après le déclenchement de l’opération militaire russe en Ukraine (24 février 2022).
Loin des controverses et des condamnations, l’objectif de ce colloque était d’ouvrir les pistes diplomatiques et juridiques au processus de Paix, en envisageant concrètement voies de dialogue et protocoles de règlement acceptables.
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COMPTE-RENDU DU COLLOQUE
Dr. Ali RASTBEEN, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris,
« Les enjeux de la construction de la Paix dans un monde en mutation ».
Au Proche-Orient et en Ukraine, le retour de la paix est devenu une urgence absolue. La violation des principes fondamentaux du droit international public, tels que la souveraineté et le respect de l’intégrité territoriale des États, au nom d’impératifs de sécurité, justifiés ou non, devient de plus en plus courante. La guerre en Ukraine et le conflit israélo-palestinien illustrent la persistance ou le retour de divers types de conflits au XXIe siècle : la guerre interétatique avec volonté de contestation territoriale, entre la Russie et l’Ukraine, le retour des rivalités entre grandes puissances, Chine-États-Unis, Russie-États-Unis, les guerres issues de la désintégration d’États (en Syrie, en Irak), le djihadisme en Afrique, ou encore la lutte entre factions armées comme en république démocratique du Congo, etc.
Le chaos planétaire, l’instabilité et la difficulté croissante d’assurer une coexistence viable entre les nations, les communautés et même les individus rendent incertain tout pronostic sur l’avenir.
Vers quelle paix faudrait-il avancer ou retourner ?
Quel ordre politique international pourrait la rétablir durablement ?
La vérité est que nous avançons à tâtons, sans prétention ni assurance de détenir la clé d’une paix durable et consensuelle. Les recettes d’hier, totalisantes et monologiques, ont perdu tout pouvoir de conviction et toute légitimité, qu’il s’agisse de la théorie de la « paix démocratique » promue par les néoconservateurs américains, de la « paix via le marché » et de la « globalisation heureuse », toutes deux fondées explicitement ou implicitement sur un ordre hégémonique et unipolaire. Napoléon III ne disait-il pas : « L’Empire, c’est la paix » ?
Quant à l’Organisation des Nations Unies, elle semble condamnée à l’impuissance. Les grandes visions de paix perpétuelle peuvent certes nous servir d’étoiles guides, mais elles ne constituent en aucun cas des plans d’action concrets applicables dans une situation historique marquée par l’incertitude et la contingence.
Ainsi, l’architecture institutionnelle et juridique de l’ordre international apparaît de plus en plus inadaptée aux dynamiques sociales et géopolitiques contemporaines. Sur le plan organisationnel et juridique, un recentrage des institutions internationales sur leur fonction centrale – la paix – s’avère nécessaire. En effet, ces institutions peinent aujourd’hui à définir des représentations légitimes de la paix. Certes, elles continuent tant bien que mal à assurer l’interconnexion entre les États aux niveaux global et régional. On constate aussi l’émergence de nouvelles institutions qui s’imposent comme des lieux de diplomatie : le groupe des BRICS+, par exemple, malgré le scepticisme initial, commence à jouer un rôle durable. À l’inverse, l’Union européenne et l’OTAN sont aujourd’hui en proie à une crise profonde dont on ne voit pas l’issue. Les solutions, qu’elles soient diplomatiques, institutionnelles ou juridiques, devraient dans tous les cas tenir compte des réalités historiques, sociales et culturelles.
Il est nécessaire de s’interroger à nouveau sur la culture de la paix, comme le rappelle Bertrand Badie dans son ouvrage L’Art de la paix[1]. Inspiré par des traditions philosophiques diverses, il souligne que la paix ne peut être qu’un état d’âme et une dynamique permanente plutôt qu’un simple accord entre puissances. Critiquant la précarité des traités et la fragilité des compromis interétatiques, il préconise une action en amont, axée sur l’éducation, la prévention des conflits et la lutte contre les souffrances socio-économiques. Pour lui, la paix véritable nécessite un changement des mentalités et une mobilisation collective à l’échelle mondiale, bien loin des rapports de force traditionnels. L’idée d’un « art de la paix » ancré dans une culture et des valeurs partagées est fondamentale. Il est avéré, par exemple, que la culture aristocratique et diplomatique du XIXe siècle, mêlant tradition monarchique, pragmatisme et influence des Lumières, a joué un rôle clé dans le succès du Congrès de Vienne (1815). Elle a permis aux négociateurs de trouver un compromis garantissant la paix et la stabilité en Europe pour plusieurs décennies.
Un enseignement basé sur l’apprentissage de la pensée critique et l’ouverture aux différentes traditions philosophiques et culturelles est au fondement de la théorie du dialogue des cultures du philosophe russe Vladimir Bibler (1918-2000). Selon lui, les civilisations ne sont pas des ensembles clos, elles évoluent à travers un échange permanent de connaissances et de valeurs ; c’est par l’interaction que les sociétés progressent et évitent la stagnation ou le conflit[2].
Il est tout aussi nécessaire d’examiner les pratiques et les formes d’organisation les plus à même de promouvoir un tel esprit de paix. Dans son traité La Paix de la foi, publié l’année de la prise de Constantinople par les Turcs, le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464) voyait dans la pluralité un chemin vers une vérité commune, un moyen d’établir la paix religieuse. Son dialogue imaginaire se déroule à Jérusalem, un choix symbolique, puisque cette ville représente un centre spirituel pour plusieurs grandes traditions monothéistes et incarne l’idée d’une réconciliation possible entre les religions. On pourrait, dans cet esprit, réfléchir à la constitution de « hauts lieux de la paix », des espaces de dialogue et de médiation. Dans tous les cas, la paix ne saurait être durable que si elle satisfait à la fois aux exigences de la raison et du cœur.
Ainsi, la paix peut être favorisée par la primauté accordée au droit, par des institutions capables de réduire la méfiance et l’hostilité entre États et communautés, et par la promotion du dialogue interculturel et inter-civilisationnel. Il ne faut pas oublier que la paix, comme le rappelle Julien Freund, est une question éminemment politique : « Le type de paix est corrélatif, à chaque époque, au type de guerre que l’on mène » [3]. La paix n’est ni un absolu ni un état naturel du monde ; elle est avant tout le produit d’une volonté politique. Celle-ci doit cependant être guidée par une connaissance approfondie des mécanismes de la violence collective, comme le souligne le sociologue allemand Hans Joas[4].
Loin des polémiques et des condamnations, il convient donc d’ouvrir des pistes diplomatiques et juridiques pour enclencher un véritable processus de paix, en envisageant concrètement des voies de dialogue et des protocoles de règlement acceptables par toutes les parties.
Mesdames et Messieurs, la paix est un bien précieux, un trésor que nous devons chérir et protéger. Elle repose sur des fondations solides : le respect mutuel, la compréhension profonde et la coopération sincère entre les peuples.
Mais la paix ne se limite pas à l’absence de conflits armés. C’est un état dynamique, une construction quotidienne qui exige l’engagement de tous. Elle se nourrit du dialogue ouvert et honnête, de la justice équitable pour tous et de la solidarité agissante envers les plus vulnérables.
Pour garantir un avenir harmonieux, où les générations futures pourront s’épanouir dans un monde de paix, il est essentiel que chacun de nous apporte sa contribution. En unissant nos forces, en cultivant l’empathie envers autrui et en dépassant nos préjugés, nous pouvons construire un monde où la paix n’est pas seulement un rêve, mais une réalité tangible. Un monde où chaque être humain, quelles que soient son origine, sa religion ou ses opinions, peut vivre dans la dignité et la sécurité.
N’oublions jamais que la paix est une œuvre collective, un jardin que nous devons cultiver ensemble, jour après jour, avec amour et détermination. Je vous remercie de votre attention.
[1] Badie Bertrand, L’Art de la paix. Neuf vertus à honorer et autant de conditions à établir, Paris, Flammarion, 2024, 256 p.
[2] Владимир С. Библер, От наукоучения — к логике культуры. Два философских введения в двадцать первый век, М., 1991.
[3] Julien Freund, « La guerre dans les sociétés modernes », dans J. Poirier (éd.), Histoire des mœurs III, Paris, Gallimard, Vol. 1 (« Thèmes et systèmes culturels »), 1991, pp. 382-458.
[4] Hans Joas, War and Modernity, Cambridge, Polity Press, 2003, 256 p.
Recteur Gérard-François DUMONT, Économiste et démographe, Sorbonne Université, Vice-Président de l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP),
« La Paix et la démographie ».
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vous remercie de votre invitation. En fait, la question que je souhaitais poser cet après-midi c’est le fait qu’organiser un colloque international pour la Paix est-ce que ce n’est pas être complètement hors-sol, dans la mesure ou simplement il n’y qu’une paix peut-être impossible dans une Terre qui se trouve en croissance démographique ? Effectivement, comme je le résumerai, nous avons eu au fil de l’Histoire un certain nombre d’auteurs qui ont considéré que la non-paix, donc en fait la guerre, était tout simplement la conséquence des dynamiques démographiques. Donc pour répondre à cette question je vous propose une première partie avec ce questionnement : l’homme est-il un loup pour l’homme ? Et nous vérifierons ensuite, par la connaissance que nous avons des conflits dans le monde, si la réponse à cette question doit être positive ou négative, et si elle est négative il nous faudra essayer d’expliquer pourquoi, ou du moins de résumer la raison.
Effectivement, au fil de l’Histoire nous voyons un certain nom d’auteurs qui considèrent que la démographie est le facteur essentiel du conflit, et déjà l’on peut se rappeler, pour prendre une période plus proche de nous, que Thomas Hobbes considérait quant à lui que, de toute façon, la nature humaine cela signifiait forcément de la jalousie, de la vanité, premièrement, que deuxièmement l’homme était en état de pouvoir tuer ceux dont il était jaloux, ou ceux dont il avait envie de s’emparer des biens, et donc ceci se traduisait inévitablement par des conflits militaires, ce que Thomas Hobbes appelait « la guerre de tous contre tous ». Et donc, nous retrouvons avec Thomas Hobbes la vieille formule qui avait été prononcée il y a 23 siècles par Plaute, « Homo homini lupus » (l’Homme est un loup pour l’homme). Donc si effectivement chacun défend ses intérêts propres sans aucun respect des autres, si l’homme n’existe que pour causer du tort à ses semblables, et si l’homme est effectivement un loup pour l’homme, alors plus il y a de loups, plus le risque conflictuel se trouve élevé, et donc la non-paix (donc la guerre, les situations conflictuelles) ont pour cause déterminante les évolutions démographiques. Il devrait en résulter qu’en 2025 nous devrions être plus loin que jamais de toutes perspectives de paix, puisque le nombre des loups, c’est-à-dire des hommes, qui était d’un milliard en 1800, dépasse aujourd’hui les 8 milliards, ce qui fait effectivement une évolution quantitative des risques conflictuels évoqués par Plaute et par Thomas Hobbes.
