L’ÉVOLUTION DE L’ÉDUCATION ET DE LA THÉOLOGIE CHIITES

Ali Rastbeen

Fondateur et président de l’Académie de Géopolitique de Paris. Directeur éditorial de la revue Géostratégiques. Sépcialiste de l’Iran et des questions géopolitiques du Moyen-Orient, auteur de Géopolitique de l’Islam contemporain, Editions IIES, 2009.

L’ordre religieux est le plus ancien et le plus solide fondement sur lequel ont été fondées les sociétés à travers l’histoire. En différentes périodes, il a consolidé sa position en vue de pérenniser l’ordre dominant. Le domaine de la religion est celui de la foi individuelle et sociale qui oblige l’individu à accepter un certain nombre de devoirs et d’obligations face à la collectivité, face au « tout » et à l’existence même. C’est l’ensemble de ces obligations qui est qualifié de foi et qui joue le rôle du gendarme dans l’inconscient du croyant. Le rôle que joue la religion au sein de la société lui confère un carac­tère politique. Or, la politique dans son sens courant et en relation avec l’his­toire de la civilisation, s’étend sur un domaine beaucoup plus vaste. C’est le cas d’un nombre restreint de religions qui, à travers l’histoire, ont joué des rôles régionaux et continentaux, dépassant les clivages ethniques et tribaux. Ces religions ont pu s’étendre à travers le monde, à l’instar du christianisme, du bouddhisme et plus particulièrement de l’Islam qui, aujourd’hui encore sont capables d’agir sur la politique. A ce propos, le christianisme et l’islam ont un rôle exceptionnel.

Le christianisme qui compte aujourd’hui le plus grand nombre d’adeptes dans le monde, a été une croyance issue de l’époque où l’esclavagisme connaissait de profonds tumultes marqués par la répression du soulèvement des esclaves dans l’empire romain. Il joua le rôle de tranquillisant pour les esclaves. Deux siècles furent nécessaires afin que l’empire romain, mû par des objectifs politiques, prenne le christianisme à son service et le hisse au rang de sa religion officielle. Sous l’étendard de l’empire, le christianisme traversa les pays et les continents. Ce fut l’idée de l’empire qui conféra au christianisme la conception et la notion du pouvoir politique. Aujourd’hui encore, il constitue un des fondements de la présence politique de l’Occi­dent dans les pays du Sud.

L’islam qui, six siècles après le christianisme, fut à l’origine de nouveaux bouleversements, a été intimement lié à la politique, dès l’apparition de l’ange Gabriel à Mahomet dans la grotte de Hara. C’est en partant de ce même point de vue qu’il s’est intéressé aux quatre coins du monde et, très rapidement, s’est étendu sur l’Asie, l’Afrique et l’Europe. L’islam est né dans un territoire désertique, lieu de passage des caravanes qui reliaient les deux empires de l’époque, Rome et la Perse, dans une vallée, lieu de rendez-vous annuel des tribus qui faisaient du commerce. Le temple mythique de la Mecque situé dans cette vallée étroite se transformait un mois par an en un sanctuaire réunissant les tribus hostiles et insoumises qui s’y rendaient pour effectuer le pèlerinage des idoles, échanger leurs marchandises et mettre en avant leur puissance et leur capacité. La Mecque était placée sous la tutelle de la tribu Quraych qui vivait dans cette vallée et y assurait également l’ordre pendant le mois sacré.

Le prophète de l’Islam appartenait à cette tribu et, dès sa jeunesse, ac­compagnait les caravanes de marchandises vers les villes chrétiennes de l’Empire Romain. Il était également témoin du renforcement de la popula­tion de sa tribu et de ses capacités grandissantes lui permettant de modifier son mode de vie et de devenir des citadins. A l’âge de 40 ans, il fut chargé d’une mission divine. Il se dressa seul face à la tribu Quraych qui pensait que cette nouvelle vision signifiait la fin des idoles et celle de sa souveraineté sur la Mecque.

Ainsi, dès le départ, l’islam a été une religion politique, une graine semée en vue d’unir et de mobiliser les tribus arabes. Le prophète, dès qu’il fut chargé de sa mission a, pendant 13 ans, propagé et organisé l’islam, malgré la pression exercée par les chefs de la tribu Quraych. Son départ pour Yathreb correspondait à la période d’extension de l’islam à l’ensemble des tribus arabes et à des territoires sous domination de Rome ou de Perse. Onze ans plus tard, le prophète encore en vie, son armée menait des incursions aux frontières asiatiques de Rome et auprès des tribus arabes soumises à la Perse.

Un jour, alors qu’à la Mecque, Mohammad se trouvait dans une situa­tion difficile, six ans après son appel, les chefs Quraych étaient réunis et s’entretenaient à voix basse de son cas, tandis qu’il se trouvait assis dans un coin. Un des chefs, Ottabat Ibn Rabieh, se porta volontaire pour discuter avec Mohammad afin que celui-ci arrête son appel en échange d’argent et de pouvoir. De retour, il répondit aux autres chefs de la tribu : « Laissez Mohammad tranquille afin qu’il règle ses comptes avec les Arabes. Si les Arabes sortent vainqueurs, vous aurez atteint votre objectif. Dans le cas contraire, les biens et l’héritage de Mohammad seront les vôtres ». Dix-huit ans plus tard, ces prévisions furent réalisées. La tribu Quraych se convertit à l’Islam et s’acca­para de l’héritage de Mohammad.

Dans l’esprit de Mohammad, la vision de l’avenir était marquée par l’in­dépendance. Parmi les deux grands empires de l’époque, son attention était davantage portée sur Rome. Avant de désigner la Mecque comme le lieu saint des musulmans, il se tourna vers Jérusalem pour faire ses prières. Il désigna l’Ethiopie comme le lieu d’émigration des musulmans persécutés par les Quraychis. Lors des guerres de dix ans entre la Perse et Rome, face à l’enthousiasme de ses opposants qui prévoyaient que la défaite de Rome signifierait, dans un certain sens, celle de Mohammad, il prédit la victoire de Rome. Cette prédilection qui marquait sa compétence en matière politique, était si profonde en lui, qu’il encouragea Abu Bakr à parier cent chameaux contre un contestataire.

Dès la onzième année après l’hégire – début du calendrier islamique -, les tribus arabes, à la recherche d’espaces nouveaux, menaient des incur­sions dans les territoires des empires voisins, La perse ou Rome, là où vi­vaient des tribus d’origine arabe avec des peuplades autochtones, placés sous l’autorité de l’une ou de l’autre puissance. Ces incursions n’étaient pas le fruit du hasard. Après la mort du Prophète, ces attaques organisées furent poursuivies par ses successeurs. Les guerriers arabes qui servaient dans les armées romaine ou perse, furent attirés par la direction établie à la Médine. Sous le pouvoir des quatre califes, successeurs de Mohammad, d’une pé­riode d’environ trente ans, l’empire musulman s’étendit vers l’est jusqu’à la Mésopotamie. Parallèlement et à la suite de la concentration de richesses dans la ville de Médine et les autres nouvelles villes islamiques, les rivali­tés intérieures mirent d’abord à l’épreuve la tribu Quraych avant de mettre fin au système de gouvernement collégial, établi par Mohammad, remplacé d’abord par la dynastie des Omeyyades, sur le modèle des empires romain et perse et ensuite par celle des Abbassides qui fut renversée au VIIe siècle après l’hégire par le Mongol, Holaku. Malgré tous ces soubresauts, l’islam conti­nua à se développer. Exporté cette fois par les tribus turques et mongoles qui se déversaient du nord de l’Asie, l’islam étendit son territoire des frontières de Chine jusqu’à l’est de l’Europe. Jusqu’au XXe siècle, une lutte permanente opposait l’islam à ses voisins chrétiens.

Ce qui est intéressant d’observer dans cette évolution historique et géo­graphique, réside dans les effets de l’islam sur les territoires qu’il a occupés, très différents des invasions antérieures et postérieures. Dans la période pré­islamique, les conquêtes d’Alexandre pour instaurer la civilisation grecque dans les territoires conquis jusqu’à l’est de l’Inde ont laissé sur place des co­lonies grecques. Or, les conséquences de l’islam dans ces régions asiatiques, européennes et africaines, étaient d’un ordre tout à fait différent : l’islam a tout absorbé, il a bouleversé sur son passage les langues, les histoires, les traditions et les identités. L’Islam a avalé tout dans le Proche et le Moyen-Orient et a rendu la civilisation arabe qu’il a exposée à l’histoire. Le territoire qui a le moins subi les conséquences de la conquête arabe a été la Perse où, pourtant, on constate toujours ses effets. Ce phénomène est intrinsèque à la structure de cette religion capable de s’adapter au milieu, de happer ce qu’il conquiert pour ensuite le rendre sous une nouvelle forme arabisée.

Après la domination arabe qui permit l’installation des tribus arabes en Perse où elles se comportaient en maîtres absolus, d’autres conquérants fi­rent leur apparition. Tout le territoire de l’islam fut dévasté par les troupes turques et mongoles qui y affluaient en provenance du nord. Or, ces tribus qui avaient fondé des dynasties plus ou moins longues n’ont pas apporté de nouvelles innovations et se sont soumises à la force potentielle de l’islam. L’empire ottoman est l’aboutissement de la période des guerres tribales et religieuses dans l’histoire moderne. La pérennité de cet empire était due au califat islamique.

Aujourd’hui, les pays musulmans tentent de jouer un rôle important dans la géopolitique mondiale et pour ce faire se sont réunis dans l’Organi­sation de la Conférence des pays islamiques. Leur objectif consiste à établir un lien entre le nationalisme et la religion. Cela semble difficile et n’a pas abouti par le passé. Car l’élément national et l’élément religieux sont deux identités différentes. Comme dans le passé, aujourd’hui encore, ils ne peu­vent se substituer entre eux. La religion est elle-même un gouvernement, un pouvoir, une identité et une volonté qui tente de se mondialiser. Le natio­nalisme est une force de résistance à l’agression de l’élément étranger qui, à son tour, prend un caractère agressif. Là où ces deux éléments s’unissent, ils donnent naissance à une religion à caractère mondial qui se présentera sous une forme nouvelle.

Ne nous éloignons pas de l’islam. De son vivant, le prophète de l’is­lam dut faire face à des discordances, attisées par des convoitises internes. Selon les traditions ancestrales des tribus arabes, ses compagnons étaient liés au Prophète par des liens de mariage. Ses épouses, outre les rivalités qu’elles avaient entre elles, enviaient sa fille qui était de leur âge ou peut-être un peu plus âgée, épouse d’Ali, jeune cousin du Prophète. Selon différents témoignages, le Prophète désirait léguer son héritage à Ali, mais cette vo­lonté n’avait pas le consentement de sa plus jeune épouse. Toute l’action de Mohammad pour supprimer les obstacles à sa succession par Ali fut neu­tralisée. Les premières désobéissances à la décision du Prophète apparurent parmi ses propres compagnons. L’armée qui devait avancer sur Tabouk re­tarda si longtemps son départ que la nouvelle du décès du Prophète fut annoncée. Tandis qu’Ali et la famille de Mohammad s’occupaient de la cé­rémonie funéraire, ses compagnes, Mohajer et Ansar, réglèrent entre elles la question de sa succession et Abu Bakr fut désigné comme calife. Certains ont protesté contre cette décision et se sont réunis autour d’Ali et de la fa­mille du Prophète. La première scission dans l’islam date de cette époque. Ceux qui étaient réunis autour de Ali furent nommés les chiites. Du vivant de son épouse, Ali ne participa à aucune réunion de la direction. Après la mort de sa femme, suite à une réconciliation avec Abu Bakr, il participa au Conseil. Cette première scission n’avait pas de manifestations extérieures et ne diminua en rien le rôle d’Ali sous les deux premiers califes. Ce fut une période décisive.

La seconde scission eut lieu suite aux événements qui se déroulèrent sous le troisième calife, en relation avec la réaction des musulmans face à l’exten­sion de l’islam et au fondamentalisme et au monopole de la tribu Quraych désireuse d’assurer sa mainmise sur l’ensemble des territoires conquis par les Arabes. Cette scission était liée à la violence primitive des gouvernants. Le second calife fut assassiné et le troisième dut faire face aux insurrections égyptiennes où il perdit la vie. Ces soulèvements étaient fomentés par la famille Quraych Abi Sûfiane qui, sous le califat d’Othman, disposait du gouvernorat des régions ouest, entra directement en guerre pour le pouvoir et devint un des prétendants face au quatrième calife. Ces conflits au sein des familles Quraych permirent à des non-Quraychis de réclamer un gou­vernement islamique à l’abri des discriminations tribales et ethniques. Les guerres menées par le quatrième calife contre l’armée de Muawiya furent à l’origine d’une nouvelle scission qui donna naissance aux « kharidjites» dont la première action fut l’assassinat du quatrième calife.

Les kharidjidites s’étendirent rapidement sur l’ensemble du califat isla­mique, entrèrent en guerre d’abord contre les Omeyyades et les Abbassides et plus tard contre d’autres branches de l’islam. Bien que, pendant des siècles, ils aient provoqué d’importants événements à l’intérieur des fron­tières de l’islam, ils ne peuvent être considérés, en tant que facteurs de ré­formes, comme l’origine de changements fondamentaux au sein de l’islam. Cependant, le chiisme qui, au début, était une fraction politique minoritaire limitée à Ali et à ses adeptes parmi les compagnons du Prophète, parce qu’il était présent au centre du pouvoir, a joué un rôle déterminant dans l’ave­nir de l’islam et dans sa sauvegarde. Ali et les chiites qui s’étaient ralliés à l’axe Abu Bakr et Omar, ont défendu l’islam face aux soulèvements tribaux dans l’ensemble de la péninsule arabique au lendemain de la disparition du Prophète. Ils gardèrent leur désaccord avec les usurpateurs de l’héritage du Prophète, à un niveau politique, afin de ne pas empêcher l’islam de conqué­rir de nouveaux territoires. Trente ans plus tard, Ali, en tant que dernier calife du Prophète, fut assassiné par un kharidjite. Hassan, son fils aîné et commandant de ses troupes se trouva face à face avec Muawiya, fondateur de la dynastie des Omeyyades. Il préféra la paix à la guerre et laissa le pouvoir à Muawiya et considéra cette paix nécessaire pour préserver la domination de l’islam sur les territoires conquis. Muawiya, fils d’Abu Sofiane était un des chefs Quraych qui avait livré la Mecque au Prophète. La politique d’expan­sion territoriale de l’islam exigeait que les dissensions internes des Quraychis n’apparaissent à l’extérieur. Il fallait que l’héritage de Mohammad reste entre les mains de la seconde génération des Quraychis.

Or, le calife soumis à l’extension des territoires et aux besoins nouveaux qui en découlaient, était la proie des conflits entre ceux qui défendaient la simple tradition du gouvernement collégial de Mohammad face à la do­mination violente des Omeyyades. Très rapidement, le califat se métamor­phosa en un système discriminatoire, fondé sur la supériorité arabe et le fondamentalisme. Cette politique s’étendit même au sein des Quraych où le respect de la famille du Prophète et des quatre premiers califes fut égale­ment entaché. Pour avoir leur accord, leurs représentants furent massacrés. La famille d’Ali était particulièrement visée. La supériorité arabe devint la politique officielle du califat, contrairement aux slogans islamiques qui prô­naient l’égalité des hommes qu’ils soient blancs ou de couleur. Le droit qui, auparavant, faisait partie du califat, en fut détaché mais resta au service du calife. Cette séparation fut le début de la diversification du système juridic­tionnel sur le territoire islamique où des centres de droit furent développés ultérieurement à la Médine et à Kufa (et plus tard à Bagdad). Il était naturel que chaque juridiction qui fixait le système religieux et les devoirs indivi­duels et collectifs des croyants, soit fondée sur les bases politiques et sociales qu’elle représentait. Ainsi, outre les hommes de droit officiels avalisés par le califat et fidèles à la « tradition », des scissions se sont produites à l’intérieur du territoire islamique, disposant également de leurs propres juristes qui ne s’inscrivaient naturellement pas dans la « tradition » et étaient soumis à des conditions particulières.

Après l’assassinat de Hossein, second fils de Ali, mesure prise par Yazid, fils de Muawiya, pour déraciner les opposants à la succession du califat dans les principaux centres de Médine, de la Mecque et du Koufa – base mili­taire récente et foyer du chiisme – l’oppression établie sur ces centres eut des répercussions sur les rivaux des Omeyyades, c’est-à-dire les descendants d’Ali et conduisit les deux générations futures au silence, sans pour autant oublier leur opposition politique. La faiblesse et le fondamentalisme des Omeyyades qui, depuis Muawiya, avaient établi leur capitale à Cham et dont le territoire s’était étendu jusqu’au sud-ouest de l’Europe, dans la pé­ninsule ibérique, des dissensions apparurent à la Médine et au Koufa entre les familles convoitant le pouvoir. La famille d’Ali qui bénéficiait toujours du soutien des descendants des chiites de Kufa – ville qui avait perdu sa po­sition militaire privilégiée et était en proie à des soulèvements permanents fut de nouveau à l’ordre du jour.

Les chiites de Kufa qui, précédemment, étaient en guerre pendant des années contre les troupes du calife afin de décimer les responsables de l’évé­nement de Karbala, se sont tournés vers Zeyd Ibn Ali Ibn Hossein Ibn Ali qui prit la tête du mouvement et réunit une armée. Il rejeta la politique de son père et de son frère, deux « imams silencieux » face aux Omeyyades et s’avança en prônant de nouvelles idées. En annonçant que le califat était un droit particulier à la famille d’Ali, il déclara que ce droit n’avait été conféré à personne et revenait à celui des membres de la famille qui aurait le plus lutté pour l’acquérir. Les agents des Omeyyades, actifs dans la ville, prirent au piège Zeyd qui bénéficiait du soutien de l’imâm Abu Hanifa. Pris au piège, Zeyd et quelques-uns de ses compagnons se défendirent jusqu’à la mort. Son fils qui s’était rendu au Khorâsân, y périt en combattant les troupes du calife. Au-delà de ces événements, l’imamat poursuivait son chemin en passant de Mohammad Bagher à Djaâfar Sadeq. Le chiisme restait observateur et met­tait en place son droit.

L’interprétation donnée par Zeyd à propos de l’imamat dans le chiisme fut favorablement accueillie par la famille d’Ali Idris, quatrième descendant de Ali par son fils Hassan qui fonda, sous l’imam Sadegh et le gouvernement de Mansour et de Haroun, le premier gouvernement chiite au Maroc de 172 à 363 ap. hégire (788-973 ap. J-C). Le second gouvernement zeydite fut fondé par les Alawis de Tabarestan au cours de la seconde moitié du IIIe siècle après l’hégire. A la fin du IIIe siècle, le troisième gouvernement zeydite vit le jour au Yémen. Il perdura jusqu’au XXe siècle et fut remplacé par la République du Yémen après la seconde guerre mondiale.

Le chiisme ismaélite qui vit le jour sous le califat des Abbassides a peut-être été la plus importante branche du chiisme jusqu’au Xe siècle ap. l’hégire. L’ismaélisme a joué un rôle éminent dans les différents domaines social, culturel et politique de l’empire islamique. Il a été à l’origine de nombreux mouvements locaux et des menées scientifiques et sociales. L’ismaélisme est lui-même scindé en plusieurs branches : les Fatimides en Égypte, la chaîne des châteaux forts des Molahédé en Iran, les Karamates au Bahreïn. Cette religion a influencé le pouvoir des Samanides et d’Al-Bouyeh en Iran et le califat abbasside ainsi que les événements qui se sont déroulés sous cette dynastie. L’ismaélisme provient également de la famille d’Ali. Ismaël était le fils de l’imam Sadegh. Il mourut du vivant de son père. Mais ses adeptes n’ont pas accepté de l’écarter de la descendance des imams et, après la mort de son père, se tournèrent vers son fils défunt. Ainsi fut créée une religion mélangée à la philosophie et au Batinisme qui, au sein du califat abbasside, joua un rôle important.

Parallèlement à ces branches chiites, celle qui est appelé le chiisme duo­décimal, poursuivait son chemin sous le califat des Abbassides. Il se déplaça de la Médine à Bagdad et ensuite à la ville militaire de Bassorah. Ses imams, tout en codifiant leur propre culture, organisèrent progressivement leur ré­seau chiite de sorte que pendant les deux cents ans de la domination de l’islam, il avait transformé les relations entre la noblesse Quraych avec les chiites en critères religieux et insistait pour que ces relations restent discrètes.

Enfin arriva le moment où le représentant de l’imam, après la mort du onzième imam – en exil – annonça à ses chiites, que le jeune fils de l’imam, s’est caché afin d’être à l’abri de ses ennemis… et l’histoire de l’« Imam Caché » mit un terme au conflit interne de la famille de l’imam défunt et de ses autres membres, fait qui n’avait rien d’inhabituel.

Les branches du chiisme, comme celles de l’Islam ne pouvaient se tolé­rer, une situation qui se poursuit à nos jours. Si au XXe siècle, un jeune roi bénéficiant du soutien de sept tribus turques, ne s’était pas tourné vers une religion, qu’il déclara religion officielle de l’État, pour se mettre à l’abri de la convoitise des tribus, nous ne serions pas aujourd’hui témoins de l’instaura­tion de la République islamique en Iran. Grâce à ce roi safavide, les religieux chiites se ruèrent vers l’Iran depuis la région du mont Amal et des littorales du Golfe Persique. Le chiisme connut un nouvel essor. La chute de la dy­nastie safavide interrompit cette prolifération qui reprit de nouveau sous le règne de la dynastie Qadjar, se dressant contre le renouveau national qui commençait à naître à la suite de l’invasion coloniale de l’Iran par l’Occi­dent. Malgré des périodes de rapprochement, le chiisme garda ses distances.

 

La philosophie chiite de Moufid

Moufid (948-1022/1542-1613 ap.J-C) a fleuri à la plus belle époque de l’Islam, celle appelée « la Renaissance de l’Islam » par Adam Metz. Cette époque-là, celle des Bouïdes (933 – 1055/1526-1645 ap. J-C) fut marquée, avant tout, par la renaissance de l’Iran et du chiisme.

Sadouq (Ibn Babouwaih de Qom), mort en 991(1582 ap.J-C), avait été le maître de Moufid, et lui-même avait eu pour maître, le « Rénovateur » Koulayni, mort en 940(1533). En 993(1584 ap.J-C), Moufid fonda l’université chiite « Hawza Al-Ilmiyya ») de Bagdad, avec l’aide financière et le soutien politique du prince Bouide de l’Irak, Pérôz Bahaâ Al-Dawla (989-1012/1581-1603 ap.J-C). Une génération plus tard, afin d’échap­per aux massacres et autodafés des hordes turques qui venaient d’envahir Bagdad, l’université entière émigra à Nadjaf, sous la conduite du « Père de la Communauté » (Cheikh Al-Taëfa) Tussi (Abou Djaâfar), mort en 1067 (1656 ap. J-C), lequel a été le meilleur des disciples de Moufid. Essayons de donner un peu plus de détails.

Pour nous faire une idée de l’importance de ce « foyer d’études reli­gieuses » (Hawza Al-Ilmiyya), observons que le premier ministre ou chan­celier de l’Irak d’alors – Abu Nasr Shapoûr Ibn Ardeshir avait doté l’uni­versité chiite de plusieurs dizaines de milliers de manuscrits autographes, dépensant à cette fin, sans compter, les trésors du roi Bouide ; que les pro­fesseurs qui y enseignaient, à part Moufid lui-même, étaient de la trempe d’Alide Al-Mourtada, mort en 1044 (1634 ap. J-C), tous des maîtres incon­testés. Le grand Tussi, arrivé comme étudiant à l’université, en 1017(1608 ap. J-C), seulement âgé de 22 ans, ne profita de Moufid que durant cinq ans. Néanmoins, ce savant très doué et énergique comme il l’était alors dans son Khorassan natal, profita amplement de l’enseignement de Moufid.

En 1055, tout juste 33 ans après la mort du maître, un grand malheur s’abattit sur ce cercle religieux : après avoir marqué son passage par le mas­sacre de savants et les autodafés, Toghroul Seldjouk, à la tête d’une horde de Turcomans barbares, excités par des derviches « chafiites », fonça sur Bagdad, détruisit l’université et mit le feu à sa richissime et incomparable bibliothèque. Alors les survivants de ces actes de vandalisme se regroupèrent autour de leur maître, réunirent le reste des livres et s’établirent à Nadjaf (1057/1647 ap. J-C). En Orient musulman les millénaires sont souvent cal­culés en années lunaires, tandis qu’on a célébré le millénaire de l’université de Nadjaf en 1967. Observons que l’université Al-Azhar du Caire a égale­ment été fondée par des princes Alides des Ismaïliens « Bohras » – mais celle de Nadjaf qui relève du chiisme imamite, donc orthodoxe, n’a jamais cessé de vivre et de prospérer, tandis que celle du Caire a subi depuis, bien des avatars. Celle du Caire est plutôt un ensemble de bâtiments ayant souvent changé de propriétaires, tandis que celle de Nadjaf reste un « foyer spirituel » toujours vivant.

Traditionnellement, les mollahs chiites sacrifient, dans leurs études, le côté temporel au profit du spirituel. Or, toute religion dépend forcément des conditions matérielles, donc des circonstances temporelles. Ici, puisqu’il s’agit de Moufid et de son milieu, il nous faut rappeler ces circonstances. Le « Rénovateur » Koulayni, natif de Téhéran (Ray, très exactement) fut un contemporain du prince Mar-dâwiz (927-34/1520-27 ap. J-C), qui fut influencé par deux sectes chiites, le Zaydisme et l’Ismaïlisme, mais dont les généraux et les officiers -les Bouïdes : Ali (933-49/1526-42 ap. J-C), Ahmad (933-66/1526-58 ap. J-C) et Hassan (933-76/1526-68 ap. J-C), qui déli­vrèrent l’Iran et aussi l’Irak, de la tyrannie des Abbasides, et professèrent le chiisme imamite.

Sadouq, le disciple de Koulayni, bénéficia amplement du soutien géné­reux du prince Hassan (933-76/1526-68) Roukn Ed-Dawla, roi de Perse. Ce prince le pensionna, le protégea et l’envoya trois fois en mission d’études en Asie centrale et plus de trois fois au pèlerinage – mission à Machhad-cité dépendante alors des émirs sunnites de Boukhara, hostiles à la Perse. Il l’envoya même plusieurs fois en mission de recherches et d’études au Hedjaz et au Yémen. Ce fut grâce au soutien généreux de ce prince que Sadouq put recueillir tant de « traditions » (hadîth) chiites. Ce même prince, soit avec Sadouq, soit autrement, fit des dépenses importantes tant pour édifier l’ancien mausolée du VIIIe Imam à Machhad, que pour soutenir les Alides du Khorassan et du Mawerra-en-Nahr. En même temps il fit construire, à Qom, le mausolée de la sœur de ce même Imam. Le prince Ahmad (938­66/1531-58) Mouîz Ed-Dawla, maître de Bagdad et du califat, agit dans le même sens. Ainsi en 963(1555 ap. J-C), il fut le premier à célébrer l’an­niversaire du martyr du Deuxième Imam Hossein, comme jour de deuil national. Sadouq et Moufid furent les témoins de toute cette révolution chiite-imamite. L’année suivante en 964 (1556 ap. J-C), ils furent les té­moins de la Fête du « Ghadir-Khoum » jour de l’investiture de l’Imam Ali, comme « dauphin » et successeur du Prophète. C’était la première fois dans les annales de l’Islam que cette fête était consacrée et célébrée officiellement à Bagdad, sous les regards étonnés des sunnites.

Sadouq et Moufid furent également les témoins de l’édification des mausolées de plusieurs autres Imams Infaillibles, notamment ceux d’Ali, à Nadjaf, et de Hossayn, à Karbala, par Imran Ibn Châhin, le gouverneur du califat de Bagdad, nommé à ce poste par le grand Shâhensahâh Chrosroès (949-983/1542-1575 ap. J-C). Ils accompagnèrent ce même empereur de Perse, lors de ses nombreux pèlerinages à ces lieux saints, chaque fois sui­vis de grandes largesses faites aux Alides. Car ces derniers furent honorés et richement pensionnés dans tout le territoire des Bouïdes, en raison de leur origine et race, et constituèrent le gros du parti politico-religieux des Bouïdes. Même après l’invasion du Seldjoukide et l’accaparement des ha-hoûs pèlerinage mission à Machhad, cité dépendant alors des émirs sunnites par les derviches, la sage politique pro-Alide des Bouïdes fut suivie dans les principautés qui surent échapper au péril turc : notamment en Chaldée, où régnèrent les Al-Mizyad (1010-1175/1601-1761 ap. J-C), autour de Hilla (Babylone et, au Tabaristan, où régnèrent les Al-Bâvend (665-1349/1266­1930 ap. J-C), dont la capitale passa de Perim, démolie par un séisme en (1075/1664 ap. J-C), à Sari et ensuite à Amoûl en (1238/1822 ap. J-C). Si bien que, même sous les Seldjoukides et leurs derviches chafiites, le chiisme imamite continua à se développer en Babylonie et au Tabaristan, sans par­ler d’autres centres, autour des principales familles Alides naguère établies par les princes Bouïdes. Parmi ces autres principautés, il est important de citer le Lorestan (1106-1424/1694-2003 ap. J-C) et la Susiane, proches de la Babylonie et chiite comme elle se situe au nord de l’Iran. Il ne faut pas oublier l’Oustandâr (665-1597) dit Roustamdâr et, bien entendu, le Ghilan oriental. Nous citons toutes ces principautés afin qu’on cesse de généraliser le cas particulier des Seldjoukides et des Ottomans, sunnites qui n’occupè­rent que certaines parties plutôt pastorales et nomades des terres d’Islam.

En effet, le chiisme, notamment celui appelé imamite, ne prenait racine que dans les Etats profondément agricoles, où il y avait déjà eu une vieille civilisation rurale, et où l’on connaissait la famille, le droit successoral et donc, le culte des ancêtres. Tandis que le sunnisme lui, ne se répandit ja­mais que dans les immensités désertiques depuis toujours vouées au no­madisme, au tribalisme : son succès chez les Bédouins et les Turcomans vient de ce que ces derniers n’ont ni feu, ni lieu, ni cimetière à proprement parler, ni culte des ancêtres, ni droit successoral. Aussi le chiisme n’a inté­ressé, en Arabie et même au Yémen que dans ses parties agricoles, tandis que l’Arabie désertique n’a jamais dépassé les formes religieuses du sunnisme, un sunnisme étranger au culte des morts et au droit successoral et chez qui la tribu a tout le temps résisté à la naissance et au développement de la fa­mille proprement dite. Si bien que les bornes des deux formes principales de l’Islam étaient comme tracées à l’avance sur la carte même de l’Islam. Dès le début, chacune des deux formes n’avait qu’à prendre possession de son domaine providentiellement approprié. Si Machhad, foyer imamite du Khorassan est un éternel objet de convoitise pour les sunnites nomades que sont les Turcomans, lesquels, au cours des siècles, ont sans cesse outrepassé les limites de leurs déserts pour se jeter sur le Khorassan agricole, telles les vagues qui se jettent contre la falaise ; nous pouvons en dire tout autant que les bédouins du désert arabique, étaient toujours prêts à se lancer à l’assaut des régions agricoles de la Babylonie, sur la lisière de laquelle sont situés justement les Hauts-lieux du chiisme, les mausolées des imams. Tout cela est chargé de l’histoire d’interminables assauts du nomade contre le cultivateur.

Donc Moufid, tout comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui le suivront est un champion de la civilisation rurale chiite qui défend là, la Babylonie contre les sunnites nomades. Son ouvrage a des accents épiques homériques. Le héros central de Ferdouci est en effet, le défenseur des agriculteurs « ira­niens » contre les nomades « touraniens », ou Huns, ennemis tradition­nels des ancêtres de Ferdouci. Ici chez Moufid, le héros est l’Imam Ali, un prince adoptif des Babyloniens, devenu le défenseur de la justice et de la paix contre l’oppression. L’épopée est toutefois une forme étrangère à la littérature arabe proprement dite, réduite aux qacidas et aux hadîth ; mais Moufid est un Irakien de souche, un paysan d’origine, un de ces Nabout al-lrak, contre lesquels le calife Omar mettait en garde ses guerriers nomades, en leur conseillant de ne jamais se fixer au sol comme eux, ne jamais délaisser leurs chameaux. On verra qu’aux yeux de Moufid, le Chameau sur lequel est montée Aicha l’épouse du Prophète, Chameau que tuera l’Imam Ali qui par là gagnera la Bataille est tout un symbole épique. Mais Moufid a traité son sujet à coup de hadîth ou khabar, dans le style arabe.

