Recteur Gérard-François Dumont
Professeur à l’université Paris IV-Sorbonne, président de la revue Population & Avenir[1].
Laurent Chalard
Docteur en géographie de l’université Paris-IV Sorbonne.
Trimestre 2010
Au moins depuis l’intrusion de lArmee soviEtique en 1979[2], l’histoire géopolitique de l’Afghanistan est particulièrement singulière, puisque ce pays s’est trouvé au cœur de la confrontation Est-Ouest;[3], puis de la « guerre contre le terrorisme ». Il serait donc loisible de penser que l’Afghanistan présente une exception aux lois de la géopolitique des populations[4]. (Dr, il n’oi est rien. Pour l’attester, nous allons introduire deux notions, la géopolitique des population «« séculière » et celle «« régulière ».
La première, « séculière », concerne tout ce qui, dans les paramètres démographiques de lagéopolitique, tient au contexte temporel de la période étudiée. Quant à la géopolitique des populations « régulière », elle concerne tout ce qui, dans les paramètres démographiques de la géopolitique, s’inscrit dans une longue durée au moins pluriséculière.
Le recours à ces deux qudificatifs offre une claire grille de lecture de l’Afghanistan. En effet, d’une part, l’évolution démographique de l’Afghanistan, au cours des dernières décennies, relève, comme nous le montrerons dans une première partie, d’une géopolitique « séculière », puisque les données concernant sa population se sont trouvées et se trouvent directement influencées par le contexte géopolitique. D’autre part, ce sera l’objet d’une seconde partie, le peuplement de l’Afghanistan se conforme à une logique pérenne, avec sa géodémographie quasi permanente de la répartition de la population en groupes humains différenciés. En conséquence, cette répartition induit une géopolitique « régulière », que nous devons prendre en compte dans toute réflexion sur l’avenir du pays.
Cette double analyse permettra en conclusion d’énoncer des enseignements pour le futur.
La géopolitique « séculière » et les évolutions démographiques afghanes
Dans un premier temps, il s’agit de déterminer dans quelle mesure les changements géopolitiques qu’a connus l’Afghanistan depuis les années 1970 expliquent l’évolution démographique du pays. Plusieurs périodes se dégagent : avant 1979, 1979-1990, 1991-1996, 1996-2001, et depuis 2002.
Avant 1979 : du régime primitif à une transition démographique à peine entamée
Avant 1979, les caractéristiques démographiques de l’Afghanistan, pays isolé du reste du monde, dont on ne parlait guère[5], sont celles d’un pays dont le régime démographique est « primitif », selon l’adjectif utilisé par Adolphe Landry[6]. Ce régime combine en effet natalité et mortalité élevées[7]. Le taux de mortalité est supérieur annuellement à 25 décès pour mille habitants. Toutefois, dans les villes, la mortalité apparaît moins élevée, témoignant de l’entrée des zones urbaines dans la première étape de la transition démographique[8], sachant que, à compter des années 1950, diverses organisations internationales dépendant de l’ONU (Unesco, FAO, OMS…) commencent à œuvrer, tandis que les États-Unis et l’URSS se partagent le pays en deux pour leurs opérations de coopération[9]. La fécondité est « naturelle », donc également élevée, d’autant que l’âge au mariage des femmes est faible. L’espérance de vie à la naissance est très basse, inférieure à 40 ans. La croissance de la population est faible, comme l’indique l’ONU. Dans son rapport 1962[10], elle estime la population de l’Afghanistan à 11 millions d’habitants en 1937, puis à 12 millions en 1951, et ensuite à 13 millions en 1958, chiffres qui témoignent d’un faible taux annuel moyen d’accroissement.
Le dépouillement du recensement de 1979, dernier et seul recensement dis-ponible[11], réalisé juste avant l’invasion soviétique, indique 13 051 358 habitants, chiffre sans doute exagérément précis, auquel il ajoute 1,5 million de nomades. La population totale est donc approximativement de 14,5 millions d’habitants, soit une densité, faible, de 22 habitants par km2 pour une superficie de 652 000 km2, donc plus importante que celle de la France métropolitaine. Cette faible densité peut s’expliquer par la géographie physique, avec le cœur du pays occupé par un système montagneux complexe, des zones arides et un climat défavorable à une agriculture intensive, avec seulement 15 % de terres aisément cultivables, et par un enclavement relatif, ayant par exemple mis l’Afghanistan à l’écart des routes commerciales historiques, comme la route de la soie, qui passait plus au nord dans l’actuel Ouzbékistan. En outre, toujours selon le recensement de 1979, seulement deux millions d’Afghans vivent dans des territoires urbains[12], ce qui donne un taux d’urbanisation faible, estimé à 15 %. Autre caractéristique : le nombre d’hommes est sensiblement supérieur à celui des femmes, ce qui témoigne de l’importance de la mortalité maternelle, mais aussi d’une forte inégalité de traitement entre les sexes, entraînant une forte surmortalité féminine, en particulier chez les jeunes filles.
Néanmoins, dans les années 1960 et 1970, le pays est entré, très lentement, dans la transition démographique, sachant que les données estimées de 1979 indiquent un taux de natalité aux environs de 48 naissances pour mille habitants, un taux de mortalité à près de 25 pour mille, un taux mortalité infantile de 200 décès d’enfants de moins d’un an pour mille naissances, et une espérance de vie à la naissance de 39 ans.