Plus récemment, au 20ème siècle, nous avons eu la fameuse thèse développée par un français, Gaston Bouthoul, qui considérait qu’en fait l’augmentation de la population mondiale devait être considérée comme une « inflation géographique ». Et donc il fallait trouver des solutions pour guérir cette inflation démographique, et pour Gaston Bouthoul la solution était justement dans la guerre, qui entrainait un certain nombre de morts et qui équivalait à un infanticide différé : puisque nous avions trop d’habitants, on faisait la guerre, et en faisant la guerre on causait de la surmortalité qui engendrait effectivement une réponse à cette inflation démographique. Donc en fait, sans qu’il l’ait formulé comme ceci, Gaston Bouthoul développait une sorte syllogisme (le nombre des hommes s’accroit, ils sont source de conflit, donc plus il y a d’hommes plus il y a de guerres). Et allant même plus loin dans la formulation de sa thèse, Gaston Bouthoul a cette fameuse phrase : « l’inflation démographique a pour corollaire la guerre totale ». Donc normalement, compte tenu de l’augmentation de la population dans le monde toutes ces dernières décennies, nous devrions avoir un nombre de conflits qui aurait augmenté de façon homothétique (avec la croissance démographique homothétique avec le nombre de « loups »).
Après avoir analysé ces théories défavorables à l’espoir de paix que chacun peut porter et que le Président a très bien présenté tout à l’heure, il nous faut essayer de vérifier si ces théories ont une valeur qui mérite d’être reconnue. Et pour cela, il nous faut étudier les conflits dans le monde et utiliser des données qui sont proposées par un certain nombre d’institutions, donc je proposerai les données de l’université d’Uppsala (Suède), qui depuis 1950 tient de façon précise une statistique des conflits armés dans le monde selon une définition extrêmement précise, c’est-à-dire que tout conflit armé est défini comme une situation où il y a au moins dans l’année 25 morts, avec au moins un cadre étatique qui exprime la situation belliqueuse qui se déroule, soit dans le pays, soit entre deux pays.
J’ajoute aussi que la thèse de Gaston Bouthoul pourrait être d’autant plus justifiée aujourd’hui qu’il y a beaucoup plus d’États en 2025 qu’il y en avait en 1980 compte tenu de l’implosion soviétique, de l’implosion de l’ex-Yougoslavie, etc. Donc on a beaucoup plus d’États dans le monde aujourd’hui, ce qui devrait se traduire, toutes choses égales par ailleurs, par un risque de conflits beaucoup plus important. Or que donnent les résultats ? Et donc je vous invite à regarder cette courbe. Vous avez ici, en rose, l’augmentation de la population mondiale depuis 1950, donc le passage, en gros, de 2 milliards 500 millions d’habitants en 1950 à un peu plus de 8 milliards aujourd’hui. C’est une augmentation qui apparait presque continu, en réalité ce type de courbe ne met pas en évidence les effets de vitesse acquise et donc ne permet pas d’illustrer l’importante décélération ces dernières décennies. Et vous avez donc en bleu une autre courbe qui indique chaque année le nombre de conflits recensés par cette université, selon la définition que je vous ai précisée tout à l’heure. Donc vous voyez cette différence entre une courbe qui pour simplifier est linéaire (celle de l’augmentation de la population mondiale) et une courbe qui au contraire est considérablement discontinue, c’est-à-dire que les conflits de chaque année ne suivent pas une croissance mais vous voyez bien au contraire qu’il y a des périodes plutôt de croissance du nombre de conflits, des périodes de diminution du nombre de conflits, d’autres périodes comme nos dernières années où le nombre de conflits augmente, donc une évolution discontinue et nous n’avons donc pas d’homothétie entre le nombre d’habitants sur Terre et le nombre de conflits qui se déroulent sur notre planète.
Pour aller mieux dans la compréhension de cette éventuelle corrélation entre le nombre d’âmes sur Terre et le nombre de conflits, j’ai proposé de formuler un indice démographique des conflits qui consiste donc à rapporter le nombre de conflits à l’effectif de la population. Et voilà le résultat que cela se donne (donc c’est un indice démographique des conflits) : si effectivement nous étions dans une situation où l’augmentation de la population mondiale avait engendré un nombre homothétique de conflits, eh bien cet indice devrait avoir augmenté depuis 1950. Or vous voyez que cet indice démographique des conflits a varié considérablement au fil des années, qu’il y a eu plutôt certaines années de hausse de l’indice démographique des conflits, donc une situation plus conflictuelle sur la planète, qu’à d’autres périodes au contraire nous avons eu des années où l’indice était plus faible, et vous constaterez que pour les dernières années, si en moyenne le nombre de conflits a plutôt augmenté (et donc il en est résulté une augmentation de l’indice démographique des conflits), néanmoins vous voyez que cet indice, alors que nous avons plus de 8 milliards d’habitants, est plus faible que le niveau qu’il atteignait par exemple dans les années 1980. Donc tout ceci a pour conséquence de mettre en évidence que la théorie de l’inflation démographique explicative de la multiplication des conflits et explicative de situations de guerre, et explicative du fait qu’il n’y aurait aucun espoir de parvenir à la paix, ces théories sont en réalité complètement démenties de façon factuelle par les réalités. Si en plus on va encore plus dans le détail, nous pourrions penser que les risques conflictuels sont plus élevés lorsque vous avez une composition par âge jeune. Or nous sommes bien placés en Europe pour constater qu’en ce qui concerne les guerres d’ex-Yougoslavie, comme en ce qui concerne l’Ukraine, on ne peut pas dire que ce sont des guerres dont les causes sont liées au fait que les pays en question avaient un pourcentage élevé de population jeune et donc qu’il y avait besoin d’un infanticide différé, puisque tant les populations de l’ex-Yougoslavie que les populations de l’Ukraine ou la Russie sont des populations vieillissantes, avec des pyramides des âges qui n’ont pas la forme de pyramides.
Donc il nous faut parvenir à essayer de comprendre pourquoi – donc j’en arrive à ma seconde partie qui sera plus brève compte tenu du temps qui nous est imparti – finalement, si l’homme n’est pas un loup pour l’homme, quelles sont les différentes raisons. Donc j’en citerai rapidement quelques-unes. D’abord, il est essentiel de rappeler que la dimension idéologique des guerres est tout à fait fondamentale et beaucoup plus fondamentale que la dynamique démographique. On sait très bien combien la dimension idéologique qui a été la cause de guerres comme celle de Corée ou celle du Vietnam, on sait aussi que la guerre d’Afghanistan, déclenchée à l’époque par l’URSS, avait pour l’une de ses raisons la crainte de contagion islamiste de l’Afghanistan vers les régions à majorité musulmane de l’URSS, et puis nous savons aussi qu’un certain nombre de pays, même s’ils ont du hard power, donc une certaine puissance militaire, ont pensé qu’il y avait un outil qui pouvait leur être très utile pour améliorer leur puissance dans le monde, c’est le soft power. Et si je prends ces dernières décennies, on voit combien l’Afrique a été pénétrée de l’influence chinoise sans que la Chine utilise un seul militaire pour parvenir à ses fins, ou on voit bien comment l’Inde de son côté a utilisé intelligemment sa diaspora pour améliorer sa situation à la fois géopolitique et économique, là-aussi sans recourir à des moyens militaires, et donc c’est un élément qui explique que finalement le nombre de conflits n’a pas augmenté.
Néanmoins, il faut reconnaître qu’il y a un certain nombre de guerres pour lesquelles on a utilisé des arguments démographiques. Je dirais que la principale dans notre période contemporaine est évidemment la guerre d’Hitler, avec sa notion d’ « espace vital » mais qui cachait en réalité une théorie raciale des populations. Et donc je voudrais simplement ajouter surtout que la question démographique face au problème de guerre et de paix est en fait dans une situation tout à fait paradoxale. C’est-à-dire que dans l’analyse du démarrage des conflits, le paramètre de la population, du nombre d’habitants, de sa composition par âge, parfois ne s’exerce pas du tout, ou parfois à une influence relativement minime par rapport à d’autres facteurs, sachant que bien sûr tout déclenchement d’une guerre est plurifactoriel. Mais en revanche, quand une guerre est ouverte, le paramètre démographique là a de l’importance très significative, c’est bien sûr ce que nous avons écrit sur la guerre d’Ukraine, c’est ce que nous avons écrit aussi sur la question du Proche-Orient, et donc il faut bien distinguer le rôle du facteur démographique dans la causalité initiale dans la guerre, et le rôle du facteur démographique quand la guerre est déclenchée.
Je dirais en conclusion qu’il n’y a donc pas de corrélation entre la non-paix et les rapports de force ou les compositions démographiques, mais qu’en revanche il y a des éléments démographiques qui sont explicatifs de situations géopolitiques, qu’il s’agisse du vieillissement de la population, qu’il s’agisse de la rapidité de la transition, et donc ce sont ces éléments qu’il importe d’examiner si l’on souhaite, comme ce colloque, œuvrer pour la Paix. Merci.
S.E.M. Mezri HADDAD, Docteur en philosophie morale et politique, essayiste, ancien diplomate tunisien auprès de l’UNESCO, fondateur du Centre international de géopolitique et de prospective analytique,
« Sud Global et nouvel ordre multipolaire : ultime chance pour une Paix universelle ».
S.E.M. Mezri HADDAD : (…) de l’UNESCO qu’est-ce que vous faites ? Alors, je dis : « je complote » (rires). Merci cher ami, de nous avoir réuni, et de m’avoir permis à moi, à titre personnel, de retrouver beaucoup d’amis qui m’étaient et qui me sont toujours très chers. En ces temps de guerre et de démangeaisons génocidaires, je voudrais saluer cette initiative, louable, des organisateurs. Il faut une bonne dose d’optimisme pour croire encore dans le genre humain. À l’époque de la guerre froide, un illustre penseur français – qui était moins connu que Jean-Paul Sartre –, Raymond Aron, avait eu cette formule, profonde et géniale : « paix impossible, guerre improbable ». Il s’est écoulé beaucoup de temps depuis la guerre froide, qui s’est terminée comme vous le savez, et je suis tenté d’inverser, de subvertir cette formule en disant : « paix très improbable, guerre imminente et très possible ».
