Jacques BARRAT
Professeur des universités, diplomate
Trimestre 2010
Une chose est sûre : la cote du président Barack Obama est au plus bas. Pourtant, il y a un peu plus de deux ans, son élection avait soulevé l’enthousiasme d’une bonne partie des Américains, pas seulement celui des démocrates, et nourri bien des rêves et des espérences au sein de la plupart des partis politiques « progressistes » du monde entier. Les Noire américains attendaient beaucoup de lui. Les pays africains aussi. Quant aux progressistes occidentaux, ils pensant (qu’il ^lak inverser totalement la politique du « faucon Bush » et faire des Etats-Unis un pays débarrassé ckes tares du capitalisme transnational at à l’écoute des ckmandes dea tiere-mondes. En cet automne 22010, ke rêve ast tombé à plat. Phénomène plus marquant enœre, cet homme, dont on sait les liens étxoks qu’il entretient avec les milieux financiers américains, non seulement n’a pas changé les règles de la politique américaine mais encore, en bon gardien de sa puissance, a déclaré, dans son discours sur l’état de l’Union en janvier 2010, qu’il n’accepterait pas une « deuxième place pour les Etats-Unis », entendant par là qu’il ne laisserait pas la Chine devenir la première puissance économique et diplomatique du monde.
Sans cultivrar le passimisme, forœ dst de constPSer que les Etats-Unis aujourd’hui se portent mal. D’abord à l’intérieur du pays, où le gouvernaient des démocrates n’a pas vrnment réussi – mettre en plUce un système de protection sociale digne d’une démocratie moderne. Seul un ersasz r été livré. Les Etats-Unis sont-il« d’ailleursune démocratie, qu^d on sait que, par exemple, la peine de mort n’y a toujours pas été éradiquée, et que près du quart des citoyens américains ont d’énormes difficultés à se loger, alors qu’en même temps les inégalités sociales, sectorielles et régionales n’ont cessé de s’accentuer depuis la crise en 2008 du capitalisme financier devenu trop spéculatif ?
Ensuite, à l’extérieur, la situation n’est pas meilleure et l’image des Etats-Unis n’a cessé de se dégrader encore. Pour l’opinion publique mondiale, ils sont aujourd’hui ceux qui ont jadis perdu la guerre du Vietnam, ceux qui ont récemment attaqué l’Irak sans raisons valables, ceux qui s’embourbent dans le conflit afghan sans espoir d’en sortir, ceux qui ne veulent toujours pas reconnaître que leur politique d’hyper-puissance depuis la disparition de l’URSS n’a pas apporté beaucoup de bonheur au monde, loin s’en faut. Chacun sait désormais que la politique du big stick fait naître la haine et qu’on ne peut pas installer par la force la démocratie sur des territoires qu’on a fait bombarder auparavant !
Enfin, si l’on s’en tient aux chiffres, nous pourrions avoir toutes les raisons de nous inquiéter. Le déficit budgétaire fédéral n’est plus seulement nocif. Il est devenu l’objet d’une préoccupation majeure et une menace réelle pour la sécurité nationale américaine. 1 600 milliards de dollars de déficit cette année, au moins 1 300 milliards pour l’année prochaine sont des statistiques qui donnent le vertige parce qu’elles montrent que, de nos jours, le gouvernement des Etats-Unis doit emprunter un dollar chaque fois qu’il en dépense trois. L’Amérique d’Obama est donc devenue par essence un pays totalement dépendant de ses créanciers. Dans la mesure où, pour une bonne partie, ses déficits sont financés par la Chine, il est devenu évident que Pékin a maintenant le pouvoir de peser lourdement non seulement sur les consommateurs américains mais aussi sur la politique de Washington tant intérieure qu’extérieure. La servitude américaine vis-à-vis de la Chine est dorénavant une réalité et personne ne saurait ne le nier. Vouloir s’en débarrasser voudrait dire, pour les Américains, accepter plusieurs types d’issues, dont l’une consisterait en un conflit armé avec Pékin.