1979-1989 : des pertes démographiques dans le contexte de la résistance à l’occupation soviétique
Après 1979 comme auparavant, il reste difficile d’évaluer l’évolution détaillée de la population, étant donné l’insuffisance de l’état civil, de l’enregistrement des mouvements migratoires et le fait que le pays se soit trouvé en guerre la majorité du temps. Une autre incertitude tient à ce que les responsables afghans, comme ceux de plusieurs pays du Sud, sont souvent considérés comme ayant tendance à surestimer leur population, ne tenant pas suffisamment compte de l’émigration et surestimant la population nomade[13]. Néanmoins, les évolutions générales peuvent être approchées grâce aux chiffres fournis a posteriori par l’Institut statistique afghan ou aux données sérielles estimatives de l’US Census Bureau.
Rappelons que, au cours des années 1970, la situation politique en Afghanistan, pays enjeu de la guerre froide, se dégrade. La chute de la monarchie, suite à un coup d’État militaire en 1973, conduit à la proclamation de la première République afghane, procommuniste dans un premier temps, puis pro-occidentale. Ensuite, en
- un deuxième coup d’État, soutenu par l’URSS, installe une république d’inspiration communiste, vite contestée par une partie de la population. En décembre
- l’URSS envahit le pays et provoque un coup d’État militaire, conduisant à l’installation d’un nouveau gouvernement, encore plus prosoviétique. S’ensuit une guérilla de groupes afghans rebelles (les fameux « moudjahidine »), équipés notamment par les États-Unis, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et la Chine, contre les forces d’occupation soviétiques, qui va durer jusqu’en 1989.
Or, cette guerre de libération a une influence sur le mouvement naturel et sur le mouvement migratoire. Concernant le premier, l’avancée de l’Afghanistan dans la première étape de la transition démographique s’interrompt. Le taux de natalité baisse d’abord de 1979 à 1981, tandis que la mortalité infantile et la mortalité générale demeurent élevées pendant toute la période de l’occupation soviétique, sans oublier la surmortalité due à la guerre. Au total, la croissance démographique naturelle ralentit de 1979 à 1981, pour augmenter ensuite de 1983 à 1989, en raison d’une hausse de la natalité qui exprime une résistance démographique à l’occupant.
Concernant le mouvement migratoire, le principe de répulsion, typique des pays en guerre, s’applique. D’où, durant la guerre 1979-1990, un déficit migratoire très important. Trois à quatre millions d’Afghans émigrent dans les deux pays voisins non communistes, l’Iran et le Pakistan, où ils se retrouvent principalement dans des camps de réfugiés. L’émigration dans le reste du monde est marginale en volume et concerne surtout des élites, qui obtiennent souvent le statut de réfugiés politiques, se retrouvant dans les pays ayant une législation généreuse pour les demandeurs d’asile. En conséquence, l’accroissement démographique total de l’Afghanistan apparaît plus faible qu’il aurait dû être s’il n’y avait pas eu de conflits armés, amputant la population de plusieurs millions d’habitants par rapport aux projections. La population de l’Afghanistan passe même de 15,5 millions d’habitants en 1979 à 12,4 millions en 1983, sous l’effet des flux d’émigration, pour remonter ensuite, essentiellement grâce à l’accroissement naturel car, à l’exception de l’année 1984, le taux d’accroissement migratoire demeure négatif jusqu’en 1990.
1991-1995 : les gains démographiques d’une paix très temporaire
Après le départ des Soviétiques, achevé complètement le 15 février 1989[14], la croissance de la population est portée par le retour de réfugiés et par une légère diminution du taux de mortalité sous l’effet du retour à la paix. Mais la relative accalmie consécutive au départ des Soviétiques dure peu, car le gouvernement mis en place du temps des Soviétiques, qui n’est plus considéré comme légitime, se maintient pourtant face à la « résistance ». Il est renversé au printemps 1992 par une coalition de moudjahidine tadjiks, avec des Ouzbeks et des Hazaras chiites, dirigée par le commandant Massoud. Les années 1992 à 1994 sont alors marquées par de nouveaux retours migratoires.
Parallèlement, les vieilles divisions ethnicoreligieuses réapparaissent et une guerre civile s’installe avec des conflits entre factions islamistes « modérées » et « intégristes », recoupant un conflit entre les différentes ethnies. Dans ce contexte, le taux de mortalité ne peut baisser, et le retour des réfugiés cesse. Puis les talibans prennent Kaboul en septembre 1996 avant d’occuper, en 1998, plus de 90 % du pays, suite à leurs victoires dans le Nord, dont la prise de la ville de Mazâr e Charif, située à 55 kilomètres au sud de la frontière avec l’Ouzbékistan.
1996-2001 : une croissance démographique limitée par un régime liberticide
Dans un premier temps, le gouvernement taliban se trouve, dans une certaine mesure, internationalement accepté, comme l’attestent les négociations avec les États-Unis sur des projets de transport des hydrocarbures d’Asie centrale via l’Afghanistan. Mais le régime s’enferme dans son idéologie anti-occidentale, refusant l’aide internationale par exemple dans le domaine sanitaire. Le taux de mortalité stagne donc à un niveau élevé, supérieur à 21 %%. Le radicalisme idéologique des talibans rend leur régime de plus en plus liberticide. Et, en 2000, le solde migratoire redevient négatif, des Afghans fuyant le régime instauré. L’accroissement démographique total stagne donc pour devenir même négatif en 2000 sous l’effet de l’émigration.