Moufid a appelé son épopée Al-Djamal, le « Chameau », ou la Victoire de Bassora. On pourrait donner à la traduction française le nom de « Caméliade » pour rappeler l’Iliade. Aicha la veuve du Prophète – n’est là qu’un palladium aux mains des ex-compagnons Talha et Zoubayr, avocats des insatiables ri­chards de la Mecque, donc du parti des dynastes Omeyyades. A certains égards l’œuvre a un aspect apologétique, régie par la dialectique, plutôt que par la poétique et cela tiendrait à la formation de Moufid, rompu aux débats théologiques (kalâm) fort prisés à l’époque. L’auteur s’y propose de répondre à trois sortes d’adversaires : les traditionistes (ahl al-hadith), les « rationa­listes » (mouâtazild) et enfin, aux Ashârites, les fatalistes qui arrirmaient la prédétermination des actes humains.

Nous allons expliquer la position de chacun de ces groupes par rapport au sujet de Moufid :

Le « traditionnisme » (ahl al-hadîth ou Al-sunna)

En son temps, Omar 1er (634 -644/1236-1246 ap. J-C) s’appuyant sur le conseil du Prophète : « Ne rapportez de ma bouche que le seul texte coranique et effacez tout le reste », avait interdit qu’on mît par écrit les dires et gestes de l’Envoyé de Dieu1, interdiction qui fut observée jusqu’à Omar II (717­720/1317-1320 ap.J-C) lequel décida de la lever ! Or le Prophète était mort en 632 (1234 ap. J-C), il y avait alors de cela trois générations déjà ; donc les collectionneurs furent réduits à recueillir des « traditions » de troisième et de quatrième main. Certains recueillirent même les récits rapportés par les amis des amis des compagnons ! Malik (712-795/1312-1392 ap. J-C) a fondé son « rite » ou liturgie malikite sur de semblables récits.

Les Mouâtazila « rationalistes »

Le cours d’Al-Hassan de Bassora, (m. en 728/1327 ap.J-C), fut, dit-on, « déserté » par un disciple du nom de Waçil Ibn Ata. Cette « désertion » (îtazala) donna aux « rationalistes » leur surnom de Mouâtazila. Il s’agit de « rationalisme » en matière de théologie (kalâm) coranique. Les rationalistes soutenaient, comme principes fondamentaux, le Tawhid (l’Unicité divine), signifiant par là que Dieu est l’être suprême et qu’il n’a pas une forme hu­maine, et l’Adl (l’Equité divine). Ces deux principes essentiels, qui rappellent par ailleurs les formules lapidaires de Darius et de Xerxès à propos d’Ahoura l’être suprême, aussitôt suivi d’Arta (l’Equité divine) et qui sont également admis par les imamites, ont une grande importance. Le premier parce qu’il délimite la communauté agricole chiite contre les empiètements des boudd­histes et des soufis d’Asie centrale et de l’Inde, avec leur métempsychose (Tanasoukh). Le second parce qu’il délimite la même communauté contre la théorie de l’incarnation (houloul), sentiment répandu chez les montagnards d’Asie mineure, lesquels constitueront parfois de dangereux « extrémistes » (ghoulât) par rapport au chiisme imamite, par voie de surenchère.

 

Les Ashâris

Le théologien sunnite Al-Ashâri (Abu al-Hasan), mort en 935 (1416 ap. J-C) a été suivi, depuis par tous les théologiens des « Madahib » (rites ou Dogmes) sunnites. Les partisans de l’iman sunnite Al-Chafië (767­819/1365-1416 ap. J-C), en particulier, en font leur maître à penser. Or ces théologiens sunnites enseignent plusieurs dogmes que les Musulmans chiites et qui se sont constamment combattus. Ces dogmes sunnites sont :

  1. o Djabr !, soit le fatalisme, entendant par-là que l’homme est prédes­tiné à l’avance au Paradis ou à l’Enfer, indépendamment de sa volonté ;
  2. la Rouëya « Visibilité », comme quoi, au jour du Jugement dernier, Dieu sera vu de tout le monde, sous la forme d’un jeune homme « Hermès » ou « Apollon » ; c) la négation du dogme comme quoi il existe rationnellement le Beau et le laid, le Bien et le mal, dogme qui revient à nier finalement l’Equité du Seigneur. En effet, les Musulmans chiites dont les théologiens soutiennent des dogmes absolument opposés sur tous ces points, croient que le Créateur est absolument Juste et à ce titre, ne châtiera jamais un croyant fidèle et obéissant serviteur, sinon II serait un être Injuste ; or les Ashârites disent que Dieu peut, par bon plaisir et par arbitraire pur châtier un fi­dèle serviteur et bon croyant. Les chiites soutiennent de même le dogme du « libre arbitre » comme quoi c’est l’homme qui, par le seul choix qu’il fait de bien agir ou d’agir autrement détermine sa destinée ; ils croient que Dieu est un Être sans forme particulière, ni résidence particulière, qu’il est à jamais invisible, même aux anges.

 

Le chiisme

Les Faqih du chiisme soutiennent les cinq « Dogmes » suivants : a) l’Unicité divine et b) l’Equité divine ; c) la Prophétie (Noubouwa) et d) la Suprême magistrature (Imama) et, enfin, e) la résurrection (de la chair). De ces cinq « dogmes » posés en principes ou postulats, ils font dériver dix corollaires : 1) l’office quotidien, 2) le jeûne, 3) le « Quint », 4) la dîme, 5) le pèlerinage (de la Mecque), 6) la guerre sainte, 7) prêcher le bien, 8) déconseiller le mal, 9) Aimer les XII Imams, 10) Se désolidariser de leurs ennemis. Tout le reste des « Commandements », autrement dit des devoirs de l’homme envers Dieu et autrui, ils le font découler de ces corollaires. Ajoutons à cela que les chiites soutiennent l’intégrité du texte coranique, comme la principale source du Droit. Par « apostolat », ils entendent que depuis Adam jusqu’à la mort de l’Apôtre de Dieu Mohammad fils d’Abdul-lah que nous appelons le « Prophète », le monde terrestre n’a jamais été vide de nabi « apôtre de Dieu » ou de « vice-prophète » « Imam » pour éclairer et guider l’humanité. Ils pensent qu’il y a eu plus de cent mille « apôtres ». A la mort de Mohammad, le tout dernier de la série des « apôtres », l’Imama ou le magistère passa à son cousin et gendre Ali fils d’Abu Talib, puis à ses descendants au nombre de Onze ; le dernier, pensent-ils n’est point mort encore ; mais iI s’est caché à nos yeux et pour réapparaître. Il attend le jour et l’heure que Dieu seul connaisse. Il est en somme le « Messie » (Al-Mahdi) des chiites. On admet aussi l’Impeccabilité (Al-Isma) des apôtres et de leurs imams par quoi on entend qu’ils ont été des saints, sans avoir commis aucun péché, et surtout « impeccables » dans la transmission et l’interprétation des commandements divins.

On peut estimer le nombre des chiites à environ 150 000 000 âmes. Sur ce chiffre environ un cinquième habite l’Iran, par conséquent, il faut se méfier de l’idée un peu trop répandue en définissant les chiites comme prin­cipalement Iraniens, car il y en a autant de chiites de langue arabe et deux ou trois fois autant de langues indiennes. Ainsi le Bengladesh a beaucoup de chiites, à l’encontre du Pakistan occidental, où seul la « classe moyenne » professe le rite « imamite ». C’est le cas également de la classe moyenne sur

 

les côtes du golfe Persique et de l’Afrique orientale. Ceci nous amène natu­rellement à comprendre l’attitude éminemment moderne des oulémas et de l’intelligentsia du chiisme, tous très ouverts au progrès. En effet, XIdjtihad « l’interprétation » bien définie du Coran et des traditions (hadith) a de tout temps permis aux oulémas chiites de se mettre à la page, tandis que faute de cette faculté, les musulmans sunnites ont toujours eu des difficultés à conci­lier les progrès modernes et les acquis de la science avec les rigides interpré­tations de leurs imams d’il y a de cela mille ans, leurs dogmes (madhab) leur ayant servi de carcan en quelque sorte.

L’installation à Paris, au cœur de l’Occident donc, d’un faqih et Mudjtahid qualifié tel que Mehdi Rouhani, le traducteur du texte qu’on vient de lire, est un fait marquant de notre temps et une chance pour tous ceux qui, pratiquants ou simplement curieux du rite chiite, désirent faire plus ample connaissance avec cette doctrine. Cette dernière apparaît comme la plus ori­ginale des sectes musulmanes et justement celle qui, en France et même en Occident, était la moins bien connue en raison de la distance qui nous sépare du golfe Persique, de l’Irak, de l’Iran et de l’Océan indien. L’histoire aussi a marqué que la variété sunnite de la religion musulmane est avant tout représentée sur les rivages de la Méditerranée (les rites malikite, chafiite et hanafite, et que nos érudits ont eu jusqu’ici une tendance très marquée à croire que ces rites-là, tout spécialement le premier dont relève l’Afrique du Nord, sont les seuls échantillons de la religiosité coranique.

 

L’Ecole de Moufid

Sadouq, le maître de Moufid, a parcouru, aux frais des princes Bouïdes, la Perse, l’Irak, le Khorassan, le Mawara-en-Nahr, l’Arabie et le Yémen, pour y recueillir des traditions, munies chacune d’une igâza ou référence auto­risée. Sa méthode agaça les sunnites dont les hadiths en étaient totalement dépourvus ! L’énorme travail de Sadouq permit à Moufid, son élève, de ne s’occuper, pour sa part, que de la théologie dialectique (kalâm djadali), de dégager les principes de la foi. Là encore, Moufid avait eu des maîtres, no­tamment Ibn Djounayd d’Istakhr, mort à Téhéran (Ray), en 991, sous le roi Bouide Ali Fakhr Al-Dawla (977-997/1569-1588 ap. J-C). Petit homme sec, maigre, au teint fort basané, le type même des chiites babyloniens qui habitent les proximités des Batâyih (les Marais de l’Euphrate). Moufid ne craignait point la défaite, en rompant la lance avec les dialecticiens Sunnites les plus réputés, comme ce Qadi Abd Al-Djabbar de Hamadan, chafiite redoutable qui, sous le vizirat du Sahib Ibn Abbâd (940-995/1533-1586 ap. J-C) fut juge suprême à Téhéran (Ray), ou comme le Qadi Abu Bakr Al-Baqillani, mort en 1012 (1603 ap. J-C), célèbre théologien Ashârite, l’auteur dtAl-Tamhid, ou comme Abu Al-Hassan Al-Khayyât de Bassora, mort en 1041 (1631) médecin mouâtazil, l’auteur c¥Al-Mouâtamad, et bien d’autres. De l’aveu de ceux qui l’ont connu, ou simplement vu et entendu, comme Ibn Al-Nadim (l’auteur d’Al-Fihrast), Moufid maitrisait toujours les combats et les débats académiques impressionnants qui furent à la mode sous les Bouïdes, et où le savoir, l’érudition et l’éloquence étaient davantage prisés que les croyances. Une période marquée par l’élégance académique qui consistait à s’incliner tout simplement devant le meilleur théologien. Pour être complet, il nous faut rappeler que Moufid a excellé dans la mise en ordre analytique des matières du fiqh chiite, selon un classement très logique avec un esprit hautement doué et clairement constitué. Il avait des qualités de cœur, de profonde générosité, d’honnêteté intellectuelle, de simple vertu. De ses écrits, articles et livres, il reste quelques 200 titres, mais il en reste qu’une cinquantaine dispersés en diverses bibliothèques chiites et qui lui sont authentifiés de manière sûre. Sa mort, survenue à Bagdad, en 1022 (1613), fut l’occasion d’un grand deuil national : 80 000 chiites sans parler des sympathisants envahirent la Place d’Oushnan, autour de son catafalque. Le grand Chérif Al-Mourtada, en personne, lui rendit les derniers devoirs religieux, et de grands poètes tels que Mahiyâr Ibn Marzouwayh, mort en 1034 (1624) célébrèrent en de beaux vers ses qualités d’homme et de grand docteur du chiisme. Son corps repose à Kadhimayn, devenu aujourd’hui un simple quartier de Bagdad, à côté de celui du VIIe Imam Impeccable, où depuis bientôt mille ans, il n’a cessé de recevoir les hommages d’un flot de pèlerins, venant parfois de loin.

Les écoles d’éducation du chiisme

Outre la création du premier centre théologique à l’époque des Sadiqines (au début du second siècle après l’hégire), les chiites ont été le premier groupe à créer des écoles et des universités islamiques. Après le soulèvement de Seyed Al-Chohada et plusieurs siècles de luttes et de soulèvements san­glants, les chiites ont instauré, au début du IVe siècle de l’hégire, deux grands et puissants États chiites. Le premier a été celui des Ismaéliens-Fatimides (297-567/909-1171) qui s’étendait du Cham jusqu’à l’extrême Maghreb et de Sicile au Yémen. Un exemple imposant des chiites fatimides est l’universi­té d’Al-Azhar. Cette université est l’une des plus anciennes du monde et rap­pelle le souvenir de la grande dame de l’Islam Fatima Al-Zahra. L’université Al-Azhar a été fondée en 359 de l’hégire (969) au Caire, première capitale chiite, selon l’ordre de Djohar Al-Kateb Soghla, le commandant vainqueur fatimide2. De même une bibliothèque, Dar al-Hakama ou Dar al-Elm fut construite en 395 ap. l’hégire (1004) par le gouverneur Beamrollah Ibn Aziz où furent transférés tous les ouvrages détenus par la bibliothèque des palais impériaux. Dar Al-Hakama employait un certain nombre de lecteurs du Coran, d’astrologues, de médecins, de linguistes, de grammairiens et des érudits d’autres sciences. Des terrains légués servaient également à assurer ses frais de fonctionnement.

Le second gouvernement chiite était celui des Bouyides (321-448 de l’hégire) (932-1056). A la suite de l’instauration des Bouyides en Iran et en Irak, les écoles chiites furent rapidement créées et élargies à l’ensemble des villes musulmanes en particulier celles à dominante chiite. En 367 ap. l’hégire (977), Adhud Ad-Dawla Fannâ Khusraw ordonna la construction de l’ensemble culturel Astaneh-é Hosseini et la grande école Azodieh.

La première école sunnite, selon l’ensemble des livres d’histoire, a été l’école Nézamiah de Bagdad fondée par Khâdjeh Nezâm Al-Molk au mois de Dou Al-Qi’da 459 ap. l’hégire(1066), soit un siècle après le début d’acti­vité des écoles chiites.

En raison de la poursuite de l’Imamat jusqu’en 260 ap. l’hégire (873), les questions relatives à l’ijtihad occupait relativement peu les esprits. En effet, compte tenu de l’existence même des Mâssoumines et la possibilité de les in­terroger, l’ijtihad n’était pas nécessaire et la citation des hadîth attribués aux Maâssoumines suffisait. Cependant, les imams encourageaient leurs adeptes à la raison, la réflexion, l’ijtihad et l’argumentation. Un certain nombre de réflexions diverses et d’échanges de vue durant les premier et second siècles de l’hégire a été reflété dans les trois livres Rijal du chiisme, Fehrest de Cheikh Tussi, Nadjachi et en particulier Alrjal Kachi. Au début de l’ère de l’occultation et jusqu’à la seconde moitié du quatrième siècle après l’hégire, l’école des gens du hadîth ou akhbari a progressivement dominé les centres théologiques. Le centre théologique de Qom, un des principaux centres du chiisme, ainsi que les centres situés en Irak furent envahis par cette doctrine opposée aux questions d’ijtihad et de l’argumentation raisonnée.

A la suite de l’avènement du pouvoir chiite des Bouyides en Iran et en Irak, furent créées tout un ensemble d’écoles philosophiques chiites. Un certain nombre de puissants orateurs de confession imamite firent leur apparition dans le domaine de la raison et de la pensée en Kalam et en philosophie. Parmi ceux-ci on peut citer : Cheikh Abu Ahmad Abdol Aziz Djalloud (332 ap. l’hégire/943), Cheikh Abu Mansur Sarram (environ 350 ap. l’hégire/961), Charif Razi (406 ap. l’hégire/1015), Elm Al-Hoda Charif Seyyed Mortéza (436 ap. l’hégire-1044), Cheikh Al-Mashayekh Abu Abdallah Muhammad connu sous le nom de Cheikh Moufid (413 ap. l’hégire/1022), Cheikh Abu Eshagh Ahmad Saâlabi (427 ap. l’hégire/1035),

Cheikh Al-Rais Abu Ali Sina (428 ap. l’hégire/1036), Abu Salah Taghi Eddine Halabi (447 ap. l’hégire/1055) et Cheikh Al-Taêfa Abu Djaâfar Tussi (460 ap. l’hégire/1067). Cheikh Mofid a rédigé Maghabes al-Anvar fi al-rad ala Ahl Akhbar3 et Charif Seyed Mortaza, Ressalat fi Al-Rad Ala Ashab Al-Adad. L’école des partisans du raisonnement et de l’argumentation et les adeptes d’ijtihad remporta une victoire scientifique. Sous protection du pouvoir chiite des Bouyides (quatrième et début du cinquième siècle après l’hégire) une puissance scientifique considérable a vu le jour en Iran et en Irak et les centres scientifiques chiites ont joué un rôle important dans l’épanouissement de l’extraordinaire civilisation islamique. C’est dans cette période que les quatre livres de récits chiites : Kâfi, Estebsar, Tahzib, Man layahzar Al-faghih, ainsi que les quatre ouvrages Alrjali constituant le prin­cipal fondement de distinction de la crédibilité des hadîth chez les savants imamites, ont été rédigés, consolidant l’école chiite.

Après l’épanouissement des centres de philosophie et de Kalam chiites sur les territoires du califat, en particulier à Bagdad, la capitale du califat abbasside, et l’utilisation par les dirigeants de ces centres des circonstances favorables réunies sous le pouvoir des Bouyides, ceux-ci ont délaissé leur tac­tique de défense et se sont lancés dans une offensive sérieuse et scientifique à l’encontre des groupes islamiques non chiites. Ils ont entamé la propagation des idées et de la pensée chiite, invitant les opposants à adhérer à leur école. La population y a adhéré en nombre impressionnant. Le chiisme fut ainsi connu en tant qu’idéologie inconciliable contre la cour des Abbassides et l’oppression des agents inféodés au pouvoir au sein de la société. Ce mou­vement de pensée effraya la cour des Abbassides qui s’allia avec les chefs ghaznévides et seldjoukides contre les chiites. Le résultat de cette alliance se traduisit par le renversement du pouvoir des Samanides (261-389 ap. l’hégire/874-998) qui régnaient sur la Transoxiane et le Khorassan par les Ghaznévides (sous la direction de Subuktigîn) et la disparition des Bouyides (321-448 ap. l’hégire/932-1056) par les Seldjoukides.

En 447 après l’hégire (1055), Tugrul Bey occupa Bagdad, début des sé­ditions entre groupes sunnites et chiites et le massacre de ces derniers. La plupart des œuvres chiites ainsi que les bibliothèques imamites et la plus grande bibliothèque chiite et islamique du monde de l’époque, fondée par Abu Nasr, ministre de Baha Al-dowleh Beyehi, contenant de nombreux ou­vrages manuscrits, située dans le quartier Karkh de Bagdad, fut incendiée4. L’attaque contre la demeure de Cheikh Al-Taëfa Tussi, sa fuite de Bagdad vers les villes saintes de Karbala et de Nadjaf, l’incendie de sa bibliothèque et de son siège5, la torture des savants religieux et leur exil, l’incendie de la bibliothèque Charif Seyyed Mortaza contenant 80 mille ouvrages uniques, la destruction de cent volumes du Coran, certains rédigés de la main de Ibn Moghaleh, lors de l’incendie de la bibliothèque d’Ardéchir Vizir, font partie des conséquences de l’attaque des seldjoukides contre les écoles, les biblio­thèques et les centres théologiques et scientifiques chiites. La seule raison de ces exactions consistait dans le fait que l’école chiite dirigée par les centres théologiques chiites, était devenue le symbole de la contestation populaire contre l’oppression de la cour abbasside et avait trouvé une place de choix au sein des musulmans.

L’importance de cet événement était due au fait que le califat abbas-side et les sunnites, menacés par les dirigeants chiites bouyides et les califes fatimides, se sont ressuscités grâce au Nézamiah de Bagdad fondée pour réaliser les idéaux sunnites et légitimer le califat abbasside6. Rapidement, deux centres chiites se sont dressés contre l’école Nézamiah de Bagdad : tout d’abord, l’ancien centre de Karbala et ensuite le centre théologique de Nadjaf. Rapidement, les chiites ont retrouvé une situation favorable à Bagdad et affermir leur position.

Après la destruction de Bagdad (656 ap. l’hégire /1257) suite à l’invasion des Mongols, les grands centres chiites renforcés par la présence de savants tel que Khajeh Nassir Al-Dine Tussi (672 ap. l’hégire/1273), Allama Al-Hali, etc. ont poursuivi leur rôle déterminant dans le domaine du Kalam et de l’argumentation. Cependant, à la suite du soulèvement des Safavides (907 ap. l’hégire/1501) et le choix de Ghazvine en tant que capitale, les adeptes du hadîth ou les akhbaris ont progressivement dominé les centres théologiques, en particulier celui de Ghazvine, un des grands centres du chiisme de l’époque. Les querelles intellectuelles se sont reprises entre les adeptes du hadîth et ceux de la raison avec pour conséquence le départ d’un certain nombre de philosophes et de partisans de l’école de l’ijtihad vers l’Inde où ils furent chaleureusement accueillis par les dirigeants indiens et y fondèrent un centre chiite. Le centre théologique d’Ispahan fut désinté­gré en 1135 ap. l’hégire (1740) par Mahmoud Afghan et les dignitaires de ce centre s’éparpillèrent en Iran, en Irak et en Inde. Cependant, le centre théologique de Karbala était resté actif. Après l’avènement de Nadir Chah, Seyyed Nasrollah Haéri Moussavi, dignitaire du centre de Karbala fut tué à Istanbul (1160 ap. l’hégire /1746) où il s’était rendu en tant qu’ambassadeur pour encourager les Ottomans à reconnaître le chiisme comme étant une de cinq branches islamiques7. Plus tard, Vabid Behbahani, dignitaire du centre de Karbala, particulièrement doué en matière d’argumentation, d’analyse et de la raison, assura sa domination sur l’école des Akhbarites au douzième siècle de l’hégire et lui substitua l’école de l’Ijtihad8. Après la mort de Vahid Behbahani, Seyyed Mohammad Modjahed devint le grand dignitaire du centre théologique de Karbala. Pour les Akhbarites, il n’y pas d’autre source que les textes du Coran et des Hadiths pour le fiqh (jurisprudence), à l’op­posé des autres Ulémas qui utilisaient la raison humaine pour comprendre le message divin.

A la même époque, apparaissent deux mouvements extrémistes dans la péninsule arabique fondés sur des interprétations erronées rejetées par tous les musulmans. Le premier mouvement fut le wahhabisme, alimenté par les idées d’un savant hanbalite intégriste, Mohammed Ibn Abd Al-Wahab (1206 ap. l’hégire/1791). Le second, le cheykhisme, était fondé, toujours dans la péninsule arabique, par Cheikh Ahmad Ibn Zeyneddin Ahsaï (1241 ap. l’hégire/1825) qui était un chiite Ghali. Ces deux mouvements ont placé les centres théologiques face à des difficultés importantes provoquant des troubles sanglants qui perdurent à travers le monde.

Un des événements scientifiques importants de l’histoire politique des centres chiites a été le rôle joué par le centre de Samara sous l’égide du pre­mier Mirza, Mirza Mohammad Hassan Chirazi Modjaddad (1312 ap. l’hé-gire/1894) qui a joué un rôle essentiel dans la perpétuation de l’esprit d’ijti-had ainsi que dans le mouvement de la prohibition du tabac, un des points culminants de l’histoire contemporaine de l’Iran avec des conséquences considérables9. Puis vint le soulèvement de Akhound Molla Mohammad Kazeù Khorassani (1329 ap. l’hégire/1910), auteur de Kefayat et un digni­taire du centre de Nadjaf, un des piliers de la révolution constitutionnelle. Puis ce fut la révolte du deuxième Mirza, Cheikh Mirza Mohammad Teghi Chirazi (1338 ap. l’hégire/1919) dirigeant des chiites du monde, dignitaire du centre théologique de Karbala, avec pour ordonnance religieuse la guerre contre l’Angleterre pour soutenir l’indépendance de l’Iran10.

Les centres théologiques du monde chiite a été à l’origine de nombreux mouvements de pensée et de luttes politiques dans l’histoire contemporaine, tel que le combat contre la décision d’interdire le voile des femmes à l’époque du premier Pahlavi, l’événement sanglant de la mosquée Goharshad à Khorassan, le soulèvement du centre de Nadjaf sous le pouvoir des commu­nistes d’Abdelkarim Ghassem en Irak, etc. Le dernier a été le rôle joué sous la direction de l’Imam Khomeiny dans la victoire de la révolution islamique et l’instauration de la République islamique en Iran11.

Le centre théologique de la Mecque

Dès la révélation du Coran à Mohammad dans la grotte de Hira, com­mencée par la première sourate du Coran, Al-Alaq, « Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé », et le début de la prophétie, Le Messager eut la mission de conduire son peuple, de lui transmettre la révélation et de lui enseigner le Coran. Durant treize ans, depuis le début de la prophétie jusqu’à l’exil, presque deux tiers du Coran ont été révélés à la Mecque. La mission du Prophète était fixée par la sourate Al-Nahl, verset 44 : « Et vers toi, Nous avons fait descendre le Coran, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour eux et afin qu’ils réfléchissent. » Le Prophète devait donc révéler la parole divine à la population et l’aider à résoudre ses difficultés. Pour ce faire, le Prophète a commencé à enseigner le Coran aux personnes qui lui étaient les plus proches, à savoir Ali Ibn Abi Taleb et Khadija Al-Kubra. Les réunions de l’enseignement du Coran se tenaient à la demeure de de Khadija et Chaâb Abi Taleb, le marché des Okkaz, à la Mecque et puis chez Argham Ibn Abi Al-Ragham Makhzoumi (55 ap. l’hégire/674). Etant donné l’animosité des dignitaires de la tribu de Quraych, Abu Soufiane, Abu Lahab, Abu Djahl, etc., la propagation des prescriptions coraniques s’effec­tuait généralement en secret. Cependant, après la conquête de la Mecque, l’enseignement coranique de la population et les réponses aux questions des musulmans se déroulaient au Masdjed Al-Haram et dans certains endroits de la Mecque. Les principaux prescripteurs du Coran dont la plupart avaient été élèves d’Ali Ibn Abi Taleb, de Hassan, de Hossein et d’Ibn Abbas, étaient les suivants :

  • Abu Abdullah Akrameh (20-107 ap. l’hégire /640-725) fils d’Ab-dullah, issu de la population berbère du Maghreb, esclave d’ibn Abbas qui siégeait à Masdjed Al-Haram ou dans la demeure d’Ibn Abbas, instruisait les musulmans en vue de résoudre leurs problèmes. Ibn Assaker écrit dans XHistoire de Damas12 rapportant Ghatadeh : « Les plus savants en matière de licite et d’illicite est l’Imam Hassan, en matière des rituels du Hadj, Atta Ibn Rabah et en matière de l’interprétation, Akrameh ».
  • Atta Ibn Rabbah Abu Mohammad (114 ou 115 a l’hégire/732 ou 733) d’origine iranienne et élève d’Ibn Abbas. Cheikh Tussi, Ibn Saad et Zahabi dans leurs ouvrages Alrjal le cite comme adepte d’Ali, mufti et Cheikh Al-Islam de la Mecque. Il s’installait à Masjed Al-Haram, entouré d’un groupe d’élèves en Sciences théologiques, tandis que les musulmans s’y réunissaient pour l’entendre réciter des hadîth. L’ouvrage Seyr Aalam Al-Nobala fait référence à 80 de ses disciples. Souleymane Rafië a indiqué : « Je suis rentré dans Masjed Al-Haram, j’ai vu des gens réunis autour d’une personne. Lorsque je les ai interrogés, j’ai su qu’il s’agissait de Atta Ibn Rabbah ».
  • Imam Abu Mohammad Amro (45-126 ap. l’hégire/665-743) fils de Dinar Maqui un disciple d’imam Mohammad Bagher. Il s’était exilé de Yémen à Hedjaz et s’était consacré à la chaire du hadîth et de l’enseigne­ment à Masjed Al-Haram. Dans Seyr Aalam Al-Nobala13, Zahabi le qualifie d’Imam le Grand et Cheikh à son époque et cite 23 spécialistes de hadith qui étaient ses élèves. Il ajoute que le cours d’enseignement d’Abu Mohammad Amro était une des écoles chiites les plus en vogue de l’époque à Masjed Al-Haram à laquelle participaient les chiites et les sunnites. Dans Shazarat ol-Zahab14, Abu Emad Hanbali a fait son éloge en matière de théologie et de science.
  • Abu Al-Walid Abd Al-Malek (149 ou 151 ap. l’hégire/766 ou 767) fils d’Abb al-Aziz Djarih connu sous le nom de Ibn Al-Djarih a été un des grands théologiens chiites, disciples d’Abu Abdallah Djaâfar Sadeq. Ebn Saad le qualifie comme faisant partie du quatrième rang des adeptes de la Mecque. Zahabi15 le cite en tant que imam Allama, Hafiz et Cheikh de Masjed Al-Haram, décrivant en détail sa biographie. Il est rapporté qu’il a été le premier à rédiger sa science et ses connaissances et avoir indiqué qu’il a entendu des hadîth de la bouche d’Akrameh, d’Atta, d’Abu Mohammad et de Tawoussi. Kashi écrit dans son Rj’al^qu’il fait partie du peuple mais souscrit une grande affection à la famille des immaculés. Dans son ouvrage Taâliq Al-Rijal, Vahid Behbahani le considère comme un des grands spécia­listes du hadith
  • Abu Khaled Moslem (100-180 ap. l’hégire/718-796) fils de Khaled, le Cheikh des théologiens de la Mecque. De nombreuses personnes ont été formées dans son école dont Imam Chaféi. Dans Tabaghat Al-Kobra17, Ibn Saad le considère comme le cinquième des adeptes, tandis que Cheikh Tussi dans son Alrjal18 le cite parmi les adeptes de l’imam Sadegh et parmi les rapporteurs de

L’école de la Mecque avait des cours sous la direction d’abord de Abu Ghotadeh Ansari et puis de Djaria Ibn Ghodama Tamim pendant le ca­lifat d’Amir Al-Mouminines. Après le martyr de ce dernier et le califat de Moavieh, les adeptes soumis à une forte pression, limitèrent leur enseigne­ment. Sous le pouvoir de Hodjadj Ibn Youssef Saghafi en Irak, les chiites et les adeptes se sont, pour la plupart, rendus à la Mecque. A cette époque, correspondant au gouvernorat d’Omar Ibn Abd Al-Aziz à la Mecque, l’en­seignement et la création des écoles se poursuivaient. Après le martyr de Zeyd Ibn Ali Ibn Hossein et à l’époque d’imam Mohammad Bagher et imam Sadegh, l’école de la Mecque était le centre de réunion des spécia­listes de hadith et des savants imamites et zeydis. Au cours du troisième et du quatrième siècle après l’hégire, sous le pouvoir des Fatimides, des Bouyides et des Al-Ahmad, les écoles imamites connurent un grand essor à la Mecque. Les savants imamites, tel que Abu Taleb Ahmad Ibn Ali (en­viron 283 A.H/896), descendant d’Asghar Ibn imam Zyne Al-Abédine, et son fils Seyyed Aghighi, auteurs des ouvrages Tarikh Al-Rijal et Kitab Al-Rijal faisaient partie des enseignants illustres de l’école imamite de la Mecque. Parmi les savants et les spécialistes de hadith de la Mecque on peut également citer Attabat Ibn Abdollah Hamsi et Sheikh Abolhassan Ali Ibn Mandeh en 380 A.H (990) qui a cité de nombreux hadiths attribués aux douze imams et enregistrés dans l’ouvrage Kéfayat ol-Assar fi al-nass ala al-Aémat ol-Asna Achar. De même, après la construction de la grande demeure d’Abu Mansour Khomar Tash Ibn Abdollah Ghazvini, qui se poursuivit de 495 (1101 ap. J-C) jusqu’en 500 A.H/1106, et léguée aux Hadj, elle se transforma en un des lieux culturels dédiés aux membres de la famille de la Mecque. Durant l’époque Séfévide, parmi les savants akhbaris et oussouli imamites, Mohammad Amin Astarabadi (1033 A.H/1623) et Molla Khalila Ghazvini (1089 A.H./1678) et à l’époque de Nadir Chah Afshar, Seyyed Nasrollah Moussavi Haéri ont successivement habité à la Mecque et dirigé l’école imamite de cette ville.