Dans ce contexte particulièrement porteur de pessimisme, le président Barack Obama, bonnes paroles mises à part, n’a rien changé, n’a rien apporté depuis qu’il a été élu. L’attitude américaine vis-à-vis de la réforme du FMI, proposée par les pays européens, n’en est qu’une preuve supplémentaire. Mais le pouvait-il, d’ailleurs ? Est-il juste de surcroît de lui faire porter le chapeau de la découverte de toute une série de faiblesses américaines ? On a pu il y a peu s’apercevoir de l’impuissance des services secrets les plus chers et les plus importants du monde, alors même que les anciens directeurs de la CIA venaient témoigner devant des caméras de leurs échecs et des difficultés qu’ils avaient rencontrées avec les présidents américains depuis la création de l’Agence.
Les Etats-Unis sont indéniablement une nation jeune et il faut savoir pardonner les erreurs de jeunesse. Il n’empêche que la diplomatie des Etats-Unis n’a généré qu’une série de catastrophes depuis 1945, faute de culture politique et diplomatique suffisante, de connaissance du monde et de ses civilisations. Plus grave encore est sans doute cette impossibilité qu’ont les Américains de pouvoir penser autrement qu’en Américains. C’est là le prix à payer pour l’isolationnisme mental d’un pays où moins de la moitié des sénateurs possèdent un passeport. Faut-il rappeler que le président Bush ne s’était jamais rendu en Europe avant son élection et que, pour éliminer un rival dans la course à la Maison-Blanche, il avait suffi de le traiter de « Français ». Or, savoir se mettre à la place des autres est souvent le meilleur moyen de bâtir sa puissance et de l’assumer, et donc de la conserver. À ce niveau, l’expérience des pays que certains Américains appellent la « vieille Europe » leur a par trop souvent manqué. Qu’allaient-ils donc faire dans cette galère de l’Irak ? Pourquoi ne peuvent-ils pas, ne veulent-ils pas prendre en compte les réactions du peuple afghan ? Comment ont-ils pu faire en sorte de ne rien comprendre à l’Iran depuis qu’ils ont abandonné leur allié, le shah ?
Certes, il est à la mode chez les intellectuels français de tirer à boulets rouges sur ce grand pays que nous avons d’ailleurs contribué à former en l’aidant à se débarrasser de sa tutelle coloniale anglaise. Il ne faut pas y voir seulement les réflexes d’une nation jacobine qui fut sans doute dans l’après-Seconde Guerre mondiale une des plus prostaliniennes du monde et dont les citoyens ont toujours aimé s’ériger en donneurs de leçons de démocratie. Néanmoins, les faits sont là. La société américaine n’est plus un modèle. The american way of living ne fait plus rêver personne, sauf à aller chercher chez les plus déshérités des tiers-mondes ou au sein des prolétaires des pays ex-socialistes pour qui la coca-colisation a été un progrès.
Alors, quel avenir pour cette Amérique si forte et si faible à la fois ? Alors même que d’aucuns pensent qu’elle n’a pas encore atteint sa maturité, son rang mondial, ses entreprises, sa compétitivité, son modèle social, sa diplomatie, ses certitudes philosophiques et sociologiques sont de plus en plus mis à mal.
Sans aller jusqu’à prédire l’écroulement rapide de l’empire américain, il reste à méditer sur le fait que les Etats-Unis n’ont pas victorieusement résisté au choc de la disparition du monde soviétique. Au lieu de savoir en profiter dans la durée, ils ont voulu en tirer des profits immédiats voire spéculatifs, tant politiques que financiers. C’est là le réflexe infantile d’un enfant gâté qui ne sait pas attendre, et qui veut tout, tout de suite. Comme le faisait si bien dire Jean d’Ormesson à l’un des personnages clés de son roman Au plaisir de Dieu : « L’Amérique est jeune. Mais l’ennui, c’est qu’elle ne cesse de rajeunir. »