Au total, pour synthétiser les quatre périodes des années courant entre 1979 et 2001, la population de l’Afghanistan progresse en moyenne plus rapidement que dans les décennies précédentes, avec un taux annuel moyen d’accroissement total de 1,8 % contre 0,6 % entre 1932 et 1979, et malgré le nombre de morts (civils et militaires) liés aux différents conflits, estimés entre 1 et 2 millions de personnes sur l’ensemble de la période 1979-2001. Le niveau du taux moyen de croissance démographique peut s’expliquer par l’entrée de l’Afghanistan dans la transition démographique. Toutefois, il apparaît faible en comparaison d’autres pays du Monde se situant dans la même phase transitionnelle (en Afrique), dont les taux d’accroissement naturel sont parfois supérieurs à 3 %. En effet, la population de l’Afghanistan n’augmente que de 45 % environ sur cette période 1979-2001, alors que différents pays au calendrier semblable dans la transition démographique ont, dans le même temps, doublé leur population.
Depuis 2002 : relative stabilisation politique et croissance démographique
Avec l’intervention militaire conduite par les Américains, à l’automne 2001, suite aux attentats du 11 septembre de la même année contre les tours jumelles du World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington, le régime taliban est renversé. Il s’ensuit deux conséquences démographiques.
D’une part, le solde migratoire, qui avait été nettement déficitaire en 2000 et 2001, redevient positif, surtout les années 2002 et 2003, grâce au retour d’une partie des réfugiés des pays voisins (Iran et Pakistan). Cela explique la forte croissance de la population en 2003, selon les estimations de l’Institut statistique national, de 1 million de personnes, contre 400 000 l’année précédente.
D’autre part, l’Afghanistan entre dans une phase de relative stabilité, en comparaison avec les années 1980 et 1990. Certes, les événements qui se déroulent conduisent à de véritables actes de guerre entre, d’une part, les talibans et, d’autre part, la coalition internationale et l’armée afghane en construction. Mais cette guerre est, dans les années 2000, beaucoup moins meurtrière que les conflits des décennies précédentes. Il n’a donc pas d’influence très négative sur la croissance démographique totale, puisque le régime démographique naturel ne subit plus les fortes secousses géopolitiques des décennies précédentes. Et le pays s’ouvre à des organisations pouvant contribuer à améliorer la situation sanitaire. En conséquence, le taux de mortalité diminue, passant par exemple de 21,3 en 2001 à moins de 19 % après 2005. Cela signifie que le pays avance, certes lentement, dans la première étape de la transition démographique, même si l’espérance de vie à la naissance n’est encore que de 44 ans en 2009[15], pour les femmes comme pour les hommes. Toutes ces données confirment l’absurdité de croire en une mondialisation en démographie[16].
Entre 2003 et 2010, l’Afghanistan connaît une croissance démographique naturelle sensible (+ 2,1 % par an en moyenne) du fait d’une natalité élevée (encore à 39 pour mille habitants en 2009), avec l’un des indices de fécondité les plus élevés au monde (5,7 enfants par femme en 2009). Le taux d’accroissement naturel (donc 2,1 % encore en 2009) est important, mais non le plus élevé du monde (il dépasse les 3 % dans un certain nombre de pays d’Afrique), car le taux de mortalité (18 % habitants) demeure élevé, équivalent par exemple à celui du Zimbabwe, pays ravagé par la mauvaise gouvernance de son président[17] et l’épidémie de sida.
Quant au mouvement migratoire, il est estimé légèrement positif depuis 2005, même s’il existe des mouvements d’émigration vers l’Occident, attestés par exemple par les chiffres indiqués en Europe occidentale : en 2004, le nombre de citoyens afghans est de 57 933 en Allemagne, de 37 200 en Hollande, ou encore de 8 345 en Suède.
L’évolution démographique singulière de l’Afghanistan est donc largement le produit des évolutions géopolitiques « séculières » touchant le pays et, en l’occurrence, de son basculement dans une guerre, plus ou moins intense selon les années, qui dure plusieurs décennies.
Le rythme de cette évolution n’est pas contestable. En revanche, le nombre exact d’habitants de l’Afghanistan prête à discussion, car il diverge sensiblement selon les sources. Par exemple, pour l’année 2006, date pour laquelle l’Institut national afghan fournit une estimation de la population du pays, son chiffre diffère de ceux de différents organismes internationaux. Pour le Population Reference Bureau[18], la population de l’Afghanistan est de 31,1 millions d’habitants à la mi-2006 ; pour le Census Bureau[19], elle est de 26,2 millions d’habitants. Ces chiffres apparaissent différents de ceux de l’ONU, 27 millions au 1er janvier 2007, comme des données fournies par l’Institut de statistique afghan, qui estime la population en 2006 à 24,1 millions d’habitants. L’incertitude sur le nombre d’habitants est réelle et s’explique par l’insuffisance de l’état civil et la faiblesse de l’État. Néanmoins, vu le nombre de morts provoquées par les guerres, un système sanitaire très insuffisant et des règles d’hygiène encore peu connues entraînant une forte mortalité infantile (estimée à 155 pour mille naissances en 2009), l’estimation la plus basse n’est pas absurde. D’ailleurs, pour l’année 2009, prenant en compte les estimations afghanes, le Population Reference Bureau revoit sensiblement à la baisse son estimation de la population du pays en indiquant 28,4 millions d’habitants[20].
Ce chiffre place l’Afghanistan, par sa taille démographique, non loin de l’Ouzbékistan (27,6 millions d’habitants en 2009), mais loin de ses deux voisins occidental (l’Iran) et oriental (le Pakistan), évalués respectivement à 73,2 et 180,8 millions d’habitants en 2009. Les projections moyennes de population du Population Reference Bureau tablent sur 39,4 millions d’habitants en 2025 et 53,4 millions en 2050, chiffres qui supposent à la fois une certaine stabilité politique et de réelles avancées sanitaires, donc une amélioration des conditions de vie.