 

L’école théologique de Médine

Masjed Al-Nabi fut construite en l’an un de l’hégire à la suite du dé­part du prophète à Médine. Elle peut être considérée comme le premier centre culturel et éducatif dans l’histoire de l’Islam. Le premier enseigne­ment de cette école n’était autre que Mohammad Mostapha, le prophète en personne. En effet, après la poursuite de la Révélation à Médine, d’une sourate, d’un verset ou d’une partie d’une sourate, le Prophète le citait dans cette mosquée pour la population, s’adonnant à la description, la récitation et l’interprétation. Certains lettrés, appelés transcripteurs de la révélation, les écrivaient, avec peine, d’une façon ou d’une autre. Le Prophète encourageait les musulmans à s’instruire, à lire et apprendre par cœur les versets cora­niques et à les transmettre aux autres. Ainsi, l’école de la Médine commença son activité grâce au premier enseignant et la poursuivit jusqu’à la mort du Prophète et la formation des adeptes par celui-ci.

Le premier élève de cette école fut Ali Ibn Abi Taleb. Sheikh Mofid cite de Om Salmeh rapportant d’imam Mohammad Bagher qu’il a entendu dire le Prophète : Ali et ses adeptes sont parmi les délivrés. Après la mort du Prophète, tandis que la société musulmane fut scissionnée entre les partisans des imamites et ceux du califat, la plupart des adeptes proches du Prophète, tel que Emar Yasser, Abdullah Ibn Massoud, Abouzar Ghaffari, Djaber Ansari, Abdullah Ibn Abbas, etc. ont rejeté le califat et se sont rejoints aux imamites en vertu du testament, des hadiths Qadir, Manzélat, Sagheleyn, etc. Ali Ibn Abi Taleb, ses amis fidèles ont continué, comme précédemment pendant la vie du Prophète, à enseigner le Coran, les préceptes de la reli­gion, les interprétations des versets divins, l’enseignement et la formation des musulmans. En peu de temps, grâce à l’action d’Ali et de ses partisans, Masjed Al-Nabi devint un important centre d’enseignements religieux et coraniques.

Une des branches importantes de ces prescriptions était celle du ha-dith, devenu progressivement prohibé sous le califat de Abu Bakr Ibn Abi Ghohafeh. Zahabi rapporte du Hakem en vertu d’un document attribué à Aïcha : Aïcha a dit mon père avait établi 500 hadiths attribués au Prophète et détenus par moi-même. Un jour, il me les a réclamés et a demandé qu’on fasse du feu et les brûla19. Cette interdiction avait cours jusqu’à l’époque de Omar Ibn Abd Al-Aziz (99 A.H./717). Celui-ci leva l’interdiction. Cependant certains affirment que l’interdiction dura jusqu’à l’époque de Bani Abbas. Ali Ibn Abi Taleb et ses adeptes continuaient à transmettre de manière ouverte ou cachée les hadiths. Aujourd’hui, ils constituent un trésor précieux pour les musulmans et une source d’enseignements des Sciences théologiques. Fatima Al-Zahra, fille du Prophète, avait une des activités ma­jeures de l’école imamite qui faisait tout son possible pour dénoncer les ten­tatives déviationnistes du califat. Elle s’adressait ouvertement ou en cachette aux Muhajirin et aux Ansars pour leur transmettre la vérité. Les activités du centre théologique de Médine se sont poursuivies sous la direction d’Ali, de Hossein et de Hassan, en vue de former et de diriger les musulmans jusqu’à l’époque ottomane. Après l’assassinat d’Osman (35 A.H./655) et le califat d’Ali Ibn Abi Taleb, suite aux instigations des malveillants ayant abouti à la bataille de Djamal, Ali fut obligé de quitter Médine en direction d’abord de Bassorah puis de Koufa.

Suite à l’assassinat d’Ali et le retour de ses fils, Hassan et Hossein à Médine, le centre théologique de Masjed Al-Nabi retrouva un nouvel élan. Les fils d’Ali y prirent la direction de l’enseignement des hadiths et des principes religieux. Cheikh Tussi indique le chiffre de 41 comme étant les disciples d’imam Hassan Mojtaba. Certains ont cité le chiffre de 1 000 comme étant le nombre des disciples d’Abu Abdullah Al-Hossein, dont cer­tains tombèrent en martyrs à Karbala. Après le retour d’Ali Ibn Al-Hossein, imam Zeyn Al-Abédine à Médine (64 A.H/683), de nombreuses personnes à la recherche de la science et de la vertu les ont entourés et ont bénéficié de leur enseignement théologique et moral. Leur nombre a été de 173 selon certaines sources.

Après leur disparition (95 A.H /713), l’imam Mohammad Bagher Al-Oloum (56-118 A.H/675-735) a pris la direction de l’enseignement au centre théologique de la Médine. Ce qui distingue l’époque de ces deux imams, est le fait qu’en dehors du récit des hadiths, de l’enseignement des principes de la religion, de la théologie et de l’interprétation, d’importantes discussions en matière de Kalam, la genèse de l’école de réflexion en vue d’entamer des étapes de recherches et d’argumentations dans les discussions relatives au Kalam, à la philosophie et à la logique ont vu le jour. Dès cette époque, les contradictions en matière d’opinions et d’idées ont commencé. Après la mort d’imam Bagher et la direction de l’enseignement théologique par Abu Abdullah Jafar Sadegh, sixième imam des chiites, l’école de la Médine devint un des centres de théologie islamique parmi les plus prépon­dérants, atteignant le même niveau que d’autres grandes écoles mondiales. Durant cette époque, correspondant à l’affaiblissement des Omeyyades, leur renversement et la prise du pouvoir par les Abbassides, Imam Djafar Sadegh a profité de l’occasion pour une plus grande propagation des principes reli­gieux, des sciences coraniques, de la logique et pour la formation de nom­breux élèves issus des différents peuples.

Tabressi a qualifié l’enseignement de l’imam comme le lieu de discus­sions de différentes sciences et techniques et a avancé le chiffre de 14 000 comme étant les partisans du hadith et les élèves de l’imam20. Il a été égale­ment indiqué que la plupart des fondateurs des branches hanbalite, chaféite, malékite et hanafite ont été les élèves de l’imam, tandis que la religion, la théologie et les différentes sciences imamites connues sous le nom de la re­ligion djafarie, la théologie djafarie, ont été les conséquences des recherches et des innovations extraordinaires dudit imam.

Parmi les grands maîtres connus du centre de Médine, Saïd Ibn Mossib Makhzoumi Madani (79 A.H./618) était un des partisans d’Amir al-Mo-ménine et formé par celui-ci. Seyyed Mohsen Amin21 le cite comme étant un des sept théologiens de Médine. Parmi d’autres maîtres de ce centre on peut citer Abu Mohammad ou Abd Al-Rahman Ghassem (108 A.H./726) fils de Mohammad Ibn Abi Bakr, un partisan de Sajjad et de l’imam Bagher. Ibn Sa’ad dans Tabaghaf2, cite Abd Al-Rahman Ibn Abu Al-Mawali : « J’ai vu Ghassem Ibn Mohammad qui, à l’aube, entrait dans MasjedAl-Nabi, après avoir effectué deux prières, s’installait sur sa chaire au milieu des gens qui l’inter­rogeaient ». Abu Abdullah Mohammad ou Abolghassem connu sous le nom de Mohammad Hanifeh (81A.H./700) fils d’Amir Al-Moménines était éga­lement un des grands théologiens de l’école de Médine. Ibn Khalakan23, le décrit comme un symbole de science et de vertu.

Seyyed Mohsen Amin24 écrit que grâce au comble de sciences de Hanifeh, une tribu, Kissanieh, le considérait comme imam et voyait en lui le Mahdi attendu. Son fils, Hassan Ibn Mohammad (101 A.H./719) était également un des importants théologiens de Médine. Parmi d’autres théologiens de ce centre, il convient de citer Abu Al-Zonnad Abdullah (130 A.H./747) cité par Cheikh Tussi, Khatib Baghdadi et Ibn Hadjar Asghalani comme étant partisans de l’imam Sajjad, théologien et enseignant dudit centre. Zahabi25 citant Abd Rabbé, il écrivit : Abu Al-Zonnad entra dans la mosquée du Prophète (Masjed Al-Nabi) avec les disciples en quête de savoir, parmi eux demandeurs de savoir, de théologie, de mathématiques, de poésie et cher­cheurs de réponse à leurs problèmes »26

Parmi d’autres maîtres de ce centre connu pour leur érudition et leur vertu et pour la plupart partisans de Sajjad ou des Sadéghines citons : Abu Othman Rabié (130 ap. l’hégire) alias Rabiat Al-Ra’y et Abu Hares Mohammad (157 A.H./773) fils d’Abd Al-Rahman Ghorashi Madani et Abu Abdullah Abd Al-Aziz (184 A.H./800) fils d’Abu Hazem et d’autres encore dont la biographie a été citée dans les ouvrages Alrjal. Chacun ayant joué un rôle dans le mouvement de la pensée et des sciences de ce berceau du savoir. Ils ont participé à l’épanouissement de la culture chiite. Les efforts et services rendus par ces milliers érudits, comme nous l’avons déjà indiqué, ont été le résultat du génie et de la clairvoyance de l’imam Djafar Sadegh qui, à l’époque de la décadence des Omeyyades et le début de califat des Abbassides, encourageait les musulmans à acquérir la science et la religion.

Après le martyr de l’imam Djafar Sadegh, son fils, Abu al-Hassan Moussa Ibn Djara Kazem (128-183 A.H./745-940) prit la direction de l’école ima-mite. De nombreux partisans le rejoignirent tandis que d’autres avaient foi à l’imamat d’Ismaël, fils d’imam Djafar Sadegh, mort avant le décès de son père. Ainsi la secte ismaélite s’est scindée de l’imamat et a survécu jusqu’à nos jours. Une autre branche a vu également le jour, celle appelée Al-Navoos, composée des partisans d’Abdullah Ibn Navoos qui considéraient que l’imam Sadegh n’est pas mort, qu’il a simplement disparu et réaparaîtrait. En raison de ces scissions, le centre théologique de Médine connut une cer­taine faiblesse. Par ailleurs, alors qu’il dirigeait le centre de Médine, Moussa Ibn Djafar a dû confronter quatre califes abbassides parmi les plus sangui­naires et dont le pouvoir avait atteint le summum : Mansour Davanighi, Al-Mahdi, Al-Hoda, Haroun Al-Rachid. Le centre de Médine a avancé len­tement et difficilement grâce aux efforts de l’imam Moussa Kazem. Les réu­nions se tenaient à Masjed Al-Nabi ou dans sa propre demeure, jusqu’à ce que, en vertu des ordres d’Haroun Al-Rachid, l’imam fût transféré à Bagdad et assassiné dans la prison Sandi Ben Chahak.

En 183 A.H./799 ap. J-C, après le mort du martyr imam Moussa Kazem, son fils l’imam Abulhassan Ali Ibn Moussa Al-Réza a pris le flambeau pour guider les partisans de l’imamat, occupant la chaire d’enseignement des Sciences islamiques et le récit des hadiths du centre de Médine, aussi bien à Masjed Al-Nabi que chez lui. Jusqu’à la mort d’Haroun, l’action se déroulait lentement et prudemment. Après sa mort et le conflit entre ses fils (Amin et Mamoun) et la victoire de ce dernier, la tendance vers les Alawites a réduit la sévérité des Abbassides d’où la reprise des activités du centre de Médine et son essor. A la suite du transfert de l’imam Réza à Khorassan et l’impo­sition du statut du prince héritier de la part de Mamoun à lui, le centre de Médine perdit sa situation précédente et le centre fut transféré progressi­vement jusqu’à la grande occultation (329 A.H./940) vers certaines villes d’Iran et d’Irak.

Parmi les œuvres rédigées dans le centre de Médine enregistrées dans les livres d’histoires et les Alrjal, on peut citer les suivantes : Le livre de Fatima ; l’Interprétation de Amir Al-Mouminines, première œuvre consacrée à l’interprétation du Coran contenant 60 types de Sciences coraniques27 : Nahj Al-Ballagha (400 A.H./1009) ; Sahifé Sajjadieh ; l’interprétation at­tribuée à l’imam Mohamamd Bagher ; l’interprétation attribuée à l’imam Djafar Sadegh ; Mesbah Al-Charia wa Meftah Al-Haqiqat, attribué à l’imam Djafar Sadegh ; Al-Ahliladjeh écrit par Sadegh. Différentes œuvres ont été écrites par Sadegh portant sur des sujets divers ; le traité connu sous le nom du Traité d’Abdullah Ibn Al-Najashi, Traité cité de Aamesh Mastour sur les qualités de Sadough ; le Traité des Ashab de Koleyni que ce dernier a cité de Esmaïl Ibn Djaber dans son Rozat Al-Kafi ; le traité des gens de raison et de comparaison ; le traité relatif aux butins et à la nécessité du khoms dans TohafAl-Oghoul ; l’ensemble des traités de l’imam relatifs à la bonté des Ahl Al-Beyt, de l’unicité, de la foi, du blasphème, de la fornication, des prières et des péchés, ainsi que des traités sur les sciences d’unicité transmis par son disciple Djaber Ibn Hayyan. Ses testaments transmis à Abdullah Djandab et Abi Djaâfar Mohammad Ibn Al-Noâman ; l’ouvrage Nasr Al-Darar et d’autres. Seyyed Mohsan Amin a décrit 24 œuvres de l’imam Sadegh28 ; le testament d’imam Moussa Kazem dicté à Hocham Ibn Hakam et cité dans TohafAl-Oghoul ; Ressalat Al-Zahabieh ou Mazhabiyeh en médecine, œuvre de l’imam Réza connu sous le titre Teb Réza ; figh Réza du même dans les différents chapitres de la théologie ; Sahifat Al-Réza ou Mosanad Hazrat Réza composé de 240 hadiths issus de sources différentes29. Une des caractéristiques du centre de Médine consiste dans le fait que les premières œuvres rédigées concernant les différentes sciences coraniques, islamiques, théologiques et Kalam, l’ont été par les maîtres et les disciples de ce centre, initiative encouragée ou dirigée par l’imam Ali Ibn Abi Talib. La première interprétation coranique, la première œuvre théologique pour apporter so­lutions à plusieurs problèmes, le premier fondateur de la syntaxe, le premier traité portant sur les questions de licites et d’interdits ont été rédigé par cet imam en personne ou par ses éminents disciples tel qu’Abu Rafe Sahabi, Abulaswad Doeli, Hocham Ibn Hakam30.

 

Centre théologique de Karbala

Certains pensent que ce centre est né après l’événement d’Achoura (61 A.H./680) à la suite de l’enthousiasme et l’épopée de Seyyed Al-Shohada Aba Abdullah Al-Hossein. Car, dès son départ de Médine vers la Mecque puis vers l’Irak et son entrée à Karbala, l’imam s’est consacré partout à l’in­terprétation du Coran et des prescriptions religieuses pour ses disciples ; les discours de l’imam et de ses fidèles partisans ont été les sources du boule­versement intellectuel, social et politique ainsi que de l’enseignement des sciences islamiques dans le monde musulman depuis cette époque jusqu’à nos jours. Des historiens tel que Tabari a reflété les discours de l’imam dans son histoire, tandis que Alameh Seyyed Mostafa Ettemad a réuni les discours de l’imam dans un ouvrage intitulé Balaghat Al-Hossein31et publié sous le titre MawssouâtAl-KalamatAl-imam Al-Hossein en 1415 A.H./1994).

Le centre de Karbala, dont nous avons cité l’origine, poursuivait ses ac­tivités grâce aux rassemblements des pèlerins qui visitaient les tombeaux de l’imam Hussein et des autres martyrs, placés sous des tentes dressés à l’époque autour des sépultures, avec la présence de l’imam Sajjad, de l’imam Bagher et de l’imam Djafar Sadegh lors de ces pèlerinages. En particulier, lorsque l’imam Sadegh voyageait à Karbala, le rassemblement des citeurs de hadiths et des théologiens chiites s’animait davantage. Très rapidement, le désert aride de Karbala se transforma en un territoire prospère et un des centres scientifiques et culturels du chiisme.

L’imam Sadegh séjournait dans un lieu situé près du cours d’eau Alghami. Les terrains de cette région sont toujours surnommés Arazi Al-Djaâfariate en référence au nom de l’imam. Lors d’arrivée des imams, en particulier de l’imam Sadegh, leurs disciples de même que les pèlerins les entouraient et écoutaient les hadiths et les prescriptions religieuses. La demeure de l’imam Sadegh à Karbala est transformée aujourd’hui en un lieu saint, visité par la population. Son fils, Mossa Ibn Djaâfar qui dirigeait la chaire provisoire de l’enseignement théologique était toujours entouré par les adeptes du hadith lors de ses visites du tombeau de son grand père à Karbala.

A la fin du premier et pendant le second siècle après l’hégire, le centre théologique de Karbala était, au début, le lieu de rassemblement des poètes, des théologiens et des citeurs de hadiths chiites, tandis que le bazar des Okkazs était l’endroit où étaient déclamées les œuvres d’éminents poètes chiites. Progressivement, avec l’arrivée des imams ci-dessus cités, ce centre devient le lieu de l’interprétation du Coran et de la présentation des hadiths. Grâce à Sheikh Abolghassem Homid (310 A.H./922) fils de Ziad Ibn Hemad, un des cheikhs du hadith et éminent théologien, il devint, plus tard, le lieu d’enseignement des préceptes religieux, des questions et des Sciences théo­logiques. Les élèves en théologie et les adeptes de la recherche et des sciences y accoururent, et son école devint le centre de formation de disciples ré­putés tel qu’Abu Djaâfar Mohammad Ibn Yaqub Koleyni (329 A.H./940) dont l’ouvrage Kafi constitue un des quatre livres de référence des ima-mites. Il convient également de citer Sheikh Abulhassan Ali Ibn Ibrahim Ghomi (vivant en 307 A.H./919) auteur d’un commentaire connu sous le nom du commentaire Ghomi, Cheikh Abu Abdullah Al-Hossein (vivant en 352 A.H./962) fils d’Ali Bazoufari, Cheikh Abu Ali Ahmad Bazoufari (vivant en 365 A.H./975) et d’autres grands noms dont les ouvrages Aâyan Al-Chia wa Al-Zariat de même que Moâjam Rijal Al-Hadith. Le centre théo­logique de Karbala a poursuivi son existence intellectuelle et scientifique, laissant un héritage culturel considérable qui s’est pérennisé jusqu’à notre époque. Des savants tel que Cheikh Mofid, Cheikh Abu Ahmad Djalloud, les deux frères Charif Razi et Charif Mortéza, Cheikh Abu Eshagh Saalabi et Abu Salah Taghi Ed-din Halibi dépendaient directement ou indirectement de ce centre. Durant les périodes de stagnation et de la baisse d’activité du centre, d’éminents savants actifs tels que Cheikh Emad Ed-din Mohammad Tussi connu sous le nom d’Ibn Hamzeh (589 A.H./1192) ou Abi Djaâfar Sani redonnaient vie au centre grâce à leurs recherches et leur savoir-faire en matière d’enseignement et à l’afflux de nouveaux élèves. L’œuvre connue de ce dernier, Al-Wassileh, constitue un des importants ouvrages théologiques dans lequel, à sa propre initiative, il a augmenté les cinq phases de l’Islam : Salat, Zakat, Saoum, Hadj et Djihad à dix en ajoutant : Khoms (taxe sur la richesse), Iîtikaf (retraite rituelle), Ghosl (ablutions), Omra (petit pèleri­nage) et Robat. Dans l’ouvrage Al-Mazar Al-Kabir rédigé par Cheikh Abu Abdullah Mohammd Alias Ibn Mashhad Haéri portant sur les prières et les pèlerinages cités en totalité dans Bahar Al-Anwar de même que Sahifeh Sajjadieh attribué à imam Sajjad sont des œuvres des spécialistes de hadiths et des maîtres du centre de Karbala.

Durant le septième siècle après l’hégire, le centre théologique de Karbala dirigé par la famille Moedd Haéri avait une activité remarquable. Parmi les maîtres de l’époque qui jouaient le rôle de références considérables, on peut citer Seyyed Fakhkhar Moedd Haéri (630 A.H./1232) auteur de Al-hadj ala al-Zaheb ala Takfir Abi Taleb qui a formé de nombreux élèves tels que Seyyed Abdulkarim Ibn Tavoos (693 A.H./1293) et son fils Seyyed Djalal Eddine Abdulhamid Ibn Fakhkhar Moussavi Haéri (vivant en 482 ap. l’hégire). De même, durant les siècles suivants, le centre théologique de Karbala a bé­néficié de la présence d’autres éminents savants à l’instar d’Ibn Fahd Helli (841 A.H./1437), Seyyed Mohammad Ibn Fallah Moussavi Mosha’shai, fondateur d’un gouvernement chiite au sud de l’Iran, Seyyed Mohammad Nourbakhsh, un des maîtres soufis, Cheikh Helali Djazai, Ostad Mohaghegh Karaki, Taghi ed-din Ebrahim Kafami (905 A.H./1499), Seyyed Vali Razavi Haéri (vivant en 981 A.H./1573) auteur de KonzAl-Mataleb, Modarres Al-Lotf Seyyed Nasrollah Moussavi Haéri (1160 A.H./1746) marj’a réputé du chiisme au centre de Karbala qui, à l’époque de Nadir Chah, fut élu à la Mecque lors du rassemblement des grands dignitaires comme imam de la prière collective.

La belle époque d’épanouissement de ce centre correspond au mouvement de pensée d’Agha Mohammad Bagher Vahid Behbahani (1205 A.H./1790). Après le décès de Cheikh Youssef Bohrani (1186 A.H./1772) l’école akhba-ri déclina pour toujours aussi bien dans le centre de Karbala que dans les autres. Behbahani fonda une nouvelle école basée sur les enseignements de la famille du Prophète, formant des milliers d’élèves théologiens pour en faire des maîtres et des mojtahed, les envoyant ensuite vers des centres situés en Iran et en Irak. Seyyed Bahr Al-Oloum et Cheikh Djaâfar Kachef Al-Ghota furent envoyés à Nadjaf, Cheikh Ebrahim Karbassi et Seyyed Mohammad Bagher Esfahani à Ispahan, Mirza Abolghassem Ghom auteur de Ghavanine à Qom, Cheikh Ahmad Naraghi à Kachan, Mirza Mehdi Khorassani à Mashhahd et Sheikh Assadollah Kazémi auteur de Maghabes à Kazemein. Deux de ses élèves, Mirza Mehdi Chahrestani et Seyyed Ali Tabatabaï au­teur de Riaz poursuivirent son œuvre, flambeau repris ensuite par Seyyed Mohammad Mojahed (1242 A.H./1825) (fils de Seyyed Ali, auteur de Riaz), puis par Charif Al-Olama Haéri. Plus tard Seyyed Ebrahim Ghazvini (1262 A.H./1845), auteur de Zavabet, et Sheikh Mohammad Saleh Barghaï Haéri (1271 A.H./1854) ont quitté Ghazvine à destination de Karbala, prenant en main la direction du centre et formant à leur tour des milliers d’élèves théologiens. Suite à une période de stagnation, Mohammad Taghi Chirazi (1338 A.H./1919) connu sous le nom du second Mirza Chirazi, le centre de Karbala retrouva un nouvel élan, plus particulièrement en lançant la fatwa historique contre les Britanniques revendiquant l’indépendance de l’Irak, l’obtention des droits politiques et le rejet de la colonisation. Ainsi, Karbala attira l’ensemble des opinions publiques. Après la mort de Mirza Mehdi Chirazi (1380 A.H./1960), son fils Mirza Mohammad Chirazi, dirigea le centre théologique de Karbala à partir du siège de son père (Ivan Chirazi) situé à Astaneh Hosseini. Ce centre prépondérant fut fermé par le parti Baas comme d’ailleurs tous les centres chiites de l’Irak.

Parmi les derniers enseignants du centre de Karbala et ses maîtres émi-nents, on peut citer les personnalités suivantes : Cheikh Mola Hossein Ardakani, Seyyed Mohammad Saleh Damad, Cheikh Zeyn Al-Abédine Mazandarani, Cheikh Hassan Baraghani Salehi, Modares Al-Lotf Cheikh Alinaghi Baraghani Salehi, Seyyed Hossein Mar’achi Charestani, Seyyed Esmaïl Sadr, Seyyed Mirza Hadi Khorassani, Seyyed Mirza Mehdi Chirazi et beaucoup d’autres magisters en ijtihad et en fatwa32.

 

Le centre théologique de Kufa

Ce centre est l’un des plus anciens du chiisme fondé par Amir Al-Mouminines Ali Ibn Abi Taleb après son retour de la bataille de Djamal en 36 (656 ap. J-C) après l’hégire. Bien que la ville de Kufa ait été choisie grâce à Salman Farsi et Khozifeh pour l’installation de l’armée de l’Islam en raison de son climat, fut créé le fondement du centre, à savoir Masjed A’azam. Tous les jours, pour effectuer ses cinq prières, l’imam entrait dans la grande mosquée de Kufa, s’installait sur sa chaire d’enseignement et formait ses dis­ciples en matière de préceptes du Coran, de la théologie et des hadiths. Les élèves, provenant de toute part, se rendait au centre théologique de l’imam et profitaient de son enseignement. A l’époque, le plus grand centre d’en­seignement théologique du monde musulman se situait dans la mosquée de Kufa. De nombreux discours, des correspondances et des ordonnances d’Amir Al-Mouminines étaient prononcés ou rédigés à partir de ce centre dont certains ont été réunis par Seyyed Razi en l’an 400 après l’hégire, selon ses goûts, dans trois parties, Alkhotab, Alkotob et Ghessar Al-Kalamat, dans l’ouvrage intitulé Nahj Al-Balagha. Après le Coran, cet ouvrage est le plus grand héritage culturel du début de l’Islam.

Le nombre des disciples et des élèves d’Amir al-Mouminines était plus de 500. Parmi les disciples d’Ali dont les noms brillaient dans le centre théo­logique de Kufa, il convient de citer : Abu Chil Alghameh (65 AH./684), fils de Gheys Ibn Abdullah, Abu Aïcha Masrough (64 A.H./683), fils d’Ad-jda Ibn Malek, Abu Moslem ou Abu Amro Obeydeh (73 A.H./692), fils d’Amro Salmani, Abu Amro ou Abu Abderrahmane Asvad (74 ap. l’hé­gire), fils de Yazid Ibn Gheys Nakhaï, Abu Abdullah ou Abu Mohammad Saïd (95 A.H./713) fils de Khobeyr tué par Hodjadj Ibn Youssef Saghafi, Hakam (115 A.H./733) Yoheynieh d’origine iranienne, Abu Ismaïl Hemad (120 A.H./737) fils d’Abu Suleyman d’origine iranienne.

Après l’assassinat d’Amir Al-Mouminines (40 A.H./660), le centre de Kufa fut dirigé un certain temps par l’imam Modjtaba et Ibn Abbas, puis par leurs disciples. Ibn Sa’ad a consacré le volume six des Tabaghat Al-Kobra aux disciples du Prophète qui s’étaient installés à Kufa, citant un millier d’oulémas et des citeurs de hadiths jusqu’au neuvième rang, ce qui reflète l’importance de ce centre à cette période. A l’époque d’imam Sadegh, le centre chiite de la grande mosquée de Kufa a atteint le summum de son épa­nouissement, où se rendaient les étudiants des Sciences théologiques prove­nant des différentes villes islamiques. L’imam Sadegh lui-même dirigeait ses élèves vers ce centre. Après le centre théologique de Médine, la grande mos­quée de Kufa constituait le plus grand centre de l’enseignement chiite. Abu Al-Abbas Nadjachi, cite Hassan Ibn Ali Ibn Zyad Al-Vachar : « Je suis entré à Kufa pour écouter le hadith ; dans la grande mosquée de Kufa où j’ai entendu neuf cents des cheikhs du hadith, chacun affirmant Djaâfar Ibn Mohammad m’a raconté le hadith »33.

Dans le mouvement scientifique et intellectuel du centre de Kufa, cer­tains maîtres et les muhaddiths d’origine iranienne ont joué un rôle consi­dérable. Leur famille telle que la famille Bani Forghad, Bani Naïm, Bani Azragh et Bani Hamra, étaient alliées de la tribu chiite Bani Abodolgheys et vivaient à Kufa de manière permanente. A l’arrivée d’Ali dans cette ville, ces familles se rallièrent à lui. Une partie d’éminents muhaddiths, de savants et

 

de disciples provient de ces familles34. Dans tariq Al-Kufa35 Seyyed Hossein Naraghi cite les noms de 148 cheikhs ayant participé au mouvement scien­tifique et d’enseignement de hadiths à Kufa. Puis, il évoque des familles de théologiens chiites de Kufa depuis le premier siècle jusqu’à la grande occul­tation telle que Al Abi Al-Djaâd, Al-Abi Al-Djahm, Al-Abi Rafe, Al-Abi Sarat, Al-Abi Saffieh et d’autres dont le nombre atteint 70. Un autre centre théologique de Kufa, après la grande mosquée, a été la mosquée Bani Al-Hamra appartenant à la tribu d’origine iranienne de Bani Hamra installée sur le littoral sud de l’Euphrate, mosquée qui a survécu jusqu’à nos jours et a été largement restaurée en 1312 après l’hégire.

A la suite de la grande occultation (329 A.H./940), le centre de Kufa a perdu progressivement de son importance et les centres chiites furent transférés à Karbala, Khorassan, Qom et Bagdad. Durant plusieurs siècles le centre de Kufa a fourni d’éminents penseurs et savants, de hadiths, de théologie, de commentaire et de littérature, et a laissé un héritage culturel impressionnant.

 

Le centre théologique de Bassora

Un des plus anciens centres d’enseignements des imamites est le centre théologique de Bassorah. Cet important centre culturel fut créé en 36 après l’hégire (656), à la suite de la bataille de Djamel en même temps que le centre de Kufa. Après sa victoire dans la bataille de Kufa, Amir Al-Mouminines Ali nomma l’imam Ibn Abbas en tant que gouverneur de Bassorah et Abu Al-Aswad Dowli comme juge. Le centre chiite de Bassorah fut créé grâce à ces deux hommes, adeptes de la science et du savoir. Ibn Abbas, cousin du Prophète, était un mohadith, un commentateur, un théologien et un his­torien du début de l’Islam. Il est rapporté que le Prophète a prié pour lui : « Oh Dieu donnez lui les connaissances théologiques et la maitrise de l’interpré­tation » et sa prière a été exaucée36. Ibn Abbas enseignait quotidiennement le Coran la théologie ainsi que les préceptes religieux à la mosquée centrale de Bassorah. Lorsqu’il avait participé aux batailles de Safeyn et de Nahravan aux côtés d’Amir Al-Mouminines, avait nommé Abul Asvad Doli en tant que son substitut à Bassorah. Ibn Abbas était un savant en matière du com­mentaire du Coran et des préceptes religieux avec une logique puissante et une parole élégante et vertueuse et attirait le respect des proches et du public. Après Ali le martyr (l’an 40 A.H./660), Ibn Abbas se mit au service d’imam Hassan Modjtaba et a participé à la réunion de paix entre ce dernier et Moavieh. Il s’est établi à la Mecque et le centre de Masjed Al-Haram était uniquement consacré à lui.

Comme il a été indiqué, Abul Aswad Doli était parmi les éminents Mohadiths et disciples d’Ali. Il enseignait également au centre théologique de Bassorah et a fondé les Sciences arabes, la littérature et le lexique dans cette ville. Sous la direction d’Ali, il a inventé la syntaxe et a été le pre­mier à mettre la ponctuation dans le Coran, empêchant son altération37. Il avait acquis auprès d’Ali les Sciences arabes et les techniques littéraires, le commentaire, l’interprétation et la syntaxe. En vertu des ordres de l’imam, il enseignait dans le centre de Bassorah. Il a formé de nombreux disciples qui ont transmis la syntaxe, tel que Nas Ibn Anbat Al-Fil, Abu Dawoud Abderrahmane, Abdullah Ibn Abu Ishaq, Nas Ibn Assem, Abu Amro Ibn Al-Alaâ, Yahya Ibn Yaâmar Jeyssi, Abu Al-Khatab Akhfash, Younes Ibn Habib, Sibouyeh et Khalil Ibn Ahmad.

