Résumé : La proclamation de « nouvel ordre mondial » par l’Occident a créé de nombreuses revendications dans tout le monde, dont des réclamations par des groupes indigènes sur tous les continents, notamment au Moyen Orient et en Afrique du Nord. L’imposition du « nouvel ordre mondial » par l’Amérique a provoqué des résistances de plus en plus armées, entraînées, violentes, efficaces et mobiles appelées des « groupes terroristes ». Mais … qui les finance ? Sont-ils exploités par l’Occident afin d’imposer encore plus vigoureusement un ordre mondial qui est loin de faire l’unanimité dans les instances internationales ou à l’Organisation des nations unies (ONU) ? Quel est le rôle des Etats du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord ? Et comment remédier à ce fléau de plus en plus répandu ?
Summary: The proclamation of a “New World Order” by the West has launched myriad claims throughout the world, including by indigenous groups on every continent, notably in the Middle East and North Africa. The imposition of the New World Order by America has provoked increasingly armed, violent, trained, effective and mobile resistances called “terrorist groups”. But … who is financing them? Are they being used by the West in order to impose an increasingly vigorous world order that is far from attracting unanimity amongst international establishments or the United Nations (UN)? What is the role of the Middle-East and African States ? And how to neutralize this increasingly spreading plague?
Ali Rastbeen
Président de l’Académie de géopolitique de Paris
Les événements actuels au Moyen-Orient puisent leur source dans l’invasion américaine intitulée « nouvel ordre mondial », annoncée pour la première fois par le Président George Bush (père) suite à l’attaque de l’Irak par les Etats-Unis pour, annonçait-il, « libérer le Koweït ». Or, la tendance vers la mondialisation et l’unification de la civilisation a commencé, depuis le dix-neuvième siècle, suite à la genèse du nationalisme et l’apparition des Etats-nations en Europe. Parallèlement aux revendications et idéaux nationaux, l’idée de la mondialisation prenait de plus en plus d’ampleur en vue d’empêcher les guerres, l’insécurité et l’injustice. La création de la « Société des Nations » après la première guerre mondiale et suite à l’expérience issue de sa défaite, celle de « l’Organisation des Nations unies » au lendemain de la Seconde Guerre, furent des points culminants des efforts dirigés pour atteindre cet idéal.
Ces événements ont aussi donné naissance aux monstres d’« Al-Qaïda » et des « Talibans », ayant traversé l’Asie Centrale et jeté son spectre sur New York, est l’exemple type du terrorisme dirigé, puisant sa force dans le fanatisme, l’intégrisme et le wahhabisme.
Depuis des années ces folies s’enracinent en Algérie, en Afghanistan et une partie importante du Pakistan, et contaminent ces différents pays sans espoir apparent qu’ils puissent s’en débarrasser un jour. Les Etats-Unis ont fait appel à l’OTAN pour trancher le nœud terrible. Or la politique agressive des États-Unis a également transformé l’Irak en un centre de terrorisme. Les États-Unis et l’Angleterre qui projetaient une victoire rapide, sont tombés dans le piège du terrorisme créé par leur propre chef, et afin de sortir de leurs échecs répétés, ils essayent d’y entraîner d’autres pays.
À cela, il convient d’ajouter le terrorisme d’État qui, contrairement aux chartes et aux engagements internationaux, est devenu un instrument au service des États du Moyen-Orient, agissant sous couvert ou contre Washington.
Les efforts régionaux et internationaux contre le terrorisme et l’extrémisme qui constituent une menace directe à la sécurité et la stabilité du monde entier sont donc nécessaires et doivent être poursuivis. Déjà la communauté internationale se mobilise pour amputer le financement du radical islamiste, améliorer le travail des services de renseignement, renforcer les défenses, endiguer l’idéologie dénaturée de ce groupe et arrêter le flot de combattants étrangers au Proche-Orient et depuis cette région.
Le terrorisme, sous toutes ses formes constitue l’une des dégradations les plus préjudicielles de la paix et de la sécurité de notre monde. C’est une agression contre les valeurs essentielles de la démocratie, et une véritable négation du droit à la vie. Tous les actes terroristes, quels qu’ils soient, sont criminels et injustifiables. Le terrorisme étant un phénomène global, tous les Etats sont concernés à juste titre, et doivent collaborer contre lui.