Alors je voudrais commencer par les tout derniers événements, l’actualité, comme disent les journalistes. À l’heure où nous parlons, 15h, nous sommes à trois heures, je crois, de la rencontre entre le chef de la Maison Blanche, Donald Trump, et les chefs, ou le chef disons, de la République française. Alors, l’heure local c’est je crois midi là-bas et 18h ici. Avec sa diplomatie affective et tactile, souhaitant bonne chance au Président français. Un autre événement, fort heureusement sans grand égard humain principalement, c’était l’attentat ce matin au Consulat de la Fédération de Russie à Marseille. Ce n’est sûrement pas le soft power ukrainien, qui se manifeste comme auparavant en Russie, et je pense particulièrement à celui qui avait visé Alexandre Douguine, plus exactement sa fille Doria. Je crois que les Ukrainiens maîtrisent très bien ce soft power. Je dis bien soft power. Peut-être qu’on dira dans quelques jours, ou même ce soir, qu’il s’agissait d’un loup solitaire, ou d’un islamiste psychologiquement fragile. C’est toujours le profil que l’on fait des terroristes.
Alors, je viens de faire une allusion au complotisme. Je voudrais commencer par cette notion, qui n’est pas un concept : le complotisme. C’est un argument dissuasif, inventé par les vrais comploteurs, pour discréditer et disqualifier les voix libres et indépendantes. Non seulement les complots existent, mais ils constituent une constante dans l’Histoire de l’humanité. Marx disait que l’Histoire de l’Humanité a été et n’a été que lutte de classes : je dirais que c’est une lutte de places, c’est une lutte de places pour le pouvoir. Et si on regarde superficiellement l’Histoire de l’Humanité, et l’Histoire politique depuis que les États existent, on voit tout à fait que l’Histoire est une succession de complots. Je vous cite deux exemples. Les complots quotidiens, à l’époque de l’Empire romain (et vous savez comment César a fini : « toi aussi, mon fils ? ») et les empires musulmans, islamiques : l’Abbasside, l’Omeyyade, et tous les autres qui ont suivi. Sur quatre Califes dit « bien guidés », il y en a trois qui sont morts assassinés… Bon, quand on vient me dire que l’Histoire ce n’est pas une histoire de complots, je rigole, et les historiens en rigolent ! Moi je ne suis pas complotiste. Ayant été à la bonne école, cher ami, je suis cartésien. Suivez bien mon regard, le cogito, le doute, je suis un douteux, ou un doutiste, si vous voulez. Toute la philosophie est fondée sur le doute. Un comploteur doute, tout simplement. Je ferme la parenthèse.
Donc certains parmi ceux qui ne connaissent pas mes écrits seront tentés de croire que je suis dans l’air du temps, le temps américain, hein, ou le temps trumpien. Ou pour employer des concepts grecs qui ont eu dans le domaine des sciences politiques, géopolitiques et stratégiques la postérité que vous savez, que je suis dans le Chronos (le temps) et le Kairos (l’opportunité qu’on doit saisir, l’occasion propice pour agir). Donc que je suis, dans l’ère du temps, opportuniste. Il y a Donald Trump maintenant à la tête de la première puissance mondiale, on se couche et on reconsidère toutes ses positions. En termes plus simples et plus directs, que je suis dans une démarche politique opportuniste et utilitariste. Dans une telle démarche, la maîtrise du Chronos et l’intuition du Kairos ne suffisent pas pour réaliser un objectif politique suprême. Encore faut-il y ajouter ce que Machiavel appelle la Fortuna (la chance).
J’interviens sur le sujet qui a été annoncé, je n’interviens pas totalement objectivement. Et ces conférenciers, professeurs, chercheurs, essayistes, qui vous disent qu’ils sont totalement objectifs dans ce que Max Weber appelle la « neutralité axiologique », ils ne sont pas tout à fait sincères. En sciences humaines, il est impossible d’être totalement objectif. Il y a toujours l’élément, conviction ou idéologie, penchant, qui intervient. Donc je ne suis pas totalement objectif. Je ne suis pas dans l’opportunisme disais-je, parce que le propos que je vais tenir je l’ai écrit noir sur blanc dans mon essai que voici[1] – j’en ai apporté quelques exemplaires en vente pour les amateurs de littérature complotiste… – qui est paru en 2022 et où j’ai parlé de mon point de vue, d’un point de vue objectif et factuel, de la genèse, car elle a une genèse cette « guerre russo-américaine par Ukrainiens et Européens interposés ». Je me souviens au début de la guerre comment certains médias, analystes, chroniqueurs, se sont comportés sur les chaines de télévision : haro sur Poutine, il faut carboniser Poutine, il faut le vitrifier ! J’avais dit dans ce livre et davantage ce que le Président américain dit aujourd’hui du « saltimbanque de Kiev » Zelensky. Je fais l’économie des termes par lesquels il l’a désigné.
Je vais vous faire plaisir cher ami, faire l’économie du texte que vous avez déjà imprimé, c’est-à-dire un résumé de mon intervention, dont je vais faire une lecture rapide. Le « Sud Global », un concept récusé, un projet honni. Malgré le refus obstiné et le déni, même chez la plupart des universitaires français, diplomates, entrepreneurs d’opinion générale, de le reconnaître en tant que tel, c’est-à-dire dans sa factualité. Le concept de Sud Global n’a pas fini de s’imposer de plus en plus dans le lexique des relations internationales. En France, on l’emploie régulièrement, soit pour reconnaître timidement sa réalité géopolitique, pour le moins conceptuelle, soit pour le considérer comme une parenthèse des relations internationales, soit encore pour le récuser catégoriquement en dénonçant jusqu’à son usage. Son usage est un scandale, un sacrilège ! Parler de Sud Global, c’est scandaleux…
Un exemple parmi tant d’autres : dans un numéro spécial de la RDN (Revue Défense Nationale), Bruno Tertrais, directeur-adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) considère et je le cite : « la notion de Sud Global n’est ni pertinente, ni efficace pour caractériser l’évolution des grands rapports de force internationaux. Surtout, elle enferme le discours politique dans une simplification contre-productive et peut-être dangereuse. Plus on l’utilise, plus on crée une réalité. Il faut donc éviter, voir refuser le terme Sud Global » (Bruno Tertrais). La négation d’un concept n’affecte aucunement l’immanence de laquelle il découle, ni la réalité géopolitique à laquelle il renvoie. Philosophiquement parlant, la réfutation d’un concept n’abroge pas sa phénoménologie. En d’autres termes, et pour recourir à l’adage bien connu, ce n’est pas en cachant le thermomètre qu’on fait tomber la fièvre !
Second exemple, celui de Gilles Kepel, toujours dans ce même numéro. L’article est titré « Le Sud Global est une grande imposture idéologique et une aberration géopolitique ». Et je le cite : il pense que « le Sud Global est une notion fourre-tout. Et les États qui s’en réclament, qui sont censés incarner le Bien et le Droit, sont pour beaucoup dirigés par des régimes illibéraux (là, le concept a fait florès depuis son usage par Fareed Zakaria, le théoricien américain d’origine indienne) et liberticides, et surtout qu’une partie non-négligeable des peuples du Sud en question, opprimés par des pouvoirs autoritaires ou souffrant de leur faillite et de la corruption, désirent venir vivre dans le Nord supposément détesté mais démocratique et prospère » (Gilles Kepel).
L’apparition graduelle d’une nouvelle constellation de pays se réclamant du Sud Global, regroupant informellement 134 pays sur trois continents – d’où sa désignation par Sergueï Karaganov de « majorité mondiale » – et s’agrégeant autour des BRICS, ce phénomène ébranle la tectonique géopolitique et interroge les élites académiques, politiques et économiques des pays du Nord, comme d’ailleurs ceux des pays du Sud, sur le sens profond que ce Sud Global recouvre et sur le dessein dont il se veut l’émanation et le vecteur, notamment à travers les BRICS. S’agit-il d’un phénomène géopolitique s’inscrivant sur la longue durée, cher Fernand Braudel, ou d’un épiphénomène amené à disparaître aussi rapidement que ce qui l’a fait naître.
Là j’abrège aussi, parce que vous connaissez la genèse du Sud Global, héritière peut-être sans héritage du Tiers-mondisme des années 1950. Vous connaissez aussi son évolution, les États qui l’ont fondé, les États qui l’ont rejoint, c’est une partie que j’économise. Mais il y a eu dans l’évolution du Sud Global et des BRICS, une accélération de l’Histoire, et même un emballement de l’Histoire. Je les résume en cinq événements : premièrement, la crise financière de 2007-2008, qui a révélé les limites du mondialisme économique hyper-libéral et profondément fragilisé les économies de plusieurs pays du Sud, y compris d’ailleurs la Russie qui se croyait immunisée grâce au non-investissement de ses propres banques dans les crédits Sub primes américains et dans leurs dérivés toxiques sur les places offshore ; Deuxième événement, la crise sanitaire de 2020. Dans son dernier écrit, Henry Kissinger, très peu de temps avant sa mort, dira qu’elle vint modifier l’ordre mondial, la crise du Covid-19 ; Troisièmement, le conflit que j’appelle toujours « russo-américain par Ukrainiens et Européens interposés », le conflit de 2022 que Bzrezinski ET Kissinger appréhendaient tant et qui a clairement tracé la ligne de fracture entre le Sud Global et l’ « Occident collectif », pour être dans la terminologie de Vladimir Poutine. On a vu, on a constaté, que le clivage entre l’Occident et le « reste du monde » – c’est le terme, l’expression qu’employait, dans tous ses livres, et même dans les titres de ses livres, Bzrezinski : « L’Amérique et le reste du monde ». Avec le mépris intrinsèque à l’usage de ce mot, « reste du monde » – était fort au sein des Nations Unies même, puisque sur 180 membres de l’Assemblée générale, une cinquantaine d’États d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud, entrainés par la Chine et l’Inde, se sont abstenus de condamner l’ « agression » russe. Quatrième événement, le conflit israélo-palestinien, qui est de moins en moins israélo-arabe. L’attaque du Hamas, 7 octobre 2023, a été pour les Israéliens a été aussi sidérante et tragique que le 11 septembre 2001 pour les Américains. Fait rare et hautement symbolique, les critiques les plus virulentes vis-à-vis de la réaction disproportionnée et génocidaire israélienne, ne sont pas venus de Djedda, ni de Dawha, ni du Caire ni même d’Alger, mais du Brésil et surtout d’Afrique du Sud, qui est à l’origine de la démarche auprès du Tribunal international.
Pourquoi le Sud Global serait-il la seule chance ou l’ultime chance pour un ordre de « paix perpétuelle », comme dirait Kant – je crois que Monsieur Myard va vous parler de l’idéalisme kantien. Pourquoi ? Pour des raisons évidentes : parce qu’aucun ordre stable, équitable, à très long terme ne peut se faire dans un désordre international, ou dans un ordre unipolaire, ni même d’ailleurs bipolaire. L’ordre, la Paix, ne peut désormais découler que d’un seul ordre – auquel appelle le Sud Global – un ordre, en effet, multipolaire. Parce que si on reconnaît les vertus de la démocratie en termes de pouvoirs et de contre-pouvoirs dans un système national, on ne peut pas ne pas reconnaître les mêmes vertus au niveau international. Donc, multilatéralisme, refonte totale du droit international – y compris du droit public international et humanitaire – sur la base de nouvelles règles et normes émanant de tous les États du monde, et non seulement des puissances. J’ai fini.