Les témoignages historiques font état de la présence, dans les écoles chiites de Bassorah, côte à côte des sunnites et des chiites où on décèle deux branches principales d’enseignement :

1) les sciences arabes, le lexique et la syntaxe ; 2) la théologie, le hadith et le commentaire. La première branche était la plus connue et fut transférée, plus tard, à Kufa. Ces deux écoles chiites livraient concurrence dans l’ijti-had, les sciences lexicales et d’autres techniques. Ghazi Abu Saïd Al-Hassan Sirami (368 A.H./978) un des élèves d’origine iranienne du centre théolo­gique de Bassorah a rédigé un ouvrage intitulé Akhbar Al-nahveyn Al-Basreyn dans lequel il a réuni une partie des informations et de l’histoire concernant le centre de Bassorah.

L’école chiite de Bassorah a créé un mouvement intellectuel et laissé un héritage considérable. Pendant plusieurs siècles, il a été le berceau des savants religieux et des historiens. Même les opposants au chiisme n’ont jamais dé­menti le rôle du chiisme dans les écoles littéraire et lexicale de Bassorah et de Kufa. L’école de Bassorah ne connaissait aucun rival en matière de prose. Djahez en est l’exemple type de l’école de Bassorah. Les Iraniens avaient joué un rôle prédominant, sensible et actif dans la fondation et le développement de ces deux écoles. Cheikh Issa (149 A.H./766), fils d’Omar Saghafi, maître de lexique, de la syntaxe et des sciences coraniques a été un des éminents maîtres et enseignants du centre de Bassorah. Deux de ses ouvrages, Ketab Al-Kamal et Ketab Djamé, sont particulièrement connus.

Un autre enseignant connu de Bassorah a été Sheikh Nahveyn Younes Ibn Habib (182 A.H./798). Dans Al-fehrest, Ibn Nadim écrit : « L’auteur de Mafakher Al-Adjam le dit d’origine iranienne et il en était fier ». Puis, il ajoute que Younes était partisan d’Abu Amori Ibn Ala et enseignait à Bassorah. Des étudiants, des hommes de lettres et des orateurs arabes s’y rendaient. Parmi ses œuvres on peut citer : Ma’ani al-Qor’an, Al-Loghat, Al-Navader al-Kabir, Al-Navader al-Saghir, Al-Amsal38. Parmi d’autres maîtres de l’école Bassorah, citons Khalil (175 A.H./791), fils d’Ahamad, auteur de l’ouvrage connu Al-Eyn, un des grands savants chiites d’origine iranienne. Il a été à l’origine d’un important mouvement intellectuel et scientifique à l’école de Bassorah. Ragheb Esfani a considéré Khalil parmi les quatre érudits de l’Is­lam dont personne n’a pu atteindre leurs niveaux scientifiques. Sibouyeh, un spécialiste de syntaxe bien connu (188 A.H./803) était originaire de Beyza de Chiraz et élève de Khalil Ibn Ahmad, formé à Bassorah où il enseignait également. Ghazi Nourollah Shoushtari écrit : « lorsqu’en 210 après l’hégire, le calife abbasside a demandé à son fondé de pouvoir à Bassorah de lui fournir les statistiques relatives aux savants de l’école de Bassorah et les publications importantes de ce centre de même que leur méthode de pensée, celui-ci écrivit au calife abbasside que 700 maîtres, enseignants et mujtahid composent cette école dont la majorité sont chiites ». Cheikh Tussi dans Rjal et Al-Fehrest et Ardabili Haéri dans Djamé ol-Ravat ont enregistré l’identité de certains disciples des imams et des citeurs de hadiths du centre de Bassorah. Jusqu’à la fin du troisième et le début du quatrième siècle après l’hégire, le centre de Bassorah a préservé sa phase d’épanouissement, laissant d’importants héritages dans tous les domaines de commentaire, lecture, syntaxe, lexique, poésie, théolo­gie, hadith, Kalam, etc. Une partie de cet héritage a été citée par Ibn Nadim dans Al-Fehrest et par Sheikh Agha Bozorg Téhérani dans Al-Zarié.

 

Le centre théologique de Bagdad

Le centre chiite de Bagdad a englobé une partie du grand mouvement de Kalam et de la théologie des centres chiites, une des plus anciennes écoles de Kalam dans le vrai sens du terme. L’activité de ce centre a commencé depuis l’époque d’imam Mohammad Javad (195-220 A.H./810-834) formant de nombreux spécialistes de Kalam et de théologie. Le chiisme a des racines an­ciennes à Bagdad et remonte à l’époque de Salman Farsi (36 A.H./656) et de son rôle dans la fondation du centre de Madaen. Abu Esghagh Ebrahim, as­trologue chiite, a été la première personne qui, au printemps 145 A.H./762, a annoncé à Mansour l’heure favorable pour le début de la construction de la ville de Bagdad39. Par conséquent, les chiites ont joué un rôle sen­sible et important dans le mouvement culturel dès le début de la construc­tion de Bagdad qui était considéré comme un des centres d’influence et de rassemblement des chiites dès le lendemain de la conquête de l’Irak. Le comportement des califes abbassides variait à l’égard des chiites à Bagdad. Lorsque les chiites bénéficiaient d’une liberté d’action, la ville connaissait un épanouissement culturel et lorsqu’ils étaient persécutés, elle tendait au déclin. Après la conquête de Bagdad en Joumada Al-Thani 334 A.H./945 par Moez Al-Dawla Ahmad Bouïehi sous le califat d’Al-Moti Bellah Abbasi et l’avènement au pouvoir des chiites, la population a retrouvé ses libertés et les cercles d’enseignements, de discussions philosophiques, de kalam, de la mystique, de la médecine, de l’astrologie, des mathématiques et d’autres branches scientifiques ont connu un nouvel essor. L’époque des Bouyides à Bagdad a été l’une des plus brillantes époques de la civilisation islamique. Parmi les dignitaires les plus connus du centre de Bagdad, on peut citer : Saghat Al-Eslam Sheikh Abu Djaâfar Mohammad (329 A.H./940), fils de Yaqub Koleyni, auteur de Kafi. Il dirigeait les théologiens chiites sous le ca­lifat abbasside de Moghtader Bellab. Les savants venaient de toute part pour se rallier à son école dont Cheikh Al-Machayekh Abu Abdullah Mohammad (413 A.H./1022) connu sous le nom de Cheikh Mofid un des grands spécia­listes du Kalam et de la théologie imamite qui a formé des centaines d’élèves et El Mol-Hoda Charif Mortéza (436 A.H./1044) savant et expert en Kalam à qui a été exclusivement confiée la chaire d’enseignement à Bagdad. Cheikh Abu Djaâfar Mohammad Tussi (760 A.H./1358) alias Cheikh Al-Taêfa, a quitté Khorassan et est arrivé en 408 A.H./1017 à Bagdad pour suivre les cours d’enseignement de Cheikh Mofid, de Seyyed Mortéza et autres. Le calife abbasside Al-Ghaem Beamerllah lui attribua la chaire d’enseigne­ment du Kalam dans le centre théologique de Bagdad. Le nombre de ses élèves en sciences religieuses s’élevait à 300. Dans la biographie de Cheikh Tussi, Cheikh Agha Bozorg Téhérani cite les noms de 36 de ses meilleurs élèves. A la suite de la conquête de Bagdad par Toghrol Beyk Seljoukide (447 A.H./1055), le grand centre chiite de Bagdad se disloqua. Les biblio­thèques imamites furent incendiées et les chiites persécutés. Le conflit entre chiites et sunnites faisait rage. Les œuvres chiites réunies dans la biblio­thèque Charif Mortéza contenant 80 000 ouvrages uniques, la bibliothèque Abu Nasr Chapour Ibn Ardéchir, ministre de Bajaollah Bouyéï construite en 381 A.H./991 dans le quartier chiite de Karkh à l’instar de la maison de justice de Mamoun, furent incendiées40. De même la demeure et la biblio­thèque de Cheikh Tussi furent incendiées et sa chaire d’enseignement de Kalam transportée à la grande place de Karkh et détruite par le feu41. Cheikh Tussi fut obligé de se rendre clandestinement au centre de Karbala avant de s’exiler plus tard à Nadjaf où il fonda son école.

 

Le centre théologique de Nadjaf

Le centre théologique de Nadjaf fait partie des anciennes écoles chiites créées suite à la dislocation du centre théologique de Bagdad et l’exil de Cheikh Tussi d’abord à Karbala puis à Nadjaf et fut fondé par ce dernier. Certains auteurs contemporains croient de manière erronnée que le centre de Nadjaf existait avant l’exil de Cheikh Tussi. Pour l’affirmer, ils se basent sur un récit de Cheikh Nadjachi en l’an 400 A.H./1009, rapporté de Cheikh Abdullah Khomri. Dans son introduction à Tafsir Al-Tabian, Cheikh Agha Bozorg Téhérani rejette ces affirmations et indique qu’il n’y a aucune preuve suffisante pour démontrer le lieu de sa résidence… Ce qui est indéniable c’est que le centre théologique de Nadjaf a été créé à partir de la seconde moitié du cinquième siècle de l’hégire et Cheikh Tussi a été le premier enseignant de cette grande université chiite. Après sa mort en 460 A.H./1067, ce centre a été dirigé par son fils Cheikh Abu Ali Al-Hassan Tussi suivi par son fils (616 A.H./1219) Cheikh Abu Nasr Mohammad (540 A.H./1145) et plus tard par les membres de cette famille jusqu’au sixième siècle de l’hégire42. Jusqu’au milieu du dixième siècle de l’hégire, le centre de Nadjaf a connu une décadence mais il fut ressuscité grâce à l’arrivée de certains grands sa­vants chiites iraniens tels que Cheikh Mollah Mohammad (993 A.H./1584) fils de Mohammad Ardabili connu sous le nom de Moghadas Ardabili, un des grands théologiens chiites qui enseigna à Nadjaf et forma un grand nombre de théologiens imamites, parmi les plus connus cheikh Molla Abdullah Yazdi (981 A.H./1573). Ce dernier est un des éminents savants rationnels auteur de Hachieh Molla Abdullah, un des livres d’enseignement des centres chiites en matière de logique43, Seyyed Mohammad Améli auteur d’Al-madarek, cheikh Abu Mansour Hassan (1101 A.H./1689) fils de Zeyn Al-Abédine Chahid Sani, auteur d’Al-Maâlem, Enayatollah Ghahpaï (vivant en 1025 A.H./1615) éminent savant en Al-Rijal et Darayeh et beaucoup d’autres encore. La science de la connaissance de la lignée de transmission des hadiths et des narrateurs des hadiths.

L’âge d’or du centre de Nadjaf commença dès l’époque où Vahid Behbahani ordonna à son élève Seyyed Mehdi Bahr Al-Olum (1212 A.H./1797) de fonder son école Ossouli à Nadjaf. Seyyed Bahr Al-Oloum quitta karbala, sa ville de naissance, se rendit à Nadjaf et ressuscita ce centre, remplissant sa mission historique de formation de plusieurs centaines de savants, de moj-taheds, d’hommes de lettres, de poètes, de commentateurs ayant foi dans la famille du prophète. Parmi les savants et maîtres les plus connus du centre de Nadjaf on peut citer : Seyyed Javad Améli (1226 A.H./1810) auteur de Meftah Al-Karameh, maître de nombreux élèves ; Cheikh Jafar Kabir, auteur de Kashf Al-Ghota, un des grands enseignants de théologie et de ussoul et ses fils Cheikh Moussa (1241 A.H./1825) et Cheikh Ali (1253 A.H./1837) éminents maîtres du centre de Nadjaf.

Au début de la seconde moitié du treizième siècle de l’hégire, les cours dispensés par Cheikh Mojammad Hassan Nadjafi (1266 A.H./1849) auteur de Javaher étaient des plus prospères à Nadjaf. Plusieurs centaines d’élèves de diverses nationalités bénéficiaient de ses enseignements. Parmi ses plus connus disciples ayant atteint le degré de Marj’a chiite, on peut citer : Cheikh Ali Khalili et son frère Mirza Hassan Khalili, Mirza Habibullah Rashti, Cheikh Abdulhossein Téhérani connu sous le nom de Cheikh Al-Araghine, Cheikh Mirza Abdulwahab Baraghani Salehi et Hadj Molla Ali Kani. Après la mort de l’auteur de Javaher, les cours du Cheikh Aâzam Seikh Mortéza Ansari (1281 A.H./1864) avaient pris de l’importance. Cheikh Ansari, un élève de l’école de Karbala et ayant acquis les ussoul auprès de Chari fol-Ola-ma Haéri, a introduit une évolution fondamentale dans la théologie chiite. On constate de nouveaux principes et un modernisme dans son école théo­logique absents chez ses prédécesseurs. Plusieurs centaines d’élèves formés

 

par Cheikh Ansari ont poursuivi son œuvre. Une autre figure éminente a été Cheikh Mirza Habibullah Rashti (1312 A.H./1894), élève de l’auteur de Djavaher et plus tard disciple de Cheikh Ansari. Après la mort de son second maître, il occupa la chaire d’enseignement. Cheikh Agha Bozorg Téhérani écrit : « Son cercle d’enseignement englobait des centaines d’élèves des sciences religieuses dont la plupart étaient eux-mêmes des érudits en matière de théologie et d’ijtihad à l’époque », il ne connaissait pas de rival en matière d’enseignement et son cercle était le plus influent44. Au cours de la seconde moitié du quatorzième siècle de l’hégire, le centre théologique de Nadjaf se limitait à Seyyed Abulhassan Esfahani, Mirza Hossein Naïni, Agha Zia Araghi et plus tard leurs élèves, Seyyed Abdullah Chirazi, Seyyed Ebrahim Estahbanati alias Mirza Agha, Seyyed Abdulhadi Chirazi et Seyyed Mohsen Hakim. Après leur disparition, Seyyed Abulqassem Khoeï dirigea le centre de Nadjaf. Après sa mort (1413 A.H./1992), le centre est dirigé par ses élèves dont Seyyed Ali Sistani.

 

Le centre théologique du Yémen

Après la conversion à l’islam du peuple yéménite, deux anciens centres chiites furent créés sur ce territoire : le centre théologique du chiisme ima-mite et le centre zaydite.

Les érudits du centre imamite de Yémen sont nombreux. Le plus connu a été Abu Abdulrahman Tavoos (162 A.H./777), fils de Jeyssan Yamani un dis­ciple de l’imam Sajjad Zeyn Al-Abédine. Il était le chef des théologiens ima-mites à Yémen. Dans Assar Al^-Belad va Akhbar Al-Ebad, Zakaria Ghazvini écrit : Abu Abdulrahman Tavoos, fils de Keyssan Yamani, est la gloire des Yéménites. Il est le plus érudit des savants en matières de licite et d’illicite. Ses descendants se trouvent aujourd’hui à Qazvin, eux-mêmes parmi les cheikhs des savants. Il était considéré comme un des disciples de Sajjad Zeyn Al-Abédine et parmi les citeurs de hadiths imamites, hadiths qu’il avait en­tendus d’Ibn Abbas, de Zeyd Ibn Sabet et Zeyd Ibn Argham. Puis, il a fondé la chaire d’enseignement et la direction du centre théologique imamite au Yémen. Un autre éminent maître du centre théologique chiite de Yémen, a été Vahab (100 ou 114 A.H./718 ou 732), fils de Monabbah Yamani, enseignant renommé et fondateur du centre chiite de Yémen. Ibn Saâd le cite ainsi dans son Al-Tabaghat Al-Kobra45 : Il disait avoir lu 72 ouvrages

 

divins. Ibn Khalakan dans VafiatAl-Aâyan, Cheikh Tussi, Kechi, l’ayatollah Khoeï et d’autres encore ont rédigé sa biographie indiquant que Vahab do­minait parfaitement les biographies des prophètes. Zahabi46 le considérait comme un savant et un imam en matière d’histoire. Tabari écrivait dans son Histoire : « Attaâ Ibn Markoboud et Wahab Ibn Manabbah ont été les premiers à rassembler le Coran au Yémen »47.

Parmi d’autres savants du centre chiite de Yémen, il convient de citer Attaâ (environ 115 A.H./733) fils de Markoboud Yamani, un des plus im­portants savants chiites au Yémen. Dans l’ouvrage Rijali chiite et sunnite, le nom d’Attaâ a été attribué à plusieurs personnes. Puis il cite l’ouvrage Foghahaâ Al-Yemen de Samareh Djadi : « Attaâ est le fils de Markoboud originaire de Fars… Il a été le dernier des théologiens à avoir réuni le Coran au Yémen… ». Il occupait la chaire d’enseignement et la direction du centre du Yémen48.

Un autre grand savant du centre chiite de Yémen qui fut transféré en Egypte et qui dirigeait le centre chiite d’Égypte, a été Abu Roshd Ibn Hanash (100 A.H./718) fils d’Abdullah Sanayé Yamani. Dans Tabaghat49, Ibn Saâd le place au second rang des Tabéines et ajoute qu’il fut transféré de Yémen en Égypte, de nombreux Égyptiens ont, dans ses cours, écouté les hadiths, les citant par la suite, de même il a été cité dans la plupart des livres de Rijali. Il était une importante personnalité du centre chiite de Yémen qui a joué un rôle dans la propagation de la culture de la famille du Prophète et de l’école chiite au Yémen. Cheikh Abu Orveh Moamar (95-153 A.H./713-769) fils d’Abu Amro Rached Bassari Yamani était disciple d’Abi Abdullah Jafar Sadegh et d’origine iranienne. Dans Al-Tabarhat al-Kobra50, Ibn Saâd rappelle qu’il avait été formé dans le centre théologique de Bassorah avant de s’exiler au Yémen, et le place au troisième rang des Tabéines. Les histo­riens et les livres Al-Rijali lui attribuent un rang scientifique des plus élevés, un enseignant illustre du centre chiite de Yémen qui a formé de nombreux élèves. Cheikh Abu Bakr Abdulrazagh (126-212 A.H./743-827), fils de Homam Ibn Nafé Sanâani, disciple d’imam Sadegh, était parmi les illustres théologiens du centre chiite de Yémen. Dans Tabaghat Al-Kobra51. Ibn Saâd le situe au quatrième rang des Tabéines. Al-Fehrest d’Ibn Nadim, cite de ses ouvrages, Al-Sonan en théologie et Al-Maghazi.

 

Le centre zaydite du Yémen

C’est un des plus anciens centres théologiques qui a brillé dans l’his­toire de la science et de la culture chiites, laissant en héritage d’importantes œuvres et dont l’existence se poursuit jusqu’à nos jours. Djameê Al-Kabir de Sanaa avec son immense bibliothèque englobant l’héritage culturel zaydite a une activité considérable. Parmi les illustres savants de ce centre ancien on peut citer l’Imam Yahya, connu sous le nom d’Al-Hadi Illa Al-Haq (220-298 A.H./834-910), descendant de l’imam Hassan et son frère Charif Abdullah (vivant en 284 A.H./897) et son fils Charif Mohammad (278-310 A.H./891-922) tous étaient de grands théologiens de leur époque, ayant formé de nombreux élèves.

 

Le centre théologique de Hilla

Un des centres théologiques très connus du chiisme ayant formé d’il­lustres penseurs de l’Islam et d’auteurs a été le Centre théologique de Hilla. Le fondateur de l’école de Hilla était Cheikh Abu Abdullah Fakhr Eddine Mohammad (598 A.H./1201) Al-Ridjal Helli, connu sous le nom d’Ibn Idriss, un des promoteurs de la religion et de fatwa. Un siècle après la disparition de son grand-père maternel Cheikh Al-Taéfah Cheikh Tussi (460 A.H./1067), il a entamé son mouvement de réforme, en introduisant des éléments scientifiques précis dans la théologie chiite. L’évolution ainsi créée conféra un nouvel essor au chiisme. Le courage scientifique d’Ibn Idriss consistait à lever la tradition d’imitation des opinions du Cheikh Al-Taéfah Cheikh Tussi, son grand-père maternel. Ce mouvement intellectuel a induit en erreur certains biographes qui ont cru qu’Ibn Idriss avait critiqué Cheikh Tussi. Or, la majorité des propos d’Ibn Idriss dans la plupart des chapitres de son ouvrage Ketab Abwab Al-Sarael, le chapitre Bab Salat Al-Djoumouâ et autres, sont des éloges de Cheikh Tussi. Les cours d’enseignement d’Ibn Idriss à Hilla étaient parmi les plus importants du chiisme à son époque où se réunissaient des savants, des mojtahids provenant de divers endroits, aussi bien arabes que non arabes.

Une autre figure importante du centre de Hilla était le Cheikh Abu Al-Mozaffar Sadid Eddine Youssef Ibn Ali Helli (environ 665 A.H./1266) un grand parmi les savants du hadith. Son fils Allama Helli a cité ses fatwas dans ses ouvrages. Son petit-fils Fakhr Al-Mohaqeqine fils de Alamma Helli écrit dans son autorisation à Ibn Mohana : « J’ai également autorisé de citer les ouvrages de mon père et de mon grand-père dans les principes du hadith ». Cheikh Abu Al-Mozaffar occupait la chaire de l’enseignement et de la fa-twa à Hilla. Certains auteurs ont considéré, de manière inexacte, la période d’épanouissement du centre de Hilla, après la chute de Bagdad en 656 A.H. (1257) suite à l’invasion mongole. Or, avant cette date, le centre de Hilla était déjà actif et après la chute de Bagdad et l’exil de ses savants, et la chute d’autres villes à l’époque de Mohaqeq Al-Hali, ce centre a atteint le sum­mum de son épanouissement.

Deux autres personnalités scientifiques chiites, dans le centre de Hilla, brillaient après Ibn Idriss : Cheikh Najm Eddine Abolghassem Jaâfar (676 A.H./1277) connu sous le nom de Mohaqeq Al-Hali, un illustre ima-mite qui réunissait dans ses cours de nombreux savants et d’élèves, avait par­ticipé à l’avancée de la théologie imamite par la mise en place d’une nouvelle conceptualisation dans ce système juridique. Son ouvrage Charaëâ Al-Islam constitue un manuel d’enseignement et un des plus importants textes de la théologie chiite qui reste sans équivalent dans les centres culturels jusqu’à nos jours.

La seconde personnalité après Mohaqeq Al-Hali est son neveu Cheikh Djamal Eddine Abu Mansour Hassan (726 A.H./1325), connu sous le nom de Allama Al-Hali et refondateur de l’imamisme au huitième siècle après l’hégire. Ses cours étaient les plus attrayants de l’époque. Il a formé d’émi-nents savants. Concernant le système juridique du chiisme, il a développé et fondé de nombreux domaines en matière de théologie imamite jamais observés jusqu’alors chez ses prédécesseurs.

Après la mort d’Allama Al-Hali, son fils, Cheikh Fakhr Eddine Abu Taleb Mohammad (771 A.H./1369) connu sous le nom de Fakhr Al-Mohaqeqine a occupé la chaire d’enseignement. Parmi ses élèves les plus connus il convient de citer Al-Chahid Al-Awal. La famille Sadid Eddine Al-Hali a joué un rôle prééminent dans le mouvement intellectuel et dans la direction du centre théologique de Hilla. D’autres érudits tels qu’Ibn Abi Al-Fawares, Ibn Tawoos, Ibn Varram et Al-Chahid Al-Awal étaient actifs au sein du centre de Hilla. C’est à cette époque qu’on retrouve des ouvrages ressemblant à des encyclopédies de la théologie chiite, rédigés par Allameh Hali.

 

Le Centre théologique de Djabal Amel

Djabal Amel englobe une vaste région au Liban. La conversion au chiisme des habitants de cette région a commencé à partir de l’envoi en exil d’Abouzar Ghaffari (31 A.H./651) compagnon connu du Prophète52 sur ordre d’Othman et par Moawia au Cham à Djabal Amel. Une mosquée située dans cette région et qui existe encore de nos jours est attribuée à Abouzar Ghaffari.

A Djabal Amel, Abouzar Ghaffari décrivait les vertus de la famille du Prophète et récitait des hadiths. Des témoignages historiques font état des relations entretenues par le centre de Djabal Amel avec d’autres centres chiites tel que Bagdad, Karbala et Hilla, car les savants chiites de Tripoli et de Saïda interrogeaient souvent Seyeyd Mortéza (433 A.H./1041) et re­cevaient ses réponses et les Jawabat Al-Massael Al-Seydawia et Jawabat Al-MassaelAl-Trabelssia Ela Wali Léghayat Al-Rabeat ont été cités dans Fahares, le second comportant 23 problèmes53.

Parmi les grands savants du centre de Djabal Amel au cinquième siècle après l’hégire, Cheikh Abu Abdullah Mohammad Ibn Hobbatollah Trablossi, élève de Cheikh Tussi, a été l’auteur d’Al-Zohrat fi Ahkam Al-Hadj, Al-Omra, Al-Wassat beyn Nafy wa Al-Esbat, ainsi que d’autres écrits. Parmi d’autres savants de ce centre, citons Cheikh Abolghassem Saâd Eddine (481 A.H./1088) connu sous le nom d’Ibn Barradj, détenteur de fatwa et le président des juges de Tripoli qui a formé de nombreux élèves54. Après la mort d’Ibn Barradj, le centre chiite fut dirigé par Cheikh Abulfazl Asaâd (520 A.H./1125) fils d’Ahamad Ibn Abi Rouh Trablossi, éminent théolo­gien. Cheikh Najmeddine Tomane (environ 728 A.H./1327) fils d’Ahmad Améli était un dignitaire en matière de théologie imamite qui dirigeait et en­seignait pendant des années au sein du centre théologique de Djabal Amel.

Les œuvres de l’école Djabal Amel

Le centre Djamal Amel a joué un rôle déterminant dans la renaissance intellectuelle du chiisme laissant un important héritage culturel en matière de théologie et dans d’autres domaines. Parmi les œuvres les plus connues on peut citer : Al-Lamâa Al-Dameshqia, un manuel d’enseignement des centres chiites ; Ghavaed al-Favaed ; Ghayat Al-Morad ; Zikr Al-Shiaâ ; Al-Fiqh ; Naflieh ; Al-Dorous Al-Chariâ ; Al-Bayane. Ces œuvres et d’autres encore ont été toutes rédigées par Chahid Al-Awal et constituent des sources importantes et précieuses de la théologie chiite. Une autre œuvre de l’école de Djabal Amel est l’ouvrage intitulé Mashhour Al-Rozat Al-Bahiatfi Charh Al-Lamâa Al-Dameshqia, un large commentaire de l’ouvrage Al-Lamâa de Chahid Al-Thani, manuel d’enseignement de premier ordre du chiisme jusqu’à nos jours.

Parmi d’autres ouvrages de Chahid Al-Thani citons Rawd Al-Djenane ; Maskane Al-Fouad ; Al-Massalek ; Mouniat Al-Marid ; une autre œuvre importante est l’ouvrage intitulé Maâlime Al-Dine wa Maladh Al-Mojtahédine connu sous le nom de Al-Maâlime de Cheikh Hassan fils de Chahid Al-Thani, un livre important, portant sur les principes de la théolo­gie chiite et les points obscurs de l’école Ossouli jamais traités auparavant. Montaqi Al-Djamal fi Al-Ahadith Al-Saheh va Al-Ehsan, un autre ouvrage de Chahid Al-Thani porte sur les hadiths certains et ceux dont l’exactitude n’est pas sûre et qui constituent un ouvrage rare dans ce domaine. Il convient de citer également Manassek Al-Hadj, Al-Ressal Al-Asna Achariâ, etc. Madarek Al-Ahkam œuvre de Seyyed Mohammad Améli Djoubeï (1009 A.H./1600), le petit-fils de Chadid Al-Thani issu de sa fille, elle a été imprimée à plusieurs reprises. L’illustre ouvrage Aâyan Al-chiâ, rédigé par Seyyed Mohsen Amin, fils de Seyyed Abd Al-Karim Amili, mojtahed et autorité du chiisme ima-mite au Cham a également été imprimé à de multiples reprises en Iran et à Beyrouth55, un autre volume intitulé Mostadrakat Aâyan Al-Chiâ de Seyyed Hassan fils de Seyyed Mohsen Amin Amili est à mentionner.

Vers la fin du dixième siècle de l’hégire et après le martyr de Chahid Al-Awal et de Chahid Al-Thani et la défaite sanglante de Chah Ismaïl à Tchaldoran face au Sultan Selim l’Ottoman (920 A.H./1514) et le massacre des chiites sur le territoire ottoman, certains dignitaires du centre de Djabal Amel ont immigré vers l’Iran et se sont installés à Qazvin, Rey et Qom.

 

Le centre théologique de Djézayyen

Ce centre faisait partie des écoles de Djamal Amel, fondé et devenu pros­père au septième siècle de l’hégire par la famille de Chahid Al-Awal. Le premier savant de cette famille était Cheikh Tah (avant 690 A.H./1290), fils de Mohammad Ibn Fakhreddin, ancêtre de Chahid Al-Awal et, après sa mort, Cheikh Djamal Eddine Makki (environ 734 A.H./1333), fils de Mohammad Améli Djazini. Le village de Djézayyen, un des villages de Djabal Amel s’est transformé en un grand centre de théologie chiite sous la direction de Cheikh Djamal Eddine Makki Améli. Au début de la seconde moitié du huitième siècle après l’hégire, le centre de Djézayyen était dirigé par Cheikh Chams Al-dine Abou Abdullah Mohammad (786 A.H./1384), fils de Makki Améli connu sous le nom de Chahid Awal qui a formé de nombreux élèves.

Chahid Awal a été à l’origine d’une considérable renaissance scienti­fique à Djézayyen. Il avait instauré un nouveau système de gestion de son centre, nommant des représentants dans la plupart des centres chiites dont le rôle consistait à réunir des donations religieuses distribuées par la suite aux déshérités. Son influence s’étendait jusqu’au Khorassan. Emir Ali Ibn Moayyed, le gouverneur Sarbedar de Khorassan, lui envoya son ministre, Cheikh Mohammad Avi lui demandant de guider les chiites et accepter l’au­torité religieuse. Il refusa l’offre, rédigea l’ouvrage Lam’é en une semaine et l’adressa à l’émir. Cheikh Horr Améli, Seyyed Hassan Sadr, Cheikh Agha Bozorg Téhérani et Seyyed Mohsein Al-Amine ont largement contribué à l’ouvrage Aâyanes Al-Chia.

 

Centre d’Andalousie

A la suite de la conquête d’Andalousie par les musulmans, les chiites s’y sont également installés. Or, le centre chiite d’Andalousie n’a vu le jour que lorsque les chiites fatimides ont pris le pouvoir en Égypte et les théologiens chiites ont fréquenté l’Andalousie pour y propager l’école de la famille du Prophète. Parmi les savants brillants de l’école d’Andalousie, il convient de citer Cheikh Abu Al-Abbas Ahmad (440 A.H./1048) fils d’Emad Mahdavi Tamimi, spécialiste en commentaire, syntaxe et lecture du Coran dans toute l’Andalousie, originaire de la ville Mahdieh Ghirvan (aujourd’hui

 

en Tunisie), centre des ismaélites. Il fait partie des savants chiites exilés en Andalousie où il propagea l’école de la famille du Prophète. Le contenu modernisé de ses cours, ses méthodes d’enseignement, sa capacité à s’expri­mer et ses explications en matière de Kalam et de commentaires du Coran avaient fait que de nombreux élèves l’entourèrent. Ses opposants, en raison de son appartenance chiite, l’ont calomnié auprès du gouverneur d’Anda­lousie, l’accusant de plagiat dans le commentaire à partir duquel il ensei­gnait. Le gouverneur d’Andalousie réclama son commentaire, en lui deman­dant d’en rédiger un autre. Il a ainsi rédigé le traité Al-Tahsilfi Mokhtassar Al-Tafsil, objet de louange par la plupart des historiens.