Depuis 1979, l’évolution du nombre d’habitants en Afghanistan témoigne tout particulièrement des effets démographiques des évolutions géopolitiques, donc de l’importance de la géopolitique des populations « séculières ». D’une part, cette dernière a rythmé les mouvements migratoires afghans et leurs conséquences sur le mouvement naturel. D’autre part, la situation conflictuelle, sous ses aspects variés, ainsi que l’idéologie talibane n’ont pas permis d’avancées rapides dans la baisse des mortalités infantile et maternelle, ce qui explique en conséquence un pays encore au début de la première étape de la transition démographique.
Mais cette géopolitique des populations de nature « séculière » n’explique qu’une face de la réalité afghane. Il faut la compléter par une géopolitique des populations de nature « régulière ».
La géopolitique « régulière » et la « loi des groupes humains »
Cette dernière tient à la composition ethnique de l’Afghanistan, qui offre un bon exemple d’application de la « loi des groupes humains ». Rappelons notre formulation de cette loi : « Sachant qu’un groupe humain se définit comme un ensemble de personnes attachées au territoire où elles résident depuis longtemps, et ayant des caractéristiques qui les singularisent dans le pays où elles habitent, l’existence de groupes humains spécifiques, au sein d’une population vivant sur un territoire donné, exerce des effets, directement ou indirectement, sur les situations et évolutions géopolitiques internes et externes[21]. »
Les Pachtounes en nombre, mais non majoritaires
Encore plus que pour la population totale, dont nous avons précédemment montré la difficulté d’en déterminer une estimation précise, il est très difficile de connaître la répartition de la population selon les groupes ethniques, du fait de l’absence de recensement de la population depuis 1979, mais aussi de critères clairs permettant de les délimiter. Sur cette question, aucune enquête exhaustive reposant sur des critères scientifiques n’a été effectuée. La connaissance ethnique de l’Afghanistan repose sur des estimations dont il faut se contenter, mais dont les ordres de grandeur sont acceptables et généralement acceptés. Ils décrivent la réalité géopolitique que nous appelons « régulière » des populations afghanes, dans la mesure où la répartition ethnique sur les territoires actuels de l’Afghanistan ne semble pas avoir subi de changements significatifs, contrairement à ce qui a pu se constater dans divers pays[22]. En effet, comme dans d’autres pays pluriethniques, certaines ethnies tendent à surestimer leur part dans la population pour justifier une place plus importante dans les instances gouvernementales. Le premier objectif consiste à déterminer quel est le groupe le plus nombreux et à se demander s’il est majoritaire. Existe-t-il un groupe « afghan » majoritaire en Afghanistan ?
En réalité, deux groupes ethniques dominent largement la population afghane, étant nettement majoritaires à eux deux puisque représentant a minima 60 % de la population totale. Ils se caractérisent par un poids démographique différencié, mais d’un ordre de grandeur assez proche.
Estimation de la répartition des groupes ethniques en Afghanistan
Selon les estimations jugées sérieuses[23], les Pachtounes forment le premier groupe ethnique du pays, comprenant entre 39 % a minima et 42 % a maxima de la population totale, soit des pourcentages dans une fourchette assez étroite. Ils se considèrent comme les « vrais Afghans ». D’ailleurs, le nom « Afghan » fait référence depuis le Moyen Âge aux Pachtounes. C’est un groupe sunnite et de langue persa-nophone, donc se rattachant à l’Iran, même si son origine fait toujours débat chez les historiens. Le fait de se considérer comme le peuple autochtone afghan ajoute à sa place démographique première, qui engendre quatre conséquences géopolitiques internes. D’abord, il n’est pas illogique que les Pachtounes aient ou revendiquent une place significative dans l’État afghan compte tenu de leur poids démographique relatif. En deuxième lieu, et néanmoins, les Pachtounes ne sont pas majoritaires et ne peuvent donc justifier par leur poids démographique un contrôle exclusif sur les instances gouvernementales. En troisième lieu, pour gouverner dans un pays comme l’Afghanistan où l’appartenance ethnique a de l’importance, les Pachtounes doivent s’allier avec un ou plusieurs autres groupes ethniques. Enfin, les Pachtounes peuvent éprouver la crainte de voir tous les autres groupes ethniques s’allier contre eux, ce qui a été, dans une certaine mesure, le cas en 1992.
L’ethnie moins homogène des Tadjiks
Les Tadjiks sont le deuxième groupe ethnique, formant entre 27 et 37 % de la population totale de l’Afghanistan. La fourchette des estimations du pourcentage des Tadjiks est plus large que celle des Pachtounes. Cela peut s’expliquer parce que cette ethnie est plus fragmentée géographiquement, leur conscience identitaire commune moins forte que celle des Pachtounes, mais aussi parce que son unité est moins évidente, en raison de l’existence de sous-groupes à l’identité spécifique, comme les Aimaks, ou de certaines communautés tadjiks shiites. Le pourcentage des Tadjiks dans la population totale de l’Afghanistan est donc élevé, mais comme ce n’est pas le premier groupe ethnique, il leur est difficile d’exiger durablement la première place dans les instances gouvernementales, d’autant plus qu’ils ne sont pas considérés comme le groupe des « vrais Afghans ». Leur élément le plus partagé, leur langue, le tadjik, est persanophone de la branche iranienne occidentale, d’où l’idée selon laquelle les Tadjiks sont davantage un groupe linguistique qu’un groupe ethnique.