[1] Haddad Mezri (préf. Hubert Védrine), Du conflit de civilisation à la guerre de substitution, Paris, éd. Jean-Cyrille Godefroy, Octobre 2022, 188 p.
Pr. Alena DOUHAN, Rapporteur Spéciale des Nations Unies sur l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits humains,
« Menaces et défis au maintien de la paix et de la sécurité internationales créés par les régimes de sanctions unilatérales ».
Thank you very much Dr. Rastbeen and I would like to start thanking the organizers for convening this important conference, because when we speak about the very purpose of the United Nations organization it was the maintenance of Peace and international security. And unfortunately, despite the fact that it’s already 80 years after the United Nations organization has been established, the discussion about maintenance of International Peace and security doesn’t become less needed. Unfortunately, quite often we need it even more than before. I’m fully joining the previous speakers advocating on behalf of the full observance of International Law, International Public Law and international humanitarian law. And as soon as I’m the international lawyer, I will try to demonstrate some of the perspectives of the impacts of a very specific notion, the use of unilateral sanctions, means of their enforcement and over compliance, on the maintenance of International Peace and security.
Traditionally, as a special rapporteur, I’m supposed to look at humanitarian impact of unilateral sanctions and to assess them from the perspective of Law. And traditionally, countries which impose sanctions insist that it’s a political means only, imposed on behalf of public goods, to make bad governments to change for the better, which do not affect individuals and which do not affect peace and security at all. Unfortunately, after 5 years of being a special rapporteur, I need to say that this all is not true at all. As an illustration I will just mention that the issue of impact of unilateral sanctions on the maintenance of International Peace and security has already been addressed by the UN Security Council three times, within ARA formula meeting. We discussed the general impact, the need to control the use of unilateral sanctions, the impact on delivery of humanitarian assistance to the most targeted societies and the impact on implementation of the UN counterterrorism strategy. Due to the limited period of time I have, I will try to demonstrate the most important elements, and the most important impacts.
Before I will move to specific impacts of unilateral sanctions on maintenance of International Peace and security, I will make an overview of what we’re talking about when we are talking about unilateral sanctions. If you look at the media or political statements, you will see – and even the OHCHR (Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights) statements. The High Commission on human rights is blaming economic sanctions. But even he is usually saying that it might be that targeted sanctions are not so bad. But eventually talking about economic sanctions is fully misleading.
What is economic sanctions ? We have sanctions prohibiting trade, they call it trade sanction, they do not recognize them to be economic. Or we have sanctions prohibiting people to do any Financial transactions with interlocutors in the countries affected by sanctions, even interlocutors which might have a surname similar to those coming from the countries under sanctions. As a personal example, I’m Belarusian. Belarus is under sanctions without Financial sanctions, but even now, as a university Professor, I face terrible challenges to be paid from abroad. It’s just a very simple demonstration, but for countries which face Financial sanctions it’s mission impossible task.
To illustrate that, I looked about the changing in US policy towards Syria for example. They say : “we lift sanctions to provide for transfer of remittances to people”. And it’s a clear illustration of the fact that beforehand they were lying when saying “oh, remittances to ordinary people are not affected a lot”. They are. Similarly, they say “we provide for the possibility to cover basic human needs like food and medicine”, which means that when, in 2023, I was terribly criticized when producing a report saying “people are dying, they have no access to medicine, they have no access to food, they drink dirty water and die of cholera”, I was right, and they were lying about efficacy of humanitarian exceptions.
Additionally, sanctions which are called “targeted” are not so much targeted in reality. Sanctions against the president of the country are usually perceived as sanctions against the country as a whole. Very simple example are sanctions imposed against president of Russian Federation, Putin. There are two decisions in the UK courts. The first decision says : as soon as Russia has a centralized economy, anything happening in Russia, to Russian Nationals or anything relevant to Russia shall be considered to be under full control of Russian president and to be targeted. The second decision is a bit softer. It says : it’s not true that everything is fully controlled, but in every specific situation a UK Court shall review whether a specific individual transaction activity or whatever having any relevance to Russia, could be considered to be under control of Putin, taking in mind geopolitical goals of the UK. It’s not about law. It’s about something far beyond the law, which dissolves International Public Law and all agreements as all human rights standards we used to live in. So targeted sanctions are not so targeted, and as a result quite often the whole population is affected.
Another point which we need to consider are measures taken to enforce sanctions, and here the scope of those is expanding incredibly. First of all, they are secondary sanctions. Any person dealing with a person which might be considered to be affected by sanctions, not directly affected but might be considered to be affected, can be placed in sanctions list. It affects third countries Nationals having nothing to do with the country which imposes sanctions and nothing to do which with the country under sanctions. Moreover, now we face more and more cases of bringing civil and criminal charges for Nationals of countries which impose sanctions or any Third Country. And now we Face ridiculous situation when European Union country, for example Greece, arrests Bulgarian nationals and Nationals of another European Union country, and extradites a person to the United States, despite the disagreement of Bulgaria, under the criminal case for alleged cooperation with Russian entities. For me, as a lawyer, it’s nonsense. It has nothing to do to any provision of any treaty in the sphere of extradition, but that is the reality. European Union Parliament submitted a case to the European Union Council, asking “what shall we do, how shall we understand extradition rule” ? And since August, there is no response. No one knows, but these extradition cases continue to happen. And due to this high level of penalties, due to this fear, everyone over complies. So, this over compliance, from the side of businesses, individuals and states, make unilateral sanctions regimes comprehensive, even if there are only targeted sanctions.
Let’s move now to the topic we are discussing, the issue of use of certain means of pressure under international law. Under international law, the rules are pretty clear. It’s possible to act in self-defense if you are under the military attack, that’s definitely not the case, it’s possible to take unfriendly but legal means, what is retortions, but the majority of measures are not legal but unfriendly means. In November 2024, we had a huge conference in Geneva and one of the speakers said that what US is doing to Cuba is retortions because the US has the right not to trade with Cuba. Not to trade, it’s true, but the fact is that both the US and Cuba are members of multiple International treaties and if we are talking about retortions, the measures taken shall not violate any of them. If they do, and that’s the case, it’s not retortions. Another possibility is countermeasures, and for a certain period of time, European Union was advocating that it’s possible to use sanctions as countermeasures, but countermeasures rules are very precise. You can only take countermeasures in response of a specific International legal obligation. You shall say “this obligation is violated”, “under this treaty”, “and we react”. It has never been done.
Measures taken as countermeasures cannot violate fundamental human rights, and multiple facts say they do. They cannot last forever, and they cannot aim to punish a country, they cannot have a political goal, they can only encourage a state to fulfill that specific violated International obligation. Therefore, since two years, the European Union said “no, it’s not countermeasures”, there is a decision of the European Court which says it’s not countermeasures, we are not addressing this issue any longer so it’s our foreign policy.
Moving further, theoretically there is a possibility to use criminal jurisdiction in response to International crimes, but here we face a ridiculous situation : countries which impose sanctions quite often say “we designated these guys because they committed crimes against humanity”, but there has never been an attempt to start a criminal case. If a person did really commit crimes against humanity, you shall at least try. Similarly, many people are designated under Magnitsky law (Act) or under Caesar Act refer, or in the European Union it’s human rights sanctions regime, seeing these persons committed corruption. But under Convention of corruption, it’s not an international crime. It’s only directly affected states which are entitled to start a criminal case.
I’m moving now to the issue of threats to International Peace and security caused by unilateral sanctions. The first problem is that some sanctions are imposed by states with alleged purpose to enforce sanctions of the UN Security Council. And under chapter of the United Nations, states are obliged to implement them, not enforce. And here we see a huge difference. If the UN Security Council prescribed specific measures, for example designated three persons, it’s not possible to designate 100 more referring that we believe we need to punish them to enforce the initial sanctions because the UN Security Council is not effective.
By doing that, we come back to the very idea of humanitarian intervention of early 1990s, when States said the UN Security Council is not effective. We need to demonstrate that we do care. But it’s not about international law demonstrating that we do care. International law is about adhering to the rule of law, including humanitarian law and including human rights law. So, these measures undermine the authority of the UN Security Council and have nothing to do to authorization. Moreover, quite often they make situations much worse than it was before.
Second situation, this arbitrary interpretation of sanctions of the UN Security Council undermines relations between states. If sanctions are imposed, countries under sanctions will definitely not be happy. It will be much less inclined to discuss the situation. On the opposite, it will start to develop legislation aimed to protect its Nationals and policy internally, and that’s what we are currently observing in number of African States, especially within SADC (Southern African Development Community) which has “anti-sanctions day”, and they develop a strategy against sanctions. A certain number of countries adopt anti-sanctions legislation which basically scares countries which impose sanctions.
And I will show you this picture that is the reaction of the European Union Parliament in response to China taking counter-sanctions. They say “wow, China takes terrible steps, economic coercion is not allowed under international law”. When I saw this document, I had a very strange feeling that, as for the arguments, they copied my report published four years ago at that moment, where I try to argue that unilateral sanctions are not legal. So now, when China imposed counter-sanctions they use my argumentation word by word, because unilateral sanctions are not legal, however counter-sanctions might fit the criteria of countermeasure, that makes the situation even more complicated.
Coming back to other elements, one of the issues which is very complicated is the delivery of humanitarian assistance. I have already cited the problems to deliver humanitarian assistance to Syria. It’s all the same, around all countries under sanctions. It’s long, it’s very expensive, it’s not effective, it’s not efficient. And as a result, the UN Security Council, which takes steps at the moment to provide for humanitarian resolutions (for example resolution 2664 to enable delivery of humanitarian assistance even under UN Security Council regimes), they cannot do it, because the general licenses adopted by sanctioning states to implement these resolutions do not remove other unilateral sanctions. So, basically, you say “yes, you can unfreeze assets under UN Security Council resolutions”, but it’s still prohibited to do Financial transfers, it’s still prohibited to recruit the company to deliver, it’s still prohibited to ensure, and you still might face consequences because you interact with this country, so it doesn’t work at all. Absence of control, I have already mentioned.
Referring to another problem, one of the challenges the whole world is facing is struggle against International terrorism and transboundary crime. we all are aware about the existence of the “Global UN counterterrorism strategy”, and eventually the use of unilateral sanctions means of the enforcement and over-compliance undermines all five pillars of this Global counterterrorism strategy, as the use of unilateral sanctions results in poverty, hunger, Health insecurity, degrading education, people are more inclined to involve into criminal activity for basic survival.