Parmi d’autres éminents savants de ce centre, signalons Cheikh Abu Abdullah Mohammad, connu sous le nom d’Ibn Ebar Belnessi Andaloussi. Il était né à Valence, une des villes d’Andalousie où il avait effectué ses études et avait atteint le degré d’ijtihad, devenant enseignant à son tour56. Les ou­vrages d’Ibn Ebar ont été cités dans l’Encyclopédie du chiisme57. Cheikh Abu Al-Khatab Omar (633 A.H./1235) fils de Mohammad, connu sous le nom d’Ibn Hadieh, était également un illustre enseignant du Centre théologique d’Andalousie. Il était fils de Califat Ibn Farvé Kalabi un disciple du Prophète et sa mère descendait de Jafar Kazab, c’est pourquoi, dans ses ouvrages, il se dit d’ascendance double. Il avait voyagé jusqu’à Khorassan pour écouter des hadiths et était, durant des années, Cheikh des hadiths à l’école des hadiths Al-Kalamieh du Caire. Il mettait en doute les savants sunnites (Ibn Emad Hanbali58, ses ouvrages et sa biographie dans l’Encyclopédie du chiisme59, Cheikh Abdullah (619 A.H./1222) fils d’Abu Bakr Belnessi Andaloussi, fils d’Ibn Al-Ebar était également un illustre savant chiite et un maître brillant à Valencia d’Andalousie qui remplaçait Ghazi Abulhassan pendant les prières collectives dans la mosquée Alsayyida de Valence où il occupait la chaire d’enseignement et de Fatwa. Les chiites d’Andalousie ont joué un rôle im­portant et historique dans les Croisades. Leurs luttes ont été enregistrées dans les ouvrages des musulmans et des chrétiens.

 

L’École de Djouba, centre de Djouba

Cette école est considérée comme un centre important de formation des mojtaheds et des savants chiites. D’illustres savants chiites sont issus de cette école et ont tenu allumé le flambeau de l’école de la famille du Prophète.

 

Seyyed Mohsen Amine a cité les noms de 31 maîtres et savants de ce centre chiite60.

Le centre de Djouba fut fondé autour de 726 A.H./1325 par Cheikh Saleh Ibn Mocharraf Alémi Djoubaeï, quatrième ou troisième ancêtre du Chahid Al-Thani. Cheikh Noureddine (925 A.H./1518) fils d’Ahmad Djoubaeï connu sous le nom d’Ibn Hadjet est un illustre représentant du centre de Djouba. Il est le père et le maître de Chahid Al-Thani. Cheikh Zinedine (966 A.H./1558), fils de Cheikh Noureddine Ali Améli, connu sous le nom de Cheikh Al-Thani a voyagé, après la mort de son père, à Damas, en Égypte, au Hedjaz et en Irak pour étudier. A son retour à Djouba il a formé de nombreux théologiens à l’école de Djouba et a été un des princi­paux dirigeants de ce centre religieux. Après son assassinat à Constantinople (966 A.H./1558), ses fils, ses petits-fils et ses élèves ont poursuivi la direc­tion du centre de Djouba. Parmi les mojtaheds et les éminents savants de ce centre, il convient de citer Cheikh Chams Eddine Mohammad, illustre maître du centre avant Chahid Tani ; Cheikh Hassan fils de Mehrine Améli Djoubaeï, contemporain de Chahid Sani ; Cheikh Djamal Eddine Abu Mansour Hassan (1011 A.H./1602) fils de Chadid Thani, connu sous le nom de Maâlem ; Seyyed Mohammad Ibn Ali Moussavi Djobaeï, petit-fils de Chahid Al-Thani par sa fille, connu sous le nom de Saheb Madarek ; Cheikh Fakhr Eddine Mohammad, petit-fils de Chahid Thani, auteur de Rozat Al-Khawater ; Cheikh Bahaâ Eddine Mohammad Ibn Ali Dhazayni, proche élève de Chahid Al-Thani ; Cheikh Hossein fils d’Abd Al-Samad Djoubaeï père de Cheikh Bahaï ; Cheikh Ali fils de Zohrat ; Cheikh Mohiédine Ahmad Ibn Taj Eddine Meybassi Améli ; Cheikh Ibrahim Al-Kafaâmi un des éminents savants chiites (905 A.H./1499) fils de Ali Djobaeï auteur d’Al-Mesbah et Al-Balad Al-Amin en matière de prières, tous étaient des élèves de Chahid Al-Thani.

Parmi les œuvres de Chahid Thani à Djouba, figure la mosquée qui sub­siste encore et porte son nom. Cette mosquée était le lieu où se tenaient ses cours et d’où il dirigeait le centre.

 

L’École Karak Nouh

Karak Nouh est situé à l’extrémité des montagnes du Liban et attribué à Noé. Dès le neuvième siècle de l’hégire, ce centre théologique fut prépondé­rant et son épanouissement date du dixième siècle. Ce centre a formé de nom­breux savants. La plupart des savants immigrés en Iran à l’époque séfévide, provenant de Djabal Amel, ont été des mojtaheds de Karak Nouh. Parmi les plus connus on peut citer Cheikh Noureddine Ali (940 A.H./1533), fils de Hossein Abd Al-Karali, connu sous le nom de Mohaqeq Thani. Il a immi­gré vers l’Iran où il a élu domicile à Qazvin. Chah Tahmasb lui a octroyé le titre de Cheikh Al-Islam. La famille Cheikh al-Islam à Qazvin, Qom et Rey est issue des descendants de sa fille. Au début du dixième siècle de l’hégire, l’école de Karak attirait les élèves des Sciences théologiques. Même Chahid Al-Thani s’était allié à ce centre61.

 

Le centre théologique de Qom

Ce centre constitue une des plus anciennes écoles chiites. Sa fondation remonte à l’époque des imams immaculés. Il a été le refuge des mujtahid et des théologiens jaâfaris. Car lorsque les hanbalites de Bagdad entamèrent la persécution des chiites et combattaient les dirigeants imamites, beaucoup d’entre eux choisirent la ville de Qom comme un lieu de refuge loin de la capitale des Abbassides et y furent favorablement accueillis. Parmi les per­sonnalités brillantes du centre de Qom à l’époque des imams, on peut citer les membres de la famille Barghi Qomi qui occupaient les postes d’enseigne­ment et de direction au centre théologique de Qom et sont cités dans diffé­rents documents. Cheikh Abou Abdullah Mohammad Barghi un éminent spécialiste des hadiths chiites et disciple de l’imam Moussa Kazem, d’imam Réza et de l’imam Mohammad Djawad faisait partie de cette famille. Son fils, Cheikh Abu Jaâfar Ahmad (274 A.H./877) auteur d’Al-Mahassen et son frère Abu Jaâfar Cheikh Abu Taher étaient des disciples de l’imam Hadi, Ahmad Ibn Mohammad (300 A.H./912) Achaâri Qomi était disciple de Réza, de l’imam Jawad et de l’imam Hadi62 dont les documents comportent plus de 2290 citations de lui, il a été l’auteur de nombreux ouvrages.

A l’époque des imams, en particulier pendant la Petite Occultation (260­329 A.H./873-940), le centre théologique de Qom comme d’autres centres

 

chiites était le lieu de la propagation de l’école des partisans du hadith, les akhbaris. Les théologiens de ce centre s’opposaient à l’exagération concer­nant les imams immaculés et la considéraient comme une déviation reli­gieuse. Certains comme Cheikh Sadouq affirmaient que celui qui croit le Prophète à l’abri de l’oubli est un exagérateur.

Les ouvrages Rijal et de hadîth rapportent l’histoire tumultueuse du centre de Qom et les conflits d’opinions de deux groupes des mujtahed partisans du hadith et ceux, adeptes de la rationalité et cela jusqu’à la dé­cadence du grand centre chiite d’Ispahan. Ces ouvrages indiquent qu’un grand nombre de dignitaires imamites d’Ispahan se sont exilés à Qom. A cette époque, le centre de Qom connaissait un essor considérable grâce à Abulghassem Qomi (1231 A.H./1815), auteur de Qawanine et élève de Wahid Behbahani. Une succursale de l’école de Karbala fut fondée à Qom. Après Mirza Al-Qomi, Cheikh Abdulkarim Haéri (355 A.H./965) élit do­micile à Qom et entama son mouvement intellectuel attirant les élèves pro­venant de divers endroits. A son époque, l’école Qom connut une impor­tante renommée. La direction du monde chiite revint, en fin de compte, à l’ayatollah Seyyed Hossein Tabatabaï Boroudjerdi qui prit la direction des chiites. Cependant, d’autres éminents savants comme les ayatollahs Seyyed Mohammad Hossein Tatabaï, auteur d’Al-Mizan, Kouhkamari et Hodjatt continuaient à enseigner. Après le décès de l’ayatollah Tabatabaï, les élèves en théologie se réunirent autour d’autres éminentes personnalités telles que l’imam Khomeiny, Golpayégani, Maraâchi Nadjafi et Seyyed Mohammad Rohani. Aujourd’hui, le centre théologique de Qom est le plus grand centre chiite du monde.

 

Le centre théologique de Machhad

Une des écoles chiites ayant joué un rôle considérable dans le mouve­ment scientifique imamite, a été le centre théologique de Khorassan. Ce centre fut fondé vers le milieu du deuxième siècle de l’hégire par l’imam Ali Ibn Moussa Al-Réza (148-206 A.H./765-821). Un certain nombre de disciples, de citeurs de hadiths et de théologiens ont profité de son enseigne­ment. Cheikh Tussi a avancé le chiffre de 317 pour désigner le nombre des disciples de l’imam Réza. Après le décès de l’imam, ce centre poursuivit son

 

activité. Cheikh Tussi (260 A.H./873) a été formé dans ce centre avant de s’exiler à Bagdad en 408 A.H./1017.

Au cours des cinquième et sixième siècles de l’hégire de nombreuses confrontations intellectuelles et d’opinions sont apparues dans le centre théologique de Khorassan, témoins de l’étendue de cet ancien centre. Hadjviri écrit : « Et j’ai vu trois cent personnes à Khorassan d’opinions différentes dont une seule suffisait pour le monde entier »63. Le centre de Khorassan était mis sous la direction intelligente de Taj Eddine Abu Al-Fath Mohammad Chahrestani (-548 ap. l’hégire). A son époque, les partisans de la tradition et de l’Ijmaâ tenaient le pouvoir à Khorassan et à Bagdad et il a réussi à se montrer Ashâri et chaféite. Zahabi indique son appartenance à Batiniya64. L’école de Khorassan prit de l’essor à l’époque de Chahrestani. Son ouvrage de commentaire Mafatih Al-Asrar va Masabih Al-Abrar a attiré l’intérêt des théologiens.

Lorsque le centre théologique de Machhad était aux prises avec des confrontations intellectuelles, Cheikh Abu Ali (Sabzévar 548 A.H./1153) fils de Hassan Tussi connu sous le nom de Cheikh Tussi, un des célèbres théologiens imamites, apparut sur la scène de l’université chiite et y occupa la chaire de l’enseignement. L’un de ses meilleurs ouvrages est Majmâ Al-Bayan. Son fils, Cheikh Razi Eddine Abu Nasr Hassan Hedayat lui succéda à la tête du centre théologique de Khorassan. Il est l’auteur de Makarem Al-Akhlaq. Son fils Cheikh Abu Al-Fazl Ali Tabressi, l’auteur de MeshkatAl-Anvar, a été un éminent théologien de Khorassan. Abd Al-Jalil Ghazvine65, citant les écoles chiites de Khorassan démontre que de nombreuses écoles chiites existaient à l’époque et qui formaient des élèves. Khajeh Nassir Eddine Abu Jaâfar Mohammad Tussi (672 A.H./1273) était un des érudits de ce centre dont les œuvres scientifiques et culturelles attiraient l’intérêt des savants.

L’invasion de l’Iran par le Mongol Houlagou a provoqué des destruc­tions dont la désintégration de tous centres théologiques chiites dans la plupart des villes iraniennes. Or, avec l’apparition de la famille Djoveyni66 elle-même originaire de Khorassan, le centre théologique de Khorassan ainsi que les autres centres chiites furent reconstruits grâce à l’énorme pouvoir de Khadjeh Chams Eddine Mohammad Djoveyni (tué en 683 A.H./1284), un puissant vizir et commandant chiite des Mongols depuis l’époque de Houlagou jusqu’à Abagha Khan et jusqu’à son assassinat. Les destructions de l’époque de Houlagou furent plus ou moins reconstruites et les centres chiites recommencèrent leurs activités grâce à des dépenses importantes. De nombreux savants ont écrit leurs ouvrages au nom de Djoveyni et les lui ont dédiés. Il en fut de même de Khadjeh Nassir Eddine Tussi qui rédigea son ouvrage Ossaf Al-Ashraf dans la contemplation et le comportement, en langue persane, commandé par Djoveyni.

Au huitième siècle de l’hégire, le mouvement des Sarbedaran, disciple de Cheikh Khalifa (736 A.H./1335) apparut au Khorassan. La plupart des centres chiites suivaient leurs opinions. Comme il a été dit, le gouverneur de Khorassan, Ali Ibn Mohammad, envoya son représentant et vizir, Cheikh Mohammad Avi, au centre chiite de Djabal Amel et invita Chahid Al-Awal à venir enseigner à Khorassan, mais celui-ci refusa et, en échange, rédigea l’ouvrage Al-Lamât Al-Dimashqia en une semaine et le lui envoya afin que cet ouvrage serve de loi et de guide pour le gouvernement des Sarbedarans.

La fondation de la dynastie des Safavides (907 A.H./1501) avait pour corollaire la reprise des activités des centres chiites dont celui de Khorassan. Pendant les premières années de prise de pouvoir des Safavides, Khorassan était le champ d’incursion des Ouzbeks. Leur attaque la plus sanglante abou­tit à la mort du Cheikh Fadlallah Khorassani, connu sous le nom de Emad Eddine Tussi, un grand savant du centre théologique de Khorassan ainsi qu’un groupe d’éminentes personnalités vertueuses. Plus tard, Cheikh Hurr Amili (1104 A.H./1692) un éminent spécialiste de hadith choisit Machhad pour domicile et enseigna dans le centre théologique de cette ville durant la fin de sa vie. Le merveilleux ouvrage Wassael Al-Chia fait partie de ses œuvres. Après les Safavides et l’installation de Wahid Behbahani à Karbala (1205 A.H./1790), ce dernier envoya son élève Seyyed Mohammad Mehdi Esfahani Khorassani à Machhad où il y fonda l’école de son maître Wahid Behbahani. Il fut tué à Khorassan (1217 A.H./1802). Son fils, Seyyed Mirza Dawood (1240 A.H./1824), un des dignitaires du centre, remplaça la chaire d’enseignement de son père.

Jusqu’à la seconde moitié du quatorzième siècle de l’hégire, la direction et l’enseignement du centre de Machhad étaient assurés par la dynastie Âl Chahidi. Durant la seconde moitié du quatorzième siècle, Seyyed Mohammad Hadi Milani (1395 A.H./1974), un des dirigeants chiites de Karbala s’installa à Machhad prenant en main la direction du centre théologique de Khorassan. Ce centre théologique chiite fut ainsi ressuscité et renouvelé. Les fondateurs de cette renaissance intellectuelle étaient Mirza Hadi Esfahani (1365 A.H./1945) et Cheikh Mojtaba Qazvini (1386 A.H./1966). Aujourd’hui, le centre théologique de Machhad, après celui de Qom, est un des plus grands centres du monde chiite et forme de nombreux élèves. Les phases élémentaires, littéraires et les différentes échelles d’enseignement de ce centre culturel sont largement connues.

 

Le centre théologique d’Ispahan

L’histoire du centre théologique chiite d’Ispahan remonte à l’époque sa-favide lorsque Chah Abbas premier (1038 A.H./1628) ordonna le transfert de la capitale de Qazvin à Ispahan (1015 A.H./1606). Auparavant, les habi­tants d’Ispahan étaient d’obédience sunnite. Concernant ce centre, Seyyed Hojjat Abtahi écrit67: « Depuis la conquête d’Ispahan par les musulmans et jusqu’à la dynastie des rois safavides, la population d’Ispahan était sunnite et le courant de pensée dominant était dans le sens des opinions des partisans de la tradition ; cependant, après l’avènement des safavides et la liberté d’action des oulémas chiites pour propager le chiisme, la pensée et la foi de la population se transformèrent ; non seulement, dès lors, la population d’Ispahan devint chiite mais également cette ville se transforma en une des plus importantes bases de foi et d’adhésion à l’école de la famille du Prophète ».

Le centre d’Ispahan était le fruit de l’école d’Ispahan. A la demande de Chah Abbas des groupes de théologiens quittaient Qazvin et s’installaient à Ispahan. Le centre théologique d’Ispahan fut créé par les grands théologiens de Qazvin à l’instar de Cheikh Bahaï, Mirdamad, Mirfendereski et Cheikh Lotfollah. La construction de la mosquée qui porte son nom fut terminée en 1028 A.H./1618. Il fut le dernier des savants à avoir quitté Qazvin à destination d’Ispahan. Dans le centre théologique d’Ispahan qui était la prolongation de celui de Qazvin, toutes les matières islamiques, ainsi que les sciences naturelles, les mathématiques et les merveilles de l’architecture étaient enseignées. En outre, des bâtiments qui constituent chacun un chef d’œuvre scientifique, tel que la mosquée Chah d’Ispahan, le bain connu

 

de cette ville, le minaret mouvant et de nombreuses mosquées et lieux de théâtre religieux furent bâtis par les théologiens ci-dessus cités, et qui, même de nos jours, émerveillent les visiteurs. Toutes ces œuvres ont été le fruit des études de savants qui, quittant Qazvin, s’étaient installés à Ispahan.

Parmi les figures scientifiques qui ont provoqué l’épanouissement du centre théologique d’Ispahan, on peut citer Cheikh Mohammad Taghi Majlessi (1070 A.H./1659) connu sous le nom de Majlessi Premier et son fils Cheikh Mohammad Bagher (1111 A.H./1699), Deuxième Majlessi, au­teur de Bahar Al-Anvar. Cette famille dirigeait longtemps le mouvement scientifique au centre d’Ispahan68; Sadr Al-Motéaléhine Chirazi qui a dirigé pendant un temps l’école philosophique d’Ispahan ; Mollah Rafiâ Naïni et Mollah Mohammad Saleh Mazandarani auteur de Charh Oussoul Kafi, ainsi que Mollah Mohammad Begher Sabzewari, Mohaqeq Chirvani, Fazel Hendi, Mir Mohammad Saleh Khatounabadi et sa famille.

Le centre théologique d’Ispahan fut détruit à la suite de l’invasion des Afghans. Des années plus tard, Wahid Bahbahani le ressuscita. Wahid Behbahani envoya certains de ses élèves à Ispahan pour y fonder l’école os-souli. On y trouve donc certains de ses élèves comme Hodjat Al-Islam Seyyed Mohammad Baqer Chafti (1260 A.H./1843) auteur de Matlâ Al-Anvar et Cheikh Ibrahim Karbassi (1262 A.H./1845) auteur d’Al-Esharat. De même, quelques centres furent activés à Ispahan ; entre autres, le centre d’ensei­gnement d’Akhoun Mollah Ismaïl Khadjouï (1173 A.H./1759), Akhound Mollah Mohammad Bidabadi 1198 A.H./1783 et Akhound Mollah Ali Nouri (1246 A.H./1830) qui s’était principalement formé en matière de sciences rationnelles auprès de Mir Hassana Qazvini au centre théologique de Qazvin. Dès lors, le centre d’Ispahan devint un des hauts sommets des écoles rationnelles du chiisme. Parmi les grandes figures du centre d’Ispahan, on peut citer : Akhound Mollah Ali Akbar Egéï (1232 A.H./1816), Seyyed Mohammad Mojtahed Esfahani (1263 A.H./1846), Seyyed Hassan Modares (1273 A.H./1856), Seyyed Mohammad Shahshahani (1287 A.H./1870), Mirza Mohammad Hashem Tchaharsoughi (1318 A.H./1900), Jahangir Khan Ghashghaï (1328 A.H./1909), Akhound mollah Mohammad Kashi (1333 A.H./1914), Seyyed Mohammad Bagher Dortchéï (1342 A.H./1923), Mir Mohammad Sadegh Khatounabadi (1348 A.H./1929), Akhound Molla Hossein Fesharaki (1353 A.H./1934) et d’autres encore. Aujourd’hui, grâce à des dizaines d’écoles théologiques, Ispahan dispose d’un centre très actif.

 

Le centre théologique de Rey

D’avis général, le début du centre théologique de Rey se situe en l’an 275 A.H./888, date à laquelle Ahmad Ibn Al-Hassan a conquis cette ville69. Rey et ses alentours attiraient, depuis le premier siècle de l’hégire, l’attention du califat des Omeyyades et Omar Ibn Saâd, en promettant le gouvernorat de Rey, provoqua la tragédie de Karbala. En raison de son éloignement de Bagdad, la capitale des Abbassides, le centre de Rey devint progressivement une des importantes bases du mouvement intellectuel et religieux du chiisme en Iran. Malgré toutes les difficultés, la clairvoyance des dignitaires imamites permettait le développement de la pensée des proches du Prophète. Parmi les maîtres du centre de Rey, il convient de citer Cheikh Abu Al-Hassan Abd Al-Jabbar (environ 415 A.H./1024) fils d’Ahmad Astarabadi Razi une des personnalités illustres imamites ; Cheikh Abu Bakr Ahmad (environ 480 A.H./1087) fils de Hossein Khazaï un éminent dignitaire chiite auteur de nombreux ouvrages et son fils Cheikh Abu Mohammad Mofil Abd Al-Rahman (510 A.H./1116). Sa classe d’enseignement comptait plus de trois mille plumiers avec lesquels écrivaient les élèves, cela montre l’étendue de son enseignement70.

Parmi d’autres enseignements du centre de Rey, il convient de citer Cheikh Al-Moufid Abu Al-Wafa Abd Al-Djabar (vivant en 506 A.H./1112), fils d’Abdullah, élève de Cheikh Tussi et de Sallar. Dans Aâlam Al-Chiâ, Cheikh Agha Bozorg Téhérani écrit : « Beaucoup d’érudits et de savants l’ont étudié….et il a de nombreuses études en arabe et en persan »71.

Avant de citer un nombre impressionnant de dignitaires chiites qui le ci­tent et l’imitent. Un autre maître éminent du centre de Rey était Cheikh Abu Al-Fotouh Razi (470-554 A.H./1077-1158), dignitaire et commentateur du chiisme, ayant dirigé le centre pendant plusieurs siècles, formant de nom­breux élèves. Cheikh Abd Al-Jalil Qazvini Razi, lui-même élève du centre de Rey, a décrit dans son ouvrage Al-Naghz (rédigé en 560 A.H./1164) un certain nombre d’écoles théologiques actives à Rey à son époque. Cheikh Montakhab Eddine Razi a cité les noms d’un certain nombre de spécialistes en kalam, des enseignants et des érudits en hadiths chiites du centre de Rey.

Centre théologique de Qazvin

Ce centre a un passé historique et a été depuis longtemps un berceau de formation des savants, des mojtaheds et des spécialistes de hadiths. Parmi les disciples des imams immaculés on peut citer Aslam Deylami Qazvini, dont le père avait immigré à Kufa, se ralliant à la famille d’Amir Al-Mouminines Ali Ibn Abi Taleb et son fils Aslam, chanteur du Coran, tombé en martyr en l’an 61 de l’hégire aux côtés de Seyyed Al-Shouhada72. De nombreux disciples des imams ont enseigné dans le centre de Qazvin en y professant des hadiths à l’instar de Taher Hatam Qazvini, disciple de Réza et Cheikh Abu Al-Farah Mozaffar (environ 408 A.H./1017), fils de Ali Hamdan Qazvini, ambassadeur de Hojat Ibn Hassan. De nombreuses familles an­ciennes connues dans le domaine des sciences et de la théologie ont enseigné à Qazvin, durant plusieurs siècles parmi lesquelles : 1) la famille Djaâfari ; 2) la famille Hatam Qazvini ; 3) la famille Zeynabi descendant d’Abdullah Ibn Jaâfar Tayyar ; 4) la famille Saheb Al-Naghz, Abd Al-Jalil Qazvini, etc73.

Dans l’ouvrage Al-Naghz, Abd Al-Jalil Qazvini signale les écoles chiites de cette ville et décrit la prépondérance et l’épanouissement de l’enseignement et de l’étude des sciences chiites dans ce centre, indiquant qu’avant qu’il prenne en charge l’écriture d’un ouvrage réfutant Baâd Fazaeh Al-Rawafez, certains savants de Qazvin s’en étaient acquittés.

La fondation du pouvoir safavide a été à l’origine d’une profonde évolu­tion dans les centres théologiques du chiisme. Le chiisme fut déclaré religion officielle du pays peu de temps après que le Chah Tahmasb ait choisi Qazvin comme sa capitale. Outre le siège politique et militaire, Qazvin devint pro­gressivement un des plus importants centres scientifiques et culturels du chiisme. Les théologiens et les citeurs de hadiths y convergeaient de tous les coins du pays. Les partisans de deux écoles importantes et rivales en matière de philosophie (Davani et Dashtaki) transformèrent cette ville en lieu de propagation de leurs idées. Ainsi fut créée l’école théologique de Qazvin dont les caractéristiques consistaient à la définition des limites du pouvoir du faqih, la question de la prière du vendredi, le tribut, le partage de la récolte et les méthodes du gouvernement islamique. Cette école ainsi que l’école philosophique de Qazvin, à l’époque de Chah Abbas, furent transfé­rées à Ispahan où elles se développèrent.

Un des précurseurs de la fondation d’école théologique à Qazvin à cette époque, était Mohaqeq Sani Cheikh Nour Eddine Ali Karakî (875­940 A.H./1470-1533) qui se rendit en Iran au début de la fondation du pouvoir safavide et fut formé dans le centre de Qazvin à qui Chah Tahmasb décerna le titre de Cheikh Al-Islam. Sous l’influence de l’école philosophie de Qazvin, il renforça les discussions rationnelles et méthodiques dans la théologie chiite, reflétées clairement dans son ouvrage intitulé Djamê Al-Maqassed, une description argumentaire du livre Qawaêd d’Allama Hilli (726 A.H./1325). Son fils, Cheikh Taj Eddine Abd Al-Âli Ali Karakî (926­993 A.H./1519-1584) a pris le flambeau de l’enseignement à l’école théolo­gique de Qazvin après la disparition de son père, rédigeant un exposé argu­mentaire du livre Ershad Al-Adhane écrit par Allama Hilli. Un autre éminent enseignant de l’école de Qazvin a été Cheikh Bahaï (953-1030 A.H./1546-1620) qui avait fait ses études à Qazvin et qui, contrairement à son père, un dignitaire akhbari, était partisan de l’école rationnelle et méthodolo­gique « ossouli ». Plus tard, en 1015 A.H./1606, Cheikh Bahaï se rendit à Ispahan et enseigna à l’école théologique de cette ville.

Nous nous contenterons de citer les noms de quelques grands dignitaires chiites ayant enseigné au centre de Qazvin : Seyyed Hossein Qazvini Cheikh Al-Islam (1001A.H./1592) ; Mir Sharaf Jahan (962 A.H./1554) ; Ghazi Ahmad Qazvini (920-975 A.H./1514-1567) ; Seyyed Mir Mohammed Mâssoum Qazvini (1091A.H./1680) et Mollah Khalil Qazvini (1001­1089 A.H./1592-1678) propriétaire de l’école Akhound.

A l’époque safavide, la capitale fut transférée à Ispahan et face à la pros­périté du centre théologique de cette ville, l’importance de celui de Qazvin diminua bien qu’il ait gardé plus ou moins sa richesse scientifique. Après la chute de la dynastie safavide en 1135 A.H./1722 et le départ des dignitaires religieux à la suite de l’invasion afghane, Qazvin devint l’un de leur refuge jusqu’au troisième siècle de l’hégire, où les centres théologiques y furent de nouveau épanouis. Les élèves de Wahid Behbahani ont renforcé la théolo­gie de l’ijtihâd à Qazvin. De même que l’école philosophique de Qazvin retrouva son ancien élan grâce aux efforts de savant théologien comme le Mollah Agha Qazvini (1184-1285 A.H./1770-1868).

Certains enseignants du centre théologique de Qazvine étaient les sui­vants : 1) Cheikh Mohammad Malaêka (1200 A.H./1785) fils de Cheikh Mohammad Taghi Baraghani Qazvini auteur de Fiqh Malaêka ; Mir Hosseina Qazvini (1028 A.H./1618), auteur de Maârej Al-Ahkam fi CharhêMassalek Al-Afham ; 3) Cheikh Mohammad Taghi Baraghani (1263 A.H./1846) connu sous le nom de Chahid Sales, fils de Malaéka dont l’école théolo­gique de Qazvin porte son nom ; 4 et 5) Cheikh Mohammad Ali son frère (1269 A.H./1852) et Cheikh Mohammad Saleh (1271 A.H./1854) son autre frère dont l’école Salehêa de Qazvin porte son nom ; 6) Akhoun Safar Ali Lahidji Qazvini (1275 A.H./1858) auteur de Fiqh Al-Lahidji etc. Au quatorzième siècle de l’hégire, Seyyed Abu al-Hassan Rafiï Qazvini (1306­1396 A.H./1888-1975) a été un illustre théologien et un éminent profes­seur de philosophie de Sadra enseignait à l’école théologique de Qazvin.

 

Méthodes, Matières de l’Enseignement

Depuis toujours, les théologiens chiites, conscients de leur respon­sabilité, n’omettaient pas de connaître et d’évaluer les pensées nouvelles. Comme ils l’avaient appris de leurs maîtres immaculés, ils considéraient que l’ignorance des sciences telles que l’astrologie et l’anatomie était source d’in­suffisance à l’égard de Dieu, et n’accusaient pas les sciences expérimentales d’être contraires à la religion. En général, dans la philosophie des sciences, la méthodologie et le moral qui régnaient sur leurs centres théologiques, ces principes étaient respectés.

  1. La plupart des savants chiites, comme leurs guides immaculés, re­fusaient d’apprendre des sciences nuisibles ou futiles. En revanche, ils oc­troyaient un aspect religieux aux sciences utiles et les appelaient islamiques afin de les libérer des croyances mythologiques d’une part, et empêcher, d’autre part, l’influence des philosophiques non religieuses et les tendances matérialistes. La pénétration des concepts et des croyances matérialistes dans la pensée scientifique, constituait, de leur point de vue, une action contraire à l’islam.

 

  1. Dans la philosophie des sciences, telle qu’elle était conçue par les plus éminents penseurs chiites, les sciences naturelles sont en relation directe avec la Révélation et les sciences religieuses. Atteindre la vérité n’est possible qu’en traversant l’apparence pour arriver au cœur. Un mouvement qui pour­rait être appelé une « interprétation naturelle ». Selon cette interprétation, l’homme est capable, grâce à l’étude des phénomènes matériels, connaître leur fond. Par conséquent, les affaires uniquement extérieures et apparentes se transforment en un monde allégorique du fond et de l’occulte. Ainsi, non seulement la nature n’occulte pas l’au-delà, mais, au contraire, le reflète et toute chose est un signe de la métaphysique et son reflet.
  2. L’étude de la pensée des éminences chiites telles que Djaber Ibn Hayyan, l’élève connu de l’école d’imam Sadeq démontre parfaitement qu’ils ne considéraient pas l’étude de la nature comme un obstacle pour atteindre la vérité. Des expérimentalistes comme Djaber, confèrent aux ob­jets une valeur métaphorique. C’est pourquoi, dans la culture islamique, l’alchimie n’est pas simplement la chimie, mais une philosophie parfaite de la nature. En recherchant les secrets et les métaphores du monde des solides, l’alchimie permet de décrire le monde de l’âme et la relation entre la nature et le monde de l’esprit. La chimie, cependant, est le cadavre de l’alchimie dont l’âme l’a quitté.
  3. La classification de tous les êtres et une approche métaphorique de la nature environnante qui a une source coranique, aurait pu considérable­ment influencer la classification des sciences. Or, la pénétration de la phi­losophie laïque occidentale a empêché cette pensée. Nous sommes témoins des nombreux efforts pour classifier les sciences dans le cadre de la pensée islamique. La classification d’Al-Kindi (environ 257 A.H./870) fondée sur le modèle aristotélicien, n’a pas été retenue. Al-Fârâbî (339 A.H./950) a pré­senté une classification plus descriptive, à laquelle il a ajouté des disciplines islamiques. Selon lui, des buts devaient intervenir dans la hiérarchisation du savoir, octroyant la première place à la science divine et face aux enseigne­ments naturels il l’a surnommé la science métaphysique74. Or, cela n’était pas suffisant et on pouvait y déceler une séparation entre les divers compo­sants de l’existence, ce qui portait préjudice à l’unicité dominant les sciences à laquelle croyaient les savants musulmans. Dans Son traité Aqsam Al-Ûlum Al-Aqlieh, Avicenne (370-428 A.H./980-1036) a réussi à combler cette fai­

 

blesse. Il a considéré la sagesse, résultant de la théologie, comme le critère de la classification. Selon lui, les limites et la perfection de la sagesse sont déterminées par la théologie. Dans sa classification, les sciences religieuses bénéficient d’une place plus rationnelle et l’influence de la théologie sur tous les degrés du savoir, est parfaitement mise à jour. Cependant, on ne trouve pas dans sa pensée le lien secret qui lie les divers savoirs.