Seule une législation plus sévère et une application plus stricte de la loi, associées à un renforcement de la coopération internationale, permettront de lutter efficacement contre le financement du terrorisme.
La lutte contre le financement du terrorisme se situe en effet à l’intersection des univers policier, judiciaire, diplomatique et financier. Cette politique a comme particularité de s’appuyer directement et indirectement sur la participation d’acteurs privés. Instituée dans le cadre plus ancien de la lutte contre le blanchiment de capitaux, cette coopération pour le moins inédite entre professionnels de la sécurité et entités privées joue un rôle décisif dans la chasse aux « finances terroristes », devenue priorité internationale.
Alors même que les spécialistes imputent à l’Arabie-Saoudite et au Qatar, l’effervescence des groupes djihadistes, les gouvernements de ces pays nient toute implication. Or, il s’agirait d’un soutien indirect, militaire et financier, via des personnalités et organisations.
Si les Saoudiens déclarent combattre le financement du terrorisme, plusieurs prédicateurs islamistes et activistes du jihad récoltent, sur leur sol, des fonds faramineux pour soutenir leur action en Syrie et en Irak. Ces fonds transitent par l’émirat du Koweït et les Emirats arabes unis, pour ensuite être dispersés vers des cellules ou organisations rebelles… Un peu comme le rôle de la Turquie, connue pour être une zone de transit : des milliers de combattants confisquent les frontières Syro-Turques pour rejoindre les lieux de combats.
L’action contre Daech s’inscrit dans le prolongement de la lutte contre Al Qaïda, mais avec une nuance. Al Qaïda a été essentiellement financée par des réseaux de subventions privées. Daech, en plus de ces mêmes réseaux, dispose de ressources propres pour un montant incomparablement supérieur, par cela même qui justifie que l’organisation terroriste soit parfois qualifiée de proto-Etat, elle est en mesure de tirer d’importantes ressources du trafic des ressources naturelles, dont l’or ainsi que d’autres métaux précieux, des pierres précieuses, des espèces sauvages, des minerais, du pétrole, du patrimoine archéologique, du racket des civils, du vol, des rançons, de la vente d’esclaves… Elle fait appel à des sources légales, tout comme des sources criminelles comme le trafic de stupéfiants, la contrebande d’armes et d’autres produits, la fraude, les enlèvements ou l’extorsion et a développé une capacité importante de blanchiment des revenus de ses trafics.
Son réseau international lui permet d’organiser même la collecte de dons.
Le 17 décembre 2015, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, à l’unanimité, la Résolution 2253, agissant sous le chapitre 7. Cette résolution, introduite par les États-Unis et la Russie, impose le gel des avoirs, l’interdiction de voyager et l’embargo sur les armes à l’encontre de Daech, Al-Qaïda et « des individus, groupes et autres entités qui leur sont associés ». Le lendemain, 18 décembre 2015, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la Résolution 2254, comme base d’une solution politique dirigée par la Syrie pour mettre fin au conflit.
Les sanctions exploitent les critères suivants : d’une part le fait de concourir à financer, organiser, faciliter, préparer ou exécuter des actes ou activités d’Al-Qaida et de l’EIIL, en association avec ceux-ci, sous leur nom ou pour leur compte, ou le fait de les soutenir ; d’autre part le fait de recruter pour le compte d’Al-Qaida ou de l’EIIL ou de soutenir, de toute autre manière, des actes ou activités d’Al-Qaida, de l’EIIL ou de toute cellule, filiale ou émanation ou tout groupe dissident de ceux-ci.
En fait le vrai problème est externe, principalement régional, et échappe au contrôle syrien. Des puissances comme le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie sont toujours en train de financer, armer et envoyer des terroristes vers la Syrie. C’est ignorer la Résolution 2253 qui met l’accent sur la nécessité de couper le soutien aux terroristes afin de les vaincre, ce qui conduira éventuellement à une solution politique en Syrie. Les États-Unis semblent avoir perdu le contrôle de leurs alliés régionaux en Turquie, au Qatar et en Arabie saoudite et ont été incapables de les empêcher de soutenir le terrorisme en Syrie et, par le fait même, de violer la Résolution 2253.