Additionally, people do not have chances for the better future, and as a result it’s much easier for terrorist groups to recruit them. People get subjected to human trafficking, to illegal traffic of arms, cultural values and many other elements. And all this has already been recognized by the UN Security Council as constituting a threat to International Peace and security.
Additionally, the use of unilateral sanctions is undermining human rights, and it has already been recognized long ago, even at the level of the UN Security Council, that promotion and protection and respect for human rights is an integral part of struggle against terrorism. If you are not respecting human rights, it basically means that terrorists immediately say “you see, they behave in the same way, that’s why we need to punish them”. And there is clear cut statistic which demonstrate that violation of Human Rights results in growing engagement into terrorist activity and all other types of transboundary crimes.
When unilateral sanctions are imposed, there are challenges to deliver not only food and medicine. You cannot develop domestic systems to prevent and investigate crisis : problems with forensic expertise, problems to recruit staff because usually salary in public sector, even in the police, is very low, you lose experts, you are not able to use online means necessary for investigation and protection, so the country becomes vulnerable for these crimes. Because they cannot criminalize that. Impeded delivery of humanitarian assistance.
I understand that I’m already abusing the time, and at the same time I will show you a few pictures as an illustration. One of the elements which is currently used is qualification of let’s call “bad guy” States, as States sponsoring terrorism. We hear that a lot. Cuba has recently been delisted and designated again. But I would like to draw attention to the fact : what is the purpose of doing that ? The purpose is to trick international law, just playing several layers of international law this qualification of States as “sponsoring terrorism” is aimed to remove immunity of State assets, including assets of central banks, which is fully prohibited by international law. Another interesting situation, I will show again the picture : fear is an important means to enforce unilateral sanctions. On this screen, you see the abstract of one executive order when an Iranian Captain has been designated for doing his job to deliver food and gasoline from Iran to Venezuela. He was proposed to get 5 million dollars, and refugee in the US. He refused and delivered the cargo, so he was designated for delivering gasoline and food, and here is another screen. I do not speak Arabic, but it says that he is a terrorist. It’s the US R(…) for justice program. It says he is a terrorist and 15 million dollars are promised for his hat. That’s how the game is played. From the perspective of law, he doesn’t have any access to Justice. We all know, if you are charged with a criminal charge, you shall enjoy right to fair trial, procedural protection : these people co-designated, regardless the reason, they have absolutely no access to Justice. You have no possibility to appeal, you have no possibility to get legal aid, you will be qualified as a terrible criminal without any proof, without any protection. And as a result, all this complexity of facts undermines International Peace and security. I apologize for being too long and thank you very much for attention.
Amiral Jean DUFOURCQ, Membre honoraire de l’Académie de Marine, chercheur en affaires stratégiques,
« Puzzle du Levant, pièges et pièces : une approche théorique ».
Merci Monsieur le Président, de m’avoir invité à ces échanges de vues que je trouve particulièrement intéressants, mais aussi particulièrement difficiles en la période que nous vivons. En regardant le programme, et je viens d’être encouragé d’aller dans cette direction, je m’aperçois qu’on avait parlé beaucoup de généralités sur la Paix, la Paix aujourd’hui dans un monde difficile, et qu’il fallait passer aussi par l’aspect concret d’une approche de terrain. Et donc c’était ce à quoi je m’étais préparé à vous entretenir, et je pense que c’est important de regarder une zone de guerre comme celle du Proche-Orient, du Levant, parce que c’est une zone pour laquelle nous n’avons pas de chemin de Paix. Et je voudrais essayer de vous en proposer un, un chemin pour la Paix, un chemin pratique, et c’est quelque chose qui me permettra de citer dans mon propos quelques obstacles que l’on peut y trouver. Je vais le faire à ma façon, en stratégiste. Stratégiste, vous savez sans doute ce que c’est, c’est-à-dire quelqu’un qui évalue exclusivement les rapports de forces, et qui essaye de voir les tensions, les espoirs, les contraintes des différents acteurs qui sont aux prises, sans prendre en considération directement les phénomènes, les phénomènes juridiques, qui regardent comment les rapports de forces vont évoluer, et ce que cela va donner.
Et avant de commencer mon petit propos, je voudrais faire trois petites remarques, qui vous expliqueront un peu mieux dans quel système j’évolue, dans quel système de réflexion j’évolue, parce que le stratégiste, vous ne savez peut-être pas forcément comment il s’y prend pour analyser les situations, et je voudrais simplement rappeler une chose qui peut-être est évidente pour tout le monde mais qui n’est pas forcément dite avec suffisamment de force : la Paix ce n’est pas un état, ce n’est pas un état stable, c’est une tension, un mouvement, une dialectique, c’est quelque chose qui s’efface quand les volontés et les capacités ne sont plus capables de se coordonner ou de trouver un chemin pour la Paix. Ce premier point pour moi important, la Paix ce n’est pas un état qu’on va atteindre, c’est une tension qu’on va entretenir.
La deuxième chose que je voudrais dire, c’est qu’il me semble que la guerre a muté depuis longtemps, depuis la fin de la guerre froide, et la fin de la guerre froide est restée froide, tout simplement parce qu’il y avait l’armement nucléaire, personne n’en parle plus, ou plutôt personne ne sait plus en parler, et pourtant ça joue un rôle extrêmement important sur les notions de guerre. Et la mutation de la guerre que nous observons aujourd’hui et sa transformation, son replacement, notamment dans la guerre économique qui est devenue une guerre qui va contraindre tous les peuples à des situations qu’ils n’avaient pas forcément prévues, eh bien c’est une résultante de la tension qui est liée à l’arme nucléaire.
Le dernier point, qui abordera ce qui a été dit précédemment sur la multipolarité, je ne crois pas du tout que la multipolarité soit l’état du monde d’aujourd’hui, c’est même une erreur, et je vais le dire sans doute en quelques minutes lorsqu’on parlera de la situation des deux États, à laquelle je ne crois pas du tout. Je crois que la multipolarité c’est une illusion, car dans les phénomènes de tension que nous vivons aujourd’hui, il y a un nombre d’acteurs très importants, qui est très différent de ceux que nous avions avant. Ce ne sont pas forcément les États qui sont les fauteurs de guerre, il y a des tas d’autres acteurs qui sont sur la planète en train de chercher des gains et des profits par d’autres moyens que la guerre, et ces acteurs-là ne sont pas des militaires, ce ne sont pas non plus des gens stables, ce sont des coalitions d’intérêts qui peuvent à un moment ou à un autre faire tourner la situation à une catastrophe. Donc moi j’ai essayé de développer un autre concept que le multilatéralisme ou la multipolarité, j’ai inventé un concept que je pourrai vous détailler un jour si vous le voulez, qui s’appelle le multilsme, qui est dans le monde hétéroclite dans lequel nous vivons un ensemble d’acteurs qui sont aux prises – on a un exemple très parfait aujourd’hui avec le conseiller spécial du Président Trump qui est un acteur d’une autre nature mais qui a des moyens tout à fait pertinents pour pouvoir réguler les tensions et les guerres.
Vous ayant dit cela, je voudrais en venir à ma communication que j’ai intitulé « Puzzle du Levant, pièges et pièces », donc vous avez le résumé dans le petit papier que le Président nous a aimablement diffusé. Je ne vais donc pas trop m’appesantir, mais simplement essayer de vous faire une petite analyse géopolitique, et puis regarder ce qu’il se passe aujourd’hui. L’analyse géopolitique à laquelle je me livre, c’est une analyse de ce qu’on appelle à l’Asie de l’Ouest, le Levant, et en regardant un peu mieux ce qu’est cette région.
Cette région, qui est située entre les monts Taurus de l’Anatolie, et au Sud, l’Égypte et donc ses hauteurs aussi, eh bien c’est une région dans laquelle il y a une multitude de peuples, un « puzzle » de peuples très important, à l’Histoire très riche, très complexe, depuis très longtemps. Il y a les peuples de la mer, on n’en parle plus assez mais les peuples de la mer ce sont tous ceux qui sont sur le long de la Méditerranée, et qui forment le fond de cette Méditerranée et dont beaucoup viennent, d’ailleurs, et vous le savez bien, que ce soient les Philistins ou les Phéniciens, ce sont des gens qui ont circulé dans toute la Méditerranée pendant très longtemps, avant l’ère moderne, et qui s’y sont établis, et à gaza comme ça vous avez des peuples qui sont des héritiers de Crétois ou de Grecs qui sont venus jusque-là. Ce ne sont pas des gens qui sont nés sur place, ce sont des gens qui avaient leurs origines très lointaines, en mer. Ce sont les mêmes qui, un peu au Nord de Gaza, dans le Liban, les Phéniciens, qui ont aussi peuplé toute la Méditerranée, qui ont dépassé Gibraltar, qui sont allés jusqu’au Maroc, et pendant que d’autres faisaient le tour de l’océan Indien et de l’Afrique, et revenaient vers les populations. Donc vous avez dans ces terres, le long de la Méditerranée, dans ce grand axe de circulation, vous avez des peuples qui se sont mélangés et qui ont des racines très variées, et ces racines très variées fondent leurs différences.
Vous avez aussi ces peuples-là, qui se sont beaucoup mélangés, et qui ont regardé les hauteurs avec une certaine tension. Les hauteurs de Judée, les hauteurs aussi de toutes ces forêts qui sont au Nord du Liban, et de tous ces territoires impénétrables. Il y avait donc des peuples dont les mélanges et les connaissances étaient fortes. C’est important de l’avoir en tête, car lorsqu’on regarde cela, ou même quand on pense au croissant fertile – vous connaissez cette expression qui parlait de la vallée du Nil et puis du Tigre et de l’Euphrate, ce sont les endroits où les peuples se sont épanouis, ils ont développé leurs propres capacités d’avenir, alors que d’autres étaient tournés plus vers la mer.
Alors, ça c’est la passé. Je dirais, on n’a pas besoin de connaître le passé pour régler le présent : eh bien si, peut-être, parce que dans les solutions que nous pouvons trouver pour l’avenir il y a peut-être à se souvenir du passé. Aujourd’hui, les descendants de ces peuples sont répartis dans une mosaïque, un espèce de « puzzle » très complexe, qui est marqué aujourd’hui tout simplement par la guerre à Gaza. La guerre à Gaza elle est, dans cet espace-là, dans cette mosaïque et ces « puzzles » de peuples, et ce qui est en jeu c’est bien sûr la sécurité de toute cette région, mais également la sécurité introuvable de l’État d’Israël qui aujourd’hui cherche par différents moyens, différentes frontières à garantir sa sécurité, qui a bien du mal à le faire. C’est aussi l’accession des Palestiniens à un État, et la viabilité à terme, la viabilité socio-politique de cette région. De cette région dont on voit bien aujourd’hui, si on regarde les termes, que si on additionne les populations qui sont dans cette région que je viens de décrire, c’est 45 millions d’habitants, répartis en des tas de familles qui se connaissent, qui sont voisines, et qui ont des racines voisines, de côtoiement ancien. Mais, ces 45 millions sont entre deux grandes masses aussi : au nord, vous avez la Turquie, avec ses 90 millions d’habitants ; au sud, vous avez l’Égypte, avec ses 110 millions d’habitants ; et à l’est, vous avez la Perse, l’Iran avec ses 90 millions d’habitants. Et donc 45 millions d’habitants, de cette population diverse, diffuse, répartie en différentes communautés qui se connaissent depuis longtemps, qui ont entre eux des contentieux, des avis, des espoirs et des contraintes qu’ils doivent gérer. Et des contraintes qu’ils doivent gérer, et encadrés par ces trois grandes masses que je viens d’expliquer, les Turcs, les Iraniens, et les Égyptiens.