Les autres diversités ethniques, ethnolinguistiques ou ethnoreligieuses
Derrière ces deux groupes ethniques dominants, se distinguent deux autres de taille moyenne. Le premier, les Hazaras, représente entre 8 et 9 % de la population totale de l’Afghanistan. Ce peuple, considéré par certains comme turco-mongol, parle une langue persane. Les Hazaras se distinguent surtout par leur appartenance religieuse, car ils sont essentiellement shiites. Quatrième ethnie, les Ouzbeks, qui forment entre 6 et 9 % de la population totale de l’Afghanistan, parlent une langue turque : l’ouzbek. Si le pays s’organise politiquement selon le principe démocratique un homme = une voix, les pourcentages de ces deux peuples dans la population totale ne leur permettent pas d’espérer diriger durablement le pays. En revanche, leur poids est suffisamment important pour faire éventuellement basculer le pouvoir en faveur de l’une ou l’autre des deux ethnies principales. Donc, logiquement, ils ne peuvent être que courtisés par les deux grands groupes ethniques.
comme précisé ci-dessus, parfois classés comme Tadjiks. Les Turkmènes composent entre 1,7 % et 3,3 % de la population totale de l’Afghanistan. C’est un peuple parlant sa propre langue, de branche turque : le turkmène. Enfin, les Baloutches, compris entre 0,5 et 2 %, parlent le baloutchi, langue indo-aryenne apparentée au groupe iranien de l’Est. D’autres minorités, moins nombreuses, sont présentes, comme les Nuristanis ou les Kurdes. Ces groupes humains pèsent démographique-ment peu, mais leur alliance avec les autres, dans un contexte de complexité, peut s’avérer primordiale.Estimation de la répartition religieuse en Afghanistan
Ce morcellement ethnique est le premier facteur explicatif de l’inexistence d’un État afghan fort, puisque le pays s’avère un carrefour entre plusieurs civilisations : iranienne, indienne, centre-asiatique, objet du Grand Jeu entre les Anglais et les Russes au xixe siècle et dans la première moitié du xxe siècle, puis de la guerre froide. Néanmoins, la place des ethnies doit être examinée aussi selon la répartition spatiale.
La compacité géographique du peuplement pachtoune
La répartition géographique des ethnies de la population de l’Afghanistan est assez bien connue, si l’on exclut les grandes villes, essentiellement Kaboul, estimée à 3,3 millions d’habitants en 2007, soit 13 % de la population du pays. Il importe de préciser si les différents groupes ethniques se répartissent d’un seul tenant ou sont dispersés sur l’ensemble du territoire. Le mode de répartition spatiale joue en effet un rôle non négligeable sur le plan géopolitique. Par exemple, des groupes humains dispersés sur un territoire national ne peuvent s’appuyer sur une région phare, leur servant de point d’appui. Inversement, des populations groupées peuvent former un foyer ethnique, où leur domination est difficilement contestable, qui leur permet de disposer d’une base locale susceptible de faciliter leur place au sein de l’État central. Concernant l’Afghanistan, ce sous-produit de la loi des groupes humains joue un rôle important.
En effet, le groupe majoritaire, les Pachtounes, bénéficie d’un habitat groupé qui s’étend sur toute la partie sud du pays (au sud des montagnes centrales, dans le Sistan, drainé par la rivière Helmand) et à l’est (dans le Nangarhar, drainé par la rivière Kabul Rud, affluent de l’Indus). Dans ces territoires, les Pachtounes forment presque partout une écrasante majorité, et la compacité de leur territoire y constitue une force. Ils peuvent se penser comme une sorte de « pachtounland », à partir duquel exercer des rapports de force favorables sur le reste du pays s’avère possible.
A contrario, le second groupe ethnique, les Tadjiks, se caractérise par une relative dispersion sur l’ensemble du territoire afghan. Ils sont certes majoritaires dans des territoires de l’Ouest, à la frontière de l’Iran (province d’Herat), ainsi que dans une bande partant du nord de Kaboul jusqu’à la frontière du Tadjikistan au nord (en particulier, dans la province de Badakhshan). Leur relative dispersion géographique les prive d’un véritable foyer central unique et homogène, mais peut aussi leur permettre d’envisager des alliances avec d’autres groupes humains géographiquement proches avec lesquelles ils cohabitent. La géographie de Tadjiks, sans doute autant que leur léger moindre pourcentage que celui des Pachtounes, peut donc être considérée à la fois comme un handicap sur le plan politique et comme un atout du fait d’une coexistence plus grande que celle des Pachtounes avec les autres groupes humains afghans.
En revanche, les autres groupes ethniques se caractérisent, comme les Pachtounes, par une relative compacité de leur peuplement. La géographie concentrée de leur population leur donne un atout géopolitique. Les Turkmènes se répartissent au nord sur une bande de faible largeur tout le long de la frontière avec le Turkménistan. Les Ouzbeks se concentrent au nord du pays dans la région de Mazar i Sharif à proximité de l’Ouzbékistan, dans les zones planes du Turkestan drainées par l’Amou-Daria, fleuve qui forme la totalité de la frontière septentrionale de l’Afghanistan avec l’Ouzbékistan, une large partie de celle avec le Tadjikistan, ainsi que le début de la frontière avec le Turkménistan. Les Hazaras, chiites, se trouvent dans les montagnes centrales appartenant à la chaîne de l’Hindou-Kouch qui, orientée sud-ouest/nord-est, constitue une véritable coupure entre le Nord et le Sud du pays. Quant aux Baloutches, leur peuplement se localise à la frontière méridionale avec le Pakistan et à celle du sud-ouest avec l’Iran. Enfin, le petit groupe des Nuristani se retrouve en entier dans le Nouristan au nord-est de Kaboul, donc dans le Centre-Est du pays, jouxtant la frontière avec le Pakistan.