Khadjeh Nassir Eddine Tussi75 considère la science divine comme la plus suprême des sciences car il a pour objet l’ensemble des choses. L’argumentation avancée consistait à affirmer que l’objet d’aucune science n’est pas sa forme ni son essence. En arguant ainsi, bien qu’il ait pu faire admettre la supériorité de la science divine et l’état de sous-ensemble toutes les autres sciences par rapport à la première, mais la difficulté relative à la limitation du domaine des sciences divines restait insoluble.

Dans sa classification des sciences, Ibn Khaldoun (809 A.H./1406) a sui­vi le même chemin que ses prédécesseurs. Il partagea les sciences en philoso­phiques et rapportées. Les sciences rapportées sont celles qui proviennent du fondateur de la religion et dans lesquelles la raison n’a pas sa place. Dans la classification d’Ibn Khaldoun, les sciences rapportées, qu’il s’agisse de com­mentaire, du hadith, de Al-Rijal, de kalam, de théologie, de mysticisme et des principes théologiques sont issues du Coran. Selon lui, les sciences reli­gieuses dépassent le domaine de l’entendement et, dans sa classification, leur octroie une valeur particulière76.

  1. Dans le monde musulman, depuis l’époque d’Ibn Khaldoun, aucun pas n’a été franchi dans ce chemin. La philosophie de la science poursuivait son évolution chez les penseurs compte tenu du sécularisme dominant le monde occidental. L’influence de la philosophie occidentale dans la classi­fication des sciences, peut être clairement mise à jour dans les œuvres des penseurs islamiques et à travers l’examen des méthodes de classification des sciences dans l’histoire de la culture et de la civilisation islamique. Dès le début, l’effort était destiné à ne pas éloigner les sciences expérimentales des sciences religieuses et que chacune ne puisse progresser de manière unidi-mensionnelle. Aussi, bien que différentes dans leur objet et leur essence, il fallait faire de sorte que ces sciences ne soient pas étrangères les unes aux autres, du moins ni dans leur commencement ni dans leur aboutissement.

 

Un point de vue scientifique d’harmonisation des savoirs dominait cette pensée. A la suite de la décadence de la civilisation islamique, les sciences théologiques ont pris un sens particulier, la convergence des sciences laissant la place à leur conflit. Avec le temps, le devoir des centres théologiques s’est limité à des discussions et des opinions se limitant au cadre des sciences reli­gieuses dans leur sens strict. La théologie et les principes furent limités et les autres sciences occultées, rejetées ou abandonnées.

  1. Dès le début, les théologiens chiites, sous l’influence des enseigne­ments révolutionnaires de leurs dirigeants immaculés, ont choisi un chemin qui réduisait leur dépendance vis-à-vis des besoins matériels et leur incul­quait la volonté du mouvement, de la conscience et de la reconstruction. L’amour du savoir était enseigné à ceux qui recherchaient les sciences. Des dizaines d’œuvres ont été rédigées portant sur les méthodes d’apprendre ainsi que sur la morale scientifique auxquelles nous ferons référence plus tard. Ces enseignements permettaient à ceux qui étaient mus de la volonté de savoir, d’être préparés à prendre conscience de leur propre philosophie d’existence et de poursuivre leur chemin en ayant conscience de l’objectif qu’ils poursuivaient.

 

Les Manuels et les Matières

Conformément à la prescription coranique : « Et recherche à travers ce que Dieu t’a donné, la Demeure dernière. Et n ‘oublie pas ta part en cette vie »77, les éminents dignitaires chiites ont tenté dès le début d’agir en établissant une relation durable entre la vie dans ce monde et celle de l’au-delà. C’est avec ce critère qu’ils ont déclaré certaines sciences comme encouragées, d’autres déconseillées et enfin certaines interdites. Pour eux, les principales sources de connaissance sont le livre, les hadiths et les traditions des Immaculés. L’enseignement du Coran et de la tradition fut placé en tête de toutes les connaissances et l’école fut créée, pour la première fois, en vue d’enseigner le Coran. Le poème de Daâbal Ibn Ali Khozaï (249 A.H./863), éminent poète chiite, permet de déduire que le mot école était attribué, au début, à l’endroit où était enseigné le Coran : « Les maisons où était enseigné le Coran, restèrent muettes et les lieux de la Révélation furent détruits »78. Au début, il n’y avait ni livre ni plume. Des cercles d’enseignements se tenaient dans les mosquées où enseignaient les chanteurs du Coran, les commentateurs,

 

les citeurs de hadiths et les théologiens. A partir du quatrième siècle, les écoles firent leur apparition et les théologiens chiites furent les premiers à les créer. Les sciences se propagèrent progressivement et de nouvelles matières furent enseignées. La plupart des matières enseignées évoluaient selon les conditions climatiques, historiques, politiques et culturelles des sociétés et les besoins qui se faisaient sentir.

Jusqu’au deuxième siècle de l’hégire, les principales matières enseignées étaient la théologie, le hadith, le commentaire et les sciences littéraires. A partir de cette période, à la suite de la traduction des ouvrages scientifiques et philosophiques provenant de la Grèce, de la Perse et de la péninsule in­dienne, les pensées philosophiques, logiques, mystiques ainsi que le kalam, la médecine et les mathématiques devinrent prépondérants, tandis que les principes métaphysiques étaient critiqués par les matérialistes.

A partir du cinquième siècle de l’hégire, la pensée des Ashârites et l’ap­parition d’imam Mohammad Ghazali, éminent penseur chiite de la fin du cinquième siècle, les connaissances religieuses furent marquées de vénéra­tion et d’imitation.

A l’époque des Ilkhan mongoles, Khadjeh Nassir Eddine Tussi et Alama Hilli firent leur apparition dans le domaine culturel de la société. Pendant ce siècle, peu de personnalités ont atteint leur niveau d’érudition. A partir du septième jusqu’au dixième siècle, début de l’ère safavide, les sciences ex­périmentales furent abandonnées dans les centres théologiques. On ne parle de chimie et de la physique qu’à l’époque d’imam Sadeq et les efforts de son élève Djaber Ibn Hayyan. L’astrologie, malgré tous les conseils proférés en vue de son acquisition connut une période de stagnation après la dispari­tion de Khadjeh Nassir Eddine Tussi, et la destruction de l’observatoire de Marâgheh. La géographie fut également abandonnée.

Chahid Al-Thani en ordonnant un ordre dans le domaine de l’enseigne­ment, tenta avec enthousiasme de donner un nouveau souffle aux centres théologiques chiites. Quant aux étapes d’enseignement et les matières ensei­gnées, il recommanda :

« L’élève doit commencer sa formation en apprenant par cœur le Coran. Puis acquérir les sciences arabes comprenant le lexique et la syntaxe. Vient ensuite le

 

tour de la logique, le kalam, les principes de la théologie et les sciences ration­nelles. Ayant acquis ces sciences, il doit lire les hadiths et mener des discussions autour des versets coraniques et ensuite il doit se tourner vers les ouvrages et les sources théologiques. Puis ce sera les ouvrages portant sur les sciences naturelles, les mathématiques et la sagesse pratique qui comprend la morale. Enfin, il doit se tourner vers les sciences réelles qui sont l’extrait de toutes ces sciences et la conséquence de toute chose connue et ainsi, l’être humain atteindra le degré des proches et des intimes »79.

Cependant, il ne pensait pas que toute personne pourrait suivre ce che­min. Selon lui, ne peut atteindre ce degré que celui qui bénéficie d’un don inné. Mais tous ceux qui ne peuvent atteindre les degrés élevés doivent se contenter de ce qui est à leur portée. Enfin, les plus faibles ou ceux qui ont moins de temps doivent néanmoins se contenter d’acquérir les sciences théologiques et les préceptes religieux, en plus d’une purification de l’âme et du cœur afin que leur esprit vive dans l’équilibre, le même qui régit les cieux et la terre. Enfin, Chahid décrit la pratique comme l’axe principal du mouvement des sciences. Selon lui, les sciences ne sont que des instruments destinés à approcher ou éloigner la pratique. Il tente d’harmoniser l’ensei­gnement des centres théologiques avec les besoins de son temps. Lui-même ne s’est pas contenté de l’enseignement dispensé couramment. Selon lui, un savant religieux est un gardien qui doit défendre la morale chiite face à des agresseurs intérieurs et étrangers et avoir la capacité de diriger le gouvernail culturel et politique de la société. Il convient maintenant de décrire certains textes enseignés dans les centres théologiques en matière des sciences édu­catives, sciences littéraires, théologie, principes de théologie, sciences cora­niques, kalam, logique, philosophie, mysticisme, sciences mathématiques et médecine au cours de l’histoire des mille dernières années.

 

  1. A) Les sciences éducatives

Les théologiens chiites accordaient une attention particulière aux sciences éducatives. L’ouvrage Maniat Al-Morid fi Adab Al-Mofid wa Al-Mostafid de Cheikh Zeyn Al-Abédine Ibn Ali Améli, connu sous le nom de Chahid Al-Thani, est l’œuvre la plus élaborée des ouvrages classiques en matière de sciences d’éducation dans les centres d’enseignement chiites. Depuis sa

 

rédaction et jusqu’à nos jours, cet ouvrage est enseigné dans les centres d’en­seignements religieux et comporte des points fort importants.

Avant l’apparition de cet ouvrage, il en existait d’autres tels que Akhlaq Al-Ûlema de Abi Bakr Ibn Al-Hassan Ibn Abdullah Adjori, un dignitaire du quatrième siècle, Kashf Al-Mohadjah le samarat al-Mohadjah de Razi al-din Abolghassem Al Ibn Moussa Ibn Jaâfar Ibn Mohammad Ibn Tawoos (589-666 A.H./1192-1267), Adab al-Motaâlemin, de Khadjeh Nassir Al-din Tussi et Tazkat al-Samê wa Al-Motakalem fi Adab Al-Alem wa Al-Moteâlem de Badr Al-din Ibn Djamaê Kanâni (639-733 A.H./1241-1334). Après Maniât Al-Morid, d’autres ouvrages ont été rédigés parmi lesquels on peut citer : Merat Al-Rechad de Cheikh Abdullah Mamaghani et Ighaz Al-Ûlema wa Tanbih Al-Omara de Cheikh Ahmad Ibn Abdullah Kouzekanani, mais aucun n’a autant attiré l’attention des centres théologiques chiites que Maniât Al-Morid.

Maniât al-Morid a été sans doute le plus parfait des textes sur la mo­rale scientifique dans les centres théologiques chiites. L’importance accordée dans la hiérarchisation des chapitres et leur contenu reflète l’attention por­tée par Chahid Al-Thani à la moralité des élèves en théologie. La valeur de l’acquisition du savoir, les devoirs des élèves et des maîtres, les mœurs des enseignants et des élèves, les conditions de fatwa, les règles de discussions, la méthode d’écriture, les rangs des sciences religieuses sont des thèmes discu­tés dans cet ouvrage80.

L’intérêt de l’épuration de l’âme et les sources qui l’enseignent se manifestent en rappelant que durant les siècles derniers, la richesse et le pouvoir étaient concentrés entre les mains de personnes impropres et inintelligents, et par conséquent, les penseurs et les savants étaient obligés, pour survivre, soit d’accepter la misère et la pauvreté soit de s’approcher des milieux du pouvoir pour les aduler afin de pouvoir subvenir à leurs besoins grâce aux cadeaux reçus. Or, cette attitude était contraire aux fondements de leur enseignement et de leur philosophie existentielle. L’existence de règles en matière des utiles et des nécessaires, apprenait aux élèves de ne pas sacrifier ce joyau supérieur aux volontés des vils et des indignes, de s’appuyer sur la patience et l’autoformation face aux difficultés de la vie, de ne pas se soustraire à leur mission humaine et divine quant à l’assainissement de la

 

société et de pouvoir résister durant des siècles face à des pouvoir fondés sur la violence et la brutalité. La lutte incessante des théologiens avec les détenteurs du pouvoir et de la richesse, les rapprochait continuellement des masses populaires.

 

  1. B) Littérature

Les sciences littéraires comme le lexique, la syntaxe, le sens, l’élocution, la rhétorique, la prosodie, la rime, l’écriture, la rédaction, les livres des poèmes, les traités des éloquents étaient parmi les premières sciences qui attiraient l’attention des savants chiites. Le fondateur de la science syntaxique, Zalem Ibn Zalem, alias Abu Al-Aswad Al-Duâli, était un chiite adepte de Ali qui s’était chargé de cette tâche sous la direction de son maître81.

Après Abu Al-Aswad Al-Duâli, porte-drapeau des spécialistes de syntaxe de Bassorah, Khalil Ibn Ahmad auteur de (Kitab Al-Ayne) Awamel et chef des spécialistes de la syntaxe de Kufa, Mohammad Ibn Hassan Ravassi, au­teur de Al-Fasl et maître de Kassaï et de Farrâ, étaient tous deux des chiites. Yahya Ibn Zyad al-Âqtâ connu sous le nom de Farrâ Nafvi (207 A.H./822) et Abu Al-Abbas Mobarred (286 A.H./898) auteur des ouvrages Kame, Maâni Al-Quràn, Al-Maqsour et Al-Mamdoud, Al-Eshteqaq, Al-Ghavafi, Eârab Al-Quràn wa Ketab Al-Radd alla Sibouyeh, élève de Mazani et Abi Hatam Sadjestani était des chiites proches de la famille du Prophète. Mobarred était élève de l’imam Réza et Ismail Saffar le cite. Les œuvres de Khalil, de Ravassi, de Farrâ et de Mobarred faisaient partie des manuels d’enseignement, et en vertu des témoignages historiques, ils enseignaient à partir de leurs propres

œuvres. De même Cheikh Abu Ali Farsi Fassavi (288-377 A.H./900-987)

était un grand homme de lettres chiite de son époque et un savant en ma­tière de syntaxe. Il était contemporain du Cheikh Moufid et Mutanabbi, le poète connu. Seyyed Razi avait appris la syntaxe auprès de lui. Vers la fin de sa vie, Farsi se rendit dans la région de Fars et devint proche de Azad Al-Dawla Bouïde et lui dédia son ouvrage intitulé Al-Yazah wa Al-Takmela portant sur la syntaxe.

Selon Améli, Ibn Djenni, Saheb Ibn Ebad, Djohari, Ghazi Abolqassem Tanoukhi, Abou Mohammad Fazari Nahvi et Azad Al-Dawla Deylami, lui-même, étaient ses élèves. Farsi a laissé en héritage plus de 130 œuvres litté­

 

raires. La plupart de ses œuvres pouvaient, à l’époque, être utilisées en tant que manuel d’enseignement dans les centres théologiques chiites éparpillés sur le territoire des Bouïdes, en particulier à Bagdad.

Saheb Ibn Ebad, un des plus brillants élèves d’Abou Ali Farsi, en rédi­geant Mohit Al-Lugha, a conféré un aspect technique à la lexicologie. Un autre de ses élèves rédigea Al-LamëfiAl-Nâhw, un manuel d’enseignement.

Ahmad Ibn Imran, connu sous le nom de Al-Akhfash Premier (250 A.H./864) était un des éminents savants des centres d’enseignement chiites. Abou Abdullah Hossein Ibn Ahmad Ibn Khaloyeh Hamadani au­teur de Al- Mostahsan Al-Gharaeat wa Al-Chawahed wa Ketab Al-Eshteqaq, était un spécialiste éminent de la syntaxe, placé au troisième rang des érudits en littérature, élève de Ibn Darid, Noghtavieh et Abi Bakr Ibn Anbari. il mourut en 370 A.H./980 à Alep. Il était un important auteur littéraire et enseignant de littérature.

Du deuxième au cinquième siècle de l’hégire, nous retrouvons d’impor­tants spécialistes de sciences littéraires dans les centres théologiques chiites dont les œuvres ont été utilisées en tant que manuels d’enseignement en même que celles des autres auteurs et spécialistes musulmans. Or, depuis cette date, les centres théologiques ont négligé l’élaboration de manuels d’enseignement dans cette branche, ce qui se poursuit encore à nos jours. C’est ainsi qu’à l’exception d’un ou deux petits traités rédigés à l’époque safavide et utilisés comme des manuels d’enseignement élémentaire dans les centres théologiques, à savoir Fawaed Al-Samadieh de Cheikh Bahaï et Awamel de Mollah Hossein, on ne trouve guère d’ouvrages littéraires inté­ressants. Cependant, cela ne signifie pas que les centres chiites étaient dé­pourvus d’hommes de lettres, de rhéteurs et de spécialistes en littérature. Durant les siècles derniers, des centaines d’érudits en matière de littérature et écrivains ont été bercés et formés dans ces centres.

 

  1. C) Le hadith et le Daraye

Selon le rapport de l’auteur de Taëssis Al-Chiâ, le premier ouvrage de hadith était celui de Ali Ibn Abi Taleb rédigé par le Prophète. Abou Rafë, affranchi par le Prophète, Salman Farsi, Abouzar Ghaffari et Salim Ibn Qeys

 

ont été les élaborateurs des sources du hadith. Cheikh Horr Améli les a considérés comme les sources de son Wassaël Al-chiâ wa Hedayat Al-Aëma.

Dans l’ensemble, entre l’époque de l’Imam Ali Amir Al-Mouminines et jusqu’à celle de l’imam Askari, les imamites ont rédigé 400 ouvrages sous le nom de Ussul reflété dans les œuvres de Cheikh Moufid, Mohaqeq Helli, Chahid Al-Awal et Chahid Al-Thani. Cheikh Abu Jaâfar Ahmad

Ibn Mohammad Ibn Khaled Barghi (274/280 A.H./887-893) a écrit son

ouvrage Majales au troisième siècle de l’hégire qui englobait de nombreux chapitres du hadith. Depuis, de nombreux efforts ont été fournis en vue de réunir et de classifier les hadiths parmi lesquels on peut citer les ou­vrages Kafi de Cheikh Abu Jaâfar Mohammad Ibn Yaqoub Koleyni Razi (329 A.H./940), Man Layahzar hol-faqih de Abu Jaâfar Mohammad Ibn Ali Ibn Babouyeh Qomi (381 ap. l’hégire) rédigé à la demande de Charif Abu Abdullah, Mohammed Ibn Hassan connu sous le nom de Nëmat dans le village Ilagh de Balkh, Tahzib et Estebsar, deux œuvres de Cheikh Al-Taïfa, Abu Jaâfar Mohammad Ibn Hassan Tussi (460 A.H./1067) et les commen­taires écrits sur ces ouvrages. L’ensemble de ces œuvres ont été les sources de référence des centres scientifiques et des savants religieux chiites durant les siècles derniers.

Daraya ou la science de la connaissance de hadith a fait son apparition avec la prépondérance de l’ijtihad. Le premier qui a rédigé un ouvrage por­tant sur la science des hadiths ou Daraya, a été Ghazi Abu Mohammad Ramhormozi, Hassan Ibn Abderrahmane Ibn Khala (360 A.H./970). Parmi les chiites, le premier à utiliser les expressions de hadith a été Ibn Tawoos, suivi de Djamal Eddine Ahmad Ibn Moussa (673A.H./1274) et de Allama Hilli (726 A.H./1325), mais ces deux derniers n’ont pas écrit d’ouvrages à propos de cette science. Après la familiarisation avec des expressions ci­tées, le premier qui a écrit un ouvrage dans le domaine de cette science a été Chahid Al-Thani avec Badaya qui, lui-même a rédigé un commentaire de cette œuvre. Puis, son fils, Cheikh Hassan, auteur de Maâlem, a exposé une partie de ces expressions dans l’introduction de l’ouvrage Montafi Al-Djaman. Il fut suivi par Azzedine Hossein Ibn Abdulsamad Haressi, père de Cheikh Bahaï avec Wossoul Al-Akhyar Ela Usul Al-Akhbar. Son fils, Cheikh Bahaë Eddine connu sous le nom de Cheikh Bahaï, élabora un traité qui fut commenté par Hadj Mirza Mohammad Ali Marâshi Chahrestani Haéri

 

(1280-1344 A.H./1863-1925), de même que par Allama Seyyed Hassan Sadr Moussavi Esfahani (1272-1354 A.H./1855-1935) dans l’ouvrage Nahayat Al-Daraya.

En rédigeant son Al-Ravacheh Al-Samawia, Mir Damad, excella la tech­nique de Daraya. Mollah Mohammad Djaâfar Astarabadi écrit également son ouvrage dans ce domaine, Lob al-Lobab, Tozih al-Maghal de Allama Kani, Talkhis Al-Maghal de Hadj Seyyed Mohammad Assar et Hedayat al-Mohadessin et HediyatAl-Mohasselin de Cheikh Ali Akbar Moravej Al-Islam Kermani, ont été les derniers ouvrages de référence rédigés dans le domaine de la science de Deraya. Ces ouvrages ont été utilisés depuis le septième siècle par les milieux scientifiques chiites. A l’exception de la période du pouvoir des akhbâri, cette science n’était pas officialisée dans les centres théologiques. Le nombre des ouvrages rédigés par les savants chiites à propos de Deraya démontre leurs efforts pour promouvoir cette science.

 

  1. D) Les Al-Rijal

La science de la connaissance de la lignée de transmission des hadiths et des narrateurs des hadiths. Depuis l’époque des fidèles du Prophète, jusqu’à nos jours, les savants chiites ont mené des réflexions dans le domaine de la science de Rijal et ont rédigé des œuvres importantes sur ce thème. Ces œuvres ont été utilisées en tant que source de référence par les savants, sans que cela prenne la forme d’enseignement ou de discussion. Si des cercles de discussions autour de ce thème ont vu le jour, ils étaient très restreints et non officiels. Durant les premiers siècles, l’intérêt pour cette science qui traversait sa période de genèse, était plus importante. Or, lorsqu’elle devint une science constituée, l’attention fournie n’était pas aussi grande, ce qui importait le plus était la classification et la division en chapitre.

Le premier ouvrage de Rijal a été rédigé par Obeydallah Ibn Abi Rifâ, un des fidèles d’Ali. Il fut suivi par Abdullah Ibn Djebleh Kanani (219 A.H./833), Ibn Fazal et Ibn Mahboub au second et début du troisième siècle qui ont rédigé des ouvrages dans la science d’Al-Rijal dont aucun ne nous est parvenu.

 

Les plus importants ouvrages arjalis dont nous disposons ou qui ont été rédigés durant le dernier siècle et utilisés par les milieux scientifiques sont les suivants :

  • Al-Rjal de Mohammad Ibn Omar Ibn Abd al-Aziz, connu sous le nom

d’Al-Kishi.

  • Fihrast de Cheikh Abi Al-Abbas Ahmad Ibn Ali Ibn Ahmad Ibn Abbas, connu sous le nom de Nadjachi.
  • Al-Rijal de Cheikh Mohammad Ibn Hassan Tussi (385-460 A.H./995-

1067).

  • Fihrast de Cheikh Mohammad Ibn Hassan Tussi.
  • Al-Rijal de Barghi.
  • Ressala d’Abi Ghaleb Ahmad Ibn Mohammad Razi.
  • La biographie des érudits de Sheikh Abi Jaar Mohammad Ibn Ali Ibn

Hossein Ibn Babouyeh (306-381 A.P./918-991).

  • La biographie des érudits de Cheikh Tussi dans deux ouvrages : Tahzib et
  • Al-Rijal de Hossein Ibn Obeydullah Ibn Ebrahim Ghazaéri.

10)  Fihrast de Sheikh Montakhab al-din.

11)    Maâlem Al-Ulema de Mohammad Ibn Ali Ibn Charashoub

Mazandarani (488-588 A.H./1094-1191).

  • Al-Rijal de Taghi Eddine Hassan Ibn Ali Ibn Davood Helli (647-707 A.H./1249-1307).
  • Kholassat Al-AqwalfiElm Al-Rijal de Hassan Ibn Youssef Ibn Motahar

Helli (648-726 A.H./1250-1325)

  • Madjmaê Al-Rijal de Zaki Eddine Enayatollah Ghahpaï élève de Moghadas Ardabili.
  • Manhaj Al-Maqam de Seyyed Mirza Mohammad Ibn Ali Ibn Ebrahim Astarabadi (1028 A.H./1618).
  • Djameâ Al-Rawat de Cheikh Mohammad Ibn Ali Ardabili.

 

  • Naghd Al-Rijal de Seyyed Mostafa Tafrishi rédigé en 1015 A.H./1606.
  • Mountahi Al-Maqal fi AhwalAl-Rjal de Cheikh Abi Ali Mohammad Ibn Eslaïl Haéri (1159-1215/1216 A.H./1745-1800-1801).
  • Behjat Al-Amal fi CharheZobdat Al-Rijal de Cheikh Ali Ibn Abdullah Tabrizi (1236-1327 A.H./1820-1908).

 

  • Tanqih Al-Maqal fi Maârefat Elm Al-Rijal de Cheikh Abdullah Mamaghani (1351 A.H./1932).
  • Qamous Al-Rijal de Allama Cheikh Mohammad Taghi Tastari.
  • Moâjam Rijal Al-Hadith de l’ayatollah Seyyed Abu Al-Qassem Khoïe.

 

  1. E) La théologie

Avant la propagation de la théologie argumentaire, des ensembles de récits portant sur des aspects secondaires étaient enseignés dans les cours. Après Abi Aghil, durant la première moitié du quatrième siècle, auteur d’Al-Motemassek Behob Al-Rassoul et Ibn Djoneyd Eskafi, auteur de Tahzib al-Châ, Ahkam Al-Chariâ wa Al-Ahmadi fi Fiqh Al-Mohammadi, leurs pen­sées se propagèrent dans les milieux d’enseignement, malgré l’opposition de Cheikh Moufid. Cette méthode fut poursuivie durant les siècles suivants par Ibn Idriss, Allama Hilli, les deux Chahid, Fazel Meqdad et Ibn Fahd. Cheikh Tussi (460 A.H./1067) fait partie des théologiens qui a créé une ligne médiane entre les traditionalistes et les rationalistes. Son ouvrage Al-Nahaya était considéré comme un des plus importants ouvrages chiites du­rant des siècles et enseigné dans tous les centres théologiques82. Sarayer de Mohammad Ibn Idriss Hilli (598 A.H./1201), Charayê Al-Islam, Moâtabar wa Mokhtassar Al-Nafiê et Noktat Al-Nihaya œuvres de Mohaqeq Hilli ain­si que Mokhtalef Al-Chiâ, Tabsarat Al-Motaâllimine, Tazkarat Al-Fuqaha, Qawaêd Al-Ahkam, Ershad Al-Adhan, Nahayat Al-Ahkam et Talkhis Al-Maram de Allama Hilli (726 A.H./1325) ont été les principaux ouvrages d’ensei­gnement des centres à partir du sixième siècle. A ces ouvrages, il convient d’ajouter Kanz al-Fawaed de Amid Eddine Al-Motalleb Ibn Mohammad Hossein (753 A.H./1352) ainsi que Izah Al-Fawaed et Hashiat Ershad Fakhr Al-Mohaqeqine Mohammad Ibn Hassan Hilli (771 A.H./1369).

 

La plupart des œuvres de Chams Eddine Mohammed Ibn Makki Améli (-786 ap. l’hégire), Al-Fiqh, Al-Dorous Al-Chariâ, Ghayat Al-Morad, Zekri Al-Chiâ et Al-Lamât Al-Dameshqia, selon les données des autorisations, ont été parmi les plus importants textes d’enseignement des centres à partir du huitième siècle de l’hégire.

Au cours du neuvième siècle, Konz Al-Irfan de Fazel Meghdad (826 A.H./1422), Al-Mohazzab al-Bareê d’Ibn Fahd Hilli (841 A.H./1437) et Ghayat Al-Maram de Mofleh Ibn Hossein Seymari (887A.H./1482) et au dixième siècle Al-Rozat Al-Bahia et Massalek Al-Ifham de Chahid Sani Zeyn Al-Abédine Ibn Ali Ibn Ahmad Améli (966 A.H./1558) se sont venus s’ajouter aux précédents ouvrages d’enseignement.

Après la décadence de l’école akhbari de Mohammad Amin Astarabadi (1036 A.H./1626) de nouveaux manuels ont fait leur apparition dans les centres d’enseignement dont l’aspect argumentaire était plus renforcé par rapport aux ouvrages des siècles précédents. Au cours de ce siècle, c’est-à-dire le treizième siècle, Kash Al-Aghta de Cheikh Jaâfar (1228 A.H./1812), Riaz Al-Massael d’Ali Ibn Mohammad Ibn Ali Tabatabaï Karbalaï (1231 A.H./1815), Djameâ Al-Shetab, Ghanem Al-Ayam et Manahej Al-Ahkam d’Abulqassem Ibn Hassan Guilani Qomi (1231A.H./1815), Mostanad Al-Chiâ et Manahej Al-Ahkam d’Ahmad Ibn Mohammad Mehdi Naraghi (1345 A.H./1926), Mataleê Al-Anvar de Hojat Al-Islam Shafti (1260 A.H./1843), Anwar Al-Fuqahaë de Hassan Ibn Jaâfar Kashef Al-Ghata (1262 A.H./1843) et Jawaher Al-Kalam de Mohammad Hassan Ibn Mohammad Begher Najafi (1266 A.H./1849) ont constitué l’axe de l’en­seignement et de référence des théologiens. Plus tard Makasseb de Cheikh Mortéza Ansari (1281 A.H./1864), Mesbah al-Faqih de Hadj Agha Réza Hamédani (1322 A.H./1904), Orwat Al-Vosqa de Mohammad Kazem Yazdi (1337 A.H./1918), Wassilat Al-Nejat de Seyyed Abu Al-Hassan Esfahani (1365 A.H./1945), ainsi que d’autres textes plus anciens tels que Tabsarat Al-Motéalémine de Hilli, Riadh Al-Massael de Tabatabaï et Jawaher Al-Kalam de Cheikh Mohammad Hassan, ont constitué les fondements des cours d’enseignement supérieur tout au long des deux derniers siècles.

 

  1. F) Les principes de la théologie

Le livre d’enseignement le plus ancien dans le domaine des principes de la théologie est Al-Tazkarat be Al-Ussul Al-fiqh de Cheikh Mofid (413 A.H./1022) dont Karadjaki en a apporté un résumé dans son ouvrage Konz Al-Favaed. On peut également citer Al-Zari’atEla Ussul Al-Chariâtde Charif Mortéza (436 A.H./1044). Edatal-Ussulde Cheikh Tussi, est le plus impor­tant ouvrage oussuli préservé depuis le cinquième siècle de l’hégire et qui a été enseigné pendant des siècles dans les centres scientifiques chiites. Al-

Ghanieh de Seyyed Abu Al-Makarem Ibn Zohreh Halabi (585 A.H./1189)

et Al-Massader fi Ussul Al-Fiqh de Sadid Eddine Mahmoud Hamsi, dont certaines parties ont été citées dans Al-Saraer d’Ibn Idriss, étaient des livres d’enseignement dans le domaine des principes de la théologie au cours du sixième siècle.

Maârej Al-Ussul de Mohaghegh Hilli, Tahzib Al-Ussul, Mabadi al-Vossul et Nahayat Al-Wossoul de Allama Hilli, ont été les textes d’enseignement de cette science au cours des septième et huitième siècles de l’hégire. Maâlem Eddine de Hassan Ibn Zeyn Eddine Améli (1011 A.H./1602), Zobdeh de Baha Eddine Mohammed Améli (1030 A.H./1620) et Wafia d’Abdullah Ibn Mohammed Touni (1071 A.H./1660) sont les trois œuvres scolaires enseignées dans les centres avant la montée de l’école akhbari. Après la prise d’influence des akhbarî et l’apparition de Wahid Behbahani (1205 A.H./1790), Qawanine d’Abolghassem Ibn Hassan Guilani connu sous le nom de Mirza Qomi (1231 A.H./1815), Fossoul de Mohammed Hossein Esfahani (1254 A.H./1838), Hedayat Al-Mostarshadin de Mohammad Taghi Ibn Mohammad Rahim Esfahani (1248 A.H./1832), Mafatih de Seyyed Mohammad Mojahed Karbalaï (1242 A.H./1826) et Thawabet d’Ibrahim Ibn Mohammad Baqer Qazvini (1262 A.H./1845) ont été reconnus en tant que manuels d’enseignement. Parmi ces ouvrages, l’enseignement de Qawanine s’est poursuivi jusqu’à l’époque de Cheikh Ansari (1214-1281 A.H./1799-1864). Il fut délaissé après la publication d’abord de Rassael et ensuite de Kefaya d’Akhoun Khorassani. Outre les textes cités, Adjwad Al-Taqrirat de Cheikh Mohammed Hossein Naïni (1355 A.H./1936), Maghalat al-Ussul de Zia Eddine Araghi (361 A.H./971), Nahayat Al-Deraya et Fossoul de Mohammad Hossein Esfahani Compani (1361 A.H./1941) étaient utili­sés par les chercheurs en matière des principes de la théologie.