Et donc à cela il faut ajouter, dans l’instabilité de cette région, cette difficulté, il faut ajouter les Kurdes. Les Kurdes, quand on additionne toutes les populations kurdes réparties dans le nord de cette région, vous arrivez à une population d’environ 48 millions d’habitants, qui sont répartis entre différents États, qui eux n’ont pas d’État. Donc comment voulez-vous trouver de la stabilité si vous n’avez pas un chemin, si vous ne dégagez pas un chemin, dans une région qui est aussi divisée, dans ce « puzzle » de tensions que je viens d’indiquer.
Mon premier point, la géopolitique de cette région. Mon deuxième point, la réalité d’aujourd’hui, avec les masses humains, ça renvoie au problème de démographie qu’évoquait le Recteur au début de notre entretien. Et je voudrais dire que, quand on regarde cela, la solution à deux États me parait – c’est un important pour moi de vous le dire aujourd’hui, c’est écrit dans ma petite note d’ailleurs – un piège absolument affreux, dilatoire. Il est évident que faire d’un État palestinien le raccordement d’un Gaza qui serait purifié de ses tensions et de la Cisjordanie, c’est absurde. Autant parce que les racines de ces deux peuples qui vivent-là ne sont pas les mêmes. Vous avez les Gazaouis qui sont les héritiers des Peuples de la Mer, et des rencontres avec les Égyptiens du désert, et de l’autre vous avez un monde arabe et bédouin qui vit le long du Jourdain. Ce ne sont pas les mêmes peuples. D’ailleurs, toute l’Histoire politique de ces deux états, de ces tensions, de ces deux territoires, est là pour marquer qu’ils ne peuvent pas vivre ensemble, simplement.
En plus, la solution qu’on leur propose, c’est de vivre ensemble, politiquement mais sans raccordement physique entre eux, c’est bien sûr absurde. La symétrie entre deux États – un État israélien qui aurait trouvé les voies de sa sécurité et un État palestinien qui serait un système croupion basé sur les deux morceaux – n’a absolument aucun sens. Donc je pense qu’il faut savoir le dire. Il faut savoir le dire non pas pour dire que les Palestiniens n’ont pas le droit à un État, mais pour dire simplement que si on leur réservait le mauvais piège nouveau, de leur proposer cette situation à deux États pour laquelle toute la communauté internationale est prête à faire des concessions dans tous les domaines pour y arriver, ça serait un piège absolu et il faut éviter cela.
Et donc moi j’observe, et ça sera peut-être un peu ce que je propose, mon idée générale : il peut y avoir un chemin vers la Paix, que le sillon retrouve l’unité de cette région dans la diversité. Ça a été cité par un certain nombre d’auteurs jusqu’à maintenant. Unité dans la diversité pour laisser à chacun, je dirais se retrouver dans ses propres racines, et avoir un facteur commun de développement dans le futur. Et c’est pour ça que j’explique qu’il me semble que ce que l’on doit chercher à fabriquer, c’est une mosaïque de micro-États souverains, à majorité confessionnelle, à majorité ethnique aussi, dans un système complexe, qui irait d’une nature confédérale, de nature confédérale, qui serait coordonnée depuis Jérusalem par celui qui a le plus de capacité à le faire, c’est Jérusalem, c’est-à-dire l’État d’Israël.
Et donc je crois que pour arriver à cette situation il y a beaucoup d’étapes, on ne peut pas y arriver du premier coup, ce n’est pas quelque chose qui est acceptable dans le monde d’aujourd’hui mais c’est quelque chose qui est organisable si l’on a une tension qui permet d’y parvenir. Et c’est ça que je propose, je dis qu’il y a plusieurs étapes à cela, et j’utilise la formule : « ça ne peut être qu’un nombre impair ».
On ne peut pas avoir un système à deux États avec des confrontations organisées, permanentes, des compétitions. Il ne peut y avoir que des systèmes à 3, à 5, à 7, à 9, et je développe cela et je pourrais vous le développer dans le détail si vous le vouliez, mais je crois que c’est un chemin long, un chemin qui passe par des épisodes dans lesquels chacun va retrouver la possibilité de contrôler un espace dans lequel il se senti bien et de contrôler ses voisinages.
Un espace à trois par exemple serait un espace dans lequel la Cisjordanie, la Cisjordanie sous ce nom-là, aurait négocié avec Israël dans les frontières de 1967, à partir des frontières de 1967, je dirais des lignes de sécurité viables, avec un retrait des colons, par exemple. Une bande de Gaza qui serait reconstruite façon Dubaï par des pétromonarchies arabes qui en auraient les moyens, qui serait administrée par une entité civile qui réunirait des Égyptiens, des Gazaouis, et des Israéliens, c’est-à-dire quelque-chose qui aurait sa propre identité, qui correspond aussi à son propre passé, son Histoire. Mais on pourrait étendre cette formule, et on aurait une ville-État, un Gaza qui serait géré, viable, et qui aurait, je dirais, sa place dans l’échiquier régional et qui pourrait aussi trouver ses moyens d’équilibre financiers et économiques.
Une formule à 5 serait, en gros, au départ de celle que je viens d’indiquer là, quelque chose dans lequel on pourrait voir une confédération politique palestinienne émerger entre la Jordanie aujourd’hui et la Cisjordanie. Quelque chose qui remettrait un peu plus de densité dans l’identité palestinienne, à partir de la Jordanie.
Une solution à 7 serait quelque chose qui permettrait d’aller vers, de réguler la question du Sud-Liban, autour du (…). Donc vous voyez, des solutions successives, qui à la fin se termineraient par quelque chose qui serait : chacun retrouvant la forme d’autorité qui existe sur la population ou la zone dans laquelle il est établi, la possibilité de vivre avec les autres. Et c’est seulement à la fin qu’on pourra avoir le retour à l’unité de cette région, qui ne peut se faire qu’en une dizaine ou une vingtaine d’années si l’on en a la volonté et si l’on a trouvé les moyens de la coexistence, non pas pacifique, mais organisée entre les différentes communautés qui sont là. Voilà ce que je voulais dire.
Je pense qu’à défaut d’enclencher tout de suite une formule à trois entités, cette formule à trois entités qui distinguerait Gaza de la Cisjordanie, il n’y a pas de solution autre que d’avoir la guerre sans fin qui se poursuivra, avec un Iran au seuil nucléaire, qui se sanctuarisera, avec un pilotage extérieur de la résistance palestinienne, et donc il n’y a pas de possibilité de trouver des solutions si on ne dégage pas un chemin long, avec des étapes, une volonté, et des satisfactions pour chacun des peuples qui sont dans cette mosaïque, dans cette région dont je viens d’indiquer qu’elle a été bordée par trois véritables acteurs qui regardent cela avec beaucoup de tension, chacun d’entre eux essayant de border les différents autres acteurs dans leurs capacités de nuisance.
Voilà donc ce que je propose. C’est bien sûr aussi utopique que bien d’autres plans, mais pas de chemin sans du temps, sans de l’intérêt immédiat, sans la possibilité pour chaque identité, chaque entité, de retrouver une capacité à maîtriser son avenir. Je vous remercie.
Pr. Hall GARDNER, Professeur et ancien directeur des études du Département de Politique Internationale et Comparative de l’Université Américaine à Paris,
« Paix et Politique américaine ».
Mon intervention, sur Trump et la question de la « paix par la force », s’intéressera d’abord aux causes de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, qui résultent du « double élargissement » non coordonné de l’OTAN et de l’Union européenne. Nous soutiendrons que plus l’OTAN et l’UE s’étendraient dans les sphères d’influence et de sécurité post-soviétiques/russes, et en particulier en direction de l’Ukraine, plus la Russie se rapprocherait de la Chine, de l’Iran et de la Corée du Nord, etc., et chercherait ainsi à modifier l’équilibre géopolitique européen et mondial dans un système mondial plus polarisé.
Non seulement il n’y a pas eu de réelle coordination entre les États-Unis/l’OTAN et l’Union européenne lorsque les deux régimes internationaux ont étendu leur adhésion aux anciennes sphères d’influence et de sécurité soviétiques/russes, mais il n’y a pas eu non plus de coordination substantielle entre les États-Unis/l’OTAN et l’UE en matière de sécurité et de défense avec la Russie. Moscou n’a guère eu voix au chapitre, et certainement pas de veto, dans les décisions qui ont conduit l’OTAN et l’UE à élargir leur adhésion et qui ont eu un impact sur les intérêts perçus comme « vitaux » de Moscou.
Cette réalité géostratégique a conduit la Russie et la Chine à forger un partenariat stratégique fort qui s’est manifesté dès juillet 2001 avant de devenir un partenariat « sans limites » en février 2022. L’élargissement de l’OTAN et de l’UE a finalement provoqué une réaction russe après que l’OTAN a promis à l’Ukraine une éventuelle adhésion en 2008 et que l’UE a promis à l’Ukraine un partenariat politico-économique et stratégique d’ici 2012-14.
Parallèlement, alors que l’UE s’est « élargie », elle ne s’est pas « approfondie » en termes de forgeage d’une capacité de défense plus unifiée qui posséderait une plus grande autonomie par rapport aux États-Unis et à l’OTAN – en cas d’extension politico-militaire américaine et de focalisation stratégique sur la Chine et/ou de réaction revancharde russe.
Nous soutiendrons ensuite que la paix entre la Russie et l’Ukraine peut être obtenue au moyen de l’établissement d’une Ukraine neutre et non nucléaire. Une Ukraine neutre et non nucléaire est non seulement cruciale pour rétablir l’équilibre géopolitique européen de l’après-guerre froide et une nouvelle relation OTAN-Europe-Russie, mais elle représenterait également la première étape vers l’établissement d’un nouvel équilibre mondial et d’une nouvelle architecture de sécurité mondiale.