Chacun de ces groupes ethniques, ayant un pouvoir qui repose sur le contrôle d’une ou deux provinces, ne peut donc revendiquer une domination exclusive sur le pouvoir central. En outre, cette situation géodémographique entraîne des tendances à l’autonomie. Les populations ethniquement majoritaires dans leur territoire de résidence peuvent éprouver l’envie de se diriger elles-mêmes, souvent selon des logiques tribales, refusant en conséquence un État central qui se voudrait trop jacobin.
La diversité des groupes humains afghans et leur répartition spatiale engendrent l’exercice de la loi des groupes humains, avec ses effets géopolitiques internes.
Mais ces derniers ne sont pas indépendants de la géopolitique externe car il faut tenir compte du fait que de nombreuses ethnies sont transfrontalières, dont l’ethnie afghane la plus nombreuse, les Pachtounes.
Des ethnies transfrontalières
Le peuplement pachtoune se trouve à cheval sur l’Afghanistan et le Pakistan, de chaque côté de cette frontière appelée la ligne Durand, du nom de l’officier britannique qui la délimita en 1893. Aussi, bien qu’étant le plus grand groupe ethnique d’Afghanistan, avec environ 10 millions de personnes, le nombre des Pachtounes est plus élevé en valeur absolue au Pakistan, au moins le double (plus de 20 millions de personnes, soit environ 15 % de la population du Pakistan[24]). Minoritaire au Pakistan, l’ethnie pachtoune n’en est pas moins majoritaire dans les deux provinces montagneuses pakistanaises frontalières de l’Afghanistan, soit la Province de la Frontière du Nord-Ouest, et dans les régions tribales fédéralement administrées. Nombre de Pachtounes habitent aussi dans la capitale économique, démographique et portuaire du Pakistan, Karachi. Cette répartition géographique des Pachtounes les rattache au monde indien musulman. Leur présence doublement nationale les fait bénéficier du soutien constant du Pakistan, qui considère l’Afghanistan comme un élément de profondeur stratégique[25] et, en particulier, de son service secret, l’ISI (Inter-ServicesIntelligence). Ce soutien joue un rôle considérable, car le Pakistan est, à l’échelle régionale, un pays puissant avec un peuplement de 180 millions d’habitants et la possession de l’arme nucléaire mais, il est vrai, un relatif échec étatique à ce jour[26]. Pour le Pakistan, les Pachtounes sont l’allié naturel, dans l’objectif de contrôler ce voisin peu fiable qu’est l’Afghanistan, dans un contexte de tensions avec l’Inde voisine, remontant à la création de l’État pakistanais. En outre, suite aux différents conflits afghans, le Pakistan a connu un afflux de réfugiés et est devenu l’arrière-cour de mouvements de « résistance » dirigés notamment depuis la ville pakistanaise de Peshawar. D’ailleurs, le Pakistan, pendant la guerre des Afghans contre les Soviétiques, a soutenu presque exclusivement les Pachtounes. Il a ensuite largement permis et soutenu l’installation en 1996 du régime des talibans, sachant par ailleurs que « tous les Pachtounes ne sont pas talibans, mais tous les talibans sont pachtounes ».
Conformément à la « loi des groupes humains », l’ethnie pachtoune se trouve en situation favorable à plusieurs titres : plus fort pourcentage des ethnies, compacité du peuplement et population présente aussi dans un pays voisin. Cela explique pourquoi les principaux dirigeants politiques de l’Afghanistan sont membres de ce groupe, bien qu’il ne soit pas majoritaire. C’est le cas du président Hamid Karzaï et du mollah Omar, chef des talibans, comme ce le fut de l’ancien roi Mohammed Zaher Chah décédé en 2007.
La géographie des Tadjiks est fort différente de celle de Pachtounes. L’Afghanistan possède la plus grande communauté tadjike dans le monde, avec a minima 6,5 millions de personnes en 2009, devant le Tadjikistan27, pays où ils sont pourtant majoritaires (constituant 79,9 % de la population selon le recensement de 2000, soit 4,9 millions de personnes28), et l’Ouzbékistan, où leur nombre est significatif (4,7 % de la population lors du dernier recensement remontant à 1989, soit 930 000 personnes), d’autant plus qu’il est probablement sous-estimé. Cette géographie en trois États se traduit par une certaine faiblesse politique de ce groupe ethnique, parce que le pays qui porte leur nom subit l’héritage de la période stalinienne pendant laquelle Moscou a systématiquement divisé et affaibli l’identité tadjik. Le Tadjikistan ne peut donc guère être un soutien aux Afghans tadjiks, à l’opposé de celui du Pakistan pour les Pachtounes. Et en Ouzbékistan, les Tadjiks sont marginalisés en tant que petite minorité ethnique.
Le caractère de peuplement transfrontalier des deux principaux groupes ethniques se constate aussi chez certains autres groupes humains afghans moins importants : les Ouzbeks, les Turkmènes et les Baloutches. La communauté ouzbèk la plus nombreuse se situe logiquement en Ouzbékistan, où ils sont majoritaires (71,4 % de la population au dernier recensement de 1989), dans un pays relativement puissant, le plus peuplé des cinq ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale[27] et occupant une fonction stratégique significative, avec un fort sentiment national. La communauté ouzbèk afghane est la deuxième communauté ouzbèk dans le monde (avec environ 2 millions de personnes), représentant environ 10 % de la population des Ouzbeks dans le monde.