 

Les textes enseignés couramment dans le domaine de la science des prin­cipes, à l’exception d’une ou deux œuvres, dont Ossoul Al-Fiqh de Cheikh Mohammad Réza Mozaffar, sont tous des ouvrages qui datent d’au moins un siècle. L’incompatibilité entre les thèmes des livres d’enseignement et leur manque de convergence avec les cours enseignés à l’étape « externe », ont fait que la révision des textes enseignés a attiré l’attention de certains spécialistes des centres d’enseignement. Parmi ces efforts on peut citer ceux du martyr Mohammad Bagher Sadr83. Il conseille : « Les manuels d’enseignement en matière d’Ossoul doivent avoir des relations organiques entre eux. Ils doivent constituer une introduction pour le cursus externe aux Ossoul, ayant un aspect d’enseignement et conforme aux principes. Dans le choix des manuels d’ensei­gnement ilfaut commencer par les plus simples et aller vers les plus complexes. Il ne faut pas oublier leur date d’élaboration et la nouveauté des thèmes discutés ».

Lui-même a rédigé Dorous fi Elm Al-Ossoul pour être enseigné dans les centres et les maillons triples en vue de préparer les élèves à participer à l’étape externe.

 

  1. G) L’Exégèse coranique

Farat Ibn Ibrahim Kufi et Abou Jaâfar Samali, disciples d’imam Zeyn al-Abédine et imam Bagher, Mohammad Ibn Massûd Kufi Samarghandi connu sous le nom d’Ayyashi, Ali Ibn Ibrahim Qomi et Naâmi, éminents commentateurs du premier au troisième siècle de l’hégire sont ceux qui ont commenté les versets du Coran grâce aux récits attribués au Prophète et aux imams immaculés, sans utiliser les sciences de leur époque.

A partir du quatrième et cinquième siècle, pour le commentaire du Coran, les théologiens chiites ne se sont plus contentés que des récits. Chacun, se­lon sa spécialité, a tenté de contribuer à la compréhension de cet ouvrage divin. Seyyed Razi a commenté le Coran du point de vue des sciences litté­raires, Cheikh Tussi a rédigé Al-Tabyan à travers une approche du Coran du point de vue Kalam, Sadr al-Motéaléhine Chirazi l’a commenté du point de vue philosophique tant que Meybodi et Abd al-Razagh Lahidji ont choisi la méthode mystique. Cheikh Abd Ali Howizi Chirazi (1112 A.H./1700) auteur du commentaire Nour Al-Saghaleyn, Seyd Hachem Bohrani, au­teur de Borhan, Feyz Kashani auteur de Safi, ont préféré le commentaire

 

basé sur la tradition à d’autres méthodes d’approches. Allameh Tabressi (548 A.H./1153) dans Majmaâ Al-Bayan et Allama Tabatabaï dans Tafsir Al-Mizan ont utilisé diverses sciences en vue de commenter le Coran. Ces commentaires, ainsi que des centaines d’autres ont toujours attiré l’attention des milieux scientifiques chiites. En effet, une des sources utilisées dans la plupart des autorisations en particulier l’autorisation du commentaire du livre, durant les siècles derniers, a été les sources de commentaires en parti­culier Tabian de Cheikh Tussi, Majmaâ Al-Bayan de Tabressi, Tafsir d’Abu Al-Fath Razi et Mollah Fathollah Kashani.

 

  1. H) La logique

La partie consacrée à la logique dans l’ouvrage Al-Shifâ d’Avicenne est un manuel d’enseignement des centres théologiques depuis un millénaire. Assas Al-Eqtebas et Basser Nassirieh de Khadjeh Nassir Eddine Tussi, Djohar Al-Nazid de Allama Hilli, Al-Ressalat Al-Chamsia fiAl-Qawaed Al-Manteqia de Najm Eddine Ali Ibn Omar Katebi (676 A.H./1277) contemporain de Khadjeh, Charh Matalê wa LawamêAl-Anwar de Qotb Eddine Mohammed Razi (766 A.H./1364), commentaire du chapitre logique de Matlâ de Ghazi Saradj Eddine Mahmoud Ormavi (689 A.H./1289), Tahzib al-Mantegh de Taftazani (723-792 ap. l’hégire), glose de Mir Seyyed Sharif Djordjani (740-816 A.H./1339-1413) élève de Qot Eddine Razi et auteur de Kobra en logique et Charh Al-Chamsieh, ainsi que la glose de Molla Abdullah Yazdi concernant Tahzib Mantegh de Molla Seyyed Jamal al-din Mahmoud et Amir Ghias Eddine Dashtaki (981 A.H./1573), Al-Manteq de Sheikh Mohammad Réza Mozaffar, sont des textes enseignés depuis le cinquième siècle à nos jours dans les centres d’enseignement. Aujourd’hui, les ou­vrages enseignés en matière de logique sont surtout Kobra, glose de Mollah Abdullah et Al-Manteq de Mozaffar qui sont des textes de logique formelle.

 

  1. I) La philosophie

Depuis longtemps, dans les centres d’enseignement chiites, en compa­raison avec d’autres centres, les sciences rationnelles jouissaient d’une plus grande importance, car dans l’esprit du chiisme, il n’existe aucune contra­diction entre les préceptes religieux et la raison. C’est ainsi que les œuvres des éminents penseurs chiites tels que Yaqub Ibn Eshaq Kondi, Cheikh

 

Moufid, Seyyed Mortéza, Cheikh Tussi, Avicenne, Khadjeh Nassir Eddine Tussi et Allama Tabatabaï ont, dès le début, ouvert le chemin à la prépon­dérance de ces sciences. Kondi, à lui seul, a rédigé 22 œuvres en matière de philosophie84. Progressivement, des systèmes philosophiques tels que le péripatétisme, l’illumination et la théosophie transcendantale ont fait leur apparition au sein du chiisme et se sont développés. Le premier mouve­ment a commencé avec l’enseignement et la description de la philosophie péripatéticienne. Les œuvres d’Avicenne, le plus grand commentateur de ce système philosophique ont été enseignés durant sa vie et continuent à l’être de nos jours.

Parmi ses ouvrages, Al-Esharat wa Al-Tanbihat est d’une importance par­ticulière. En tant qu’un des derniers écrits d’Avicenne, il constitue le résumé de la pensée d’Abu Ali et un des plus importants manuels d’enseignement en matière de philosophie. Ce livre a été traduit en persan et de nombreux commentaires de ce livre ont été publiés. Parmi ces commentaires on peut citer ceux de l’Imam Fakhr Eddine Razi (606 A.H./1209), d’Ali Al-Amadi (641 A.H./1243), Moshkelat Al-Esharat de Khadjeh Nassir Eddine Tussi (672 A.H./1273), d’Ibn Kamoune. Parmi les commentaires mentionnés, ce­lui de Khadjeh fut choisi pour être enseigné. Durant les huit derniers siècles, tous les penseurs et philosophes chiites et non chiites ont enseigné Esharat parmi lesquels on peut citer Khadjeh Nassir Eddine Tussi et son élève Qotb Eddine Chirazi85. Durant les siècles derniers, Esharat a suscité l’intérêt des enseignants dans les centres théologiques de Qom, Machhad, Téhéran et Ispahan. Tout en s’intéressant au système de philosophie péripatéticienne, les étudiants des centres théologiques se sont également intéressés à l’ac­quisition, la critique et l’étude de la philosophie de l’illumination. Cheikh Eshraq a fait revenir en Iran islamique cette philosophie en le commentant sur la base des acquis des pensées hermétiques et néoplatoniciennes de l’Iran. Hekmat al-Eshragh, Al-Talvihat, Al-Matarehat, Hayakal al-Nour et les com­mentaires de Hekmat al-Eshragh tels que ceux de Qotb Eddine Chirazi et Chams Eddine Chahrzouri ont été des textes d’enseignement du chiisme en matière de la philosophie d’illumination et enseignée depuis un millénaire par des savants érudits. Mira Mohammad Ali Mozaffar (1198 A.H./1783), Akhound Mollah Ali Nouri (1246 A.H./1830), Mollah Abdullah Zonouzi

 

auteur de Lamaât Ellahiah (1257A.H./1841) ont été les enseignants les plus connus de la philosophie d’illumination au cours des derniers siècles.

Après l’apparition du savant Mollah Sadra (1050 A.P. /1640) la philo­sophie transcendantale qui englobe aussi bien la philosophie, le Kalam et le mysticisme, a suscité l’intérêt des plus grands savants érudits des centres théologiques de Chiraz, d’Ispahan, de Qom, de Téhéran et de Machhad.

La plupart de ces œuvres dont Mabdà wa Moad, Al-Mashaer Al-Ellahiah, Al-Asfar al-Arbaâ, Al-Chawahed Al-Roboubiya et Charh Al-Hedayat Al-Assiria, ont été utilisées en tant que manuels d’enseignement par les étu­diants en philosophie, en particulier depuis l’époque d’Akound Mollah Ali Nouri. Parmi ces ouvrages, pour cause concision et complexité, Chawahed Al-Roboubiya ne fut utilisé en tant que manuel d’enseignement, qu’à par­tir du moment où le philosophe théologien Hakim Mollah Hadi Sabzevari (1212-1289 A.H./1797-1872) écrivit un complément à cet ouvrage. Hadj Mollah Hadi Sabzévari était un commentateur et un illustre enseignant de la philosophie transcendantale. Il a rédigé Charh Gharr Al-Fawaed connu sous le nom de Charh Mandhouma, sur la base de cette philosophie. Depuis son époque, treizième siècle, jusqu’aujourd’hui, cet ouvrage constitue un manuel d’enseignement en matière de la philosophie transcendantale et est enseigné avant les voyages. De nombreuses explications et divers commen­taires ont été publiés à propos de cet ouvrage.

 

  1. J) Le Kalam

Le fondement du kalam chiite remonte au deuxième siècle, à l’époque des imams chiites. Une des plus anciennes sources du kalam chiite est l’ou­vrage intitulé Yaqout d’Abou Ishaq Ibrahim Ibn Nobakht ou Abou Ishaq Ismaïl Ibn Ishaq Ibn Abi Sahl Ibn Nobakht, rédigé au deuxième siècle de l’hégire. A l’époque des Al-Bouïdes qui étaient des souverains chiites, Kalam a pris son essor. Des débats religieux étaient organisés, avec la présence de Cheikh Moufid d’abord et de Cheikh Tussi plus tard. Tajrid al-Êteqad de Khadjeh Nassir Eddine Tussi, dans lequel a été présenté le kalam chiite sous forme d’une école argumentaire. Cet ouvrage a pris une telle ampleur qu’il a suscité plus de 400 commentaires et des textes complémentaires ont été rédigés par les plus grands érudits du monde musulman et il devint l’axe

 

principal de l’enseignement. Parmi les commentaires les plus connus signa­lons Tajrid Al-Êteqad, Kashf Al-Morad de Allama Hilli (726 A.H./1325), Charh Tajrid de Mollah Ali Ghoushtchi et Chawareq d’Abdulrazaq Lahidji Qomi (1072 A.H./1661) qui ont été des manuels d’enseignement durant les siècles derniers et dont certains continuent à être enseignés.

Parallèlement à Tajrid Al-kalam, Qawaed Al-Maram fi Elm Al-Kalam de

Kamal Eddine Meysam Ibn Ali Ibn Meysam Bahrani (636-699 A.H./1238-

1299) était enseigné. Cet ouvrage a été rédigé à Bagdad à la demande d’Amir Ezzeddine Abd Al-Aziz Neyshabouri (672 A.H./1273). Bab Hadi Ashar de Allama Majlessi et le commentaire de Fazel Meqdad (426 A.H./1034) in­titulé Al-Nafë, Yaom Al-Hashar et Al-Manahedj fi Elm Al-Kalam, Anvar Al-Malakout fi Charh Al-Yaqut, Nahj Al-Mostarshadine, œuvres de Allama en matière de kalam ainsi que Mawaqef de Ghazi Azod Eddine Idji et Charh Mawaqef de Mir Charif Djordjani (740-816 A.H./1339-1413) des maîtres de Khadjeh Hafiz Chirazi, étaient également enseignés depuis leur rédac-tion86.

 

  1. K) Le mysticisme

Le mysticisme s’est développé au sein de l’école chiite. Toutes les dynas­ties soufies considèrent Ali comme leur ancêtre. Sans prendre en compte l’exactitude ou non de la pensée soufie, il faut affirmer que le voyage inté­rieur est intrinsèque au chiisme et c’est ainsi que l’essence même des centres théologiques chiites n’a jamais été étrangère aux tendances mystiques. Ce mouvement a toujours existé de manière apparente ou cachée en marge des centres. Les textes enseignés dans le domaine de la gnose, bien que la plupart ne soit pas rédigée par les savants chiites, mais étant donné qu’on ne peut nier l’attachement des savants mystiques aux premiers dirigeants chiites, les éminents savants les ont utilisés sans préjugé pour enseigner les secrets du mysticisme.

Dès le début, le mysticisme était enseigné dans les centres après le kalam et la philosophie. Fossous Al-Hakam d’Ibn Ârabi est le plus important texte enseigné, puisant sa source dans la contemplation spirituelle et qui, durant des siècles, a suscité l’intérêt des enseignants des centres théologiques.

 

Plus de 100 commentaires ont été rédigés à propos de Fossous Al-Hakam dont les plus importants ont été Nossous Ghounavi et Charh Qeysari (751 A.H./1350) tous deux des manuels d’enseignement. Le plus éminent com­mentateur chiite de Fossous a été Seyyed Heydar Amoli (787 A.H./1385) dont l’ouvrage, Nas Al-Nossous a été utilisé, durant plusieurs siècles, par les mystiques.

Après l’époque safavide, dans les centres scientifiques, outre le com­mentaire Fossous Qeysari, Meftah Al-Ghayb, Nossous Gounavi, Tamhid Al-Qawaed d’Ali Ibn Mohammed Torkeh (835 A.H./1431) était également enseigné. Le dernier ouvrage mystique, commentaire d’Ibn Fanari à propos de Meftah Al-Gheyb de Sadr Eddine Ghounavi (607-673 A.H./1210-1274) s’intitule Mesbah Al-Ens. Parmi les enseignants renommés du mysticisme depuis l’époque safavide on peut citer : Mollah Hassan Lobnani (1094 A.H./1682), Mollah Mohammed Sadeq Ardestani (1136 A.H./1723), Agha Mohammad Bidabadi (1198 A.H./1783), Mirza Mohammad Almassi (1159 A.H./1745), Mirza Mohammed Ali Mirza Mozaffar (1198 A.H./1783), Mollah Ali Nouri (1246 A.H./1830), son fils, Mirza Hassan Nouri et son élève Agha Ali Hakim.

A l’époque Qajar, Mirza Abd Al-Jawad Chirazi, son élève, Seyyed Razi Laridjani et l’élève de ce dernier, Agha Mohammed Réza Ghomsheï ont of­ficialisé l’enseignement du mysticisme dans les centres scientifiques théolo­giques de l’Iran. Parmi les élèves d’Agha Mohammed Réza Ghomchéï, Mirza Hachem Ashkévari (1332 A.H./1913), Agha mirza Mahmoud Qomi sont les plus connus. Hadj Mirza Mehdi Ashtiani, Agha Mirza Ahmad Ashtiani, Seyyed Kazem Assar Téhérani, Mirza Mohammad Ali Shahabadi, Seyyed Abou al-Hassan Rafiî Ghazvini et Mohammed Hossein Fazel Touni ont été formés à l’école de Mirza Hachem. L’imam Khomeiny a été le dernier et le plus éminent maître du mystiscime théorique, formé à l’école mystique du feu Shahabadi. Il a rédigé un illustre complément à Fossous al-Hakam.

 

  1. L) Mathématiques et hermétisme

L’enseignement des sciences mathématiques, en particulier l’arithmé­tique, la géométrie et l’hermétisme, est très important pour les centres théo­logiques en raison du rapport entre cette science et certaines préceptes reli­

 

gieux. Durant les siècles précédents, de nombreux ouvrages illustres ont été rédigés dans ce domaine. Parmi les textes d’enseignement les plus connus des centres théologiques en matière de sciences mathématiques, on peut citer les œuvres de Khadjeh Nassir Eddine Tussi, Meftah Al-Hessab de Qias Eddine Djamshid Kashani et Kholassat Al-Hessab de Cheikh Bahaï. Khadjeh Nassir Eddine Tussi était un éminent mathématicien chiite. Il avait réécrit la plupart des œuvres des mathématiciens grecs et les avait disposés au ser­vice des centres scientifiques. Parmi ces ouvrages on peut citer Tahrir al-Ussul Eqlidos, El al-karlessavezessios, Akermanalus, Savziotus, Al-Mafrouzat Larekhmidos, Tavzotius, Manalus et Alma’siat la Eghlidos.

Parmi les plus récents citons Seyyed Mohammad Ali Chahrestani (1280­1344 A.H./1863-1925) un éminent théologien chiite, auteur de Konz Al-Hessab qui constitue un commentaire de Meftah Al-Hessab de Qïas Eddine. L’ouvrage Kholassat al-Hessab fut abandonné après la création des nouveaux centres d’enseignement87. Parmi les sciences mathématiques, les centres théologiques ont porté davantage d’intérêt à l’astrologie et à l’astronomie. La famille Nobakht était parmi les précurseurs de cette science. Les Bouyides, plus particulièrement Azzad Al-Dawla, s’est efforcé à la développer. Il fit construire un observatoire à Bagdad et en confia la direction à Abu Sahl Kouhi.

A l’époque, les astrologues utilisaient l’ouvrage Al-Modjasta (Almageste) de Ptolémée. Ce livre constituait pendant plus de 1000 ans l’axe des dis­cussions mathématiques et astronomiques. Avicenne l’a résumé et l’a placé parmi les enseignements d’Al-Chifâ. Averroès a résumé les chapitres Ibn Al-Samah et Ibn Al-Salt. Khadjeh Nassir Eddine Tussi l’a réécrit88. Modjasta fait partie des ouvrages supérieurs d’enseignement dans les centres théo­logiques tandis que Tahrir Ossoul Eqlidoss (Euclide), un autre ouvrage de Khadjeh était enseigné aux étapes élémentaires des sciences mathématiques. Khadjeh a également élaboré un ouvrage intitulé Al-Motewassetat réunis­sant les œuvres des savants grecs comme Otolicus, Arastokhos, Euclide, Apollonios, Archimède, Hypsiclès, Théodosius, Minélatonès et Ptolémée. Il convient de noter qu’avant Khadjeh, Abou Nasr Mansour Ibn Ali Ibn Araq (427 A.H./1035) et son élève Abu Raïhan Birouni (362-440 A.H./972-1048), avait rédigé des ouvrages importants en matière d’astronomie, mais après l’apparition de Khadjeh, ces ouvrages furent désuets. Sans doute, dans

 

l’histoire des centres théologiques du monde musulman, peu de personnes a autant rendu service que Khadjeh Tussi aux sciences pures, à l’astronomie et à l’astrologie. Outre les œuvres scientifiques, Khadjeh a fait construire l’observatoire de Maragha, premier établissement indépendant du monde musulman. Le traité de Khajeh, Al-Mokhles fi Al-Hia de Mahmoud Ibn Mohammed Ibn Omar Tchaghmini, le commentaire du Tadhkira Soghra, Heyat de Ghoushtchi, Tashrih Al-Aflak et Haftad Bab de Cheikh Bahaï, ont été les principaux ouvrages enseignés en matière d’astronomie dans les centres au cours des siècles derniers. Parmi les derniers maîtres en sciences mathématiques, on peut citer les noms de Allama Rafiï Qazvini, Mirza Mohammad Taghi Modarres Razavi, Mirza Abdulrahman Modarres, Seyyed Hassan Moshkan Tabassi, Mirza Abu Al-Hassan Shaârani et Hassan Zadeh Amoli.

 

  1. M) La médecine

Outre Tebb Al-Sadeq et Tebb Al-Réza, les enseignants chiites utilisaient les œuvres de Mohammad Ibn Zakaria Razi (Razès) et d’autres savants. Hedayat Al-Motaâlimine fi Al-Tebb de Rabiê Ibn Ahmad Alla Khovini Al-Tejari (313 A.H./925), en particulier Al-Seydane, les œuvres d’Avicenne, principalement Qanoun, Charh Nafissi, Charh Asbab et Ghanountcheh de Mohammed Ibn Omar Tchaghmini (745A.H./1344) ont été des manuels d’enseignement pendant plus de huit siècles.

 

  1. N) Les outils d’enseignement

A l’aube de l’Islam, l’analphabétisme était courant chez les arabes. Peu de gens connaissaient l’écriture. L’absence de papier renforçait cet état de fait. Les conseils prodigués par le Coran quant à enregistrer les transactions, les testaments et les traités89, la connaissance par les musulmans de l’Iran et des autres peuples civilisés ont encouragé les musulmans à lire et à écrire. Progressivement, ils ont appris à fabriquer du papier à partir de papyrus et l’utilisation des peaux. Finalement, à Samarkand, l’industrie de fabrication du papier a vu le jour. En 177A.H /793, la première fabrique de papier fut créée à Bagdad sous le pouvoir d’Haroun Al-Rachid, Avec le temps, cette industrie se développa et le papier, en tant qu’un des plus importants outils au service du savoir, se trouva à la portée de tous90.

 

La prospérité du marché du papier a été à l’origine de la création d’une industrie, et on assiste à la création d’un bazar des vendeurs de papier qui étaient eux-mêmes des personnes lettrées. Certains ne se contentaient plus de vendre du papier, des livres ou copier les œuvres d’autrui. Ils se sont mis à écrire. Le bazar des vendeurs du papier se transforma, dans la pratique, en un centre d’échange du savoir tandis que les bibliothèques prenaient de plus en plus d’importance. Seyyed Mortéza, un des plus brillants penseurs chiites, légua un village pour la fabrication et l’achat du papier afin de faciliter la confection du livre. Sa propre bibliothèque contenait 80 mille volumes91.

La bibliothèque d’Abu Nasr Chapour Ibn Ardéchir, ministre de Baha Al-Dawla Bouïde, éminent savant chiite, construite dans le quartier Beyn Al-Sourine, un quartier de Khark de Bagdad, contenait 10400 ouvrages pré-cieux92. La bibliothèque de Cheikh Tussi qui fut détruite lors de l’invasion de Tugrul Bey Seldjoukide93. La bibliothèque de Saheb Ibn Ebad, homme d’État chiite du quatrième siècle de l’hégire, comportait plus de 100 mille ouvrages. Selon Yaghout, il fallait 400 chameaux pour transporter rien que ses ouvrages en théologies. Toutes ces œuvres ont vu le jour dans l’espace de deux à trois siècles94.

Ces ouvrages étaient élaborés par des écritures différentes. On utilisait parfois le charbon et parfois des plumes en rosier. Plusieurs détails étaient respectés dans la taille des plumes. Les changements de ligne s’appelaient « qalam » et le père des « qalam » était « qalam djalil »95.

L’enseignement du savoir exigeait des centres aussi bien pour les étudiants que pour le repos et l’étude. Au début, ce type de centre n’existait guère. Ce n’est qu’après plus de trois siècles et face à la nécessité qui se faisait sentir que ces centres ont vu le jour. Contrairement aux dirigeants d’autres branches de l’Islam, les savants chiites, surpassant les restrictions qui leur étaient propres, ont été les premiers à fonder des écoles religieuses. Au début, ils utilisaient leur propre demeure ou les mosquées pour dispenser leurs enseignements. La restriction de certaines sciences, le manque d’intérêt des élèves, l’aspect secret du savoir, sa prohibition par des dignitaires d’autres courants de pen­sée, faisaient que l’enseignement des sciences se faisait plus particulièrement dans la demeure même des dignitaires. Cheikh Moufid et Cheikh Abu Ali Sina étaient parmi ceux qui préféraient enseigner chez eux96. Seyyed Razi

 

(359-406 A.H./969-1015) a été le premier à créer l’unique internat du monde musulman 80 ans avant Nezamieh à Bagdad97. Cependant, la tra­dition d’enseignement dans les mosquées, les bibliothèques, les boutiques des vendeurs de papier et les hôpitaux perdura même après la fondation de la première université chiite grâce à Cheikh Tussi en 448 de l’hégire (1056 ap.J-C).

L’apparition de centres tels que l’université de Nadjaf et la concentration des spécialités dans certaines villes comme les sciences littéraires dans les villes de Kufa et de Bassora, du hadith à Médine, des études philosophiques à Bagdad et au Caire, de la théologie et du hadith dans les villes de Najaf et de Qom, rendaient indispensable le voyage et le départ vers d’autres hori­zons qu’on appelait « Rahlé ». « Rahlé » était considéré comme un voyage sa­cré et faisait référence à une volonté d’acquisition de la science et d’abnéga­tion à l’égard des biens matériels. Il signifiait un abandon de soi-même pour la découverte des vérités. Il puisait sa source dans le Coran et bénéficiait du soutien spirituel des dirigeants religieux et des croyants.

Rahlé a vu le jour d’abord chez les chercheurs de hadith. Les quêteurs de hadith des Immaculés, commençaient leur recherche dès leur jeune âge en vue de réunir, d’entendre, d’écrire et citer les hadiths voyageant de nom­breuses années à travers les petites et grandes villes, se formant auprès de leurs maîtres et finissaient par rédiger leurs ouvrages. Ecouter le hadith auprès d’un maître pouvait parfois durer plusieurs années. L’expression « Tawaf al-Aqalim » (voyage intercontinental) et « Khatam Al-Rahalin » était attribuée à des personnes qui traversaient de l’est à l’ouest le monde islamique à la recherche des paroles du Prophète, les récits attribués à lui et aux imams im­maculés. Djaber Ibn Abdullah Ibn Amro Ibn Haram Ansari fait partie des disciples du Prophète qui a voyagé en vue de réunir les hadiths du Prophète. Il est réputé qu’il est parti de la Médine vers l’Égypte pour écouter un hadith du Prophète et ce voyage dura un mois.

Après l’élaboration des livres de hadith, la tendance à réunir les hadiths laissa la place à la quête du savoir. Les chercheurs des sciences religieuses, à l’instar des chercheurs d’or, quittaient leur demeure et recherchaient le savoir à travers les territoires islamiques. La culture islamique les encou­rageait à rechercher davantage les biens spirituels que les biens matériels.

 

Ces voyages duraient parfois plusieurs années. Les obstacles de la route, la présence des bandits et les intolérances des sectes religieuses les menaçaient en permanence. Nombreux ont été ceux qui, à la quête du savoir, ne sont jamais revenus vivants. Les villes qui avaient une importance religieuse et scientifique sont les lieux de sépulture des illustres savants provenant des divers territoires de l’Islam. L’étude des sépultures en est la démonstration.

 

Types d’enseignement

L’enseignement se fait selon diverses méthodes. A l’exception de certaines difficultés existant dans le système d’enseignement de l’époque, les mé­thodes d’enseignement peuvent se comparer avec les meilleures méthodes du monde civilisé actuel. Avant qu’un élève ne devienne un imitateur ou un relayeur de sciences, il devenait un critique scientifique. Ces enseignements peuvent être classifiés de manière générale : enseignement par correspon­dance et enseignement dans les écoles.

  1. Enseignement par correspondance

Une des méthodes d’enseignement dans les centres chiites consistait à formuler des questions écrites par correspondance entre les élèves d’une part et entre les élèves et leurs maîtres d’autre part. Dans ces correspondances, la question écrite sur papier était transmise par voyageurs ou par les caravanes d’un lieu à un autre. Les réponses passaient par le même chemin. Avec le temps, ces questions et réponses ont fait l’objet de plusieurs ouvrages comme Al-Massael El Al-Liassieh, Al-Massael Al-Haérieh, Al-Massael Al-Halabia, Al-Massael Al-Dameshqia. Les questions ne se limitaient pas à des domaines limités et portaient sur des sciences aussi vastes que la théologie, le hadith, l’interprétation, le kalam, la littérature, les mathématiques et l’astronomie.

  1. Formation dans les écoles

L’enseignement se faisait principalement dans les écoles. Les élèves en provenance des villes et des villages plus ou moins éloignés se réunissaient à l’école où le maître s’installait sur sa chaire. Les élèves, munis d’encrier et de plume, transcrivaient les paroles de leur professeur. Dans les grands cercles d’enseignement, il existait un ou plusieurs « Moeïd » (assesseurs) qui

 

répétaient les cours du professeur aux élèves. Les assesseurs étaient choisis parmi les personnes les plus cultivées et les plus perspicaces. Plus tard ces « moeïd »devinrent des répétiteurs de cours ou « Mokarer »98.

Une forme de l’enseignement s’intitulait « Moghabesseh ». Dans cette méthode, des cercles d’élèves étaient constitués. Les maîtres leur trans­mettaient leur cours et les élèves écrivaient les parties choisies des cours du maître. Avec les temps les « Moghabes » étaient réunis et mis à la dis­position des autres personnes. Al-Moghabessat d’Abarhayan Towhidi (414 A.H./1023), contenant 150 « Moghabesseh », est le résultat de ces réunions scientifiques. Tohidi a rédigé cet ouvrage en réunissant les discussions des penseurs et des extraits de leurs œuvres ainsi que les cours écrits par Abou Soleyman Mantéghi Sadjestani.

Cette forme d’enseignement, influencé par l’ère du hadith a traversé les trois étapes d’écoute (« Sama »), de lecture (« Gharaat ») et d’écriture (« Emla »). En dernier lieu, ces trois étapes ont été utilisées pour la transmis­sion des cours scientifiques.

  1. Ecoute (« Samâ »)

« Samâ » est une expression de la science du hadith et fut inventé par les citeurs de hadith. Ils racontaient un hadith dont ils étaient le dernier chaînon de la chaîne, tandis que le premier chaînon était constitué par celui qui l’avait entendu directement des Immaculés. Plus tard, « Samâ » dési­gnait l’écoute des cours auxquels l’auteur avait participé, écoutait l’enseigne­ment du maître et le retenait et après l’avoir répété plusieurs fois devant son maître, le transmettait à un tiers. Plus tard « Samâ » prit une signification plus large. L’élève se présentait devant le professeur qui écoutait sa lecture, résolvant les difficultés du livre et les questions posées.

  1. Lecture (« Qiraât »)

Comme le « Samâ », le « Qiraât » est également une expression des ci-teurs de hadiths avant d’être introduit dans d’autres sciences. La plupart des citeurs de hadith l’appelle « Arz » ou « Arzeh ». La méthode d’Eqrâ a abouti à l’élaboration d’ouvrages par les enseignants à l’intention des élèves que ces derniers lisaient avec l’aide de leurs maîtres. Dans la pratique cette action s’appelait « Qiraât».

 

« Qiraât » jouissait d’une grande importance auprès des auteurs ou des personnes autorisées par ces derniers. Car, utiliser un livre sans autorisation ou « Tashïf » était blâmable et ce terme avait une charge négative signi­fiant une faute. Par conséquent, il considérait comme erronée l’étude directe d’un ouvrage. Celui qui acquérait le savoir de cette manière était qualifié de « Sahafi »99.

C’est ainsi que le « Qiraât » (lecture) des livres importants devait s’effec­tuer chez les spécialistes. Lors de la lecture, le niveau d’emprise de l’élève à propos d’un texte scientifique ou scolaire était examiné, les difficultés de l’ouvrage surmontées et les fautes d’écriture corrigées. C’était plutôt le maître qui lisait et l’élève qui écoutait ; parfois c’était le contraire et le maître expliquait le texte. L’élève ne pouvait lire qu’après l’autorisation du maître qui, par la suite, entrait dans une discussion scientifique et critique avec son élève. Du fait que la lecture des ouvrages volumineux nécessitait beaucoup de temps, ce n’était que certaines parties de ces ouvrages, plus indispensables et plus difficiles qui étaient choisies à la lecture. Cette méthode a conduit à résumer de nombreux livres. La plupart de ce genre d’ouvrages était résu­mée par les auteurs eux-mêmes. Parfois c’était d’autres érudits qui s’en char­geaient. Talkhis Al-Shafï de Cheikh Tussi est le résumé d’Al-Shaf de Seyyed Mortéza (436 A.H./1044) et Talkhis Al-Mohassel de Khadjeh Nassir Eddine est le résumé d’Al-Mohassel d’imam Fakh Razi. Le « Tahrir » (rédaction) était la méthode utilisée à propos d’ouvrages anciens et incompréhensibles pour l’époque. Tahrir Eqlidos (Euclide) de Khadjeh Nassir Eddine Tussi en est l’exemple.