Si une paix durable peut être établie concernant l’Ukraine – accompagnée d’une nouvelle interrelation OTAN-Europe-Russie qui implique également des réductions et des éliminations d’armes entre les États-Unis, l’Europe, la Russie et la Chine – la tâche de parvenir à des accords de paix durables dans d’autres conflits régionaux s’avérera beaucoup moins difficile.
En revanche, si l’administration Trump ne parvient pas à instaurer une paix durable entre l’Ukraine et la Russie – une possibilité qui souligne la nécessité pour les Européens de développer des capacités de défense plus autonomes – les risques d’une nouvelle guerre mondiale augmenteront.
Trump prouvera-t-il qu’il est un « artisan de la paix » comme il le prétend aujourd’hui ? Trump sera-t-il capable d’instaurer la « paix par la force » dans les principaux conflits en cours entre l’Ukraine et la Russie ; Israël, les Palestiniens et l’Iran ; ainsi qu’entre Taïwan et la Chine, entre autres ? Et si oui, quel genre de paix ?
Ou bien les tactiques unilatéralistes apparemment erratiques de Trump, qui consistent à appliquer des droits de douane élevés aux alliés comme aux rivaux des États-Unis, à réduire les dépenses de l’USAID et d’autres outils de « soft power » des États-Unis pour tenter de réduire le déficit budgétaire monstrueux des États-Unis et l’augmentation de leur dette, ainsi qu’à soutenir publiquement les partis politiques extrémistes, vont-elles exacerber les conflits en cours, tout en en favorisant de nouveaux ?
Le monde entre dans un point d’« inflexion » dangereux qui peut soit conduire à des guerres plus vastes, soit à des avancées vers la paix régionale et mondiale.
Dr. Paul KANANURA, Président de l’Institut AFRIKA,
« L’état et les perspectives de la Paix en Afrique ».
« L’état et les perspectives de la paix en Afrique » sont des sujets complexes et multidimensionnels pour un continent fragilisé par des conflits asymétriques, liés à la compétition féroce pour contrôler ses énormes ressources naturelles et stratégiques sans respect de la souveraineté des États.
L’état catastrophique de la paix en Afrique. Un aperçu de quelques théâtres d’opérations montre que l’état de paix est déplorable au Soudan, en RDC et en Somalie. L’espoir revient timidement en Libye, au Sahel, en RCA, au Sud-Soudan et en Éthiopie. Ce panorama rapide montre clairement les conséquences de la guerre hybride et des conflits asymétriques sur la paix en Afrique dont les causes sont difficilement cernables.
Les prédateurs internationaux et profiteurs locaux deviennent des ennemis de la paix. Ces fauteurs de troubles utilisent des mécanismes de domination et du chaos pour installer le désordre et l’instabilité chronique pour le pillage des ressources.
La domination de l’Afrique par la terreur repose sur des conflits asymétriques et le terrorisme qui divisent le continenten quatre zones terroristes avec trois tectoniques djihadistespour entraîner le continent dans un processus de « somalisation » et de domination par la terreur que nous avons théorisé dans le « Triangle de Géocriminalité du Chaos ».
Les perspectives de la paix en Afrique
La résolution des conflits en cours pour une paix durablese base surlerôle des organisations régionales, les initiatives de paix locales, le développement endogène, l’éducation et sensibilisation des populations aux conséquences des conflits asymétriques et la coopération internationale sincère.
L’inefficacité des instruments de la paix(médiations, pourparlers, accords de paix, opérations onusiennes) est légion pour restaurer un climat paisible des populations africaines.
Les solutions pour une paix durable passentpar la maxime« Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Pour se faire respecter, il faut être craint des autres. Il est temps de construire des instruments de dissuasion pour imposer la paix en Afrique :
– Construire des États stratèges et des nations intelligentespour protéger les matières premières, les frontières et la population,
– Diplomatie militaire et tactiqueavec des systèmes préventifs en temps de paix et offensifs en période de conflits pour dissuader les menaces,
– Souverainisme du panafricanisme pour construire la paix durable incarné par des institutions fédérales des États Unis d’Afrique.
Penser la paix en Afrique, sans se préoccuper de la militarisation des pays et de la neutralisation des menaces, est une erreur stratégique.
S.E.M. Michel RAIMBAUD, Essayiste, politologue, conférencier en relations internationales, ancien ambassadeur de France au Soudan, en Mauritanie et au Zimbabwe, directeur honoraire de l’OFPRA,
« Les enjeux de la situation en Syrie ».
Comment un État a-t-il pu disparaître en quelques jours ? Ce séisme qui l’a détruit entre le 27 novembre et le 8 décembre 2024 aura un impact dans tous les domaines, et dans tout son environnement géopolitique.
Pour la Syrie, les enjeux sont politiques (indépendance, liberté de choix du régime, liberté des alliances), mais aussi la souveraineté et ses attributs : reconstruction de l’armée, de la marine, de l’aviation, de la police, des douanes, de l’état-civil, le départ des occupants. Ils sont liés à la reconstruction, au retour des réfugiés et déplacés, à son intégrité territoriale (quid des occupants, Turquie, Israël, États-Unis, Grande-Bretagne, France…), à son unité nationale (mesures arbitraires, minorités harcelées, autochtones remplacés). Il s’agit également de préserver l’héritage culturel de la « mère de la civilisation ».
Les priorités sont aussi économiques : reconstruire un pays dévasté par la guerre et les sanctions, récupérer les richesses naturelles volées ou pillées, protéger le marché national. Sont en jeu l’avenir de la région, de l’axe de la résistance, des pays arabes, et au niveau géopolitique, l’affrontement entre Occident collectif et Sud global, entre OTAN et BRICS… Reste à chercher des solutions de paix crédibles entre les gouvernants de facto de la nouvelle Syrie et une « communauté internationale » qui les courtise, en l’absence de tout droit international.
Jacques MYARD,Membre honoraire du Parlement, ancien membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, maire de Maisons-Laffitte,
« Les Raisons de l’échec de l’utopie de Kant, « la Paix perpétuelle ».
En 1795, Emmanuel KANT voit dans une auberge tenue par un Hollandais, une peinture d’un cimetière, avec la mention la Paix éternelle. Le philosophe s’en inspire pour écrire un essai : Vers la paix perpétuelle (1795). En une centaine de pages, Kant propose les conditions nécessaires pour créer la Paix perpétuelle.
La paix perpétuelle : analyse rapide
Première section : On ne regardera pas comme valide tout traité de paix qui prépare la prochaine guerre.
- Un traité doit anéantir tous les sujets pour recommencer la guerre
- Ne pas contracter des dettes pour action extérieure
- Pas d’ingérence
- Pas de guerre de punition
- Les mathématiques fondent les lois universelles
Seconde section : L’état de nature est un état de guerre
Premier article : la Constitution civile de chaque État doit être républicaine
Second article : il faut que le droit public soit fondé sur une fédération d’États libres
Troisième article : le droit cosmopolite doit se borner aux conditions d’une hospitalité universelle
Premier supplément : la nature garantit la paix perpétuelle
Second supplément : pas d’article secret dans les procédures de droit public.
Appendice : morale et politique
- La politique ne saurait être en contradiction avec la morale
- L’idée transcendante que le droit établit entre la politique et la morale
Conclusion : Concevoir l’espérance par des progrès sans fin du règne du droit public, la Paix perpétuelle n’est pas une chimère mais un problème dont le temps abrégé par l’uniformité des progrès de l’esprit humain nous promet la solution…
… aux calendes grecques, Kant distille de parfaites utopies.
Pourquoi les guerres perpétuelles ?
Pour comprendre le phénomène des guerres perpétuelles, il convient de procéder à l’analyse des relations internationales de la planète depuis près de 2000 ans. Planète aujourd’hui devenue un village planétaire ; un village planétaire profondément transformée par la révolution technologique qui a réduit toutes les distances et surtout l’espace-temps, c’est le règne de l’immédiateté de la mondialisation
La mondialisation n’est pas nouvelle
Dès l’antiquité, l’Humanité connait des échanges mondiaux, particulièrement en Europe, à vitesse des hommes, voire des chevaux. On sait que les échanges entre le bassin méditerranéen et les pays scandinaves remontent à plusieurs centaines d’années avant notre ère. À cette époque, les conflits étaient des conflits de petits effectifs entre guerriers pour conquérir des terres ou des richesses dont l’or.
Les temps historiques : depuis l’an 1000 avant J-C
Les conflits dans l’antiquité sont nombreux en Mésopotamie, en Égypte et en Méditerranée. Leurs motivations sont l’esprit de conquête, les conquérants veulent de nouvelles terres, où répondent à des aspirations messianiques ou impérialistes. L’impérialisme de Rome est bien connu et est fondé sur la supériorité de la civilisation sur les barbares… Les religions monothéistes sont animées d’une vision eschatologique de puissance au nom de leur vérité divine. C’est le cas des croisades pour délivrer Jérusalem. C’est le cas du Jihad de l’Islam.
Les colonisations
Les colonisations ont de multiples motivations. En 1830, l’expédition française répond d’abord aux multiples « razzias » qui créent de fortes insécurités pour les personnes et surtout le commerce. Les États-Unis ont même envoyé des flottes de guerre pour y mettre un terme. C’est le temps des guerres barbaresques.
La colonisation : au nom de la civilisation
Au 19ème siècle, les pays européens : France, Angleterre, Allemagne, partent à la conquête de l’Afrique, des Indes, de l’Indochine.
Les guerres du 20ème siècle
Elles prennent racine dans les rivalités entre européens au 19ème siècle : rivalités de puissances accompagnées d’une forte aspiration des nationalités : Italie, Prusse. La guerre franco-prussienne de 1870 se termine par la conclusion du traité de Francfort, l’annexion de l’Alsace-Moselle. Ce traité de paix ne pouvait être qu’une trêve.
Ce qui suit donne raison à Kant : conclusion d’un traité qui donnera naissance à la Première Guerre mondiale. Idem pour le traité de Versailles qui conduit à la Seconde Guerre mondiale, qui se termine par la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie, le 9 mai 1945. C’est la fin réelle de 14-18.
Les guerres d’aujourd’hui
L’Ukraine
C’est une guerre américano-soviétique qui poursuit la guerre germano-polonaise de 1919. Au lendemain de 1918, l’Allemagne poussa les nationalistes ukrainiens à se révolter contre la Pologne : 80 000 tués polonais.
- L’Ukraine passe sous le joug des Soviétiques : quelques millions de morts par famine
- Opération Barbarossa (1941) : entrée des nazis, accueillis par des ukrainiens à bras ouverts
- 1950-1968 : politique américaine de s’opposer au Soviétiques
- 1954 : Nikita Khroutchev rattache la Crimée à l’Ukraine au sein de l’URSS
- 1968 : Foreign Affairs, George Kennan : « si États-Unis poursuit avancée à l’Est : danger de confrontation avec la Russie ».