Amnesty International a pointé du doigt pour la première fois de façon explicite Ankara, Washington, Riyad et Doha pour avoir fourni des armes aux groupes terroristes le Front al-Nosra et Ahrar al-Cham qui opèrent en Syrie.
L’Organisation des nations unies et les pouvoirs occidentaux, surtout les États-Unis, continuent à se concentrer sur la Résolution 2254 qui porte sur la solution politique à la crise en Syrie, ignorant totalement qu’aucune solution politique ne peut être atteinte avant d’avoir éliminé le terrorisme, qui est l’essence même de la Résolution 2253. Egalement la résolution 1373 (2001) prévoit en particulier que « tous les États doivent prévenir et réprimer le financement des actes de terrorisme et s’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que ce soit, actif ou passif, aux entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme, notamment en réprimant le recrutement de membres de groupes terroristes et en mettant fin à l’approvisionnement en armes des terroristes ».
Il faut préciser que, comme prévu par la Charte des Nations Unies, le combat contre le terrorisme doit établir et exploiter des sanctions tout aussi bien contre le terrorisme, que contre les Etats laxistes dans leurs démarches. Effectivement, les Etats doivent combattre les trafics de stupéfiants, de drogues et de personnes, ainsi que les réseaux criminels de transferts de fonds et d’enlèvements de citoyens. En effet, l’Organisation des Nations Unies doit se doter de tout un système de lutte anti-terroriste et anti-criminalité.
Certains États Membres n’empêchent pas les terroristes d’exploiter et à des fins illégales les organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations caritatives telles que les fondations, dont les objectifs officiels sont notamment à fondement religieux. Il est donc demandé aux États de mobiliser les moyens de développer et d’accélérer l’échange de données opérationnelles sécurisées concernant les trafics terroristes et leurs collaborateurs même occasionnels ou spontanés.
Nous devons reconnaître que le terrorisme ne peut et ne saurait être associé à aucune religion, nationalité ou civilisation, mais à des prétentions désuètes, égoïstes, arbitraires et obscurantistes. Il faut le combattre par tous les moyens prévus par la Charte des Nations Unies et par le droit international. Aujourd’hui notre monde fait face à un terrorisme sournois qui se sert de la foi et de la religion afin de commettre la violence et l’horreur.
Si la France est une cible privilégiée des terroristes et encore tout récemment à Nice, c’est en conséquence de son engagement dans une véritable guerre contre le terrorisme. Il est vrai qu’une Commission d’enquête parlementaire « relative aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 » a été constituée sous la présidence de Georges Fenech, rapport publié sous le n° 3922, ainsi qu’une mission d’information sur les moyens de Daech, sous la présidence de Jean-Frédéric POISSON, rapport publié sous le n° 3964, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016.
Que ce soit dans la partie sur la nécessaire réforme des services de renseignements, celle de la réponse pénale adaptée à la menace terroriste, celle sur la protection et sécurisation du territoire, celle sur la lutte Internationale contre le terrorisme ou même la liste des propositions de ces deux rapports, on ne trouve trace d’un travail en profondeur sur la nécessité d’assécher financièrement les filières terroristes.
Or, il est du devoir des institutions parlementaires nationales et européennes d’interpeller solennellement les ministres de la Défense et des Affaires étrangères pour enfin identifier les pays qui forment, financent, arment, soutiennent logistiquement les filières terroristes et achètent le pétrole qu’elles vendent, d’établir une commission d’enquête mettant en lumière les agissements de ces réseaux nationaux et internationaux et de mettre en place un embargo sur la vente d’armes et sur l’achat de pétrole, le gel des avoirs, contre les Etats directement concernés ou qui peuvent potentiellement l’être. C’est une question de cohérence et de crédibilité de la lutte antiterroriste laquelle ainsi menée rendrait justice aux milliers de victimes du terrorisme et des Etats qui le soutiennent.