Le résumé des livres scolaires faisait qu’il devenait nécessaire de les com­menter en marge. Progressivement ces écritures en marge et ces gloses aug­mentaient le volume de certains chapitres, prolongeaient la discussion et développaient des sujets secondaires. Certains livres scolaires ont connu, avec le temps, plus d’une centaine de commentaires et de compléments. L’intention de ceux qui les écrivaient était moins de faciliter la compréhen­sion que de mettre en valeur leur propre savoir, se faisant ainsi une renom­mée, permettant ensuite d’occuper des rangs scientifiques plus élevés au sein des anciens centres d’enseignement théologique.

 

La lecture du livre dépassait parfois le cadre du pur enseignement et se transformait en un traité général permettant ainsi à la population d’avoir une largesse d’esprit quant aux questions religieuses. Imam Moëiz, un sou­verain fatimide d’Egypte, a ordonné à Ghazi Noâman de lire un livre chaque vendredi, lors des réunions qui se tenaient à la cour du calife. Lors de cette lecture, l’affluence de la population était si grande que plus personne ne pouvait pénétrer dans la salle et le public ne pouvait plus entendre la lecture. Ces réunions étaient surnommés « les réunions de philosophie Tawilia ». Des réunions d’enseignement et de discussion séparées étaient organisées pour les princes, les fonctionnaires, les voyageurs et les serviteurs. Les femmes avaient également leurs propres réunions100.

 

  1. Rédaction

Cette expression a également été inventée par les citeurs de hadith, puis introduite dans les autres sciences. Selon les écrits du chiisme et de certains savants sunnites, le premier ouvrage de hadith a été celui de l’imam Ali avec l’écriture du Prophète101.

« Emlà » se propagea après « Samâ ». La différence résidait dans le fait que le maître n’attachait guère d’importance à l’écriture des textes par l’élève, ce qui lui importait consistait à faire apprendre le hadith ou les éléments scien­tifiques, historiques ou littéraires n’usant de sa mémoire ou de ses propres notes. Les élèves écoutaient leur maître et certains écrivaient ses propos. Or, pendant les réunions d’« Emlà », l’usage était que le discours étaient pro­noncé par cœur et avec des mots exacts et les élèves écrivaient avec précision ce qu’ils entendaient. Si la réunion était importante et les élèves nombreux, on utilisait des « Mostamali » qui dictait les propos du maître à des élèves installés trop loin.L’ensemble des discours prononcés sous forme d’« Emlà », s’appelait « Amali » ou « Majales ».

Dans Kash al-Zonoun, chapitre premier, Tchalabi écrit : « « Amali » est le pluriel d’« Emlà » et signifie que le maître s’assied et les élèves l’entourent munis de papier et de plume. Le maître parle de ce que Dieu lui a permis de connaître et les élèves écrivent, et ces écritures deviennent des livres. Ce livre s’appelle « Emla » ou « Amali ». Cela a été la méthode des ancêtres en matière de théologie, de hadith, de la littérature et d’autres sciences. »

 

Depuis que les sources du savoir a tari chez les musulmans et l’imitation a remplacé la recherche, c’est-à-dire à partir d’environ la fin du cinquième siècle, « Emlâ » fut abandonné. Pour Tchalabi, la raison en a était l’exil du savoir et des savants. Les savants chafiites appellent « Taâliq » le « Amali ». Parmi les chiites, il était plus fréquent dans l’enseignement du hadith et de la littérature. Dans Al-Zariah Agha Boeorg Téhérani écrit : « « Amali » est surtout le titre de certains ouvrages de hadith. La particularité de ces ou­vrages est que le maître les a dictés de mémoire ou de son ouvrage et l’élève l’a écrit ». L’« Amali » était plus particulièrement classifié à partir des séances de « samâ » et c’est pourquoi il est également appelé « Majales » ou « Arz al-Ma-jales ». L’exactitude de l’« Amali » est égale à celle des sources authentiques surtout si le maître l’a dicté à partir de son ouvrage corrigé ou de mémoire ferme. La culture de celui qui écrit accroît la crédibilité du livre « Amali ».

Amali de Cheikh Sadouq est le plus ancien « Amali » dont nous dis­posons. Cet « Amali » contient 97 réunions. La première réunion date du 18 Rajab 367 A.H./977 et la dernière, le jeudi 11 Cha’ban 368 A.H./978. L’écriture de cet « Amali » a été terminée à Mashhad. En matière d’ancien­neté, après XAmali de Cheikh Sadouq, se situe XAmali de Sheikh Mofid. Cet ouvrage contient 42 réunions, chaque réunion portant sur les hadiths des Immaculés en matière de ce qui est obligatoire et conseillé, la morale, la philosophie et des sujets littéraires. La première réunion date 1er Ramadan 404A.H./1013 à Madinat Al-Islam à Bagdad en la demeure de Zamrat Abi Al-Hassan Ali Ibn Mohammed Ibn Abd Al-Rahman Al-Farsi et la dernière réunion, le 27 Ramadan 411 de l’hégire. L’élève de Sheikh Mofid, Charif Mortéza avait également un « Amali ».

MAmali de Cheikh Mortéza a été rédigé à Bagdad et comprend des cours portant sur l’interprétation, le hadith et la littérature. MAmali de Cheikh Tussi a été réuni grâce aux efforts de son fils Cheikh Abi Ali connu sous le nom de Moufid Sani. 27 parties de XAmali de Sheikh Tussi portant l’écriture de Cheikh Hossein Ibn Ratbeh, étaient gardées par Seyyed Ibn Tawoos qui les a racontées de son père, celui-ci de Sheikh Hossein Ibn Rabteh, celui-ci de Cheikh Abi Ali et ce dernier de son père Cheikh Tussi.

Au début de chaque « Majles » on peut lire : « Mohammed Tussi va nous parler ». « Amali » et « Males » était plus courant chez les chiites ismaélites.

 

Parmi leurs œuvres on peut citer : Tarbiat Al-Mouminine, Maârefat Hodoud Al-Dine, Al-Majales Al-Mostansariah de Ghazi Abd al-Aziz Ibn Mohammad Ibn Noâman, Al-Majales Al-Moayadieh de Seyyed Namouyeh Shirazi et Al-Hakameh d’Abou al-Barakat Ibn Bashar Al-Halabi.

 

L’obtention de diplôme

Les thèses d’études étaient appelées « Edjaza » (autorisation). Le verbe « Edjaze » est parfois transitif comme « Edjazat Masmouâti » et parfois en ajoutant la lettre « l » devient intransitif comme : Edjazat Riwayat Masmouâti. Dans le premier cas, le mot « Djawaz » signifie demande d’eau pour une terre aride et pour le bétail. De ce terme est issu également « Edjaza Chiêr », c’est-à-dire qu’une personne récite un vers d’un poème et demande à autrui de poursuivre le reste. Dans le second cas « Edjaza » signifie autoriser, per­mettre et consentir. Edjaza est accordé aux érudits en vue de reconnaissance de leur rang scientifique et signe de leur compétence. Edjaze est le label qui renforce la confiance dans les paroles et les écrits des savants, précisant leur tendance et leur rang.

Edjaza ne s’appliquait pas à une discipline particulière. Même dans le mysticisme et la contemplation philosophique on parlait de « Kherq » et d’« Edjaza ». « Edjaza » a fait sa première apparition dans les sciences du hadith avant de s’étendre, avec le temps, à d’autres disciplines. Dans les di­plômes d »Edjaza, le talent et la perspicacité de l’intéressé étaient pris en considération, de même que l’on ne négligeait guère ses voyages scienti­fiques, sa quête de la science, la quantité de ses « samâ » et de ses « Qiraât ». Concernant les attestations de degré scientifique, Mollah Abd Al-Ali Ibn Ahmad Ibn Saâd Eddine Mohammed Astarabadi Mohaqeq Karaki écrit : « Je l’ai rencontré à Astarabad, puis il est venu à Najaf et a consacré certaines années de sa vie à la quête des sciences théologiques, a lu peu d’ouvrages théolo­giques et a écouté beaucoup de livres ».

Le diplôme d »Edjaza n’était pas décerné spontanément. Pour obtenir un Edjaza qui ne soit pas un Edjaza honorifique, il fallait passer un examen ou du moins déceler avec précision le niveau de la connaissance du candidat. L’examen se déroulait parfois collectivement. LEdjaza de Cheikh Ali Karaki à Cheikh Baba permet de constater que ce dernier avait passé un examen

 

devant un groupe de savants et d’érudits. Cet examen portait sur l’ouvrage Erchad Al-Azhan Ela Ahkam Al-Iman d’Allama Hilli102.

Le diplôme d’Edjaza avait une large portée et était décerné dans toutes les sciences et matières religieuses, aussi bien des matières de culte que dans les domaines administratifs. Edjaze de divination ou de présage à l’aide du Coran était une nécessité, du point de vue de certains savants célèbres103. Edjaza de diriger la prière collective, Edjaza de se charger des affaires ju­ridiques, Edjaza de porter le manteau des soufis, Edjaza de prière, Edjaza de poésie, Edjaza de lire le Coran, Edjaza de raconter le hadith, Edjaza de relater un livre sont autant de types d’Edjaza. Nous rapportons ci-dessous les Edjaza concernant l’ijtihad, le récit de hadith et celui du livre :

  1. L’Edjaza d’ijtihad. Dans ce domaine, l’Edjaza confirme les capacités scientifiques et pratiques de la personne pour comprendre les aspects secon­daires des prescriptions religieuses à partir des sources principales. Celui qui obtient ce diplôme aura l’autorisation d’émettre son avis en ce qui concerne les aspects secondaires des préceptes religieux, de reconnaître l’exactitude d’un hadith, de distinguer « Nasekh » et « Mansoukh » (abrogeant et abrogé), de privilégier le particulier au général, d’analyser des données ou par l’in­termédiaire des préférables, donner raison à un parti dans un différend et émettre son fatwa (ordonnance religieuse). Peut-être le premier Edjaza a été celui accordé par l’imam Mohammad Bagher à Aban Ibn Taghlab (141 A.H./758) un de ses plus proches fidè L’imam Baqer a demandé à Aban : « Installe-toi à la mosquée de Médine et donne tes fatwa pour la population. J’aime que parmi mes fidèles se trouve quelqu’un comme toi »104.
  2. lEdjaza de citer des hadiths : C’est une des méthodes d’acquisition des hadiths qui, depuis longtemps, avait cours parmi les savants imamites. Parmi les premiers Edjaza de citer les hadiths on peut citer l’imam Sadeq qui avait ordonné à un de ses fidèles : « Rends-toi chez Aban Ibn Taghlab. Il a entendu beaucoup de hadiths que j’ai cités. Tout ce qu’il citera de moi, cite-le toi-même ». Dans le cas de lEdjazeh du hadith, le plus souvent on le remonte jusqu’à un des grands érudits et on l’arrête à lui. Le détenteur du di­plôme d’Edjaze remonte ses sources jusqu’au rang de Chahid Al-Thani ou de Chahid Al-Awal ou de Cheikh Tussi sans nommer les intermédiaires ;

 

étant donné que les aptitudes des grands savants sont indiscutables, il n’y a plus besoin de les citer.

  1. C) L’Edjaza de citer un livre : XEdjaza de citer un livre est un document authentique qui certifie la véracité de l’attribut d’un livre à son auteur. La plupart des écrivains attribuaient ce diplôme à celui qu’ils savaient à l’abri de l’erreur et qui éviterait toute falsification du contenu. La plupart de ces au­torisations étaient inscrites au début ou à la fin des ouvrages qui en faisaient l’objet. La plupart des autorisations se terminaient par le mot « Enhaâ » qui signifiait la fin de la lecture du livre.

A partir du deuxième ou troisième siècle de l’hégire, la plupart des sa­vants apprenaient les œuvres scientifiques et illustres auprès de leurs auteurs et de ceux qui en avaient obtenu l’autorisation et c’est après qu’ils obtenaient eux-mêmes l’autorisation de les citer. La plupart des œuvres qu’on rencontre dans les autorisations chiites sont celles de Cheikh Tussi, Cheikh Moufid, Seyyed Mortéza, Seyyed Razi, Cheikh Sadouq, Koleyni, Khadjeh Nassir al-din Tussi et Allama Hilli. Aussi, à la tête de ces autorisations se trouvaient les plus éminentes personnalités scientifiques, les théologiens, philosophes, hommes de lettres, commentateurs, etc. C’est ainsi que la grande majorité des autorisations ont été accordées soient par les auteurs eux-mêmes ou à travers les maillons d’une chaîne. Dans le cas contraire, celui qui transmet­tait une œuvre perdait sa crédibilité scientifique et était soupçonné de né­gligence.

Selon Agha Bozorg Téhérani, le plus ancien Edjaze dont nous dispo­sons date de 304 A.H./916. Cet Edjaza avait été accordé par Mohammad Ibn Abdullah Ibn Jaâfar Homeyri à Abou Amer Saïd Ibn Amro concernant l’ouvrage Ghorb Al-Islam. Dans cette autorisation, Homeyri a écrit : « Je t’ai autorisé, ô Abou Amer Saïd Ibn Amro, de citer ce livre de moi-même, de mon père, d’Abou Bakh Azdi et Saïd Ibn Moslem ».

Et il a ajouté à la fin : « Mohammad Ibn Abdullah Jaâfar Homeyri, de sa propre écriture, l’a écrit au mois de Safar 304A.H./916 ». LEdjaza donné par l’auteur de l’ouvrage est précieux. C’est pourquoi, ceux qui deman­daient de l’obtenir tenter de l’avoir auprès des auteurs eux-mêmes. Parfois, on trouve une liste dans les pages du début ou de la fin du livre comportant

 

les noms des personnes qui ont lu le livre devant l’auteur et avait obtenu l’Edjaza avec le nombre de « Majles » auxquels ils avaient participé.

L’auteur inscrivait dans son livre le nom de tous les personnes ayant obtenu l’autorisation. Cela était reflété dans les exemplaires que ceux qui obtenaient l’Edjaza écrivaient pour eux-mêmes. Après la lecture et son exac­titude, cet Edjaza était répété et le maître attestait de l’exacte lecture. On l’appelait « Monawel » qui comportait trois formes : ou il accompagnait l’Edjaza et la présentation de l’exemplaire original du la copie confirmée du livre, ou avec l’Edjaza mais sans la présentation du livre ou, enfin, sans l’Edjaza. Par le biais de « Monawel », les ouvrages importants étaient ressus-cités et on empêchait leur falsification. Ce système perdura jusqu’à l’appari­tion de l’imprimerie.

Le besoin des chercheurs et leur attachement à l’obtention de l’Edjaza faisait que les savants illustres, organisaient des réunions, après l’apparition de leurs œuvres, durant lesquelles ils lisaient leur ouvrage à ceux qui s’étaient déplacés de près ou de loin. Cette méthode était également un moyen de propagande et de reproduction pour leurs œuvres.

Mohaghegh Hilla, auteur de Charayë Al-Islam, enseignait ce livre à Hilla. Après la conquête de Bagdad par Hulagu, Khadjeh Nassir Eddine Tussi lors d’un bref voyage à Hilla, a participé aux cours de Mohaqeq et a écouté la lecture d’une page de Sharrayë par l’auteur. Selon Shoushoutari, la lecture portait sur la discussion concernant le « qebla »105.

On peut lire dans l’Edjaza de Ghotb Eddine Allama Chirazi (410 A.H./1019) accordé, de son propre écriture, à Abu Bakr Mohammed Ibn Abibakr Tabrizi : « Ababkr Mohammad Ibn Abibakr Tabrizi ayant acquis le commentaire Hekmat Al-Sharg et auparavant le commentaire Eshârat et une partie des généralités de Qanoun et a écouté la lecture par moi-même d’une partie de Djawamê Al-Ossoul fi Ahadith Al-Rassoul, m’a demandé de l’autoriser à citer tous mes écrits en matière de sciences rationnelles et traditionnelles, ainsi que ce que j’ai entendu et les livres que j’ai lus et les récits de hadith que j’ai effec­tués et tout ce qui m’avait été autorisé et ce que j’ai obtenu par Monaveleh et don, autant les commentaires, les hadiths, les informations, les œuvres et les poèmes, conformément aux conditions en cours chez les citeurs, sans commentaire, falsi­fication et transformation »106.

 

Dans certains Edjazat, chacun des ouvrages que la personne autorisée pouvait citer a été marqué en détail et avec précision. Cheikh Mohammad Ibn Abi Djamhour Ehsaï, écrit dans son Edjaza, donné vers le début du dixième siècle à Cheikh Rabiât Ibn Djomât Al-Ara Al-Ebadi al-Jazayeri : « Cheikh Rabiâ lui a fait lecture des livres suivants : Nahayat Al-Maram, Al-Tahzib, Mabadi Al-Wossoul, Al-Tanghih, Isah al-Ghavaed, Al-Ghavaed, Al-Tahrir, Charh Al-TajridMin Al^-Kalam, les affaires publiques Al-Mawaghef Sharh al-Tavale’Esfahani, le premier volume de Majma’al-Bayan de Tabressi, Khalaf et Nahaye et deux ouvrages de poèmes et le libre Rijal et Charh Meftah de Seyyed et Motavval. Abi Djamhour a fait éloge de la capacité de compré­hension et de la sagesse de Cheikh Rabiê et affirme : « Il a résolu toutes les difficultés rencontrées dans ces œuvres auprès de moi-même et il ne lui reste plus d’obstacles à franchir »107.

Parfois une personne obtenait l’Edjaza par plusieurs biais et grâce à di­verses sciences. La plupart des Edjazat relèvent le rang scientifique de la personne qui le détient. Cheikh Abi Djamhour cite dans « Awali Al-Léali la lignée de ses autorisations et écrit : « Il a obtenu son Edjaza par sept biais » et il cite alors chacune des lignées de ses Edjazat »108. Parfois l’Edjaza de réciter un ouvrage, englobait outre l’ouvrage lui-même, ses annotations et ses parties connexes. L’Edjaze de Cheikh Mohammad Ibn Ali Djamhour Ahsaï à Seyyed Mohsen Ibn Mohammad Razi Qomi Mashhahdi (931 A.H./1524), émis à Mashahd, démontre que cette méthode était en cours durant le neuvième et le dixième siècles. Selon cet Edjaza, Seyyed a entendu auprès du Cheikh la lecture de l’ouvrage Awali al-Léali al-Aziziya fi Al-Hadith Al-Diniya et a obtenu l’Edjaza de le citer avec les annotations et ses écritures en marge. Abi Djomhour insiste sur le fait que le « samâ » est la meilleure méthode de citation et de compréhension109.

Dans ces Edjazat, on ne trouve guère des ouvrages de mathématiques, d’histoire, de géographie et de mysticisme. Peut-être le danger de falsifi­cation et de destruction des œuvres de kalam et de sciences spécifiques au chiisme et l’utilisation de ces œuvres en tant que manuels d’enseignement avaient fait qu’une attention était portée en vue de préserver ces textes.

 

Collecte des Edjazat

Avec le temps et l’augmentation du nombre des Edjaza, certains cher­cheurs, en particulier des personnes qui détenaient des bibliothèques et des ouvrages manuscrits ont été tentés à rassembler ces autorisations dans des collections. Ces recueils reflètent les efforts permanents des savants religieux, l’authenticité de leurs œuvres, les rangs des savants et les sources qu’ils nous ont léguées.

Parmi les premiers à avoir collecté les Edjazat, il faut citer Seyyed Razi Eddine Ali Ibn Tawoos (664 A.H./1265). Son ouvrage s’intitule Al-Edjazat le Kashf Torogh Al-Mojazat Fimayahsa Min Al-Edjazat. Dans Al-Zariê110, Agha Bozorg Téhérani cite les œuvres des savants chiites dans le chapitre consacré à Edjazeh, et répertorie 600 cas réunis sous le titre « Al-Edjaza » ou « Ketab Al-Edjazat ». Parmi ceux qui ont réunis les Edjazat après Seyyed Ibn Tawwoos, on peut citer : Chahid Al-Awal (786 A.H./1384), Cheikh Zeyn Al-Abédine Chahid Al-Thani, Ibrahim Ibn Mohammed Ibn Mohammed Ibn Ali Ibn Ahmad Harfoushi Améli (1080 A.H./1669), Allama Majlessi (1110 A.H./1698), Cheikh Horr Améli (1104 A.H./1692), Seyyed Ezzeddin Hossein Ibn Heydar Qomi Hosseyni Karaki, Ahmad Ibn, Zeyneddine Ahsaï (1241 A.H./1825), Seyyed Mohammad Bagher Ibn Mohammad Taghi Moussavi Esfahani (1260 A.H./1843), Mirza Mohammad Bagher Ibn Allameh Cheikh Mohammad Taghi connu sous le nom d’Agha Nadjafi Esfahani.

 

La morale scientifique

Les savants chiites, en quête du savoir, n’avaient aucune retenue à utiliser les sources sunnites, bien au contraire, ils les citaient et les propageaient. Dans son Edjaze à Ghazi Safi Eddine Issa, Mahaqeq Karaki écrit : « Nos ancêtres ne se retenaient pas à utiliser les sources des sunnites car ils y trouvaient les traces de la Vérité

C’est ainsi, que certains savants chiites ont obtenu l »Edjaze des sunnites. On peut ainsi citer l’Edjaze obtenu par Chahid Mohammed Ibn Makki auprès de Sheikh Mohammad Ibn Youssef Shams al-Aémeh Kermani Gharashi Chaféï (758 A.H./1356)112. Il a appris auprès de Kermani trois ouvrages d’Azod al-din Abd al-Rahman Idji, Al-Mavaghef Al-Soltaniyeh, Al-FavaedAl-Ghiassieh et le résumé du commentaire Al-Montaha va al-Kavashef fi Sharh Al-Mawaqef13.

 

Il avait appris la théologie, le hadith, la philosophie et les mathématiques au­près de 16 savants sunnites114. Le contraire était également vrai. Certains théo­logiens et savants chiites enseignaient dans les centres scientifiques sunnites. Cependant, durant certaines époques, la montée des fanatismes empêchait ces relations. Abu Al-Hassan Ali Ibn Mohammad Fassihi (516 A.H./1122) était un illustre enseignant de l’école Nédhamia à Bagdad dont les fanatiques n’ont pas supporté sa présence et ont agi afin qu’il en soit expulsé115.

Dans l’Edjaze donné par Allama Hilli à Bani Zohreh Hilli, des ouvrages généraux comme Sahih Bokhari, Mowatta de Malek Ibn Enas, Al-Nokt fi Êjaz al-Qurân de Hassan Ali Ibn Issa Ramani Nahvi, Sonan Abi Davood et d’autres ouvrages ont été cités. A cette époque, les commentaires, les livres littéraires, théologiques et de kalam des sunnites étaient largement utilisés par les sa­vants chiites. Dans VEdjaze donné en 713 A.H./1313 par Allama Hilli à Qotb Eddine Razi à propos de QawaedAl-kalam, il a indiqué que ce dernier avait lu ce livre en sa présence et avait réussi à en surmonter les difficultés116. Cheikh Chams Eddine Mohammad Ibn Makki Améli (Chahid Al-Awal) avait obtenu à Damas en 768 A.H./1366 auprès de Qotb Eddine Razi l’Edjaze de citer l’ensemble de ses écrits spéculatifs et traditionnels.

Les œuvres de Qotb Eddine, parmi lesquelles Al-Ghavaed Al-Manteqia fi Charh al-Ressalat Al-Chamsiyah connu sous le nom de Al-Ressalat al-Qotbiya, Al-Mohakemat, Lawamê Al-Asrar fi Charh Matalê Al-Anvar ont constitué jusqu’à l’époque contemporaines les livres d’enseignement des centres théolo­giques en matière de philosophie et de la logique.

Dans l’Edjaze détaillé de Cheikh Ali Ibn Abd Al-Ali Karaki à Cheikh Ali Ibn Abd Al-Ali Missa et son fils Cheikh Ibrahim, il a été indiqué qu’il était un des érudits sunnites dans diverses sciences et techniques. Il avait l’Edjaze de citer les ouvrages fondamentaux sunnites comme Sahih Bokhari, Moslem, Sounan d’Ali Dawood Sadjestani, Djamê de Tarmazi, Ibn Hayyan, Nassaï, Moatta de Malek Ibn Enas, Masnad Ahmad et Masnad Darghotna, Mostadrak de Hakem Abi Abdullah Neyshabouri et Massabih d’Abi Al-Hassan Baqavi. Dans la science de lecture il cite Manzour de Chatebi, Mashhourat Mossanafat de Cheikh Djazri, Saheb Al-Taghrib et en matière de lexique Sahih d’Es-maïl Ibn Hemad Djohari, Al-Djamhareh d’Abi Bakr Ibn Darid Azdi et Al-Gharibine Mehravi117.

 

Nadjaf a joué un rôle important dans la lutte anticoloniale du XIXe et XXe siècle pour l’indépendance de l’Irak contre les Britanniques après la dis­location de l’empire ottoman. La crédibilité du centre culturel et théologique du chiisme était la base directive de cette lutte anticoloniale. La présence d’un grand nombre de savants et de théologiens à Nadjaf venant d’horizons et de territoires divers préparait le terrain à une diversité unifiée qui octroie à l’hé­ritage de la culture et de la civilisation de l’Islam une richesse grandissante. Comparée à d’autres villes culturelles, Nadjaf égale Athènes en Grèce, et le Vatican en Italie et son champ d’influence dans les territoires islamiques riva­lise avec le Caire et Beyrouth. Sans doute en Afrique et en Asie, il existe de nombreuses villes marquées par les Sciences islamiques, fruit des efforts des peuples dans les territoires conquis par l’Islam. Or, Nadjaf où sont enracinées ces sciences depuis un millénaire semblent avoir bien ressuscitées et entamer une renaissance particulière.

 

 

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Chahid Mohebbi.

 

Notes

  1. Kamaréi, Pensée chiite, N° VII.
  2. ParvizVarjavand, La terre de Qazvin, 89.
  3. Al-Zariat, 21, p. 375.
  4. Yaqout Hamavi, Almojam Al-Boldan, Beyrout, Dar Al-Sader, 1957.vol. 2, p. 342.
  5. Chahid Salehi, 1996, p. 281.
  6. Chebli, p. 100.
  7. Chahid Salehi, Al-Shirazi, 224.
  8. Modaressei, p. 60.
  9. Chahid Salehi, Al-Modjaddad Chirazi, p. 216.

 

  1. Chahid Salehi, 1987, op.cit., p. 190.
  2. Velayati, vol. 2, p. 1196-1246.
  3. 17, p. 140.
  4. 5, p. 300.
  5. 1, p. 171.
  6. 6, p. 325.
  7. 333.
  8. 5, p. 499.
  9. 309.
  10. Zahabi, vol. 1, p. 5.
  11. p. 276 et suivantes.
  12. 7, p. 249.
  13. 5, p. 189.
  14. 4, p. 59, p.170.
  15. 9, p. 435)
  16. 5, p. 446)
  17. Traduction de l’arabe du texte orignal.
  18. Chahidi Salehi, vol. 4, 1994, p. 470-74.
  19. Amin Améli, vol. 1, p. 668.
  20. Agha Bozorg Tehrani, vol. 15, p. 18,dont sept œuvres des Aâyan Al-chi’a , 1, p. 669 et suivantes du même auteur.
  21. Nadjachi, vol. 1, p. 61. Sadr, p. 310.
  22. Haéri, 1996, p. 402.
  23. Nassiri, 1993, p. 68. Chahidi Salehi, 1996, op.cit., p. 154 et suiv.

 

  1. Nadjachi, vol. 1, p. 139.
  2. Chahidi Salehi, 1987, p. 135 et suivant. Idem, 1996, p. 436-479.
  3. , p. 384 et suiv.
  4. Chahidi Salehi, 1987, p. 344. (Traduction de l’arabe du texte original).
  5. Haéri, 1987, vol. 1, p. 379, 472.
  6. cit. p.74.
  7. Chahidi Salehi, 1994, p. 26-27.
  8. Yaqout Hamavi, vol. 2, p. 342.
  9. Ibn Djozi, vol. 16, p. 16.
  10. Chahidi Salehi, Al-Cherik Tussi, 199.
  11. Chahidi Salehi, idem, p. 223.
  12. Agha Bozorg Téhérani, Noqaba Al-Bachar, 1, p. 358.
  13. 5, p. 543.
  14. 4, p. 544.
  15. 3, p. 158.
  16. Chahabi, vol. 3, p. 448.
  17. Idem, Vol. 5, p. 536.
  18. Idem, Vol. 5, p. 546.
  19. Idem, Vol. 5, p. 548.
  20. Zaryab Khoeï, 1987, p. 404.
  21. Agha Bozorg Téhérani, vol. 5, p. 225.
  22. Chahid Salehi, « Ibn Barradj », p. 309.
  23. Azkaï, 1993, Vol. 2, p. 281. s
  24. Agha Bozorg Téhérani, vol. 9, p. 384.
  25. Idem, Vol. 3, p. 414.
  26. Idem, Vol. 5, p. 160.
  27. Idem, Vol. 3, p. 414.
  28. Chahidi Salehi, 1996, vol. 5, p. 311. Amin Améli, p. 255.
  29. Amin Améli, op.cit., p. 341.
  30. Ibn Hajar, Vol. 1, p. 260.
  31. Ibid, p. 216.
  32. Ibid, Vol. 4, p. 132.
  33. Ibid, p. 34.
  34. Chahidi Salehi, 1996, vol. 3, p. 459, idem, 1996, vol. 5, p. 529.
  35. Idem, Vol. 1, p. 354)

 

  1. Chahidi Salehi, Al-Majlessi, 216.
  2. Choushtari, ibid, p. 92.
  3. Ibn Hajar, vol. 3, p. 404.
  4. Traduction de l’arabe du texte en original.
  5. Hosseini, 1993, vol. 2, p. 161.
  6. Chahidi Salehi, vol. 1, p. 158 et suivant.
  7. Al-Farabi, 1969. Al-Farabi, 1997.
  8. Ibid, p. 402.
  9. Ibn Khaldoun, Les Prolégomènes, 425.
  10. Sourate Al-Qasas, verset 77.
  11. Yaqout Hamavi, « Dictionnaire géographique », 99-130.
  12. Chahid Al-Thani, p. 386-388.
  13. Chahid Al-Thani, p. 386-388.
  14. Sadr, 2004, p. 40.
  15. Nadjashi, p. 32 ; Modaressi, p. 50.
  16. Idem, p. 27.
  17. Améli,10, p. 37.
  18. Chirazi, Introduction, 43.
  19. Motahari, p. 575-576.
  20. Naâmmi, Améli, vol. 10, p. 21.
  21. Ibn Khaldoun,op.cit., vol. 2, p. 1021.
  22. Sourate Al-Baqara, versets 282-283.
  23. Al-Sabaï, p. 99.
  24. Khansari, p. 296.
  25. Ibn Asir, vol. 6, p. 20, 209.
  26. Idem, vol. 6, p. 21.
  27. Rey Bastan – Rey antique, vol. 1, p. 548 ; Yaqout Hamavi, vol. 2, p. 315.
  28. Dehkhoda, vol. 11, p. 15 631 ; Ibn Nadim, p. 13.
  29. Ghafti, p. 42.
  30. Ali Davani.
  31. Ghanima, 326.
  32. Djahez, Le livre de l’ordre des chanteurs, 178.

 

  1. Seyf Azad, p. 30.
  2. Sadr, p. 279.
  3. Idem, p. 58.

 

  1. Zarabadi, p. 154.
  2. Chobeyri Zandjani, numéro 7/10.
  3. Choushtari, vol. 2, p. 205.
  4. Ravandi, p. 55-56.
  5. Majlessi, vol. 105, p. 13-14).
  6. Idem, p. 7-13.
  7. Idem, p. 5-6.
  8. 1, p. 130-266.
  9. Idem, vol. 4, p. 79-80.
  10. Idem, vol. 4, p. 183.
  11. Idem, vol. 4, p. 183.
  12. Mirza Mohammad Tonékaboni, p. 259.
  13. Yaqout Hamavi, op.cit., Vol. 4, p. 322.
  14. Majlessi, Vol. 104, p. 109-140.
  15. Idem, vol. 105, p. 48.
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