- 2014 : Accords de Minsk : un leurre pour réarmer l’Ukraine, dixit Angela Merkel, confirmé par François Hollande (décembre 2023)
- Mars 2014 : la Russie reprend la Crimée
- Kiev bombarde le Donbass : 15 000 morts
- 2022 : la Russie attaque l’Ukraine, échec
- Mai-juin 2022 (Istanbul) : possibilité d’un accord Russie-Ukraine (refus du Royaume-Uni : Boris Johnson)
- Négociations 2025 : Trump cède à Poutine, pour le mettre dans son jeu à trois (Washington, Moscou-Pékin)
- Zelensky aurait dû savoir : « Jamais de confiance dans l’alliance avec un puissant » (Phèdre).
- La France, incapable d’exister par elle-même, soumise à la Pax Americana. Pire, Emmanuel Macron va de nouveau faire allégeance à Trump. Son voyage à Washington : une faute.
Conclusion
La guerre en Ukraine n’est pas bleu/blanc. Les Américains ont poussé les Russes soviétiques dans une impasse géostratégique. L’attaque russe est une faute, la Russie est l’agresseur prima facie (à première vue).
Le Proche et le Moyen-Orient
Irak
Bush : « Dieu m’a dit de faire la guerre »à Saddam Hussein. Déstabilisation de tout le Moyen-Orient.
Paul Bremer :
- Faute incroyable du pro-consul américain Paul Bremer : il licencie les cadres de l’armée de l’armée de Saddam Hussein qui passent dans l’opposition islamique
- Guerre civile irakienne, multiples attentats
Proche-Orient :
Israël
- 1880 : Naissance du Sionisme
- 1917 : Déclaration Balfour
- 1920 : Mandat Britannique
- 1945 : Rescapés de la Shoah
- 1946 : 22 juillet, attentat Hôtel King David
- 1947 : 29 novembre, plan de partage de l’ONU
- 1948 : 14 mai, proclamation de l’État d’Israël
- Printemps 1948 : massacre des paysans par des juifs extrémistes (village de Dein Yassine). 250 tués. Plusieurs villages palestiniens sont détruits.
- 15 mai 1948-20 juillet 1949 : première guerre israélo-arabe
- 24 février 1949 : les Accords de Rhodes fixent la ligne de démarcation qui durera jusqu’en 1967
- 29 octobre 1956 : 2ème guerre israélo-arabe
- 29 mai 1964 : création de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP)
- 5-10 juin 1967 : guerre des six jours. Israël conquiert Jérusalem-Est, la Cisjordanie et le Golan. 350 000 Palestiniens fuient, attentats de l’OLP
- 1972 : 11 athlètes Israéliens assassinés par le groupe « septembre noir » (JO de Munich)
- 1973 : 6-25 octobre, guerre du Kippour
- 11 novembre 1973 : cessez-le-feu
- 1974 : 22 novembre, droit des Palestiniens à la souveraineté nationale (résolution AG-ONU)
- 1975 : 10 novembre, adoption résolution AG-ONU (72 voix pour, 35 contre, 32 abstentions) : « Le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale »
- 1977 : 19-21 novembre, Anouar el-Sadate à Jérusalem
- 1979 : 26 mars, Traité de paix de Camp David sous la houlette de Jimmy Carter
- 1982 : 6 juin, « Paix pour la Galilée ». Tsahal envahit le Liban, chasse l’OLP, Arafat à Tunis.
- 14-18 septembre : Massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatilla par des milices chrétiennes, sous contrôle d’Israël
- 1985 : 1er octobre, Israël bombarde l’OLP à Tunis
- 1987 : 9 décembre, intifada dans les territoires palestiniens
- 1988 : 15 novembre, création d’un État Palestinien
- 1991 : 30 octobre, conférence de Paix Israélo-Arabe à Madrid parrainée par Washington et Moscou
- 1993 : Accord d’Oslo. Yitzhak Rabin serre la main de Yasser Arafat.
- 1994 : 1er juillet, Arafat entre à Gaza
- 26 octobre : traité de Paix entre Israël et la Jordanie
- 1995 : 28 septembre, accords d’Oslo II
- 4 novembre : assassinat d’Yitzhak Rabin
- 1996 : 8 octobre, première visite officielle de Yasser Arafat en Israël
- 1999 : 4 septembre, accord de Charm El-Cheik qui fixe le retrait israélien de Cisjordanie
- 2000 : 11-25 juillet, sommet israélo-palestinien de Camp David (échec)
- 28 septembre, 2ème intifada
- 2002 : 16 juin, construction barrière de sécurité
- 2004 : 22 mars, assassinat du fondateur du Hamas (Cheik Yassine)
- 11 novembre : mort de Yasser Arafat
- 2005 : 9 janvier, élection de Mahmoud Abbas président de l’Autorité Palestinienne
- 2007 : 12-17 juin, le Hamas contrôle Gaza
- 2008 : janvier, blocus de Gaza par Israël
- 27 décembre : opération « Plomb durci »
- 2009 : 3 janvier, Israël à Gaza, suivent de multiples incidents.
- 2012 : 29 novembre, Palestine obtient le statut d’observateur à l’ONU
- 2019 : 28 février, inculpation contre Benjamin Netanyahu pour corruption
- 25 mars : Donald Trump signe décret reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le Golan
- 2023 : 7 octobre, attaque terroristes Hamas contre Israël
- 24 novembre : première trêve, libération de 80 otages contre 240 prisonniers palestiniens
- 2025 : 20 février, remise des corps de 4 otages
Essai pour comprendre
J’ai choisi ces 2 conflits car à mes yeux ils conjuguent toutes les raisons des adversaires d’avoir les bons motifs pour se faire la guerre.
- La recherche de la sécurité
L’autre est un ennemi qui veut m’anéantir
- La volonté de gains territoriaux, au nom de mythes ancestraux, la loi du retour
- Le désir de retrouver un passé glorieux
- Le droit pour soi, au nom de Dieu, mon Dieu est la vérité, j’en suis le bras séculier.
- La légitimité des représailles en réponse, chaque conflit une protohistoire, c’est une sorte de vendetta permanente
- J’incarne des valeurs politiques parfaites, ma mission les faire partager par les autres : le progrès politique par la force
- Ma puissance, c’est mon droit international
À ce dernier titre, assez de naïveté, le droit international est médiatisé par la puissance ou les puissances dominantes ; c’est l’échec du maintien de la paix par le multilatéralisme de la Charte des Nations Unies.
Retour brutal des actions unilatérales depuis des lustres
- Le conflit du Proche et du Moyen-Orient incarne plus que jamais la haine entre deux peuples qui est aujourd’hui la guerre permanente sans retour
Le village planétaire foisonne et se nourrit d’une multitude d’idéologies religieuses, politiques, économiques, commerciales qui se concurrencent, s’entrechoquent, s’entredéchirent en permanence pour leur cause, ou au nom de leur vérité. La raison universelle règnera peut-être un jour où chaque homme sera convaincu : « De suivre celui qui cherche la vérité et de fuir celui qui l’a trouvée ». D’ici l’adage de Plaute : « Homo Homini Lupus est » sera toujours la clé de voûte du genre humain. Je vous remercie pour votre attention[1].
[1] Voir : Myard Jacques, Bye Bye Démocratie. Le brûlot de l’année, Paris, Lafont Presse, 2023, 112 p.
Georges Jure VUJIC, essayiste, géopoliticien franco-croate , directeur de l’Institut de recherches stratégiques de Zagreb, chercheur associé à l’Académie de Géopolitique de Paris (AGP),
« De la Paix perpétuelle à la guerre perpétuelle : l’effet miroir de la géopolitique contemporaine ».
D’Érasme à Kant, en passant par Grotius et l’Abbé de Saint-Pierre avec son « Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe », le paradigme de la paix perpétuelle était au centre de la réflexion sur la nature des rapports entre les peuples. La pensée iréniste a largement influencé les élites libérales occidentales, qui depuis les années 90, ont cru bannir tout forme de conflit dans le cadre d’une philosophie de « fin de l’histoire », s’évertuant à croire en une paix globale garantie par un ordre fondé sur le droit et le marché stabilisateur, mais aussi sur le paradigme de l’acteur rationnel. Or le retour de la guerre en Ukraine 2022 sur le sol européen, a démontré l’incrédulité de l’Occident qui n’a pas cru à cette guerre car elle semblait irrationnelle. La même attitude de « somnambulisme » affectait certains pacifistes en 1914, juste avant la Grande Guerre. Or, on oublie qu’il existe « une rationalité politico-militaire de la guerre », absolument distincte de celle des temps de paix . Avec le retour d’un ordre mondial, fondé sur le rapport de force et la rivalité géopolitique entre les puissances néo-impériales (Chine-Russie-USA), la formule bien connue du politologue français Raymond Aron, « Paix impossible, guerre improbable » pour décrire les relations internationales pendant la guerre froide, pourrait s’appliquer aujourd’hui sous la forme d’une « guerre de plus en plus certaine et de paix lointaine », alors que l’ordre mondial semble menacé par une incertitude stratégique croissante et le spectre d’une guerre multidimensionnelle et permanente.
Pr. Bassam EL HACHEM, Professeur de sociologie politique à l’Université Libanaise,
« La Paix et l’avenir du Liban ».
Le Liban est enfin parvenu, récemment, à se faire élire un nouveau président de la République et un chef de gouvernement qui n’a pas tardé à former pareillement le gouvernement qu’il préside. Aussi, ce-faisant, ce pays ne faisait-il que mettre fin, comme par miracle, à une vacance de sa présidence de la République ainsi qu’à une gestion des affaires publiques courantes par un gouvernement démissionnaire, qui avaient duré plus de deux ans et deux mois. Ceci par ailleurs à l’ombre d’une crise globale politique, économique et sociale qui le secoue en profondeur depuis des années déjà, allant, de surcroît, de pair, au plan interne, avec une déliquescence en cours des institutions publiques dans presque tous les secteurs, et au plan externe, à travers les 15 derniers mois, avec la guerre qu’on n’ignore plus, entre Israël et le Hezbollah. Or, cette reconstitution du pouvoir suprême de l’État étant désormais acquise, le propos central de cette conférence consiste à voir ce que son avènement va représenter pour le pays : le début de la fin d’un calvaire qui n’a que trop duré jusqu’ici ou, au contraire, juste une phase nouvelle, donnant sur diverses issues possibles, dans la lutte déjà séculaire opposant les peuples de la région à la grande alliance transatlantique, conduite actuellement par les USA, et son bastion avancé qu’est Israël, qui fut initialement planté par les Britanniques en Palestine. Et c’est en effet le deuxième terme de cette alternative qui s’avère être la plus probable, à l’issue d’une analyse serrée des réalités du terrain, y compris l’action des principaux protagonistes des luttes en cause.
Après cette intervention, un débat général a eu lieu avec la salle.