L’Afghanistan possède aussi la troisième communauté turkmène du monde, après le Turkménistan où ils sont majoritaires (4,9 millions de personnes au recensement de 2001[28]), et l’Iran (plus d’un million). Leur nombre varie selon les estimations. Cependant, on peut considérer qu’ils constituent entre 5 et 10 % du groupe turkmène dans le monde. Enfin, comme pour les Turkmènes, la communauté ba-loutche d’Afghanistan ne constitue que la troisième communauté de cette ethnie, dont les foyers territoriaux principaux sont localisés plus au sud, dans la province pakistanaise du Baloutchistan (environ 3,5 % de la population totale du Pakistan, soit 6 millions de personnes), et en Iran (environ 1 million). En Afghanistan, ils ne sont que 100 000 tout au plus, soit une part minime de leur population totale, n’étant qu’une légère excroissance du Pakistan, liée au tracé de la frontière méridionale.
Différentiel quasi inexistant de croissance entre les groupes ethniques et nature géopolitique « régulière »
Dans le cadre de l’étude géopolitique des groupes humains, il serait intéressant de pouvoir déterminer l’évolution de la population des différents groupes en fonction de leur accroissement naturel et migratoire. Cependant, bien évidemment, cela est quasiment impossible en Afghanistan. Déjà, nous ne disposons pas de chiffres exhaustifs sur la répartition ethnique ; connaître son évolution est, a fortiori, encore plus difficile.
Face à cette situation, deux choix se présentent. Le premier est d’écarter toute étude de cette évolution. Le second consiste à essayer d’estimer indirectement l’évolution des différents groupes ethniques, à partir de celle de la population par province[29], la plupart des vingt-neuf provinces ayant une dominante ethnique. Comparons donc l’évolution de la population entre le recensement de 1979 et les estimations de 2006 selon les provinces. Une difficulté apparaît cependant, car quelques grandes villes, et plus particulièrement Kaboul, sont pluriethniques, sans que l’on connaisse précisément leur composition ethnique. Pour une comparaison pertinente, éliminons donc la capitale de l’étude.
La croissance démographique la plus élevée entre 1979 et 2006 apparaît dans les provinces à dominante pachtoune (70,2 %), devant les provinces à dominante tadjik (66,2 %), puis celles à dominante hazara (64,2 %) et enfin celles à dominante ouzbeko-turkmènes (60,9 %). Ces résultats ne permettent donc pas de tirer de conclusions claires, vu des ordres de grandeur semblables et des écarts faibles, pouvant d’ailleurs s’expliquer uniquement par le biais de la méthode utilisée. S’il existe des différences d’évolution entre les groupes ethniques, elles sont probablement relativement faibles, ne jouant donc pas un rôle significatif dans les évolutions géopolitiques. En outre, elles peuvent s’expliquer par une émigration ethniquement différentielle vers la capitale (pour les Hazaras par exemple) et non par des niveaux différents des taux d’accroissement naturel. D’ailleurs, les Tadjiks sont considérés comme le premier groupe ethnique à Kaboul[30], ce qui signifie que les pourcentages ci-dessus sous-estiment probablement leur croissance.
Un double enseignement pour l’avenir de l’Afghanistan
Ainsi, la population de l’Afghanistan se comprend par la combinaison de l’analyse des effets démographiques des conflits et par une géographie du peuplement issu d’une longue histoire. Cette connaissance de la géopolitique des populations de l’Afghanistan, considérant les paramètres « séculiers », ceux directement dépendants du contexte des décennies contemporaines, et « réguliers », ceux s’inscrivant dans une temporalité pluriséculière, est une condition nécessaire à toute analyse concernant ce pays. Elle livre non seulement la compréhension des évolutions passées, mais aussi les paramètres géopolitiques éclairant les choix futurs souhaitables.
D’abord, la sécurisation du pays est, comme partout dans les pays du Sud[31], indispensable à une avancée significative dans la transition démographique, au moins pour deux raisons. D’une part, la réalisation et la gestion d’un réseau sanitaire national ne peuvent s’effectuer durablement que dans un contexte pacifié. D’autre part, le développement des règles d’hygiène passe par une solarisation accrue des enfants et tout particulièrement des filles[32]. Donc, sans une amélioration durable de la sécurité, l’accueil des populations dans des centres de protection maternelle et infantile ou dans des maternités, puis l’offre hospitalière restent insuffisants. Dans ce cas, les taux de mortalité infantile et maternelle ne peuvent baisser de façon significative et, en conséquence, la fécondité demeure à un niveau relativement élevé. Dans un tel contexte, l’avancée dans la transition démographique se trouve inévitablement limitée.
En second lieu, la géodémographie ethnique et linguistique de l’Afghanistan, dont le caractère « régulier » est attesté et d’ailleurs favorisé par la géographie physique du pays, appelle une organisation politique permettant à chaque groupe humain de se sentir reconnu tant dans les régions où il est majoritaire que par sa participation à l’État national. Si les instances gouvernementales de ce dernier se fondent sur la domination d’une ou de plusieurs ethnies sur les autres, ou sur celle d’une coalition d’ethnies sur une ou plusieurs autres, l’instabilité politique est quasi certaine. La géopolitique des populations enseigne donc que la voie pacifiée d’un pays pluriethnique, soucieux d’assurer sa souveraineté face aux risques d’influence excessive de ses grands voisins limitrophes, iranien ou pakistanais, doit le conduire à réfléchir à l’exemple suisse, qui a su allier l’unité face aux grandes puissances européennes à la diversité par une application fine du principe de subsidiarité. Un tel pays, pacifié et souverain, peut alors se sentir suffisamment fort pour entreprendre dans un premier temps la signature de traités de paix avec ses voisins, puis contribuer à l’émergence d’une organisation régionale au profit de l’ensemble des populations de la région.
Éléments bibliographiques :
Dombrowsky, Patrick, Piernas, Simone, Géopolitique du Nouvel Afghanistan, Paris, Ellipses, 2005.
Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations,
Paris, Ellipses, 2007.
Felt, J-C. (1988). « Spotlight : Afghanistan ». Population Today, 1988, May, 16 (5):12. Khalidi, N. A., « Regional variations in the distribution of population and levels of urbanization in the Democratic Republic of Afghanistan 1979-1980 ». IIPS Newsl, 1982, Apr, 23(2):15-26. Site internet : www.cso.gov.af
[1]www.population-demographie.org.
[2]Les parachutistes de l’armée rouge sont largués sur Kaboul précisément le 24 décembre 1979.
[3]L’occupation soviétique de rAfghrnistan fut un des arguments utilisés par Ronald Reagan pour un programme d’armement, dont le dispositif IDS (initiative de défense stratégique), souvent appelé « bounlier spatial » mais suroommé « guerre des étoiles ».
[4]Dumont;, Gérard-François, DémographiepoUtique. Les fois de la géopolitique despapulations, Paris, Ellipses, H007.
[5]Sauf à propos de hippies amateurs de drogue.
[6]Landry, Adolphe, La révolution démographique, Paris, Sirey, 1934.
[7]Selon une série d’enquêtes menées en 1972-1974. Cf. Trussel J., Brown E., « A close look at the demography of Afghanistan », Demography, février 1979, volume 16, n° 1, pages 137-156.
[8]« Période, de durée (entre 50 et 150 ans environ selon les cas) et d’intensité variables (elle multiplie les effectifs de la population de deux à plus de sept), pendant laquelle une population passe d’un régime démographique de mortalité et de natalité élevées à un régime de basse mortalité, puis de faible natalité. » Cf. Wackermann, Gabriel (direction), Dictionnaire de géographie, Paris, Ellipses, 2005.
[9]Puis, dans des années 1970, les États-Unis délaissent l’Afghanistan pour l’Iran.
[10]ONU, Annuaire démographique 1962, New York, 665 pages.
[11]Le recensement n’aurait concerné que seulement 55 à 50 % de la population, donc est imparfait.
[12]Les villes de Kaboul, Kandahar, Mazâr e Charif, Hérât, Djalâlâbâd, Kunduz, Baghlan…
[13]Khalidi N. A., « Afghanistan: demographic consequences of war, 1978-1987 », Central Asian Survey, Oxford, 1991, vol. 10, n° 3, pages 101-126.
[14]Conformément à un accord du printemps 1988.
[15]Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des États », Population & Avenir, n° 695, novembre-décembre 2009, www.demographie-population.org.
[16]Dumont, Gérard-François, « La mondialisation s’applique-t-elle en démographie ? Tendances et perspectives pour le xxie siècle », Population & Avenir, n° 691, janvier-février 2009, www.demographie-population.org.
[17]Selon le fonctionnaire onusien Georges Tadonki, le dictateur Mugabe a coûté directement la vie à plus de 5 000 personnes, forcé à l’exil plus de 3 millions d’exclus et forcé à se cacher et à fuir plus de 200 000 personnes, TheZimbabwean, lundi 1er mars 2010.
[18]PRB, 2006 World Population Data Sheet, Washington, août 2006, 12 pages.
[19]www.census.gov.
[20]Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des États en 2009 », Population & Avenir, op. cit.
[21]Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007, p. 209.
[22]Par exemple au Liban. Cf. Dumont, Gérard-François, « Le Liban, géopolitique et populations », Outre-Terre, n° 13, Érès, 2006.
[23]Les chiffres analysés ici reposent sur trois sources principales :
1) CIA World Factbook, 2010 : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/ ;
2) Encyclopaedia Iranica : http://www.iranica.com/newsite/home/index.isc ;
3) Afghanistan in 2006, A Survey of Afghan People, Asia Foundation, 2006, Kaboul, 128 pages.
Les autres groupes ethniques apparaissent très minoritaires, mais leur addition parvient à un pourcentage de 10 %. Les Aimaks, compris entre 0,1 % et 4 %, sont,
[24]CIA World Factbook.
[25]Reynolds, Nathalène, « Des conséquences de la guerre d’Afghanistan en République islamique du Pakistan », Géostratégiques, n° 27, 2e trimestre 2010.
[26]Cf. Dumont, Gérard-François, « Pakistan : un échec étatique attesté par la démographie », Outre-Terre, n° 24, 2010.
[27]27,6 millions d’habitants en 2009.
[28]http://demoscope.ru/weekly/037/evro010.php.
[29]Comme effectué pour le Liban. Cf. Dumont, Gérard-François, « Le Liban, géopolitique et populations », Outre-Terre, n° 13, Érès, 2006.
[30]Selon le chercheur américain Thomas Gouttierre, de l’université du Nebraska, en 2003, les Tadjiks constitueraient 45 % de la population de Kaboul, devant les Hazaras et les Pachtounes, avec 25 % chacun.
[31]Sur le cas de Haïti, cf. Dumont, Gérard-François, « Haïti, les marqueurs de la pauvreté », Population & Avenir, n° 697, mars-avril 2010, www.population-demographie.org.
[32]Cette question est depuis longtemps délicate en Afghanistan puisque, dès les années 1960, les mollahs firent assassiner nombre d’instituteurs.